Zoum, zoum, zoum, emmène-moi vers la Lune
Bienvenue et bienvenue, ami(e) lectrice ou lecteur fidèle bien que légèrement masochiste, pour une autre conversation sur les merveilles de l’aviation et de l’espace vues à travers des illustrations trouvées un peu partout. Pour le numéro de cette semaine de notre blogue / bulletin / machin, par exemple, votre humble serviteur est revenu à une de ses sources fréquentes, un hebdomadaire de Montréal, Québec, disparu depuis longtemps, Photo-Journal, plus précisément le numéro du 3 février 1949.
Bien que je sois beaucoup plus à l’aise avec le volet aviation du mandat du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada d’Ottawa, Ontario, mon employeur depuis 1987, j’aime bien élargir mon esprit en entrant dans le royaume froid, hostile et sombre de espace. En fait, nous n’irons pas vraiment dans l’espace cette semaine, même si notre sujet principal sera les fusées et la fuséologie / fuséonautique.
Vous voyez, ami(e) lectrice ou lecteur, divers groupes de passionné(e)s de fusées voient le jour au cours des années 1920 et 1930 et forment des sociétés / associations. Le premier groupe de ce type connu à avoir construit quelque chose est la Verein für Raumschiffahrt (VfR). Fondée en juillet 1927, dans une ville désormais située en Pologne, cette société allemande très importante comprend des individus qui sont / deviennent plutôt célèbres.
Il suffit de mentionner Wernher Magnus Maximilian von Braun. Ce jeune membre de la VfR mentionné dans un numéro de janvier 2019 de blogue / bulletin / machin prend véritablement son envol après l’arrivée au pouvoir du Nationalsozialistische Deutsche Arbeitpartei (NSDAP) en 1933 et après la disparition de la VfR, en 1934, suite au manque de financement, à des conflits internes et au départ de certains membres, dont von Braun. Dès lors, la conception des fusées allemandes se fait sous le contrôle des militaires. De fait, von Braun supervise la conception de la A-4, la (tristement) célèbre V-2, le premier missile balistique au monde. Après s’être rendu aux Américains, en 1945, le quelque peu opportuniste et arrogant von Braun travaille pour la Army Ballistic Missile Agency (ABMA), puis pour la National Aeronautics and Space Administration (NASA). Son équipe développe la fusée Saturn V qui permet à des humains de se poser sur la Lune.
Dissimulée pendant de nombreuses années, l’implication de von Braun dans le NSDAP était / est / sera controversée.
L’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) est sans doute le pays où on peut trouver le plus grand nombre d’amateurs de fusées. Ces jeunes hommes trouvent leur inspiration dans le travail de pionnier de Konstantin Edouardovitch Tsiolkovsky, le père de la cosmonautique, du moins selon les Soviétiques / Russes. Deux groupes sont officiellement fondés en novembre 1931 : le Leningradskaya Gruppa po Izucheniyu Reaktivnogo Dvizhenia, basé à Leningrad, et le Gruppa po Izucheniyu Reaktivnogo Dvizhenia, basé à Moscou. Un des jeunes membres de ce dernier est Sergeï Pavlovitch Korolev, le concepteur en chef anonyme du premier missile balistique intercontinental de l’URSS, le R-7 Semyorka, dans les années 1950. À partir du début des années 1930, au moins 9 autres sociétés de fuséologie sont fondées en URSS. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur astucieuse / astucieux, le R-7 est la fusée utilisée pour lancer Spoutnik I, le premier satellite artificiel, mentionné dans quelques numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis juillet 2018.
Les amateurs de fusées britanniques sont bien malchanceux au cours des années 1920 et 1930. Ils ne peuvent pas se tourner vers des pionniers comme Tsiolkovsky pour s’inspirer. Pis encore, le Explosives Act de 1875, connue sous le nom de loi Guy Fawkes, interdit expressément aux particuliers de fabriquer ou expérimenter avec des matériaux et produits chimiques pouvant servir de combustible pour fusées. Cela étant dit (tapé?), la Manchester Interplanetary Society (MIS), une association fondée en juin 1936, tire illégalement un certain nombre de petites fusées à poudre noire. En mars 1937, lors d’une manifestation, l’une de celles-ci explose à l’allumage, blessant des spectateurs. Quatre membres de la MIS sont inculpés. Le jeune président de la société, Eric Burgess, éblouit, oserais-je dire aveugle, la cours avec de la science à un point tel que le magistrat laisse les accusés s’en aller après avoir obtenu la promesse qu’ils n’utiliseraient plus jamais certains produits chimiques. Des tests se poursuivent apparemment malgré tout, dans une lande éloignée.
Croiriez-vous que Burgess est l’individu qui propose d’attacher une plaque en aluminium plaquée or portant un message de l’humanité à bord des premiers vaisseaux spatiaux humains conçus pour quitter le système solaire, à savoir Pioneer 10 et 11? Il le fait fin 1971 lors d’une visite au Jet Propulsion Laboratory de la NASA. Carl Edward Sagan, astronome et vulgarisateur scientifique bientôt célèbre, adore cette idée et convainc les hautes autorités de l’appliquer. Pioneer 10 et 11 sont lancés en mars 1972 et avril 1973. Une plaque est fixée à chacun des vaisseaux spatiaux.
La susmentionnée comparution devant le tribunal et l’importance relative des tests de fusées suscitent des conflits au sein de la MIS. En décembre 1937, le petit groupe intéressé par la fuséologie fonde la Manchester Astronautical Association. En 1944, cette association fusionne avec la Astronautical Development Society, un groupe fondé en 1938 par 2 jeunes dessinateurs dans une célèbre avionnerie, Hawker Aircraft Limited, un membre du géant aéronautique Hawker Siddeley Aircraft Company Limited / Hawker Siddeley Group Limited. L’association ainsi créée, la Combined British Astronautical Society, fusionne avec la British Interplanetary Society (BIS) en septembre 1945 pour former British Interplanetary Society Limited. Saviez-vous que la BIS compte parmi ses membres un des écrivains de science-fiction les plus influents du 20ème siècle, Arthur Charles Clarke, un gentilhomme mentionné dans des numéros de novembre 2018 et janvier 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Bien qu’il y ait très peu de chercheurs sur les fusées aux États-Unis à la fin des années 1920 et au début des années 1930, l’idée du voyage dans l’espace est très populaire parmi une communauté de passionné(e)s enthousiastes. Ces gens vénèrent l’ingénieur américain qui, en mars 1926, lance la première fusée à combustible liquide au monde. Un solitaire secret, souvent qualifié de père de la fuséologie moderne, du moins par les Américain(e)s, Robert Hutchings Goddard ne veut rien avoir à faire avec les enthousiastes.
Le pendant américain de la VfR est la American Rocket Society (ARS). Connu à l’origine sous le nom de American Interplanetary Society (AIS), ce précurseur de l’actuel American Institute of Aeronautics and Astronautics (AIAA) voit le jour en avril 1930. Il acquiert son nouveau nom au printemps 1934.
Ironiquement, la base d’opérations de Goddard à partir du début des années 1930 est Roswell, Nouveau-Mexique, un lieu bien connu des ufologues et écrivains de science-fiction. Soucieuse de savoir si l’URSS teste des armes nucléaires, les United States Army Air Forces lancent le Projet Mogul en 1946. Cette opération très secrète voit le lancement de nombreux ballons équipés de microphones sensibles. Un de ces ballons s’écrase près de Roswell en juillet 1947. Pour utiliser un cliché usé, le reste est passée / passe / passera à l’histoire. Et vous avez raison, ami(e) lectrice ou lecteur, Goddard est mentionné dans un précédent numéro de blogue / bulletin / machin. Un numéro d’août, vous dites? Un numéro de juillet, dis-je. Vous pouvez vérifier si vous ne me croyez pas.
Plusieurs des membres fondateurs de l’AIS / ARS, sinon la plupart, sont des écrivains de science-fiction, une situation qu’on ne retrouve dans aucune autre société de fuséologie de l’époque. Une de ces personnes est Laurence Edward « Laurie » Manning, un Canadien qui s’entraîne dans la Royal Air Force, au Canada, lorsque la Première Guerre mondiale prend fin. Cet écrivain de science-fiction à temps partiel est président de la société et rédacteur en chef de son bulletin d’information. Manning travaille également sur les moteurs développés par la société. Il construit même son stand de lancement, chez lui, en 1933 et achète un terrain d’où les premières fusées de l’AIS / ARS peuvent être lancées. Les nombreuses contributions de Manning sont reconnues à plusieurs reprises : une médaille remise par le vice-président Lyndon Baines Johnson, une carte de membre honoraire à vie de la AIAA et une mention de son nom dans une liste de pionniers de la fuséologie au National Air and Space Museum de Washington, District de Columbia.
Il est à noter qu’un des premiers membres de la AIS / ARS est Robert Anson Heinlein, un des écrivains de science-fiction les plus influents mais quelque peu controversés du 20ème siècle. Avant que je n’oublie, vous voudrez peut-être noter que certains récits de Manning sont publiées dans des magazines créés par Hugo Gernsback, né Hugo Gernsbacher.
Ce Luxembourgo-américain, inventif et polyvalent, est fasciné par la science et les inventions. En 1908, Gernsback lance Modern Electrics, un des premiers, sinon le premier magazine consacré à la télégraphie sans fil / radio. En 1920, la quantité de « scientifiction, » un mot qu’il évoque de nulle part, contenue dans Electrical Experimenter, un titre adopté en 1913, a tellement augmenté que Gernsback renomme son magazine mensuel Science and Invention. En 1926, il lance Amazing Stories, le premier périodique de science-fiction de langue anglaise. De fait, on peut dire que Gernsback est le père de la science-fiction, ou SF, américaine. À ce jour, les Science Fiction Achievement Awards annuels, décernés pour la première fois en 1953, sont presque universellement connus sous le nom de Hugo.
Malheureusement, Gernsback est peut-être un individu avide, oserions-nous dire un quasi escroc, qui se balance souvent comme de l’an 40 des droits des personnes qui écrivent les histoires qu’il publie, mais revenons à notre histoire.
Terminons ce bref survol de la phase d’entre-deux-guerres de l’histoire de la fuséologie en mentionnant brièvement le sujet principal de cet article, à savoir les origines de la fuséologie au Canada. Le seul groupe / club connu de votre humble serviteur est formé vers 1936 à la Central Technical School de Toronto, Ontario. Il est apparemment connu sous le nom de Rocket and Space Study Club. Son fondateur est un jeune immigré allemand du nom de Kurt Richard Stehling, peut-être né Kurtiz Stehling. Le club est en contact régulier avec des individus et des groupes. Il suffit de mentionner l’ARS et la BIS. Vous serez peut-être heureuse / heureux d’entendre (lire?) que Stehling est mentionné dans le susmentionné numéro de juillet 2018 de notre blogue / bulletin / machin.
Croiriez-vous que Stehling partage sa ville natale avec le major général Walter Robert Dornberger, le quelque peu arrogant et désagréable officier qui dirige le susmentionné programme V-2? Saviez-vous également que Justus von Liebig, un chimiste de renommée mondiale du 19ème siècle, enseigne à la Ludwigs-Universität, une institution d’enseignement supérieur située dans le lieu de naissance de Stehling? Le monde est petit, n’est-ce pas? En fait, il est peut-être plus petit que vous ne le pensez.
En tant qu’enfant qui grandit en Allemagne pendant les années 1920, Stehling assiste à certains des essais de fusées menés par le fils d’un industriel aisé établi dans ce même lieu de naissance. Au Canada, il consacre beaucoup de temps et d’argent à acheter des magazines de science-fiction publiés par Gernsback. Ais-je raison de supposer que vos doigts qui tapent ont envie de poser une question, ami(e) lectrice ou lecteur? Le lieu de naissance de Stehling est Gießen, une petite ville allemande.
En 1934, Stehling et quelques autres étudiants de la Central Technical School, vraisemblablement des membres du Rocket and Space Study Club, construisent une minuscule fusée alimentée par du méthane et de l’oxygène. Ils décident de la lancer à partir d’une fenêtre d’un laboratoire de l’école. Lorsque quelqu’un appuie sur le bouton d’allumage, un panneau de la fenêtre se ferme. La fusée le fracasse alors qu’elle s’envole. En tant que chef de l’équipe, Stehling doit payer les réparations de la fenêtre. Aucun membre de l’équipe n’offre son aide. Stehling est également puni pour son expérience non autorisée et potentiellement très dangereuse. Beaucoup de gens à la Central Technical School l’appellent ouvertement le Professeur fou. En tant que Germano-canadien, Stehling n’est peut-être pas très populaire auprès de certains enseignants.
Apparemment inconscients de la version canadienne du Explosives Act, une vingtaine de membres du Rocket and Space Study Club construisent et testent plusieurs petites fusées à poudre noire. Ces activités sont suffisamment intrigantes pour que Stehling soit interviewé à la radio en 1939 à une station de radio locale. Le début de la Seconde Guerre mondiale met fin aux activités du club. En tant qu’immigrant allemand, Stehling doit apparemment faire de gros efforts pour s’enrôler. Il sert outremer, dans le Corps blindé royal canadien.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Stehling rentre à Toronto. Il obtient un baccalauréat en physique et astronomie de la University of Toronto. Stehling n’a cependant pas abandonné son intérêt pour l’espace. Il fonde et dirige une société de fuséologie à l’université (Atomic and Rocket Society? Atomic Rocket Society? Rocket Society?) à un moment donné. Stehling rencontré apparemment à plusieurs reprises des membres d’une autre organisation basée à Toronto, la Canadian Rocket Society (CRS). La CRS absorbe son concurrent de plus petite taille vers 1948. Stehling devient son président à un moment donné.
La CRS est fondé en 1942 par un petit nombre de passionnés de fusées, plus ou moins en tant qu’équivalent canadien de la VfR. Son effectif varié compte plus de 100 membres au plus tard en 1951, dont plusieurs physiciens, ingénieurs et astronomes.
La CRS défraye la manchette en 1949, au Canada, aux États-Unis et au-delà, à la suite d’une ou quelques entrevues évoquant la possibilité d’un voyage dans la Lune vers 1960 à bord d’une fusée nucléaire de 60 mètres (200 pieds) de haut, la C-1, qui fait apparemment osciller la balance à environ 1 000 tonnes (1 000 tonnes impériales / environ 1 125 tonnes américaines). Le président de la CRS, un ingénieur civil de Toronto et capitaine de réserve du Corps de génie royal canadien de l’Armée canadienne du nom de Edward Cecil Evans Fox, indique qu’un voyage sur la Lune coûterait environ 6.5 millions de dollars – des millions avec un M, ce qui semble bien peu. La fusée doit être lancée depuis une installation située au sommet d’une montagne, apparemment en Colombie-Britannique. Il semble qu’il n’y aurait aucune tentative d’atterrissage sur la Lune, du moins pas lors du premier vol là-bas.
Fox et d’autres membres de la CRS espèrent qu’un commanditaire serait suffisamment impressionné par son projet pour qu’il accepte de le financer. Ils contactent apparemment des fabricants canadiens pour voir si des pièces complexes pour leur fusée peuvent être produites. Les réponses des entreprises ne sont pas enregistrées, mais on peut présumer qu’aucune pièce n’est fabriquée.
Il est intéressant de noter que Fox pense que si les scientifiques, industries et gouvernements du monde agissent de concert, ils pourraient lancer, au plus tard en 1950, un vaisseau spatial qui pourrait non seulement atteindre la Lune et voir sa face cachée, mais aussi atteindre également Mars, en moins de 3 mois. Il admet facilement que de nombreux obstacles devront être surmontés avant toute tentative de vol vers Mars ou même vers la Lune. Curieusement, Fox semble croire qu’un système de réfrigération serait nécessaire pour protéger le vaisseau spatial de la chaleur intense de l’espace lors de son long voyage vers Mars. Il mentionne tout naturellement que les épouses des explorateurs spatiaux se joindraient au voyage.
Un modèle de 1.8 mètres (6 pieds) de la fusée géante est présenté à la Canadian National Exhibition, à Toronto, en 1948 et peut-être en 1949. Il est réalisé au moins en partie par un membre dévoué de la société, un électricien né au Royaume-Uni et ancien combattant de la Première Guerre mondiale du nom de Samuel « Sam » Kernerman. Fox montre les plans de la fusée à un ou quelques groupes de personnes au cours d’une visite à New York au cours de l’été 1949 qui retient l’attention du journal The New York Times.
Kernerman est tout un personnage. Durant son service en Palestine et en Égypte, pendant et après la Première Guerre mondiale, il rencontre David Ben-Gurion, né David Grün, un des pères d’Israël, et Thomas Edward Lawrence, autrement dit Lawrence d’Arabie. Bien que n’il ne soit pas un excellent homme d’affaires, Kernerman est une âme créative qui invente un lave-vaisselle automatique et un robinet sans rondelle, entre autres choses. Il est président de la CRS à un moment donné.
Hillel Diamond est un autre président de la CRS. Né à Montréal, Québec, ce musicien et membre fondateur de la société passe la majeure partie de sa vie à Toronto. Passionné par la science tout au long de sa vie, Diamond encadre d’innombrables jeunes Torontoises et Torontois qui visitent son très populaire et réputé Science Shop, qui sert de lieu de rencontre hebdomadaire pour les membres de la CRS. En vérité, il joue un rôle crucial dans la légalisation et la vulgarisation de la fuséologie en tant que passe-temps en Ontario, voire au Canada dans son ensemble.
Un des membres de la CRS est nul autre que Gordon Neil Patterson, le premier directeur du département de génie aéronautique de la University of Toronto. Créateur, en juillet 1939, et dirigeant, jusqu’en juin 1945, de la division aérodynamique du Aeronautical Research Laboratory du Council for Scientific and Industrial Research australien, Paterson est reconnu mondialement pour ses recherches sur le vol supersonique. Il devient le directeur fondateur du Institute for Aerophysics, l’actuel University of Toronto Institute for Aerospace Studies, en avril 1949. Cet organisme basé à Downsview, en banlieue de Toronto, absorbe alors le département de génie aéronautique, mais revenons à notre histoire, et à Fox.
Les entretiens de Fox sur le vol des fusées, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, sont à ce point populaires qu’ils aboutissent à une interview pour Canadian Cavalcade, une émission de radio musicale très populaire diffusée par Canadian Broadcasting Corporation qui compte parmi ses intervieweurs Lorne Greene, né Lorne Himan Green, un gentilhomme mentionné dans un numéro de septembre 2018 de notre blogue / bulletin / machin. Canadian Cavalcade, si vous devez le savoir, est commanditée par Borden Company Limited, une entreprise bien connue pour ses produits laitiers.
Pendant un certain temps au cours de la Seconde Guerre mondiale, Fox est rédacteur en chef adjoint de Air Force Review et président de son conseil d’administration, et ici repose une histoire. Désolé. Le premier numéro de ce mensuel, l’organe officiel de la section canadienne de Comrades of the Royal Air Forces, est daté de juillet 1940. Le lien avec cette organisation britannique aujourd’hui connue sous le nom de Royal Air Forces Association se brise toutefois avec le numéro de décembre. Des problèmes de livraison amènent la direction de Air Force Review à abandonner sa maison d’édition, Copp Clark Company Limited de Toronto. Ce transfert devient visible lors du numéro d’avril 1941, peu après la fondation de sa nouvelle maison d’édition, Anglo-American Publishing Company Limited de Toronto, une firme créée pour publier des albums de bandes dessinées en sol canadien.
En effet, s’il est vrai que l’aviation est une affaire sérieuse, elle a néanmoins un côté davantage récréatif. C’est pendant la Seconde Guerre mondiale, par exemple, que la bande dessinée prend son envol au Canada. La Loi sur la conservation des changes en temps de guerre et l’imposition d’une taxe de 10 % sur les albums de bandes dessinées en provenance des États-Unis suscite la réorientation, voire la création de maisons d’édition locales qui se lancent dans l’aventure. Anglo-American Publishing compte parmi elles.
Cette maison d’édition produit le premier album de bandes dessinées au Canada, en 1941. Robin Hood and Company est un subtil mélange de contenu canadien et d’histoires américaines redessinées. Aucun des personnages créés par ses artistes ne survit longtemps après la fin de la Seconde Guerre mondiale et la réintroduction des albums de bandes dessinées américains sur le marché canadien, mais je digresse.
Un tout nouvel organisme, le Aeronautical Institute of Canada de Toronto, succède à Anglo-American Publishing vers la fin de l’été 1942 et poursuit la publication de Air Force Review. Créé pour promouvoir l’aviation pendant et après la guerre, cet institut absorbe un organisme pour ainsi dire inconnu, la Aviation Association of Canada, tout juste après sa formation. Le Aeronautical Institute of Canada pourrait ne pas avoir survécu bien longtemps après la fin de la Seconde Guerre mondiale. De fait, Air Force Review, devenue Aviation Review en mars 1944, semble disparaître peu après le retour de la paix.
Le premier rédacteur en chef de Air Force Review est un personnage important aujourd’hui oublié. Vers la fin des années 1930, Clifford Gordon Bannington Stuart lance Aeroplane Photo Supply (Incorporated?), une petite société torontoise qui vend des photographies d’aéronefs. Celles-ci s’avèrent fort populaires parmi les passionné(e)s d’aviation des 2 côtés de la frontière canado-américaine. Au fil des ans, sa collection gagne en importance et finit par compter plus de 6 000 photographies différentes ainsi qu’environ 20 000 livres sur l’aviation, un inventaire inégalé ailleurs dans le monde dit-on. Les clients qui utilisent les catalogues de Stuart pour acheter des photographies et / ou des livres se retrouvent des 2 côtés de l’Atlantique.
En 1946, Stuart fonde Aircraft and Jets. Il en est le rédacteur gérant. Il semble bien que 2 numéros à peine de ce magazine mensuel paraissent, en juin et décembre. Aircraft and Jets contient de très nombreuses photos provenant selon toute vraisemblance de la collection de Aeroplane Photo Supply. De fait, le magazine contient des annonces publicitaires de cette société et de la librairie de Stuart, située elle aussi à Toronto.
En 1958, ce grand collectionneur devant l’éternel quitte le Canada pour s’établir dans un château britannique. Il y emménage avec ses photographies et ses livres. En 1959, Stuart vend sa collection de photographies au National Air Museum, l’actuel National Air and Space Museum. Votre humble serviteur ne sait pas ce qui est arrivé aux livres de ce passionné du ciel, mais revenons encore une fois à notre histoire. Soit dit en passant, tant Air Force Review / Aviation Review que Aircraft and Jets peuvent être consultées à la stupéfiante bibliothèque du musée de l’aviation et de l’espace du Canada.
La CRS connaît un déclin prolongé à partir du début des années 1950. Au milieu des années 1960, elle est presque moribonde. Le susmentionné Diamond la ressuscite, en tant que club de fuséologie amateur, au cours de cette même décennie. La CRS disparaît peut-être au cours des années suivantes. Ses liens avec le Toronto Rocket Club, un groupe actif dans les années suivantes, ne sont pas clairs. En 2019, il ne semble y avoir aucun club de fuséologie actif à Toronto.
Croyant qu’il n’y a pas d’avenir au Canada pour un Germano-canadien comme lui, Stehling s’installe aux États-Unis en 1948, avec son épouse américaine. Il travaille pour Bell Aircraft Corporation jusque vers le milieu des années 1950. Cela étant dit (tapé?), Stehling passe également quelque temps au début des années 1950 avec le chef du programme de recherche spatiale de la State University of Iowa, l’astrophysicien James Alfred « Jim » Van Allen. Les 2 hommes testent l’utilisation de ballons pour permettre à des fusées relativement petites d’atteindre des altitudes élevées, un concept connu sous le nom de rockoon (ROCKet + ballOON). Et oui, Bell Aircraft est mentionné dans des numéros de juillet et août 2017 de notre blogue / bulletin / machin. À propos, Stehling devient membre de la susmentionnée ARS à la fin des années 1940.
Vous pourrez être heureuse / heureux d’entendre (lire?) que plusieurs rockoons sont lancées par des brise-glaces de la United States Coast Guard naviguant dans l’Arctique canadien au cours de la première moitié des années 1950. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, il y a un raton-laveur, en anglais raccoon, nommé Rocket dans un film que nous connaissons et aimons toutes et tous. Concentrez-vous. S’il vous plaît.
En 1955, alors qu’il travaille au Naval Research Laboratory, Stehling devient chef du groupe de propulsion d’un programme récemment créé de la United States Navy qui conduit à la conception, par Martin Company, d’une fusée de lancement de satellite relativement petite, la Vanguard. Ce programme est connu sous le nom de, vous l’aurez deviné, Projet Vanguard. Les travaux sont réalisés sous les auspices de l’Année géophysique internationale, une période de temps d’environ 16 mois consacrée à des travaux de recherche sur la Terre réalisées au niveau mondial mentionnée dans un numéro de juillet 2018 de notre blogue / bulletin / machin. Incidemment, la fusée Vanguard est mentionnée dans ce même numéro de juillet 2018 de notre blogue / bulletin / machin.
La première tentative américaine de lancer un satellite artificiel, en décembre 1957, peu après le lancement du premier satellite artificiel au monde, Spoutnik I de l’URSS, en octobre, est un échec retentissant : la fusée Vanguard explose sur la rampe de lancement. Cet embarras national télévisé est ridiculisé de manière amusante / insultante (stayputnik, stallnik, sputternik, splatnik, puffnik, pfftnik, oopsnik, kaputnik, goofnik, flopnik, failnik, dudnik, etc.) par de fort nombreux journaux américains et étrangers.
L’équipe de Von Braun à la susmentionnée ABMA sauve plus ou moins la situation en lançant le premier satellite artificiel américain, Explorer 1, en janvier 1958. Vous vous demandez peut-être comment les garçons de ABMA peuvent réaliser cet exploit si rapidement. La vérité est que certains membres de cette équipe ne pensent pas que le lancement de décembre 1957 de la fusée Vanguard sera couronné de succès. Un ou quelques officiers supérieurs de la United States Army leur permettent de préparer discrètement / secrètement une fusée, au cas où. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, Explorer 1 est mentionné dans un numéro de juillet 2018 de notre blogue / bulletin / machin. Incidemment, en mars 1958, une fusée Vanguard lance TV-4 (Test Vehicle-4) / Vanguard I, le second satellite artificiel américain.
La Vanguard est apparemment choisie pour lancer le premier satellite américain car elle est mise au point par des ingénieurs américains pour transporter des instruments scientifiques, une histoire d’origine qui correspond au désir de l’administration dirigée par le président Dwight David « Ike » Eisenhower de faire de l’exploration spatiale une entreprise pacifique. La fusée de ABMA, quant à elle, est un missile balistique à portée intermédiaire, le ABMA / Chrysler SM-78 Jupiter, mis au point au moins en partie par des ingénieurs germano américains, d’anciens ingénieurs du projet V-2 pour être plus précis, pour porter une tête thermonucléaire. La fusée de la United States Air Force (USAF) est également un missile, mis au point par des ingénieurs américains pour transporter une tête thermonucléaire, et elle n’est pas encore prête. Vous vous souviendrez, ou pas, que Eisenhower est mentionné dans un numéro de mars 2018 de notre blogue / bulletin / machin.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, la fusée de la USAF est le missile balistique intercontinental Convair SM-65 Atlas, une arme mentionnée dans des numéros de juillet et septembre 2018 de notre blogue / bulletin / machin. Et oui encore, le nom Chrysler tapé quelques lignes ci-dessus renvoie à Chrysler Corporation, un important constructeur automobile américain mentionné dans un numéro de janvier 2019 de notre blogue / bulletin / machin. Je parie que vous ne saviez pas qu’il fabrique également des armes de destruction massive à un moment donné – un cas de transformation de socs en épées, si je puis me permettre. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur légèrement agacé(e), il y a beaucoup de machins dans le présent article.
Croiriez-vous que l’équipe de ABMA aurait, je répète aurait, peut-être pu mettre quelque chose en orbite dès septembre 1956? La fusée Jupiter lancée à cette époque est apparemment modifiée pour éviter de placer « accidentellement » son quatrième et dernier étage en orbite. L’ordre de faire ces modifications est peut-être venu de Eisenhower lui-même. Von Braun n’est pas amusé.
Bien qu’inactif depuis 1964, le Vanguard I, de la taille d’un pamplemousse, est toujours là-haut au début de 2019 – le plus vieil objet de fabrication humaine dans l’espace. Ce pionnier de l’utilisation de l’énergie solaire dans l’environnement hostile de l’espace devrait rester en orbite jusqu’à l’année 2200, mais revenons à notre histoire.
Stehling est membre du Rocket and Satellite Research Panel, créé par Eisenhower, qui recommande vivement, en 1957, de créer une agence spatiale américaine. Comme nous le savons tous les 2, la NASA est créée en juillet 1958 en tant que National Aeronautics and Space Agency. Stehling lui-même rejoint cette organisation de renommée mondiale à la fin de 1958, lorsque la responsabilité du projet Vanguard lui est transférée. Vous pourriez être satisfait(e) d’entendre (lire?) qu’il est peut-être une des premières personnes à la NASA, ou ailleurs, à suggérer que, à formation égale, les femmes astronautes pourraient être aussi bonnes, sinon meilleures que les hommes.
Stehling est chercheur principal à la NASA pendant quelques années. Au milieu des années 1960, il est vice-président d’une société connue sous le nom de Electro-Optical Systems Incorporated. En 1971, Stehling est conseiller principal dans les domaines de la technologie sous-marine et de l’aérospatiale auprès de la National Oceanic and Atmospheric Administration. Un des projets sur lesquels il travaille après son départ à la retraite est l’utilisation de dirigeables géants comme moyen efficace de transport de fret dans le monde entier. Stehling meurt en mars 1997 à l’âge de 77 ans.
Je ne sais pas pour vous, ami(e) lectrice ou lecteur, mais je pense avoir causé assez de dégâts pour aujourd’hui. Je vous dis donc au revoir et adieu, jusqu’à la semaine prochaine.
L’auteur de ces lignes souhaite remercier toutes les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.