3 choses à savoir sur la science qui sous-tend la diversité des précipitations hivernales au Canada, l'éclipse solaire d'avril 2024 et comment la regarder en toute sécurité et comment les nouvelles méthodes de bioponie peuvent rendre l'agriculture hydrop
Voici Renée-Claude Goulet, Cassandra Marion et Michelle Campbell Mekarski.
Ces conseillères scientifiques d’Ingenium fournissent des conseils éclairés sur des sujets importants pour le Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada, le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada et le Musée des sciences et de la technologie du Canada.
Dans cette captivante série mensuelle de billets publiés sur le blogue, les conseillères scientifiques d’Ingenium présentent des « pépites » d’information insolite en lien avec leur champ d’expertise respectif. Pour l'édition de février, elles nous expliquent pourquoi il existe tant de formes différentes de précipitations hivernales dans une grande partie du Canada, comment se produisent les éclipses solaires et pourquoi la sécurité est primordiale lors de leur observation, et comment une nouvelle forme d'agriculture appelée bioponie rend possible la certification biologique de la culture hydroponique.
De rafales de neige à la pluie verglaçante : Explorer la diversité des précipitations hivernales au Canada
Pour bon nombre d’entre nous qui endurons les hivers canadiens, le type de précipitations qui tombe (qu’il s’agisse de pluie, de pluie verglaçante, de grésil ou de neige) détermine comment nous nous habillons, comment nous passons notre temps à l’extérieur et à quel point nos déplacements seront contrariants.
À -5 °C, toutes les formes de précipitations suivantes sont possibles. Ce qui nous amène naturellement à demander pourquoi. L’explication simple est la température de l’air. La réponse légèrement plus compliquée est la température de l’air de chacune des couches d’air que traverse la précipitation pendant son trajet du nuage jusqu’au le sol.
En hiver, le type de précipitations que nous recevons, qu’il s’agisse de pluie, de pluie verglaçante, de grésil ou de neige, dépend de la température de l’air qu’elles traversent en tombant.
Neige : La plupart des précipitations hivernales commencent sous forme de neige. Ce processus se produit typiquement dans les nuages où la vapeur d’eau se fixe à de minuscules particules, comme de la poussière ou du pollen. À des températures sous zéro, l’eau gèle et se transforme en cristaux de glace. Au fur et à mesure que les cristaux se heurtent, ils s’agglutinent et grossissent pour former les structures complexes que nous connaissons bien : les flocons de neige. Si la température de l’air demeure sous le point de congélation tout le long du trajet du nuage à la terre, les flocons de neige tombent au sol sous forme de neige.
Cependant, la température de l’air n’est pas toujours la même partout dans l’atmosphère. Les choses se compliquent si la neige passe à travers des zones d’air chaud et froid en tombant au sol. La quantité d’air chaud à travers lequel passent les flocons de neige détermine s’ils deviennent de la pluie, de la pluie verglaçante ou du grésil.
Pluie : Si l’atmosphère est sous zéro dans les nuages, mais chaud pour le restant de la course, alors les flocons de neige fondent et se transforment en pluie. Même si l’air près du sol est très froid, la pluie n’aura peut-être pas le temps de se refroidir suffisamment pour geler. On peut donc avoir de la pluie même si la température extérieure est un peu sous le point de congélation.
Grésil : Si les flocons de neige passent à travers une mince couche d’air chaud, ils fondent partiellement. S’ils traversent ensuite une épaisse couche d’air très froid, ces gouttes slocheuses regèlent et arrivent au sol sous forme de gouttes gelées qui rebondissent en atterrissant. Il s’agit de granules de glace ou de grésil. Selon l’intensité, le grésil peut s’accumuler au sol en piles de granules de glace.
Pluie verglaçante : Si les flocons de neige passent à travers une épaisse couche d’air chaud, ils fondent complètement et deviennent de la pluie. Si les gouttes de pluie liquide passent à travers une mince couche d’air très froid jusqu’au-dessus de la surface, elles refroidiront un peu, mais pas suffisamment pour geler et se transformer en grésil. Lorsque les gouttes d’eau atteignent la surface de la Terre et heurtent un objet froid (comme une voiture, une rue ou un arbre), elles se transforment plutôt immédiatement en glace. Au lieu de former des granules de glace, la pluie verglaçante crée une plaque de glace sur le sol, les arbres, les lignes électriques et tout autre objet. Une petite quantité de pluie verglaçante peut rendre les conditions de déplacement dangereuses, tandis qu’une grande quantité (tempête de verglas) peut causer des dégâts importants.
Naviguer les hivers canadiens imprévisibles armés de renseignements météorologiques peut nous aider à mieux nous adapter aux conditions qui changent constamment ainsi qu’à accueillir la beauté et les défis générés par chacune des formes de précipitations. N’oubliez pas de consulter votre météorologue local avant de sortir.
Par Michelle Campbell Mekarski
Éclipse solaire 2024 : De quoi s’agit-il et comment la regarder de façon sécuritaire
Le 8 avril 2024, une éclipse solaire partielle sera visible presque partout sur le continent nord-américain. D’heureux spectateurs le long du tracé allant du Mexique à certaines parties du sud de l’Ontario et du Québec, et traversant le centre du Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve auront la chance de voir une éclipse solaire totale.
Une éclipse solaire presque totale, en 2017. Cette année, à Ottawa, voici ce à quoi ressemblera notre éclipse partielle à son maximum : un mince croissant lumineux perçant autour de la Lune avec la couronne vaporeuse du Soleil qui apparaît.
Une éclipse solaire est un phénomène naturel qui se produit lorsque la Lune passe entre le Soleil et la Terre, et que l’ombre de la Lune est projetée sur la Terre lorsque les trois corps sont bien alignés. Puisque l’orbite de la Lune est elliptique et inclinée par rapport à celle de la Terre, cet événement ne se produit pas souvent. Le type d’éclipse solaire que l’on peut voir dépend de la distance entre la Lune et la Terre, et de la position d’observation relative.
Éclipse solaire totale : La Lune bloque complètement le Soleil, créant une nuit temporaire de quelques minutes, et la couronne du Soleil est visible.
Éclipse solaire partielle : Seulement une portion du Soleil est occultée, engendrant une atténuation partielle de la lumière solaire.
Éclipse solaire annulaire : La Lune bloque le centre du Soleil, mais pas dans son entièreté, laissant un anneau de lumière solaire, alias « anneau de feu », autour de la Lune.
La vue depuis Ottawa : Dans la capitale, nous vivrons l’expérience d’une éclipse solaire partielle. La Lune commencera à occulter le Soleil à 14 h 11 HE, atteindra une couverture maximale impressionnante de 98 % à 15 h 25, et se terminera à 16 h 35 HE. Cliquez ici (site Web en anglais) pour connaître les heures de l’éclipse dans votre région.
De gauche à droite, des images présentant des exemples d’une éclipse solaire partielle, d’une éclipse solaire annulaire et d’une éclipse solaire totale.
La sécurité d’abord : Observer des éclipses solaires
Il ne faut jamais regarder directement le Soleil sans protection pour les yeux!
Pendant une journée ensoleillée normale, on détourne instinctivement ou impulsivement les yeux de l’éclat du Soleil. Regarder directement le Soleil peut endommager les yeux de façon permanente et possiblement causer la cécité. Durant une éclipse, le Soleil demeure beaucoup trop brillant pour les yeux. Il est sécuritaire de regarder une éclipse solaire sans protection seulement lorsqu’elle est totale, soit lorsque la Lune bloque complètement le Soleil pendant quelques minutes. Si vous prévoyez observer l’éclipse partielle le 8 avril, comme à Ottawa, il ne sera en aucun cas sécuritaire de le faire sans protection pour les yeux.
Options de protection :
- Lunettes d’observation du Soleil : Des filtres ou lunettes solaires à usage spécifique certifiés pour respecter la norme de sécurité internationale ISO 12312-2, qui bloquent la majorité de la lumière émanant du Soleil. Des lunettes de soleil régulières ou des filtres fabriqués de façon artisanale ne conviennent pas.
- Filtres solaires pour télescopes, jumelles ou appareils-photo : Fixez un filtre solaire certifié ISO 12312-2 à tous les appareils d’optique pour empêcher la lumière du soleil concentrée d’entrer et d’endommager les yeux.
- Projecteur sténopéique : Regardez indirectement l’éclipse! Vous pouvez construire un projecteur sténopéique en perçant un petit trou dans une feuille de papier ou de carton, et en laissant la lumière du soleil se projeter dans le trou et sur une surface. Regardez simplement la projection au lieu du Soleil. Vous pouvez également utiliser un objet déjà percé de petits trous, comme une passoire ou une cuillère.
Nous vous invitons à venir au Musée de l'aviation et de l'espace du Canada le 8 avril 2024. Nous offrirons des lunettes à éclipses gratuites avec l’entrée au Musée, tant qu’il y en aura, et nous vous aiderons à concevoir votre propre projecteur sténopéique, à faire des bricolages et plus encore!
Ressources utiles :
Interactive map view of the path of the April 8th solar eclipse (site Web en anglais)
Vue animée de l’éclipse solaire du 8 avril sur Terre
Royal Astronomical Society of Canada (site Web en anglais)
Par Cassandra Marion
Bioponie : Ouvrir la voie à l’hydroponie biologique
Si vous avez déjà mangé des concombres, des tomates, des poivrons, des haricots verts, des aubergines ou des fraises en hiver au Canada, alors il y a de fortes chances qu’ils aient été cultivés dans une serre hydroponique. C’est-à-dire, pour autant qu’ils ne soient pas certifiés biologiques, car la Norme biologique canadienne interdit la certification biologique des aliments cultivés en hydroponie. Mais, une nouvelle approche à la culture hydroponique, appelée bioponie, nous permettra d’entrer dans une nouvelle ère où l’agriculture sans terre pourrait s’inscrire dans les principes de l’agriculture biologique. Allons explorer!
Laitue cultivée dans une serre hydroponique
L’hydroponie est une forme d’agriculture en environnement contrôlé. C’est-à-dire que les cultures sont couvertes, comme dans une serre. On peut ainsi surveiller et contrôler étroitement les conditions, comme la température, la composition de l’air, l’éclairage et les ravageurs. Dans ce type de système, les racines des plantes poussent dans de la laine de roche, des granules d’argile, de la vermiculite ou tout autre médium sans terre. Les nutriments dont les plantes ont besoin pour croître sont dissous dans de l’eau. Cette eau est ensuite envoyée aux racines à l’aide de systèmes d’irrigation par recirculation, lesquels réduisent grandement la consommation d’eau comparativement à des cultures dans des champs. Puisque les cultivateurs peuvent ajuster les nutriments et les propriétés chimiques de l’eau pour convenir aux besoins particuliers des plantes, tâche souvent réalisée de façon automatique, ils peuvent obtenir plus d’aliments par plante et conserver les nutriments. De plus, on peut cultiver des aliments tout au long de l’année en région urbaine et où le climat limite l’agriculture.
Puisque la Norme biologique canadienne exige que les aliments soient cultivés dans un sol vivant et qu’on n’utilise que des engrais de sources biologiques (fumier, compost, algues), l’hydroponie ne peut être biologique, et ce, même si elle répond à toutes les autres exigences. C’est en grande partie dû au fait que les systèmes actuels se servent d’engrais minéraux. Ces produits sont issus de l’extraction minière et de processus chimiques énergivores. Donc, existe-t-il un moyen de les remplacer par des engrais biologiques? Voilà exactement ce que vise la bioponie, avec une approche d’écosystème vivant.
Pour cadrer avec les principes de production biologique, la bioponie boucle la boucle des nutriments en utilisant des microbes pour « digérer » les déchets végétaux et animaux liquides ou solides, transformant les nutriments non disponibles en formes assimilables que les plantes peuvent utiliser de nouveau. Afin d’y parvenir dans un système hydroponique, des innovateurs y ont ajouté ce qu’on appelle un biofiltre, soit un endroit où les microbes peuvent vivre, manger et se reproduire. Les agriculteurs nourrissent les microbes, puis les microbes nourrissent les plantes. Dans ce type de système, les humains jouent un rôle plus important que dans l’hydroponie conventionnelle, car il faut s’en occuper un peu comme des soins qu’on donne à un animal. Les agriculteurs doivent surveiller étroitement et ajuster les conditions ainsi que les niveaux de nutriments libérés par les microbes au fil du temps afin de maintenir un bon équilibre. Puisque les engrais pour la bioponie peuvent être fabriqués à partir de matières disponibles à l’échelle locale (site Web en anglais), on peut ainsi accroître le recyclage de matières organiques recueillies au sein des collectivités locales. Ce type d’agriculture pourrait également rendre la culture sans terre plus réaliste et économique là où l’accès à des engrais commerciaux est plus difficile, comme dans les régions éloignées du nord.
La Norme biologique canadienne a récemment été révisée en 2020 et sera soumise à une autre série de révisions en 2025. Une partie des propositions de changements compte l’intégration de l’hydroponie et l’ajout de la définition d’engrais microbien. Si acceptés, ces changements pourraient ouvrir la voie à de futures propositions visant à inclure la bioponie comme méthode valide de culture biologique.
Pour faire face aux défis de la perte de sol, de l’urbanisation grandissante et des effets des changements climatiques, nous avons besoin d’une diversité de solutions, y compris celles qui nous permettent de produire une gamme d’aliments près des lieux où vivent les gens et à l’aide des ressources locales disponibles. On parle ici de souveraineté alimentaire, car les collectivités seraient responsables de leur propre approvisionnement en nourriture. Bien que la bioponie pose aussi des défis (coûts d’énergie croissants, inflation, manque de main-d’œuvre spécialisée), la culture intérieure sans terre offre une option durable à la sécurité alimentaire, d’un océan à l’autre. Peut-être qu’à l’avenir le Canada élargira sa définition d’agriculture biologique pour inclure ces nouvelles méthodes de culture, permettant ainsi de répondre à la demande d’aliments biologiques cultivés localement.
Par Renée-Claude Goulet
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