« Savez-vous sécher les choux à la mode de chez vous? » La Société Ferdon Enregistrée / Ferdon Limitée de Laprairie / La Prairie, Québec, la première usine de déshydratation de légumes de la Belle Province, partie 1
Avez-vous par hasard un petit creux en ce moment, ami(e) lectrice ou lecteur? Cela m’arrivait fort souvent un peu avant le milieu des années 1980, après une journée passée dans la bibliothèque d’une institution de haut savoir mentionnée à plusieurs reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis décembre 2018, McGill University, à Montréal, Québec, si mes souvenirs sont exacts.
La mémoire humaine est en effet une faculté qui oublie, voire même une faculté qui peut parfois se souvenir d’événements qui n’ont jamais eu lieu, mais revenons à mes petits creux des années 1980.
Votre humble serviteur combattait les dits petits creux en grignotant le contenu de petits sacs de fruits ou légumes séchés ou déshydratés. À bien y penser, les fruits ou légumes en question étaient probablement séchés. Il y a en effet une différence entre un fruit ou légume séché et un fruit ou légume déshydraté. En ce qui concerne le United States Department of Agriculture, par exemple, un produit déshydraté ne contient pas plus de 2.5% d’eau, alors qu’un produit séché contient plus de 2.5% d’eau.
Même si je ne m’étais jamais posé la question, je me doutais bien à cette époque que les fruits ou légumes séchés ou déshydratés existaient bien avant les années 1980. De fait, des populations de l’Asie et du Moyen-Orient séchaient des aliments au soleil il y a au moins 14 000 ans.
Il va de soi que la présente péroration ne remontera pas le cours du temps aussi loin. Elle se contentera en fait de remonter le dit cours jusqu’au début des années 1940, alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage, et…
D’accord, d’accord, ami(e) lectrice ou lecteur au tempérament explosif. Voici un tantinet de contexte historique canadien.
Saviez-vous que Graham Company Limited de Belleville, Ontario, fournit supposément des légumes déshydratés à la United States Army lorsque cette dernière fait la guerre contre l’Espagne pendant la guerre hispano-américaine de 1898? Ou qu’elle fournit supposément de tels produits à certaines des personnes qui participent à la ruée vers l’or du Klondike de 1897-99, comme le fait Findley & Company de Vancouver, Colombie-Britannique, je pense?
Soit dit en passant, si jamais vous décidez de faire des recherches sur l’histoire ancienne de la déshydratation végétale industrialisée, veuillez envisager la possibilité d’utiliser comme mots clés des expressions telles que légumes déshydratés, légumes desséchés, légumes évaporés, légumes séchés, etc. Les équivalents de langue anglaise de ces expressions seraient les dehydrated vegetables, desiccated vegetables, dried vegetables, evaporated vegetables, etc.
Il n’y a pas de quoi.
Pour paraphraser l’agent de l’Autre agence gouvernementale Harvey Russell, un des principaux protagonistes de Ravages / Rampage : Hors de contrôle, un film de monstres américain de science-fiction / aventure / action de 2018, vaguement basé sur une série éponyme de jeux vidéo, comme le disait mon grand-père, entre têtes d’œuf, il faut se serrer les coudes, mais revenons à notre sujet de cette semaine.
Au cours de la guerre d’Afrique du Sud / guerre des Boers / seconde guerre anglo-boer / seconde guerre des Boers de 1899-1902, une guerre injuste menée par une grande puissance impérialiste, non, pas la Russie, le Royaume-Uni, afin de s’emparer des diamants, de l’or et des terres des Boers, quelques firmes canadiennes expédient d’hénaurmes quantités de légumes déshydratés, bien au-delà d’un millier de tonnes métriques (impériales / américaines) peut-être, aux troupes de la British Army et, selon toute vraisemblance, de la Milice canadienne qui les consomment sous forme de soupe.
Et oui, environ 7 000 volontaires canadiens combattent pendant la seconde guerre des Boers, du côté britannique bien sûr. Remarquez, plus de 2 800 volontaires d’environ 15 pays européens, dont l’Empire russe et le Royaume Uni, combattent du côté des Boers. Oserait-on se demander si certains des Américains (300 environ?) qui font de même sont des Canadiens qui n’aime pas la façon dont le Royaume-Uni mène la seconde guerre des Boers?
Quoi qu’il en soit, lorsque cet affreux conflit prend fin, une firme canadienne a encore sur les bras plusieurs tonnes métriques (impériales / américaines) de légumes déshydratés. Et non, les dits légumes ne trouvent aucun preneur au cours des mois et années suivant(e)s.
Croiriez-vous que pas moins d’environ 13 600 kilogrammes (environ 30 000 livres) de cette nourriture soigneusement entreposée sont supposément expédiés en Europe en 1914, peu après le début de la Première Guerre mondiale, et apparemment mangés par des soldats de la British Army, à nouveau sous forme de soupe? Bon appétit tout le monde!
Des employées de Dominion Products Company Limited de New Westminster, Colombie-Britannique, au travail, enlevant les taches et fragments de peau laissés sur les pommes de terre par les éplucheuses. Anon, « Vegetable Drying Becoming Important Industry. » The Vancouver Daily Province, 26 mars 1918, p. 34.
La Première Guerre mondiale suscite évidemment une croissance spectaculaire de la production de légumes déshydratés au Canada. Des firmes telles que la susmentionnée Graham, ainsi que Dominion Products Company Limited de Vancouver et New Westminster, Colombie-Britannique, sans oublier British Columbia Hop Company Limited d’Agassiz, Colombie-Britannique, et d’autres produisent entre 18 150 et 22 700 tonnes métriques (entre 18 000 et 22 300 tonnes impériales / entre 20 000 et 25 000 tonnes américaines) d’aliments déshydratés au cours du conflit.
Une quantité importante de légumes déshydratés va à l’Armée de Terre française, par exemple. Et oui, il y fort à parier que des membres de l’Armée canadienne enfournent des légumes déshydratés canadiens entre 1914 et 1918.
Aux dires de Pellerin Lagloire, un agronome œuvrant au Service de l’information et des recherches du ministère de l’Agriculture du Québec, des dires publiés en novembre 1943 toutefois, les aliments déshydratés disponibles au Canada en 1917-18 ne sont guère ragoutants : « Il nous vient à la bouche, malgré nous, un goût de foin fané et l’imagination rappelle à notre souvenir les tranches de patates noirâtres comme des semelles de bottines. » Ayoye…
La fin de la Première Guerre mondiale et l’annulation des grandes commandes américaines entraînent évidemment d’importantes mises à pied au Canada. Graham congédie plus de 500 personnes en février 1919 par exemple. Cette firme peut même avoir fermé ses installations pendant un certain temps au début de 1919, comme Dominion Products le fait, peut-être pour installer de nouveaux équipements de production.
En mai 1923, préoccupée comme elle l’est par les importations importantes d’aliments déshydratés, des pruneaux, pêches et abricots par exemple, la Chambre des communes du Canada crée un comité sur la déshydratation afin d’étudier les procédés commerciaux canadiens. Croiriez-vous que, en mars et avril 1924, le Canada importe environ 1 815 tonnes métriques (environ 1 785 tonnes impériales / environ 2 000 tonnes américaines) de pruneaux (7/8 du total!), pêches et abricots déshydratés américains?
Je sais, je sais. Ça fait vraiment beaucoup de pruneaux. Une personne avec une tournure d’esprit négatif, pas votre humble serviteur bien sûr, pourrait, euh, ne parlons pas de ça en fait.
En 1924, des installations de déshydratation sont installées dans une usine commerciale de Grimsby, Ontario, et une usine semi-commerciale de Penticton, Colombie-Britannique, et ce grâce aux efforts de Charles S. McGillivray, inspecteur en chef de la mise en conserve à la direction des fruits du ministère de l’Agriculture fédéral, et de Edgar Spinney Archibald, directeur du Service des fermes expérimentales de ce ministère. Il existe par ailleurs un laboratoire à la Ferme expérimentale centrale, à Ottawa, Ontario.
Je serais négligent si je ne mentionnais pas que le Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada, une institution muséale sœur / frère du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada d’Ottawa, se trouve sur le site de la Ferme expérimentale centrale. (Bonjour, WK!)
En 1929, un laboratoire de transformation est ajouté au bâtiment horticole de la station expérimentale de Summerland, près de Summerland, Colombie-Britannique.
À peu près au même moment, le généticien Cecil Conrad Eidt entreprend d’améliorer le processus de déshydratation. De fait, il supervise la construction d’un déshydrateur performant à la Station expérimentale de Kentville, près de Kentville, Nouvelle-Écosse. Achevé en 1929, ce tunnel quasi révolutionnaire peut être resté une technologie de pointe jusqu’aux années 1950, voire les années 1960.
Incidemment, votre humble serviteur n’a pas pu trouver grand-chose sur la recherche ou production de légumes déshydratés au Québec avant la Seconde Guerre mondiale. Cela étant dit (tapé?), des intérêts commerciaux non identifiés basés à Montréal, Québec, fournissent une sorte d’outillage de production à l’Université de Montréal, à vous savez où, en 1935. Des personnes tous aussi non identifiées de cette université utilisent cet équipement pendant quelques mois et déshydratent avec succès de fort nombreux types de légumes et quelques types de fruits. Pourtant, aucune installation industrielle dédiée à la déshydratation des légumes ne voit le jour au Québec dans les mois qui suivent.
Vers 1938-39, le ministère de l’Agriculture fédéral peut, je répète peut, avoir organisé un transport aller-retour expérimental vers la colonie de Singapour de chou déshydraté conservé sous vide dans des boîtes métalliques. Le cargo non réfrigéré utilisé pour cette expérience demeure en mer pendant 6 mois. À son retour, le chou qu’il transporte est comparé avec du chou déshydraté conservé à une température de 0° Celsius (32° Fahrenheit) dans un bâtiment du ministère, à Ottawa.
Le rapport rédigé par Mary MacArthur, une chercheuse agricole canadienne écossaise de la division de l’horticulture du ministère de l’Agriculture fédéral qui, je pense, œuvre à la Ferme expérimentale centrale, et F.B. Johnston, un chercheur de la division de chimie de ce même ministère, conclut qu’une température élevée nuit à la conservation d’un légume déshydraté comme le chou. Fin de la digression de nature historique que vous, si, si, vous, m’avez imposée.
Les fruits et légumes déshydratés étant à la fois beaucoup moins lourds et volumineux que des fruits et légumes frais, ils sont appréciés par le gouvernement britannique pendant la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi est-ce le cas, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Une bonne question. Voyez-vous, près de 70% des aliments consommés par la population du Royaume-Uni en septembre 1939, lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, proviennent de l’extérieur du pays.
Le gouvernement britannique craint par conséquent que les attaques de sous-marins allemands sur les navires marchands qui ravitaillent le Royaume-Uni pourraient entraîner des pénuries alimentaires plus ou moins sérieuses, des pénuries qui pourraient susciter un désir croissant de la population civile de mettre fin à ses malheurs en forçant le dit gouvernement de demander la paix. Pour atténuer ce risque, le gouvernement britannique déclare en mars 1939 son intention d’imposer le rationnement en cas d’urgence.
Des livrets de rationnements sont distribués à toute la population britannique en janvier 1940. Initialement, la liste de produits rationnés est relativement courte : sucre, jambon, beurre et bacon. Fin 1942, toutefois, elle comprend de nombreux autres items, tels que viande, thé, riz, œufs, margarine, lait, fromage, céréales pour déjeuner, biscuits, etc.
Comme vous pouvez l’imaginer, l’effondrement de la France, en juin 1940, et le début de la bataille d’Angleterre, en juillet, vient compliquer grandement les choses pour le gouvernement britannique. Pis encore, les sous-marins allemands coulent de plus en plus de navires marchands : environ 225 en 1940, environ 290 en 1941 et environ 450 en 1942.
Au total, plus de 40 000 marins marchands de pays alliés meurent pendant la Seconde Guerre mondiale, dont environ 1 600 marins canadiens.
Les déprédations des sous-marins allemands entraînent une grave pénurie de transport maritime qui entraîne à son tour la nécessité de minimiser le plus possible le poids et volume des aliments transportés.
Les fruits et légumes déshydratés étant à la fois beaucoup moins lourds et volumineux que des fruits et légumes frais, un fait fort apprécié par le gouvernement britannique vous vous souviendrez, vous ne serez pas surpris(e) d’apprendre que le gouvernement du Canada commence à s’intéresser à la production de ces denrées.
Une brève digression si vous me le permettez. En 1943, il faut
- de 6 à 8 kilogrammes (livres) de pommes de terre fraîches pour produire 1 kilogramme (livre) de pommes de terre déshydratées,
- de 14 à 16 kilogrammes (livres) d’oignons frais pour produire 1 kilogramme (livre) d’oignons déshydratés,
- de 13 à 14 kilogrammes (livres) de navets frais pour produire 1 kilogramme (livre) de navets déshydratés,
- de 18 à 19 kilogrammes (livres) de choux frais pour produire 1 kilogramme (livre) de choux déshydratés, et
- de 10 à 12 kilogrammes (livres) de carottes fraîches pour produire 1 kilogramme (livre) de carottes déshydratées.
Fin de la digression et retour à l’intérêt manifesté par certains éléments du gouvernement fédéral, dès 1940 semble-t-il, envers la production de légumes déshydratés.
Vers juillet 1940, par exemple, le Commercial Intelligence Journal du ministère du Commerce affirme, en traduction, que « Les possibilités de développer un marché d’exportation au Royaume-Uni pour les légumes déshydratés canadiens sont bonnes pour tout paqueteur qui veut et peut offrir des prix concurrentiels. »
Un jeune employé de l’usine de déshydratation de légumes de Gordon Beardmore & Company Limited, à Oakville, Ontario, entouré de sacs d’Allium cepa, autrement dit d’oignons, pesant environ 23 kilogrammes (environ 50 livres) chacun. Anon., « Un nouveau procédé. » La Patrie, 4 août 1941, 6.
Tout porte à croire que la production de tels produits s’effectue en relativement grandes quantités dès 1941. Les légumes ainsi déshydratés comprennent la pomme de terre, l’oignon, le navet, l’épinard, la carotte et la betterave.
Soit dit en passant, les pommes de terre et oignons réhydratés sont apparemment agréables au goût et en texture. Les carottes réhydratées, par contre, sont un tantinet mollassonnes. Le contenu en vitamines et autres nutriments de ces produits peut, je répète peut, un tant soit peu laisser à désirer. Cette carence en vitamines pourrait expliquer les quantités somme toute limitées de légumes et fruits déshydratés nord-américains importées par le Royaume-Uni entre 1939 et 1941.
Soit dit en passant, la production canadienne de légumes déshydratés passe d’environ 32 tonnes métriques (environ 31.5 tonnes impériales / environ 35.5 tonnes américaines) en 1939 à environ 280 tonnes métriques (environ 275 tonnes impériales / environ 310 tonnes américaines) en 1941.
Conscient des difficultés avec lesquelles l’industrie de la déshydratation canadienne doit composer, des experts du ministère de l’Agriculture fédéral se réunissent en 1941 à la susmentionnée Station expérimentale de Kentville. Ils mettent alors en commun l’information disponible et lancent un programme expérimental assez élaboré.
Conscient de la nécessité d’accroître la production canadienne de légumes (et fruits?) déshydratés, le gouvernement fédéral dépose un décret en conseil à la Chambre des communes du Canada en janvier 1942.
Le dit décret en conseil a pour objectif de fournir une somme d’argent au ministère de l’Agriculture afin de fournir de l’outillage de production à 5 firmes déjà existantes situées en Colombie-Britannique (Bulman’s Limited de Vernon), en Ontario (Gordon Beardmore & Company Limited de Oakville (et Weston?) et Graham Dried Foods Limited de Belleville), en Nouvelle-Écosse (Berwick Food Products Limited de Berwick) et au Nouveau-Brunswick (New Brunswick Potato Products Limited de Hartland), je pense, ainsi que d’acheter la production des dites usines.
Aux dires du ministre de l’Agriculture fédéral, James Garfield Gardiner, tant le ministère de la Défense nationale du Canada que le War Office du Royaume-Uni s’intéressent de plus en plus aux légumes (et fruits?) déshydratés canadiens.
De fait, le gouvernement britannique ou, plus précisément, je pense, le Ministry of Food, semble prêt à commander environ 1 015 tonnes métriques (environ 1 000 tonnes impériales / environ 1 120 tonnes américaines) de légumes (et fruits?) déshydratés, ce qui pose problème. Voyez-vous, l’outillage existant en sol canadien ne permet la livraison outremer que d’environ 140 tonnes métriques (environ 137 tonnes impériales / environ 155 tonnes américaines) d’aliments de ce type en 1941.
Comme vous pouvez l’imaginer, les autorités britanniques ne passeraient une telle commande qu’après avoir reçu confirmation de la présence de quantités suffisantes de vitamines et autres nutriments dans ces aliments.
Dès janvier 1942, l’Office du ravitaillement en produits agricoles du Canada organise par conséquent un cycle de production expérimentale dans les 5 firmes mentionnées plus haut.
Avant que je ne l’oublie, l’absence d’investissements au Québec irrite un député d’arrière-ban québécois du parti au pouvoir à Ottawa. En mars 1942, à la Chambre des communes du Canada, Jean-François Pouliot demande pourquoi une usine de déshydratation ne serait pas érigée à Montréal. Ce dernier juge par ailleurs par trop élevés les coûts prévus de production de légumes déshydratés. La pétulance de Pouliot ne dérange guère Gardiner.
Parlant (tapant?) de Pouliot, croiriez-vous que ce gentilhomme et ma grand-mère paternelle ont le même arrière arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père, Charles Pouliot, un maître charpentier français qui arrive à Québec, Nouvelle-France, en 1653, à l’âge de 25 ans? Notre monde est petit, n’est-ce pas, surtout en ce qui concerne la plupart des Québécoises et Québécois francophones? Mais je digresse.
Le cycle de production expérimentale donne de bons résultats. Le 5 usines de déshydratation canadiennes traitent apparemment environ 2 330 tonnes métriques (environ 2 295 tonnes impériales / environ 2 570 tonnes américaines) de légumes (carottes, choux, navets, oignons et pommes de terre) entre janvier et mai 1942.
Le prix des légumes, une fois placés dans les soutes d’hypothétiques navires marchands, varie évidemment selon les produits. Il varie en fait entre 68 cents le kilogramme (31 cents la livre) pour les pommes de terre et 1.61$ le kilogramme (73 cents la livre) pour les choux. Ces sommes correspondent à entre environ 12.15$ le kilogramme (environ 5.50 $ la livre) et environ 28.70$ le kilogramme (environ 13.00$ la livre) en devises de 2024.
Si votre humble serviteur comprend l’information sur laquelle j’ai mis une main bien virtuelle, cette production ne semble pas quitter le Canada. Elle semble en fait se retrouver dans des entrepôts au plus tard en juillet 1942, et ce afin de pouvoir être utilisée par l’Armée canadienne.
Ces chiffres sont-ils fiables, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur bien au fait de l’existence du baratin gouvernemental? Une bonne question. Si seulement je savais.
De fait, selon une autre source, elle aussi journalistique, la production canadienne de légumes déshydratés aurait atteint environ 1 730 tonnes métriques (environ 1 700 tonnes impériales / environ 1 900 tonnes américaines) en 1942, ce qui n’est pas trop mal. Enfin, cette production n’aurait pas été trop mauvaise si l’information publiée avait été vraie. Voyez-vous, le chiffre réel est apparemment d’environ 730 tonnes métriques (environ 715 tonnes impériales / environ 805 tonnes américaines). Le ministère de l’Agriculture fédéral peut-il avoir délibérément transmis de fausses informations aux médias? Calme-toi, ô mon cœur.
Et non, l’industrie alimentaire canadienne ne semble pas avoir livré de grandes quantités de légumes déshydratés outremer au cours de la première moitié de 1942, une situation qui agace quelques / plusieurs Canadiennes et Canadiens qui aimeraient voir le Canada en faire plus pour le Royaume-Uni.
L’intérêt du gouvernement fédéral pour les aliments déshydratés est à ce point important que deux autres usines reçoivent de l’outillage de production, avec un certain retard toutefois. De fait, une huitième usine reçoit de l’outillage de production au plus tard en 1943. Les trois usines de déshydratation supplémentaires peuvent, je répète peuvent, être celles de Island Foods Incorporated de Summerside, Île-du-Prince-Édouard, Kildonan Canning Company Limited de East Kildonan, Manitoba, et Pirie Potato Products Limited de Grand Falls, Nouveau-Brunswick.
Remarquez, d’autres usines entrent en fonction au Canada en 1943. Il suffit de songer à celle que Canadian Canners Limited de Hamilton, Ontario, complétée à Forest, Ontario, au plus tard en novembre. Ou celle exploitée par Canada Foods Limited de Kentville, Nouvelle-Écosse, qui entre en production en septembre.
Croiriez-vous que, vers la fin de 1942, des chercheurs du ministère de l’Agriculture mettent au point un procédé de déshydratation qui préserve le gout, le texture et la valeur nutritive des aliments mieux que ceux en usage jusqu’alors?
Ce procédé semble tirer profit de recherches apparemment complétées au plus tard en janvier 1942 par des chercheurs de la Low Temperature Research Station de la University of Cambridge, de… Cambridge, Angleterre. Ce procédé britannique est, dit-on, bien supérieur à ceux utilisés en Amérique du Nord. Il préserve apparemment mieux les vitamines présentes dans les aliments. Curieusement, compte tenu des circonstances, le procédé mis au point par la Low Temperature Research Station ne semble toutefois pas dépasser le stade des essais.
Quoi qu’il en soit, C.S. Harris, un chercheur britannique se rendant aux États-Unis en mission, remet un dossier complet sur le procédé britannique à des chercheurs du ministère de l’Agriculture du Canada en 1942.
Des travaux commencent alors au Canada, sous la direction de l’horticulteur du Dominion, Malcolm Bancroft Davis. Si certains travaux sont effectués à la Ferme expérimentale du Dominion à Summerland et à la Ferme expérimentale centrale, le gros du travail est effectué à la Station expérimentale du Dominion à Kentville, sous la direction du surintendant adjoint à la déshydratation des fruits du ministère de l’Agriculture, le susmentionné Eidt.
L’outillage ainsi mis au point est installé dans 7 des 8 usines de déshydratation canadiennes, et ce au plus tard à la fin de l’hiver 1942-43. On le retrouve aussi dans plusieurs usines de déshydratation américaines.
Votre humble serviteur serait négligent si je ne mentionnais pas en ces lieux la grande contribution d’une chercheuse agricole canadienne écossaise de la division de l’horticulture du ministère de l’Agriculture fédéral qui œuvre à la Ferme expérimentale centrale. La susmentionnée MacArthur supervise par exemple la construction d’un imposant tunnel de déshydratation à cet endroit en 1943. Elle y supervise plus de 2 000 essais et expériences entre 1943 et 1945.
Cheffe de file de la déshydratation en sol canadien, MacArthur peut, je répète peut, avoir mis à jour la nécessité de blanchir les légumes avant de les déshydrater, et ce pour désactiver les enzymes qui nuisent au processus.
En juin 1943, alors qu’il témoigne devant le Comité permanent de l’agriculture de la Chambre des communes du Canada, le président de l’Office du ravitaillement en produits agricoles, le scientifique agricole canadien John Alexander Malcolm Shaw, révèle que le susmentionné Ministry of Food souhaite obtenir environ 5 080 tonnes métriques (environ 5 000 tonnes impériales / environ 5 600 tonnes américaines) de légumes déshydratés, soit des carottes, choux, navets et pommes de terre.
Shaw mentionne par ailleurs qu’il y a des usines de déshydratation dans 8 des 9 provinces du Canada. Une telle usine doit par ailleurs voir le jour en Saskatchewan sous peu, ce qui complétera la série. Ce qui est curieux dans cette affirmation, c’est qu’il n’y a pas d’usine de déshydratation au Québec ou en Alberta en juin 1943. Votre humble serviteur ne peut pas dire si Shaw avait été mal informé ou s’il mal informait délibérément la presse, et…
Je reconnais votre main qui transperce l’éther. Vous avez une question, ami(e) lectrice ou lecteur bien informé(e)? Qu’en est-il de Sunshine Products Company d’Edmonton, Alberta, demandez-vous? Une bonne et intrigante question.
Cette histoire commence en novembre 1940, lorsque deux personnes, je crois, louent un bâtiment d’usine d’Edmonton qui appartenait autrefois à Cushing Brothers Company Limited de Calgary, Alberta, une firme spécialisée dans la production de portes, fenêtres et châssis pour les maisons. Une fois réparé, ce bâtiment doit être équipé d’un tunnel de déshydratation qui doit être utilisé pour déshydrater des légumes et, peut-être, des fruits.
En mai 1941, cependant, John A. Clarke et Robert S. McGuire sont au tribunal, faisant face à quelques accusations de faux semblant et / ou de vol. Ces pas bons sont condamnés à un an de prison en novembre. Incidemment, la sentence de McGuire comprend également une punition pour le vol d’une motocyclette.
Croiriez-vous que Sunshine Products peut, je répète peut, avoir produit des pommes de terre déshydratées et qu’elle les vend au gouvernement fédéral? Dans sa déclaration, Clarke va plus loin. Si les investisseurs, qui se trouvent être principalement les employés de la firme, n’avaient pas perdu leur sang-froid, Sunshine Products serait une affaire florissante réalisant de jolis bénéfices. Votre humble serviteur ne peut pas dire si les investisseurs ont revu leur argent, mais revenons à notre histoire
Le gouvernement fédéral commande environ 2 030 tonnes métriques (environ 2 000 tonnes impériales / environ 2 240 tonnes américaines) d’aliments déshydratés additionnelles au plus tard en juillet 1943. Sauf erreur, toutes les commandes sont partagées afin de ne pas créer de pénuries dans l’une ou l’autre des régions du Canada.
Avant que je ne l’oublie, les usines de déshydratation canadiennes produisent environ 5 800 tonnes métriques (environ 5 700 tonnes impériales / environ 6 400 tonnes américaines) de légumes déshydratés en 1943, soit presque 8 fois plus que l’année précédente. Wah!
Le travail de votre humble serviteur sur l’industrie aéronautique canadienne m’amène à me demander si les diverses industries du Canada ont du mal à livrer la marchandise entre 1939 et 1942, ne trouvant leur rythme qu’en 1943. Je vous dis ça comme ça, moi.
Comme vous pouvez l’imaginer, les usines de déshydratation canadiennes travaillent à plein régime en 1943. En voici une preuve…
Trois scènes de la vie quotidienne dans l’usine de déshydratation de Bulman’s Limited de Vernon, Colombie-Britannique : une jeune étudiante du nom de Gwenyth Davies au beau milieu d’une montagne de choux, des employé(e)s s’affairant autour d’un hachoir de choux et deux employées en train de souder les couvercles de boîtes métalliques destinées au Royaume-Uni. Anon., « Des étudiants travaillent dur dans les usines de déshydratation du pays. » Le Droit, 2 octobre 1943, 11.
De fait, les 12 à 15 usines de déshydratation canadiennes en opération vers la fin de l’été 1944 travaillent à un rythme tel que le gouvernement fédéral les autorise à placer un léger pourcentage de leur production sur les étagères des magasins d’alimentation canadiens.
Et oui, il y a maintenant des usines dans 8 des 9 provinces canadiennes. Même si le projet de construction d’une usine en Saskatchewan est abandonné pour une raison ou une autre, à supposer qu’il y en ait eu un en fait, une toute nouvelle usine exploitée par Broder Canning Company de Lethbridge, Alberta, ouvre ses portes en mars 1944. Des pommes de terre sont au menu. Des patates sont apparemment également au menu de l’usine exploitée par Gilland Dehydrated Foods Limited qui entre en service à Haney, Colombie-Britannique, en mars 1944.
Et il est maintenant temps de passer à autre chose, ami(e) lectrice ou lecteur, car c’est la semaine prochaine que vous parviendra la seconde partie de notre fascinant article sur La Société Ferdon Enregistrée de Laprairie / La Prairie, Québec, la première usine de déshydratation de légumes de la Belle province.
Et vous avez une question, n’est-ce pas, ami(e) lectrice ou lecteur? Le titre de cet article s’inspire-t-il d’une comptine enfantine française, Savez-vous planter les choux? Bien sûr que oui.
Saviez-vous que la dite comptine peut avoir vu le jour au Moyen Âge, au moment où le chou devient peu à peu un des piliers de l’alimentation paysanne de ce qui deviendra par la suite la France?
Croiriez-vous par ailleurs que, compte tenu de la légende selon laquelle les enfants naissent dans les choux, d’aucuns voient dans Savez-vous planter les choux une comptine un tantinet paillarde dont le sous-texte échappe complètement aux jeunes enfants qui la chantent avec un si bel enthousiasme? (Bonjour, EP!)
Ahh, la culture est une si belle chose!
À plus, camarade.