Brûler l’huile de minuit pour atteindre le ciel et rugir : La trop brève saga de l’avion léger / privé Rohr M.O.1 Midnight Oiler
Bon matin à vous, ami(e) lectrice ou lecteur.
Au risque de me répéter, votre humble serviteur admet volontiers que j’ai eu, ai et continuerai vraisemblablement d’avoir une forte affinité pour l’inhabituel, l’étrange, le bizarre, etc. Jonglant avec ce fait tout en équilibrant le souhait de commémorer un anniversaire, j’ai choisi de mettre temporairement de côté l’approche anniversairiale de notre super blogue / bulletin / machin pour m’offrir un petit cadeau.
Avant d’en arriver là, cependant, il pourrait s’avérer utile de revenir sur le récit d’origine de la firme responsable de l’article au cœur de la péroraison d’aujourd’hui.
Fondée en août 1940 par Frederick Hilmer « Fred / Pappy » Rohr avec l’aide de Reuben Hollis Fleet, président d’une grande avionnerie américaine, Consolidated Aircraft Corporation, Rohr Aircraft Corporation est un des premiers, sinon le premier grand constructeur nord-américain d’éléments d’aéronefs préfabriqués, ou aérostructures, pouvant être mis en place en quelques minutes par le personnel de constructeurs aéronautiques.
Soit dit en passant, saviez-vous que, en 1927, Rohr est un employé apprécié de Ryan Aeronautical Corporation, l’avionnerie américaine qui met au point une machine unique, le Ryan NYP, pilotée à travers l’océan Atlantique en mai 1927 par un individu mentionné quelques / plusieurs fois dans notre blogue / bulletin / machin depuis septembre 2017, à savoir Charles Augustus Lindbergh? De fait, Rohr est fortement impliqué dans la conception et fabrication des réservoirs d’essence de cet aéronef historique.
Oh, et avant que j’oublie, Fleet fonde Fleet Aircraft of Canada Limited à Fort Erie, Ontario, en avril 1930, pour produire des avions d’entraînement initial qui intéresseraient l’Aviation royale du Canada, des aéroclubs canadiens et des forces aériennes étrangères.
Cette petite digression de ma part me permet maintenant de souligner que la collection estradinaire et vermouilleuse du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario, comprend un Fleet Finch, un Fleet Freighter et un Fleet Canuck. Votre humble serviteur a eu le plaisir de pontifier sur ces deux derniers en septembre 2020 et mai 2021.
Soit dit en passant, encore, Fleet est mentionné dans un numéro de mai 2021 de notre blogue / bulletin / machin. Fleet Aircraft, en revanche, y est mentionné deux fois, en mars et… mai 2021. Consolidated Aircraft, enfin, est mentionné quelques fois dans notre vous savez quoi, et ce depuis février 2019. Le monde tourne autour de notre glorieux blogue / bulletin / machin, vous ne pensez pas, ami(e) lectrice ou lecteur? Mais revenons à notre histoire.
Comme vous l’imaginez bien, Rohr Aircraft grandit à pas de géant à partir de 1940. La fin brutale de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1945, la prend, ainsi que le reste de l’industrie aéronautique américaine, par surprise. L’annulation des contrats militaires entraîne des licenciements massifs auxquels Rohr Aircraft n’échappe pas. Elle passe d’environ 9 500 salarié(e)s en 1944, majoritairement des femmes, à moins de 1 000 salarié(e)s, presque tous des hommes, en 1946.
À ce moment-là, cependant, Rohr Aircraft n’est plus une firme indépendante. Nenni. En mars 1945, convaincu que l’avenir de sa firme réside dans la production de produits de consommation pour les innombrables vétérans des United States Army et United States Navy qui fonderont une famille après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Rohr accepte de la fusionner avec un fabricant américain bien connu de machines-outils, équipements radio et détecteurs de mines terrestres. Rohr Aircraft devient officiellement une filiale de International Detrola Corporation en juillet.
Malgré cela, le début de l’après-guerre n’est pas de la tarte pour Rohr et ses effectifs massivement réduits. Ils passent de la fabrication d’aérostructures vitales à l’effort de guerre américain à la fabrication de machines à laver, bateaux jouets, aspirateurs et armoires radio. Rohr n’est en aucun cas satisfait de ces produits, mais les considère comme le seul moyen de sauver sa création.
Remarquez, Rohr Aircraft ne tourne pas le dos à l’industrie aéronautique. Nenni. En 1946, par exemple, elle s’associe à un géant américain vieillissant de l’aéronautique mentionné dans plusieurs numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis novembre 2017, Curtiss-Wright Corporation, pour développer une nacelle moteur préfabriquée facile à attacher qui pourrait être facilement montée sur des avions de transport militaire quadrimoteurs Douglas C-54 Skymaster des surplus de guerre convertis en avions de ligne Douglas DC-4. Le moteur de la dite nacelle entraînerait des augmentations de vitesse, charge utile et profit. Au moins un transporteur aérien américain, Chicago and Southern Airlines Incorporated, acquiert un certain nombre d’unités de puissance Wright-Rohr pour les installer sur ses DC-4.
Soit dit en passant, le Skymaster est un cousin de l’avion de transport militaire Douglas / Canadair C-54 North Star, un type de machine présent dans la prodigieuse collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, mais revenons à notre histoire.
Pour dire vrai, Rohr Aircraft se réinvente progressivement en tant que constructeur / concepteur de nacelles moteurs pour avions de ligne et avions de transport militaire.
Et ce n’est en aucun cas le seul projet aéronautique d’après-guerre auquel Rohr Aircraft est impliqué. Nenni encore. Voyez-vous, des rumeurs concernant son entrée sur le marché des avions personnels commencent à percoler au début de l’automne 1945. Pourquoi en est-il ainsi, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur curieuse / curieux? Eh bien, vous devez comprendre qu’un grand nombre de personnes pensent qu’un pourcentage important des centaines de milliers de pilotes militaires américains formés pendant la Seconde Guerre mondiale, des hommes qui vivent dans des zones urbaines et rurales, voudraient continuer à voler après la fin de ce terrible conflit. De fait, un bien plus grand nombre d’Américains du même âge qui n’ont pas servi comme pilotes, des hommes qui vivent eux-aussi dans des zones urbaines et rurales, voudraient cabrioler / gambader avec eux parmi les nuages.
Les chiffres avancés par divers individus semblent extrêmement, sinon étonnamment prometteurs à cet égard : 400 000 acheteurs potentiels selon un numéro de 1946 du respecté magazine mensuel Aero Digest et 1 000 000 (!) d’acheteurs potentiels selon un rapport de 1945 de Victor Perlo, un économiste / statisticien qui est chef de la Industry Research Branch du Bureau of Program and Statistics du War Production Board.
Incidemment, Perlo est un membre pur et dur du Communist Party of the United States of America qui, en tant que membre du dénommé groupe Ware et chef du dénommé groupe Perlo, fournit des informations sensibles / confidentielles / secrètes au gouvernement de l’Union des républiques socialistes soviétiques entre 1933 et 1947-48, lorsque sa loyauté est publiquement remise en question par le (tristement) célèbre House Committee on Un-American Activities de la United States House of Representatives. Il quitte un poste gouvernemental en 1947 mais n’est jamais poursuivi. Perlo peut, je répète peut, être demeuré un vrai croyant jusqu’au jour de sa mort, en décembre 1999, à l’âge de 87 ans, mais je digresse.
Compte tenu des susmentionnées prévisions, est-il surprenant qu’un grand nombre de fabricants d’avions légers / privés voient le jour aux États-Unis à partir de 1945?
Incidemment, Rohr lui-même est initialement contre l’idée de développer un ou quelques aéronefs en interne. Il sent / craint que certains des plus gros clients de Rohr Aircraft voient un tel travail comme une tentative malvenue de rivaliser avec eux. En fin de compte, les temps troublés que traverse sa firme convainquent Rohr de l’utilité potentielle de financer le développement d’un seul aéronef.
La plupart des machines développées par ces firmes sont des avions conventionnels à l’apparence conventionnelle. Deux des nombreux, et votre humble serviteur veut vraiment dire très, très nombreux types d’avions légers / privés en cours de développement à partir de 1945 attirent toutefois beaucoup d’attention, car ils ne sont certainement pas des avions conventionnels à l’apparence conventionnelle.
À votre avis, qui renoncerait à la conventionnalité au profit d’approches plus innovantes? Rohr Aircraft, dites-vous (tapez-vous?), ami(e) lectrice ou lecteur? Une bonne supposition, mais dans les faits je vous conduisais en quelque sorte par la main vers cette conclusion, n’est-ce pas?
L’aéronef dont le développement est approuvé à contrecœur par Rohr, un aéronef conçu par l’ingénieur aéronautique en chef de la firme, Frank McCreary, est le Rohr M.R.1, un biplace léger / privé avec des ailes en flèche vers l’avant et une queue en V / queue de type papillon.
Après avoir assemblé une maquette grandeur nature du M.R.1, le personnel de Rohr Aircraft fabrique 2 exemplaires de l’aéronef réel. L’un d’eux est utilisé pour les essais de chargement tandis que l’autre devient le prototype d’essais en vol.
Le pilote d’essai qui fait décoller cette petite machine, en 1947, je crois, n’est pas impressionné. Le M.R.1, déclare-t-il, n’est pas sûr de pilotage. Bien qu’équipé d’un moteur plus puissant et d’une dérive stabilisatrice sous son fuselage arrière, ce prototype n’a plus jamais volé.
Le seul et unique Rohr M.R.1 tel que modifié après son premier et unique vol, Chula Vista, Californie. Anon., « Have you seen? » Flying, juin 1947, 47.
Donné au Aerospace Museum, à San Diego, Californie, près de Chula Vista, le M.R.1 est en partie détruit dans un incendie criminel en février 1978 qui détruit 50+ aéronefs. Seules ses ailes survivent. Au plus tard en 2023, celles-ci sont entreposées à York, Pennsylvanie – peut-être à l’aéroport exploité par York Aviation Incorporated, une société appartenant à Stewart Group Incorporated.
Il est à noter que le surnom de Guppy parfois associé au M.R.1 est donné bien après que cet aéronef ne soit cloué au sol.
Il est également à noter que le M.R.1 est encore sous le manteau lorsque l’autre avion léger / privé développé par Rohr Aircraft est mentionné et montré dans la presse aéronautique, et ce à partir de juillet 1946. Cette machine volante biplace est bien sûr celle mentionnée dans le titre de cet article de notre renversant blogue / bulletin / machin, à savoir le Rohr M.O.1 Midnight Oiler, et…
Je reconnais la main de mon ami(e) lectrice ou lecteur qui pointe dans l’éther. Pourquoi cet aéronef s’appelle-t-il Midnight Oiler, demandez-vous? Une bonne question. Certains suggèrent que ce surnom provient du fait que cette machine volante ressemble à un bidon d’huile, ce qui n’est pas nécessairement ce qu’un futur fier propriétaire de M.O.1 voudrait entendre à chaque aérodrome sur lequel il atterrirait.
D’autres suggèrent que le surnom provient du fait que la plupart des travaux de conception et une grande partie des premiers travaux de construction, au cours du printemps et de l’été 1946, sont effectués aux petites heures du matin, ou aux heures tardives de la soirée, ou les deux. De fait, il semble que les dits travaux de conception et construction sont effectués pendant ces plages horaires inhabituelles parce que le projet n’a initialement pas de sanction officielle.
Quoi qu’il en soit, le M.O.1 est définitivement un aéronef non conventionnel, et… Vous avez oublié à quoi il ressemble, n’est-ce pas. Soupir… Qu’est-ce qui se passe avec les gens de nos jours? Ils ont la capacité de concentration d’une puce à cervelle d’oiseau. Voici un dessin de ce à quoi aurait ressemblé le M.O.1 en vol, gracieuseté de Coq hardi, un hebdomadaire illustré français très populaire mais en déclin destiné à un jeune public.
Une vue d’artiste de ce à quoi le Rohr M.O.1 aurait ressemblé en vol. Une vue de dessus de l’aéronef se trouve dans le coin supérieur droit. Et oui, il volerait de droite à gauche. Noël Graveline, « Coq hardi ‘Drôle de coucou’ Mickey Mouse. » Coq hardi, 26 mai 1949, pas de numéro de page.
Le M.O.1 est en effet un drôle d’oiseau, un « drôle de coucou », pour reprendre le titre de l’article de Coq hardi. De fait, croiriez-vous que l’auteur du dit article déclare que le long nez et les surfaces verticales au bout des ailes du M.O.1 lui rappellent… Mickey Mouse, ou souris Miquette, un personnage de bande dessinée / dessin animé américain extrêmement connu et présent en France depuis 1934?
Le M.O.1 est en fait un canard et cela, ami(e) lectrice ou lecteur, n’est pas un canard. Un canard étant bien sûr une histoire fausse / infondée ou une rumeur sans fondement ainsi qu’un aéronef dont les stabilisateur horizontal et gouverne de profondeur sont situées devant son aile.
Est-ce un instant lumière que vous vivez, ami(e) lectrice ou lecteur? Le Aerodrome No 4 Silver Dart de la Aerial Experiment Association est-il un canard, demandez-vous? Ma foi, le premier aéroplane motorisé à effectuer un vol contrôlé et soutenu au Canada est en effet un canard. Très bien.
Le mot canard est un des mots français appropriés par la langue anglaise pour décrire divers éléments d’un aéronef, de fuselage à aileron. La traduction anglaise du mot duck est bien sûr canard. Un canard oiseau a un long cou et des ailes placées à l’arrière, tandis qu’un canard aéronef a un long fuselage avant et des ailes placées à l’arrière.
Au fait, votre humble serviteur doit admettre que je suis d’accord avec un vieux et puissant programme informatique, un vrai maroufle en fait, qui existe au sein de la Matrice. Comme le Mérovingien, « J’aime la langue française. Langage fantastique. Surtout pour maudire avec, » mais je digresse. Merde. Allons, ne soyez pas choqué(e), ami(e) lectrice ou lecteur puritain(e). Si le grand Jean Luc Picard peut dire ce mot, deux fois, moi aussi – et vous aussi. (Bonjour, SB, EG et EP!)
Très bien, mais un peu fort. Vous voudrez peut-être fermer la porte-fenêtre. Vous avez vraiment affolé les campagnols.
Si je peux citer, hors contexte et en traduction, le chanteur du très populaire groupe new wave américain des années 1980 Talking Heads, vous pouvez vous demander pourquoi le superviseur / surintendant de l’outillage chez Rohr Aircraft, Burt F. Raynes, conçoit un avion léger / privé de type canard plutôt qu’un de type conventionnel. La réponse à cette question se trouve dans une déclaration faite par Raynes lui-même, traduite ici :
Nous devons faire face à des faits désagréables et réaliser que les avions personnels sont des appareils bruyants, vibrants et insatisfaisants conçus pour transporter des êtres humains d’un endroit à un autre avec moins de sécurité et à un coût plus élevé que tout autre moyen de transport.
Au risque de remuer un nid de frelons, on pourrait soutenir que cette observation du milieu des années 1940 reste étonnamment valable en 2023, mais revenons à notre histoire.
Raynes choisit de concevoir un avion léger / privé de type canard pour faire face aux nombreux problèmes qui affligent les avions légers / privés conventionnels disponibles en 1945. Il choisit également de concevoir sa machine de manière à ce qu’elle puisse manipuler / contrôler la très fine couche d’air autour de son aile et de son stabilisateur horizontal. Cette très fine couche d’air est connue sous le nom de couche limite.
S’il vous plaît, et je veux dire s’il vous plaît, notez que ce qui suit est une version (trop?) simplifiée de ce qui se passe réellement. Votre humble serviteur n’est pas ingénieur.
Lorsque de l’air s’écoule le long d’une aile, il rencontre des frottements qui ralentissent le mouvement de l’air en contact avec la dite aile. Ce frottement ralentit le mouvement de l’air à tel point que, à la surface même de l’aile, il n’y a aucun mouvement. Tout juste au-dessus de cette couche d’air infinitésimalement mince se trouve une autre couche d’air infinitésimalement mince qui bouge très, très peu. Au-dessus se trouve une autre couche d’air qui se déplace un tout petit peu plus vite, et ainsi de suite. Chaque couche suivante se déplace à une vitesse plus grande que celle du dessous jusqu’à ce que cette vitesse atteigne la vitesse du flux d’air à écoulement libre.
La région dans laquelle la vitesse de l’air passe de zéro à la surface immédiate d’une aile à la vitesse du flux d’air à écoulement libre, très souvent de pas plus de 1 à 2 millimètres (0.04 à 0.08 pouce) d’épaisseur dans le cas d’un avions léger / privé comme le M.O.1, est connue, vous l’avez deviné, sous le nom de couche limite.
Et oui, aussi incroyable que cela puisse paraître, c’est dans cette région très, très mince que la vitesse de l’air passe de 0 kilomètre/heure (0 mille/heure) au 240 kilomètres/heure (150 milles/heure) que le M.O.1 est censé atteindre.
Et si vous pensez que c’est tout un saut, ami(e) lectrice ou lecteur, rappelez-vous que la vitesse de l’air qui s’écoule le long de l’aile d’un chasseur à réaction Lockheed F-104 Starfighter volant à haute altitude passe de 0 kilomètre/heure (0 mille/heure) à 2 335 kilomètres/heure (1 450 milles/heure) à l’intérieur d’une couche limite qui pourrait ne pas être beaucoup plus épaisse que celle du M.O.1. Et oui, il y a un Starfighter dans l’étonnante collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada. Pourquoi pensez-vous que votre humble serviteur a choisi de mentionner cet aéronef?
Pour répondre à la question qui se formera inévitablement dans votre caboche, Raynes choisit de concevoir sa machine de manière à ce qu’elle puisse manipuler / contrôler sa couche limite car cette manipulation / contrôle, pense-t-il, augmenterait la portance, réduirait la traînée et améliorerait la contrôlabilité.
Raynes espère réaliser ce contrôle en utilisant une soufflante qui aspirerait l’air qui s’écoule le long du fuselage du M.O.1 à travers des fentes étroites tout autour du fuselage arrière. Aspirer cet air réduirait considérablement la traînée et améliorerait le flux d’air vers l’hélice montée à l’arrière, du moins l’espère-t-il.
L’air aspiré à travers les susmentionnées fentes circonférentielles s’écoulerait sur le moteur refroidi par air du M.O.1, le gardant ainsi heureux, avant d’être canalisé à travers les deux ailes, ainsi que vers le fuselage avant et à travers les deux moitiés du stabilisateur horizontal. L’air en question serait évacué par des fentes étroites sur la majeure partie de la longueur des surfaces supérieures des ailes et du stabilisateur horizontal pour augmenter la portance, réduire la traînée et améliorer la contrôlabilité.
Soit dit en passant, pour réduire davantage la traînée, Raynes dote sa création d’un train d’atterrissage rétractable.
Un schéma montrant le flux d’air à travers le fuselage du Rohr M.O.1. Maurice Victor, « Une curieuse conception de l’avion privé – Le M-O.1, avion ‘canard’ biplace réalise le contrôle de la couche limite. » Les Ailes, 22 février 1947, 4.
Et non, les surfaces verticales au bout des ailes ne comportent pas de gouvernails de direction et… Comment le M.O.1 peut-il être piloté de gauche à droite, autrement dit en lacet, s’il n’a pas de gouvernail de direction, me demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur inquiète / inquiet? Ne craignez point. Voyez-vous, pour faire un virage à gauche, par exemple, le pilote du M.O.1 n’a qu’à tourner le volant vers la gauche. Cette rotation arrête partiellement le flux d’air sur l’aile gauche, ce qui réduit la quantité de portance créée sur le côté gauche du M.O.1. L’aile gauche s’abaisse un peu. Ce mouvement vers le bas, combiné à la portance plus importante résultant du flux d’air ininterrompu sur l’aile droite, amorce le virage à gauche que le pilote veut accomplir.
Tel que conçu par Raynes, le M.O.1 doit être une machine relativement peu coûteuse et facile à entretenir et réparer qui ne peut pas décrocher. Pour faciliter l’entreposage et le transport, les ailes de l’aéronef peuvent être détachées.
Avant que j’oublie, Raynes modifie divers composants majeurs du susmentionné M.R.1 pour accélérer l’assemblage de son M.O.1.
La triste vérité, cependant, est que le M.O.1 n’a jamais fait de virage à gauche, ni à droite d’ailleurs. Voyez-vous, il n’a jamais quitté le sol. De fait, il faut se demander si la partie avant qui comprend le stabilisateur horizontal de l’avion est montée.
Pourquoi aller aussi loin et ne pas faire au moins un saut de puce à bord du M.O.1, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur perplexe. Une bonne question pour laquelle je n’ai pas de réponse. Le rapport d’essai en vol défavorable du premier et dernier vol du M.R.1 joue-t-il un rôle? La direction de International Detrola ou celle de Rohr Aircraft met-elle le holà au projet? Qui sait…
À dire vrai, la réinvention progressive de Rohr Aircraft en tant que constructeur / concepteur de nacelles moteurs pour avions de ligne et avions de transport militaire est la principale coupable. Cette ligne de travail est beaucoup plus prometteuse que la fabrication d’avions légers / privés. Les ressources déjà limitées du projet M.O.1 sont progressivement réduites jusqu’à ce que le dit projet soit purement et simplement annulé.
Remarquez, le transfert de Raynes en mars 1948 à International Cooler Corporation, une division International Detrola acquise en 1945, n’aide probablement pas.
Le M.O.1 est vraisemblablement ferraillé avant même la fin des années 1940.
L’échec des M.R.1 et M.O.1 n’affecte cependant pas de manière significative l’avenir du boom des avions légers / privés de l’après-guerre. Voyez-vous, au moment où les centaines de milliers de pilotes militaires américains célibataires formés pendant la Seconde Guerre mondiale et le plus grand nombre d’hommes célibataires américains du même âge qui n’ont pas servi comme pilotes achètent de nouveaux vêtements et leur bague de fiançailles, se marient, achètent une maison avec une clôture blanche en bois et un garage, achètent la grosse automobile de leurs rêves et l’essence nécessaire pour l’utiliser, achètent un gentil gros Canis lupus familiaris, achètent l’épicerie, achètent un berceau, des tonnes de nourriture pour bébé et beaucoup de couches, il n’y a plus de pognon pour acheter un avion léger / privé.
Le boom tant attendu et espéré des ventes et production d’avions légers / privés ne se concrétise pas. La plupart des nouvelles avionneries créées aus États-Unis pour profiter de ce pactole non réalisé font faillite bien avant la fin des années 1940.
L’échec des M.R.1 et M.O.1 n’affecte pas non plus de manière significative l’avenir de Rohr Aircraft. Comme vous le savez déjà, la firme se réinvente progressivement en tant que fabricant / concepteur de nacelles moteurs pour avions de ligne et avions de transport militaire.
Saviez-vous cependant que Rohr Aircraft livre les groupes propulseurs du Lockheed C-130 Hercules, un type d’avion de transport militaire testé en vol en août 1954 (!) qu’on retrouve dans l’incomparable collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada?
Rohr est très satisfait de cette réinvention progressive de sa création. Il est cependant de plus en plus mécontent de la façon dont la direction de International Detrola ou, comme elle devient en février 1949, Newport Steel Corporation mène ses activités.
Après avoir entendu que la dite direction veut vendre Rohr Aircraft, Rohr organise un groupe d’actionnaires et employés pour lancer une offre. Le rusé Rohr peut même avoir convaincu un client influent, Boeing Airplane Company, une firme maintes fois citée dans notre vous savez quoi depuis juin 2018, de payer d’avance les nacelles moteurs qu’elle commande pour qu’il puisse ajouter ce foin au chaudron d’or qu’il rassemble. Lorsque la direction de Newport Steel augmente la mise en demandant plus de pognon, Rohr égale rapidement cette mise et remporte le gros lot.
En novembre 1949, Harbor Aircraft Corporation, une société créée par Rohr dans ce but précis, acquiert les actifs de Rohr Aircraft, un changement de propriétaire qui entraîne la (re)naissance de… Rohr Aircraft Corporation.
Comme vous le comprenez fort bien, le début de la guerre de Corée, en juin 1950, change les règles du jeu. Les dépenses militaires gonflent partout dans le monde. Eh bien, partout en Amérique du Nord et en Europe en tout cas. Pour Rohr Aircraft, le ciel est sans limite.
À ce moment-là, le susmentionné Raynes est de retour chez Rohr Aircraft. Il gravit progressivement les échelons de la firme et succède à Rohr à la présidence en 1963.
Frederick Hilmer Rohr quitte cette Terre en novembre 1965, à l’âge de 69 ans.
Rohr Aircraft subit quelques / plusieurs changements supplémentaires de propriétaires, produits, noms et fortune au cours des décennies suivantes.
Un des produits avec lesquels Rohr Aircraft s’implique est un aéronef. En 1974, Raynes, alors président et directeur général de Rohr Industries Incorporated, décide de se lancer dans le marché des avions légers / privés, un marché très concurrentiel dominé par un petit nombre de firmes bien établies. Il demande à un pilote / ingénieur / concepteur de modèles réduits d’aéronef / concepteur d’aéronef américain bien connu, Walter E. « Walt » Mooney, de développer un aéronef dont la sécurité, les performances, l’efficacité, le coût, le confort et l’accessibilité supérieures rendraient complètement dingue la direction du géant américain Cessna Aircraft Company. Un aéronef qui serait tellement étonnant que les pilotes privés ne pourraient résister à son charme / attrait.
Le concept que Mooney et sa petite équipe d’élite propose est très impressionnant et très peu conventionnel. Le Rohr Two-175 FanJet / 2-175 FanJet a une structure composée de matériaux composites. Il a une aile delta recadrée qui se replie afin de pour pouvoir l’entreposer dans un garage d’automobile standard. Remarquez, il a aussi une dérive repliable pour la même raison. Le FanJet a également une hélice carénée dans le fuselage arrière. Il a un gouvernail, bien sûr, mais ce gouvernail est sous son nez. Croiriez-vous que ce gouvernail et le carénage de sa roue avant ne font qu’un? Je ne plaisante pas.
L’équipe de Mooney fabrique 3 exemplaires du FanJet. L’un d’eux est utilisé pour les essais de chargement tandis que les deux autres deviennent des prototypes d’essais en vol. Votre humble serviteur ne peut pas dire si ces deux machines volent réellement. Quoi qu’il en soit, le FanJet s’avère avoir des caractéristiques de vol agréables.
Ce concept très prometteur n’est malheureusement pas mis en production. Voyez-vous, Rohr Industries connaît des difficultés financières sérieuses au cours des années 1970. À dire vrai, ses projets de développement de divers types de véhicules de transport en commun (navette automatique, autobus articulé et aérotrain) ne vont nulle part. Ils sont finalement abandonnés. Compte tenu des circonstances, le développement du FanJet n’est pas non plus jugé digne d’être poursuivi.
En date de 2023, Rohr Incorporated est une unité de Collins Aerospace Incorporated, elle-même une unité de Raytheon Technologies Corporation, un conglomérat aérospatial / de défense américain mais multinational.
Pastak v’dora lashe / dif-tor heh smusma, ami(e) lectrice ou lecteur non vulcain(e), et, euh, merde.
L’auteur de ces lignes souhaite remercier toutes les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.