Les vieux avions de brousse ne meurent jamais, ils ne font que s’effacer doucement : Quelques lignes, d’accord, plusieurs lignes sur la remarquable carrière d’un « cargo volant / wagon volant » Junkers Ju 52 nommé CF-ARM, partie 3
Bienvenue à nouveau, ami(e) lectrice ou lecteur, et mille excuses. Votre humble serviteur ne se souvient que trop bien de ma déclaration de décembre 2022 selon laquelle je m’efforcerais par la présente et ci-devant de vaillamment essayer d’être plus bref dans mes péroraisons. J’avais, cependant, préfacé cette déclaration en affirmant que les résolutions pour la nouvelle année peuvent être (ont tendance à être?) éphémères. Eh bien, maintenant vous en avez la preuve. D’où les excuses.
Maintenant, où en étions-nous? Ah oui. Le Junkers Ju 52 de Canadian Airways Limited de Montréal, Québec, est en réparation, dans un hangar on l’espère, à Winnipeg, Manitoba. C’est l’automne, et l’année est 1932. Partons de là.
Alors que les jours se transforment en semaines, les problèmes de moteur récurrents de CF-ARM ne s’atténuent pas. Nenni. De fait, le directeur général et contrôleur de Canadian Airways, Wilfred Carl Sigerson, décrit l’aéronef comme un éléphant blanc dans une lettre / mémorandum adressée au président de la firme, James Armstrong Richardson.
En mars 1933, la situation s’est tellement aggravée qu’une note est envoyée à Sigerson et au secrétaire-trésorier de Canadian Airways, George Chipman Drury. Réparer encore et encore le moteur BMW VII s’avère coûteux, et pendant que ces réparations ont lieu, l’aéronef ne rapporte pas d’argent. Laissant de côté les dollars et sous, on ne peut écarter la possibilité qu’une panne en vol puisse conduire à une tragédie. Canadian Airways a eu de la chance jusqu’alors, mais cette chance va s’épuiser tôt ou tard.
Sachant cela, concluent les auteurs de la note, le Ju 52 doit être gardé au sol et des efforts doivent être déployés pour trouver et obtenir un moteur plus fiable. La direction de Canadian Airways respecte ces recommandations. Le firme examine apparemment 4 moteurs et parvient à la conclusion qu’un moteur britannique, le moteur en V refroidi par liquide Rolls-Royce Buzzard, est la meilleure option à long terme. Entre-temps, la firme commande des pièces de moteur en Allemagne et espère pour le mieux.
Une fois équipé de ces nouvelles pièces, le Ju 52 est jugé opérationnel en juin 1934, et non, il ne semble pas beaucoup voler entre octobre 1932 et cette date. Ayoye…
Fin août 1934, le moteur de CF-ARM subit encore une autre panne, au lac Collins, dans le nord-ouest de l’Ontario. Une firme américaine semble disposée à concevoir des pièces améliorées, mais la direction de Canadian Airways en a assez. Le moteur en V refroidi par liquide BMW VII du Ju 52 serait remplacée par un Buzzard, et…
Avez-vous une question, ami(e) lectrice ou lecteur? Compte tenu des températures glaciales dans les régions nordiques du Canada, un moteur refroidi par air aurait-il été préférable? Après tout, s’il est vrai que l’eau du radiateur du Buzzard peut geler la nuit si elle n’est pas protégée, l’oxygène et l’azote de notre atmosphère ne se transforment en solides qu’à -219 et -210 degrés Celsius (-362 et -346 degrés Fahrenheit), des températures qu’il est peu probable de rencontrer même au pôle Nord, ou au pôle Sud.
Vous soulevez un bon point, ami(e) lectrice ou lecteur averti de la météo, tout comme vous l’avez fait dans la première partie de cet article. La vérité est que, encore une fois, je ne peux pas dire pourquoi un moteur refroidi par liquide est choisi. Ceci étant dit (tapé?), une combinaison de puissance, disponibilité et coût est tout à fait probable, mais revenons à notre histoire.
Canadian Airways contacte en bonne et due forme Rolls-Royce Limited pour se faire dire que la fabrication d’un seul moteur pour propulser son Ju 52 n’est pas économique. La firme britannique serait bien sûr ravie de fabriquer ce moteur si le Air Ministry britannique décide de commander des Buzzard. En fin de compte, ce ministère n’a pas une telle intention. Ajoutant l’insulte à l’injure, le Air Ministry ne souhaite pas vendre un des Buzzard qu’il a en stock à Canadian Airways. Même une lettre au chef d’état-major de l’air, le maréchal en chef de l’air sir Edward Leonard Ellington, ne suscite pas de réponse favorable.
La firme finit par apprendre que quelques Buzzard peuvent être trouvées dans l’Allemagne nationale-socialiste et c’est là qu’elle achète le moteur dont elle a tant besoin, en 1935. Le dit moteur peut, je répète peut, avoir coûter 37 000 $, soit plus de 775 000 $ en devises 2023. Vous vous souviendrez bien sûr, singe nu futé que vous êtes, que Canadian Airways a déboursé la somme princière de 72 500 $ pour son Ju 52 en 1931, ce qui correspond à près de 1 350 000 $ en devises 2023.
Comme vous pouvez bien l’imaginer, la conception d’un nouveau support moteur pour un seul aéronef volant au Canada n’est pas une grande priorité pour Junkers Flugzeugwerke Aktiengesellschaft. Après tout, à l’époque, la firme assemble des bombardiers bouche trous Ju 52/3m pour l’armée de l’air allemande, ou Luftwaffe. Elle développe également le bombardier en piqué Ju 87. Remarquez, la livraison tardive du moteur de CF-ARM n’aide pas non plus.
CF-ARM obtient apparemment son moteur au plus tard en février 1936. Et oui, il y a initialement quelques problèmes avec le Buzzard allemand. En plus de cela, un ou quelques composants de la jambe gauche du train d’atterrissage lâchent ce même mois, lors d’un atterrissage d’entraînement à Winnipeg. L’affaissement de cette jambe cause de graves dommages à l’aile gauche. Et oui, un composant de cette même jambe a lâché en mai 1932.
Une fois réparé, cependant, CF-ARM perd progressivement son statut d’éléphant blanc. De fait, il devient sans doute le plus important générateur d’argent de Canadian Airways, pour un temps. Quelques exemples de ses réalisations suffiront.
Incidemment, Canadian Airways peut avoir trouvé au moins deux Buzzard additionnels en Angleterre en 1937-38. Ils sont rapidement expédiés au Canada, juste au cas où, mais revenons aux réalisations de CF-ARM et de son équipage.
Au début de 1936, Canadian Airways et Argosy Gold Mines Limited de Toronto, Ontario, signent un contrat selon lequel le transporteur aérien s’engage à transporter des centaines de tonnes métriques / impériales / américaines de fournitures et équipement, surtout du mazout à première vue, au lac Casummit, dans le nord-ouest de l’Ontario, et cela avant l’englacement. Le dit carburant est destiné aux générateurs diesel nécessaires au fonctionnement d’une mine d’or. CF-ARM est une des quelques machines de Canadian Airways impliquées dans ce pont aérien, qui a eu lieu entre juin et septembre. Incidemment, l’aéronef est basé à Gold Pines, Ontario, sur la rive d’un lac / réservoir artificiel, le lac Seul.
Le pont aérien de Casummit Lake est la plus grande opération de ce type entreprise en sol canadien jusqu’à ce moment-là. Le Ju 52 se révèle tout simplement inestimable, malgré des problèmes mineurs avec son nouveau moteur. De fait, certains tests effectués au lac Seul peuvent ne pas être pleinement satisfaisants.
Croiriez-vous que les voyages fréquents rendus possibles par la distance relativement courte entre le lac Casummit et les bases de Canadian Airways, à Gold Pines et Sioux Lookout, sur le lac Pelican, au Manitoba, transforment les dites bases en certains des aéroports les plus achalandés de la planète Terre – pour seulement quelques mois bien sûr?
À ce qu’il semble, à l’été 1937, CF-ARM et son équipage se rendent de nouveau dans la région de Gold Pines pour livrer le carburant dont les générateurs diesel de Argosy Gold Mines ont besoin pour faire fonctionner les choses. Remarquez, encore, pendant l’automne ou l’hiver, l’aéronef transporte également des centaines de tonnes métriques / impériales / américaines d’équipement dans la région du lac Pickle, qui est une autre région d’extraction d’or du nord-ouest de l’Ontario.
À la fin de décembre 1937, ou à un moment donné en janvier 1938, l’équipage du Ju 52 transporte un orgue de la communauté anichinabée de Blodvein, Manitoba, sur la rive est du lac Winnipeg, jusqu’à Little Grand Rapids, Manitoba, sur la rive du lac Family, près de la frontière avec l’Ontario. Aussi grande que soit la plus grande trappe de chargement, le volumineux instrument de musique refuse initialement et fermement d’y passer. Pendant l’heure du dîner du pilote déconcerté, un petit futé inconnu a l’idée de couper le haut de l’orgue avec une scie. Je ne plaisante pas. L’orgue est alors chargé sans encombre. Une fois à Little Grand Rapids, l’instrument de musique et son haut sont réunis par l’insertion subtile de quelques clous. Le révérend M. Schultz peut ainsi jouer pour ses paroissiennes et paroissiens ravi(e)s.
En janvier 1938, je crois, CF-ARM et son équipage livrent 20 tonnes métriques (20 tonnes impériales / 22 tonnes américaines) de ciment à la centrale hydroélectrique de Island Falls, sur la rivière Churchill, en Saskatchewan, au nord-ouest de Flin Flon, Manitoba. Saviez-vous que Island Falls est la toute première centrale hydroélectrique de la Saskatchewan? Vous le saviez. Oh.
Cette centrale électrique est exploitée par Churchill River Power Company Limited de Regina, Saskatchewan, une filiale de Hudson Bay Mining and Smelting Company Limited de Toronto, je pense, pour fournir de l’électricité aux opérations minières de cette firme à Flin Flon et Cold Lake, Manitoba. Le saviez-vous? Non? Bien. Désolé. Continuons.
Au début de mars, CF-ARM et son équipage commencent à transporter l’équipement dont Consolidated Mining and Smelting Company of Canada Limited de Toronto, Ontario, je pense, a besoin pour construire une centrale hydroélectrique au lac Tazin, près des gisements d’or récemment découverts à Goldfields, Saskatchewan, sur la rive nord du lac Athabasca, près de la frontière avec les Territoires du Nord-Ouest. L’aéronef est apparemment basé à Prince Albert, Saskatchewan. Remarquez, l’équipage livre apparemment aussi des marchandises sur le site d’une autre centrale hydroélectrique sur la rive du lac Wellington à proximité.
L’article le plus grand, le plus lourd et le plus volumineux transporté au début est un énorme bras en acier. Quelles sont la taille, poids et encombrement de cet item, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur curieuse / curieux? Eh bien, il est si grand, lourd et volumineux qu’une reproduction grandeur nature est réalisée à Winnipeg pour voir si l’item réel passerait par une des grandes trappes de chargement du Ju 52. Il passe, et le bras passe aussi.
Plus tard, au cours de l’été 1938, l’équipage de CF-ARM livre une paire de camions, livrés un par un bien sûr.
L’équipage transporte une charge utile légèrement différente à une occasion, fin mars 1938. Ouais, il le fait. Il a le plaisir de transporter une trentaine d’employés de Consolidated Mining and Smelting Company of Canada, dont 3 femmes, de leur camp de construction isolé et ennuyeux près du lac Tazin à une soirée dansante du samedi soir à Goldfields.
Seulement 35 kilomètres environ (environ 22 milles) séparent les deux endroits, mais parcourir une telle distance en raquettes pour aller à une soirée dansante et revenir en raquettes sur cette même distance pour retourner au camp par la suite est certes un peu beaucoup, aussi prometteur que soit l’événement. Quoiqu’il en soit, tout le monde s’amuse beaucoup. La trentaine d’humains retournent à leur camp le lendemain. Il n’est pas clair si quelqu’un à bord a légèrement mal aux cheveux.
Croiriez-vous que cette virée attire le regard, ou l’ouïe, des braves gens du ministère des Transports, qui voit officiellement le jour en 1936? Certaines questions sont posées. Après tout, l’aéronef n’a peut-être pas de sièges réels lorsque la trentaine de fêtards sont emmenés dans les cieux. En fin de compte, cependant, aucune mesure n’est prise. Même ainsi, Canadian Airways comprend vraisemblablement qu’il ne serait pas sage de prendre l’habitude de tels vols.
Quoiqu’il en soit, à l’époque, CF-ARM et son équipage sont occupés à transporter de l’équipement minier lourd depuis Yellowknife, Territoires du Nord-Ouest. Ils n’y restent cependant pas longtemps. Nenni.
Voyez-vous, alors que débute avril, Central Patricia Mines Limited de Toronto a besoin de déplacer un lourd et encombrant concasseur de minerais / broyeur à boulets vers sa mine d’or près du lac Pickle, et cela avant que le dégel printanier et l’amincissement de la glace sur les rivières et lacs ne rendent les voyages aériens impossibles. Si le concasseur de minerai n’est pas livré au plus s*cr*nt, la dit mine verrait ses travaux… broyés, désolé, jusqu’en juin, quand un navire ou hydravion pourrait faire le voyage. Les investisseurs ne seraient pas contents et… Vous vous souvenez du lac Pickle, n’est-ce pas? Soupir…
Quoiqu’il en soit, le Ju 52 et son équipage foncent jusqu’à Hudson, Ontario, près de la frontière avec le Québec, à plus de 2 500 kilomètres (1 500 milles) de Yellowknife. Pendant que cela se passe, le concasseur de minerai fonce jusqu’à Hudson à bord d’un train opéré par une société d’état, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. Pendant que ces foncements se passent, des employés de Patricia Transportation Company Limited de Hudson, un transporteur maritime en eau douce, construisent une rampe pour charger le concasseur de minerai. Des employés de Central Patricia Mines construisent quant à eux une rampe pour le décharger au lac Pickle.
Croiriez-vous que le dit concasseur à minerais est opérationnel un peu plus de 3 jours (!) après que Central Patricia Mines ait envoyé sa demande? Ça, c’est du service. Et oui, le réseau de radio en croissance dans les régions du nord du Canada joue un rôle crucial dans cette livraison.
Comme ils sont déjà plus ou moins dans le quartier, CF-ARM et son équipage transportent beaucoup de fret entre Gold Pines, sur la rive nord-ouest du lac Seul, et le lac Uchi, où des gisements d’or ont été découverts.
Avant que j’oublie, bien que théoriquement basé à Winnipeg, CF-ARM et son équipage vont là où ils sont nécessaires et y restent souvent pendant des semaines.
Et encore une chose. Canadian Airways contacte apparemment Junkers Flugzeug- und -Motorenwerke Aktiengesellschaft, une nouvelle raison sociale adoptée en 1936, vers 1938-39 pour commander un autre Ju 52 monomoteur. À ce moment-là, comme cela a été mentionné dans la première partie de cet article, la firme allemande produit des Ju 52/3m trimoteurs pour des opérateurs civils et militaires de nombreux pays. Junkers Flugzeug- und -Motorenwerke tente certainement de convaincre la firme canadienne qu’un tel aéronef serait très performant dans les régions nordiques du Canada. En fin de compte, cependant, les coûts d’exploitation plus élevés d’un aéronef à 3 moteurs conduisent Canadian Airways à se retirer poliment.
Remarquez, l’optique d’acheter un aéronef fabriqué en Allemagne national-socialiste aurait peut-être également été défavorable, mais revenons à notre histoire.
Si vous pensiez que le contenu des paragraphes précédents est impressionnant, vous n’avez encore rien lu (vu?). Avançons de quelques mois, ami(e) lectrice ou lecteur, vers une période vraiment horrible du 20ème siècle, la Seconde Guerre mondiale.
Voyez-vous, la nécessité de produire des quantités toujours croissantes d’aluminium pour l’effort de guerre conduit Aluminum Company of Canada Limited de Montréal, je crois, une filiale d’Aluminium Limited de Montréal, à construire une nouvelle aluminerie à Arvida, Québec. La production d’aluminium nécessitant d’énormes quantités d’électricité, deux nouveaux barrages doivent être construits. L’absence d’installations de transport terrestre à proximité de l’un d’eux, au lac Manouane, au Québec, signifie que tout doit être livré par voie aérienne.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, je crois avoir mis mes num et nium aux bons endroits.
Le pont aérien débute au début d’août 1940. Initialement située à Roberval, Québec, sur les rives du lac Saint-Jean, la base de Canadian Airways est déplacée vers le nord, à Beauchêne, Québec, sur les rives du lac Onatchiway. CF-ARM est un des six aéronefs impliqués.
Croiriez-vous qu’une reproduction grandeur nature de la cabine de CF-ARM est assemblée à Montréal afin que le personnel de Canadian Airways puisse vérifier si un article particulièrement gros et / ou volumineux passerait ou non par une de ses trappes de chargement? Le bras d’une pelle à moteur diesel qui ne passe pas est en fait coupé avec des chalumeaux à acétylène, transporté vers le nord et ressoudé.
Les autres articles transportés par la petite flotte de Canadian Airways comprennent une scierie complète, quelques petits bulldozers, un bateau de 6 mètres (20 pieds) de long, 6 bœufs, 4 chevaux et une vache. Cette dernière est transportée afin de fournir du lait frais aux travailleurs.
Les articles gros et / ou volumineux sont généralement chargés la nuit et transportés tôt le matin afin de minimiser leur impact sur les opérations de vol.
L’article le plus lourd pèse environ 2 200 kilogrammes (4 800 livres). Ainsi chargé, le Ju 52 alors sur flotteurs est plus lourd que son poids maximum autorisé. Cela signifie bien sûr que Canadian Airways doit contacter le ministère des Transports pour voir si le vol de livraison peut être effectué comme prévu. Vu l’importance du projet, la firme obtient un feu vert.
Il semble que CF-ARM transporte les 4 chevaux, un à la fois. Bien que nerveux, le premier passager équin accepte d’être conduit à bord et convenablement attaché, debout. À un moment donné pendant le vol, cependant, il devient effrayé / agacé et y va de quelques coups de sabot. Les membres de l’équipage peuvent, je répète peuvent, être contraints de retenir davantage l’animal pour éviter des blessures et / ou dommages. Les autres chevaux reçoivent une injection de sédatif après avoir été conduits à bord de l’aéronef.
À la fin du pont aérien, en octobre 1941, je pense, plus de 3 000 tonnes métriques (3 000 tonnes impériales / 3 300 tonnes américaines) de fournitures et équipements ont été acheminées vers le lac Manouane. Ce pont aérien est la plus importante opération de ce type entreprise en sol canadien jusqu’à ce moment-là.
Il est à noter que CF-ARM subit une panne moteur en juillet 1941. L’équipage doit effectuer un atterrissage d’urgence sur un lac situé entre les lacs Onatchiway et Manouane. Ce plan d’eau étant assez peu profond, il s’avère impossible d’échouer l’aéronef pour entreprendre des réparations. Le personnel de Canadian Airways doit donc construire un quai autour du Ju 52. Ce quai est utilisé pour entreprendre un changement complet de moteur.
Cette même année, l’équipage de CF-ARM aide l’équipage d’un hydravion à flotteurs plus petit exploité par Dominion Skyways Limited de Rouyn, Québec, un exploitant de brousse qui aide Canadian Airways. Voyez-vous, l’aéronef en question, un Fairchild Modèle 82 si vous voulez savoir, subit des dommages à une de ses ailes lors d’un atterrissage d’urgence. La chance veut que personne n’a d’aile de rechange.
Si vous voulez mon avis, tout le monde devrait avoir une aile de rechange, en particulier les hôpitaux. Si vous me le permettez, cependant, votre humble serviteur voudrait faire un plaidoyer en faveur des musées. Les collections des musées doivent également grandir, vous savez. Les musées sont les gardiens et protecteurs de trésors nationaux et internationaux. De tels trésors n’ont pas été, ne sont pas et ne seront pas produits ou découverts uniquement par des mecs blancs, d’où la nécessité de renforcer ces collections pour qu’elles deviennent plus inclusives. D’où le besoin de plus d’espace – et de plus de rapatriement de trésors retirés (de force?) de leurs terres natales.
Incidemment, à cet égard, vous voudrez peut-être regarder une série télévisée des plus intéressantes, coproduite par British Broadcasting Corporation et Canadian Broadcasting Corporation, Stuff the British Stole, en bon français Des trucs que les Britanniques ont volé. Fin du plaidoyer.
Heureusement, un pilote bien connu et respecté de Dominion Skyways, Walter « Babe » Woollett, se souvient qu’un Fairchild Modèle 71, très similaire au Modèle 82, a heurté un bateau à moteur sur le lac Onatchiway, et coulé, en mai 1941. Même si son fuselage est détruit par un incendie lors d’une tentative de séchage, les ailes elles-mêmes sont placées dans les bois près du rivage. Canadian Airways accepte tout de suite d’aider. Une aile est rapidement fixée au CF-ARM et livrée au cal, pardon, au lac, où le Modèle 82 est coincé. L’installation de l’aile ne s’avère pas trop difficile et l’aéronef est rapidement remis en service.
Une petite digression, si vous me le permettez. Saviez-vous qu’il y a un Modèle 82 dans la prodigieuse collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario? Cette collection comprend également un Fairchild FC-2W2, une machine très similaire au Modèle 71.
Une autre brève digression si vous me le permettez. En 1940 au plus tard, le Ju 52 peut, je répète peut, être officieusement appelé le Goon par des gens de Canadian Airways. Votre humble serviteur ne peut pas dire si ce surnom est lié de quelque manière que ce soit à « Alice the Goon, » la nourrice musclée et redoutable de P’tit Pois / Mimosa, le fils adoptif du célèbre personnage de bande dessinée / dessin animé Popeye le marin, un personnage que mon grand-père maternel aimait bien si ma mémoire est bonne.
Aussi réussi et populaire soit-il, le Ju 52 commence à avoir des problèmes. Et oui, vous avez tout à fait raison, ami(e) lectrice ou lecteur perspicace. Ces problèmes sont liés à son moteur. Les pièces de rechange pour le moteur Buzzard de l’aéronef, un moteur fabriqué en fort petit nombre, sont de plus en plus difficiles à trouver.
En décembre 1941, Canadian Pacific Railway Company de Montréal prend le contrôle de Canadian Airways. De fait, ce géant canadien du transport prend le contrôle d’une dizaine d’autres firmes de vol de brousse canadiennes en 1940-41. Canadian Airways devient ainsi le joyau de United Air Service Limited, une filiale formée au plus tard en juin 1941 qui devient Canadian Pacific Airlines Limited en février 1942, une firme mentionnée moult fois depuis mai 2019 dans notre blogue / bulletin / machin, et…
Oh, mince. Votre humble serviteur vient de réaliser que je n’ai pas précisé, dans la première partie de cet article rien de moins, que Canadian Pacific Railway et Canadian Airways sont mentionnées moult fois dans notre vous savez quoi, et ce depuis avril 2018 et janvier 2018. Me pardonnerez-vous un jour?
Le fondateur de Canadian Airways, le susmentionné Richardson, ne vit cependant pas assez longtemps pour assister à la prise de contrôle. Il décède en juin 1939. Richardson n’a que 53 ans.
Au plus tard en 1942, les problèmes de moteur rencontrés par le Ju 52 deviennent de plus en plus préoccupants. Au plus tard en juillet 1943, certaines personnes de Canadian Pacific Airlines envisagent (sérieusement?) la possibilité de remplacer son gênant Buzzard par un moteur Rolls-Royce Merlin beaucoup plus fiable, quoique difficile à trouver, fabriqué sous licence aux États-Unis par un fabricant d’automobiles bien connu mentionné dans quelques numéros de notre inspirant blogue / bulletin / machin depuis février 2019, Packard Motor Car Company.
Même si CF-ARM est entièrement révisé à Winnipeg à cette époque, la direction de Canadian Pacific Airlines choisit, pour une raison ou autre, de ne pas procéder au changement de moteur. Le fait est que ses demandes de renseignements sur la possibilité d’acquérir un Merlin sont peut-être poliment rejetées par les autorités américaines, britanniques et / ou canadiennes. Il y a une guerre, après tout. Au final, le certificat de navigabilité de CF-ARM n’est pas renouvelé lorsqu’il arrive à expiration, fin juin 1943.
Pis encore, le Ju 52 n’est pas mis dans un hangar pour fin d’entreposage. Il est simplement mis à l’extérieur, à la merci des éléments et de la faune locale, tant animale qu’animale humaine. Alors que les jours deviennent des semaines et les semaines des mois, le Ju 52 est vandalisé à répétition par des individus d’âges divers. Canadian Pacific Airlines retire l’aéronef de ses livres en mai 1947 et le vend comme ferraille.
Les très grands flotteurs du Ju 52 ne font cependant pas partie de cette vente. Nenni. Quelque temps auparavant, la famille Richardson les acquiert pour les utiliser dans un nouveau quai flottant au Royal Lake of the Woods Yacht Club, sur la rive du… lac des Bois, en Ontario, près de la frontière manitobaine. Ils sont envoyés par le fond sur place plusieurs années plus tard, probablement (bien?) après la fin de la Seconde Guerre mondiale
Si on en croit l’article publié en janvier 1948 par Photo-Journal, le journal hebdomadaire montréalais que votre humble serviteur a utilisé pour ancrer la première partie de cet article, un gentilhomme par ailleurs inconnu de Winnipeg acquiert les restes du Ju 52 vers mai 1947, afin de transformer son fuselage en une sorte de remorque. Que cela se soit réellement produit ou non n’est pas clair.
L’immatriculation de CF-ARM n’est annulée qu’en décembre 1950. À première vue, le ministère des Transports avait à peu près perdu la trace de cette machine des plus remarquables.
CF-ARM méritait beaucoup mieux, si je peux me permettre.
Et c’est tout pour cette semaine – et pour ce mois aussi, maintenant que j’y cogite.