Célébrer le Mois de l’histoire des femmes au Canada avec Shohini Ghose, physicienne quantique
Octobre est le Mois de l’histoire des femmes au Canada. C’est l’occasion de célébrer les femmes et les filles du passé et du présent qui contribuent à rendre notre pays meilleur et plus inclusif. Cette année, le thème est « À travers son regard : célébrons la diversité au féminin ». De nombreuses femmes accomplies au Canada méritent d’être célébrées ce mois-ci. Une d’entre elles est Shohini Ghose, Ph.D., actuellement professeure de physique et d’informatique à l’Université Wilfrid Laurier, à Waterloo (Ontario). Mme Ghose est également titulaire de la bourse TED Senior Fellowship et titulaire de la Chaire pour les femmes en sciences et en génie du CRSNG, ainsi que directrice de la recherche et des programmes au Laurier Centre for Women in Science. Elle a également trouvé le temps d’écrire deux livres, dont le plus récent est intitulé Her Space, Her Time: How Trailblazing Women Scientists Decoded the Hidden Universe, et a été publié cet automne.
Le rédacteur du Réseau Ingenium s’est récemment entretenu avec Shohini Ghose.
Ingenium : Merci de prendre quelques minutes pour répondre à nos questions, au bénéfice des lecteurs et lectrices du Réseau Ingenium qui seront sûrement inspirés – surtout les plus jeunes – en découvrant ce qui vous motive, votre parcours et ce que l’avenir vous réserve.
Shohini Ghose : Ça me fait plaisir. J’adore apprendre et j’espère que notre discussion incitera des filles à poursuivre leurs études dans le domaine qui les intéresse, comme je l’ai fait.
Ingenium : Shohini, vous dites que dès un très jeune âge, vous avez voulu comprendre comment le monde fonctionne, et que cette curiosité et votre quête de réponses vous ont amenée à vouloir devenir une scientifique. D’où vient cette curiosité naturelle, selon vous? Vos parents? Vos enseignants? D’autres personnes qui vous ont influencée dans votre enfance?
SG : Je pense que nous naissons tous avec la curiosité naturelle de vouloir découvrir le monde qui nous entoure, peut-être parce que nous sommes poussés par un instinct de survie et d’évolution. Il suffit de penser à la façon dont les bébés explorent et découvrent le monde autour d’eux grâce à leurs sens, comme le toucher, le goût et l’odorat. Mais en grandissant, beaucoup d’entre nous oublions d’être curieux. Ou peut-être sommes-nous trop occupés, ou encore, la courbe d’apprentissage abrupte de la jeunesse finit peut-être par s’aplanir. Dans mon cas, je suis tombée en amour avec les livres, qui ont satisfait une grande partie de ma curiosité et m’ont montré à quel point il y a beaucoup à découvrir dans l’univers. J’ai également eu la chance d’avoir des parents et des enseignants qui m’ont encouragée à être curieuse et à apprendre.
Ingenium : Vous semblez être une personne très déterminée à atteindre vos objectifs. Mais nous rencontrons tous des échecs. Avez-vous déjà connu un – ou des – échecs qui vous ont en fait aidée à réussir?
SG : Oh oui! Lorsqu’on est chercheur ou chercheuse, on passe ses journées à chercher, souvent en vain, des façons de résoudre un problème donné, et si on a de la chance, on connaît peut-être une semaine de succès après six mois de tentatives et d’échecs! C’est comme essayer de trouver un sentier dans une forêt inexplorée : vous risquez d’essuyer beaucoup d’échecs avant de trouver votre chemin. Toutefois, dans le domaine de la physique, toutes les découvertes surviennent lorsque les anciens modèles échouent. Par exemple, c’est lorsque les observations ont confirmé que la Terre n’était pas le centre de l’univers que nous avons compris notre place dans l’univers. Le fait de savoir que les échecs jouent un rôle important dans le progrès scientifique m’aide à continuer.
Shohini Ghose travaillant avec des chercheurs à l’Institut Périmètre de physique théorique à Waterloo, en Ontario.
Ingenium : Pouvez-vous nous donner quelques exemples concrets d’échecs personnels, et des leçons que vous avez tirées de ces expériences?
SG : Je n’ai pas réussi mon premier test de physique quantique à l’université. Le réveil a été brutal, et ça m’a fait comprendre qu’il n’y a pas de raccourci : si je voulais viser haut, je devais travailler pour y arriver. J’y ai donc mis des efforts et, à la fin du cours, j’avais traversé et compris chaque page de mon manuel de physique quantique en deux volumes. En fait, tous ces efforts pour étudier et apprendre à partir de ce manuel sont à l’origine de ma passion pour la physique quantique!
Un autre échec m’a permis de tirer des leçons et d’acquérir des compétences pour pouvoir travailler efficacement en groupe. En tant que directrice du Laurier Centre for Women in Science, j’ai supervisé une vaste enquête sur la recherche au Canada, mais le projet s’est enlisé en raison d’une mauvaise gestion du temps et d’un manque de communication de ma part. J’ai donc dû prendre du recul, repenser le projet et mieux comprendre les besoins et les défis de mon équipe – plutôt que seulement les miens en tant que chef – avant de relancer le projet. J’apprends toujours à mieux communiquer et à comprendre les nombreuses perspectives d’équipes diversifiées, et à permettre à chacun de faire briller ses forces personnelles plutôt que de se limiter à ce à quoi je m’attends.
Ingenium : Ce sont d’excellents exemples. Apprendre des échecs est très précieux, puisque chaque échec nous apprend aussi ce qui ne fonctionne pas. Mais dites-moi, comment définissez-vous le succès?
SG : Je ne sais pas vraiment comment répondre parce que je ne me suis jamais arrêtée pour réfléchir à cette question. Si je pense à la nature de mon travail de chercheuse, je suppose que le succès, c’est toujours continuer d’explorer. Ce que je veux dire, c’est que dans mes recherches, je pose constamment des questions sur la façon dont les lois de la physique quantique fonctionnent. Le succès, c’est donc de trouver une façon de répondre à ces questions, puis de miser sur cette réussite en utilisant les réponses trouvées et les nouvelles connaissances pour améliorer l’avenir.
Shohini Ghose avec ses étudiants, à l’Université Wilfrid Laurier à Waterloo, en Ontario.
Ingenium : Voilà une réponse positive et inspirante. Avez-vous des habitudes en matière de réussite, et si oui, quelles sont-elles? Proviennent-elles de vos essais et erreurs personnels, ou les avez-vous empruntées d’une personne que vous admirez, ou les deux?
SG : Je n’ai jamais fait de liste à proprement dit, alors je suppose que j’ai appris ce qui fonctionne pour moi par l’expérience. Par exemple, j’ai appris que la gestion du temps est essentielle. Je prends donc toujours la peine de bien planifier ma journée. Le temps, contrairement à l’argent, ne peut pas être remplacé. Je sais que c’est une réponse bien courte, mais le temps ne passe que dans un sens : vers l’avant. Alors mon conseil aux jeunes d’aujourd’hui, c’est de ne pas le gaspiller.
Ingenium : Quels ont été vos modèles pendant l’enfance? Et en avez-vous aujourd’hui en tant qu’adulte?
SG : Petite, j’ai été inspirée par Rakesh Sharma qui, en 1984, a été le premier astronaute indien à aller dans l’espace. Plus récemment, je dois dire que je suis une grande fan de Serena Williams, la joueuse de tennis professionnelle qui a pris sa retraite en 2022 après avoir joué à un très haut niveau pendant la majeure partie de sa carrière qui s’est étalée sur 27 ans. Ces deux personnes ont excellé dans deux domaines très différents grâce à leur travail acharné, leur constance et leur persévérance.
Ingenium : Si vous pouviez reculer dans le temps et aller parler, en tant que la physicienne Shohini Ghose de 2023, à la petite Shohini encore fillette, que lui diriez-vous? Quels conseils lui donneriez-vous?
SG : Je lui dirais de passer plus de temps avec sa mère et son père. N’écoute pas cette voix dans ta tête qui se demande si tu es assez bonne pour devenir qui tu veux devenir. Parle à plus de gens avec lesquels tu n’as rien en commun. Et ne perds pas ton temps à enregistrer des chansons sur toutes ces cassettes – toute la musique sera magiquement accessible au bout des doigts dans l’avenir.
Ingenium : Que voulez-vous accomplir maintenant? Que réserve l’avenir à Shohini Ghose, Ph.D.?
SG : Je veux continuer d’explorer les lois de l’univers. J’aimerais fermer le Centre for Women in Science que j’ai fondé, ce qui ne se produira que lorsque nous aurons atteint l’équité, la diversité et l’inclusion dans le domaine des sciences. Je suis également ravie à l’idée de contribuer à la création d’un écosystème quantique national au Canada dont tous les Canadiens pourront bénéficier.
Shohini Ghose avec son nouveau livre, Her Space, Her Time, publié en octobre 2023, qui porte sur les femmes scientifiques qui ont transformé la physique et l’astronomie.
Ingenium : Nous tous à Ingenium – et j’en suis sûr, tous nos lecteurs – vous souhaitons beaucoup de succès dans tous vos projets et activités. Parlant de projets, vous avez récemment publié un autre livre, celui-là intitulé Her Space, Her Time: How Trailblazing Women Scientists Decoded the Hidden Universe. Qu’est-ce qui vous a poussée à écrire sur ce sujet?
SG : Je voulais raconter l’histoire cachée de la physique. Chaque grande découverte en physique – du big bang à la physique des particules, en passant par la radioactivité, la matière noire et l’exploration spatiale – a requis la contribution essentielle de femmes qui sont pour la plupart restées dans l’ombre. Je voulais célébrer le formidable parcours de découvertes scientifiques de ces femmes et raconter leurs histoires personnelles de défis surmontés dans un secteur dominé par les hommes, elles qui ont su émerger en tant que leaders, tant dans le monde scientifique que dans la société. Il y a beaucoup d’inspiration et d’enseignements à tirer de leurs histoires.
Ingenium : Et de vous aussi, Shohini! Merci d’avoir donné à nos lecteurs et lectrices un aperçu de votre travail et de votre personnalité en tant que femme et scientifique accomplie.
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