Une Airway pour l’autoroute : Theodore Parsons Hall et sa voiturette – et sa voiture volante aussi
Bien le bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur un tant soit peu masochiste. C’est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue dans le monde de l’aviation et de l’espace et, plus encore peut-être, de l’automobile.
Notre sujet de la semaine est apparu au tournant d’une page de Photo-Journal. Plus exactement, d’une page de l’édition du 29 décembre 1949 de cet hebdomadaire de Montréal, Québec, que nous connaissons et aimons toutes et tous.
La légende de la photographie ne contenant qu’un minimum d’information, votre humble serviteur a dû inventer le reste. Désolé. Je plaisante. Je n’invente rien du tout, sauf les calembours plus ou moins réussis qui parsèment notre blogue / bulletin / machin. Voici la légende de la dite photographie :
Cette nouvelle automobile légère, construite pour être vendue $500, a été lancée sur le marché de San Diego, en Californie, par celui qui l’a conçue, M. T. P. Hall. Il soutient que cette voiture, qui pèse [350 kilogrammes] 775 livres, peut atteindre une vitesse de [72 kilomètres / heure] 45 milles à l’heure et consomme un seul gallon [américain] d’essence pour cette distance. Elle est faite d’un alliage d’aluminium et d’un matériel de plastique.
Le Canada étant un pays utilisant le système métrique, je me dois d’ajouter que la Airway consomme 5.2 litres d’essence aux 100 kilomètres. Certaines personnes connaissant mieux le gallon impérial que le litre ou le gallon américain, permettez-moi de dire que cette voiturette peut parcourir 54 milles (87 kilomètres) avec 1 gallon impérial (4.55 litres) d’essence.
À moins que vous n’ayez des objections, votre humble serviteur aimerait poursuivre ce récit par le biais d’une brève biographie du susmentionné T.P. Hall. Pas d’objection? Vermouilleux.
Le dit T.P. Hall est en fait Theodore Parsons « Ted » Hall, un ingénieur aéronautique américain né en décembre 1898. Tout comme Howard Joel Wolowitz, un des principaux personnages de la série télévisée américaine The Big Bang Theory, il détient une maîtrise en génie du Massachusetts Institute of Technology, une prestigieuse institution de haut savoir mentionnée dans un numéro de juillet 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Il est à noter que le frère ainé de Hall est lui aussi ingénieur aéronautique. De fait, Randolph Fordham Hall est peut-être mieux connu que lui. Cet inventeur et concepteur d’aéronefs travaille pendant plus de 15 ans pour un des grands avionneurs américains, Bell Aircraft Corporation, une firme mentionnée dans des numéros d’août 2018 et février 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
« Ted » Hall, quant à lui, se joint au personnel de l’important avionneur américain Consolidated Aircraft Corporation en 1931, après un séjour dans une firme cofondée par son frère. Il gravit rapidement les échelons et finit par devenir ingénieur de développement en chef. Hall contribue à la mise au point de 2 aéronefs qui jouent un rôle important pendant la Seconde Guerre mondiale, l’hydravion à coque / amphibie de reconnaissance maritime Consolidated PBY Catalina et l’avion de bombardement lourd / reconnaissance maritime Consolidated B-24 Liberator, 2 types d’aéronefs préservés dans la très, très impressionnante collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario.
Saviez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur fana d’aviation, que le Catalina est fabriqué sous licence au Canada pendant la Seconde Guerre mondiale? Désirez-vous en savoir plus à cet effet? Non? Non?! Comment ça, non? Sachez que l’Aviation royale du Canada (ARC), une force aérienne alors connue en français sous le nom de Corps d’aviation royal canadien et mentionnée dans quelques numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis novembre 2017, se met en quête d’un nouvel hydravion à coque de reconnaissance maritime à l’automne 1939. Elle choisit un aéronef fiable et éprouvé, le susmentionné Catalina, en décembre.
Malgré cette décision, des discussions en vue de produire cet aéronef au Canada ne débutent qu’après l’attaque lancée par l’Allemagne national-socialiste en mai 1940 qui entraîne la chute de la France, en juin. Elles aboutissent vers septembre avec un accord qui prévoit la production de la version amphibie du Catalina, rebaptisée Canso par l’ARC, par 2 avionneurs canadiens, Boeing Aircraft of Canada Limited de Vancouver, Colombie-Britannique, une filiale du géant aéronautique américain Boeing Aircraft Company, et Canadian Vickers Limited de Montréal, Québec.
Dans un premier temps, Boeing Aircraft of Canada assemble 55 Canso à l’aide de pièces fabriquées par Consolidated Aircraft. Ce matériel n’étant pas toujours disponible à temps et en quantité suffisante, le programme prend du retard. Un prototype vole toutefois en juillet 1942. En 1943, en collaboration avec les gouvernements américain et britannique, le ministère des Munitions et des Approvisionnements, l’organisme responsable de la production de guerre au Canada, modifie en profondeur le programme de production de l’avionneur. Boeing Aircraft of Canada produit ainsi un peu plus de 300 hydravions à coque Catalina financés par le gouvernement américain par le biais du Act to Promote the Defense of the United States, mieux connu sous le nom de Lend-Lease Act, ou loi du prêt-bail. Ces aéronefs sont livrés à la United States Navy, à la Royal New Zealand Air Force et à la Royal Air Force britannique.
Canadian Vickers, de son côté, reçoit un important contrat canadien en 1941. Son usine du centre-ville de Montréal, quelque peu vieillotte et encombrée, ne suffit toutefois pas à la tâche. Le ministère des Munitions et des Approvisionnements achète alors de vastes terrains à Cartierville, en banlieue de Montréal, et y érige une usine que l’avionneur va diriger en toute indépendance. Le transfert des opérations s’effectue une fois pour toute en juillet 1943, environ 7 mois après le premier vol d’un prototype, en décembre 1942. Canadian Vickers ayant décidé d’abandonner la production aéronautique au cours de l’été 1944, une société d’état, Canadair Limited, voit le jour en octobre et prend le contrôle de l’usine en novembre. Canadian Vickers et Canadair produisent en fin de compte environ 370 aéronefs amphibies pour l’ARC et les United States Army Air Forces (USAAF).
La production totale de Boeing Aircraft of Canada et de Canadian Vickers / Canadair s’élève par conséquent à environ 730 amphibies et hydravions à coque. Le PBY Catalina / Canso compte parmi les aéronefs de reconnaissance maritime les plus réussis du 20ème siècle.
Si je peux me permettre une digression, Canadian Vickers et Canadair sont mentionnées dans quelques / plusieurs numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis septembre 2018 et octobre 2017 respectivement. Boeing Aircraft of Canada, quant à elle, est mentionnée dans des numéros de février et mars 2019 de cette publication illustre entre toutes. Sa maison mère américaine, Boeing Aircraft, est honorée, si, si, honorée, de la même manière dans des numéros de juin 2018, juillet 2018 et mars 2019 de notre vous savez quoi, mais revenons à notre histoire.
Hall se prend d’intérêt pour un type de véhicule quelque peu différent du Catalina vers 1938. Il se lance en fait dans la mise au point d’une voiture volante / avion routier dans ses temps libres. Un prototype de validation de principe complété dans ces mêmes temps libres peut, je répète peut, avoir volé en 1939 ou 1940.
Intrigué par le potentiel de cette voiture volante, Consolidated Aircraft suggère en 1941 au United States Army Air Corps / USAAF que ce type de véhicule peut s’avérer utile en transportant des équipes de forces spéciales derrière les lignes ennemies. Ne l’oublions pas, la force aérienne de la United States Army s’intéresse alors de plus en plus au planeur de transport, une arme nouvelle mentionnée dans des numéros de février et octobre 2018 de notre blogue / bulletin / machin et utilisée pour la première fois au combat en mai 1940 par l’armée de l’air de l’Allemagne national socialiste, ou Luftwaffe. L’avionneur ne parvient cependant pas à intéresser son client potentiel. De fait, Hall met son projet de voiture volante de côté lorsque les États-Unis s’engagent de plein pied dans la Seconde Guerre mondiale, en décembre 1941.
Les choses en restent apparemment là jusqu’en 1944. Cette année-là, Consolidated Vultee Aircraft Corporation (Convair), une raison sociale adoptée en 1943 lors de la fusion de Consolidated Aircraft avec Vultee Aircraft Incorporated, une division de la société de portefeuilles Aviation Corporation, fait appel aux services de Henry Dreyfuss & Associates, un bureau de conception / dessin industriel américain connu entre tous fondé par le fameux concepteur / dessinateur industriel américain Henry Dreyfuss. L’avionneur n’est pas sans savoir que la Seconde Guerre mondiale ne durera pas éternellement. Sa direction entreprend un effort stratégique afin de mettre au point des aéronefs civils à la fine pointe de la technologie qui remplaceront sur les chaînes de montage, une fois la paix revenue, les aéronefs qu’elle produit pour les forces aériennes alliées.
De très nombreux avionneurs américains, bien établis et de création toute récente, espèrent eux aussi tirer profit du retour de la paix dans le monde. À n’en pas douter, croit tout ce beau monde, de très nombreux pilotes formés au cours du conflit vont continuer de voler une fois la guerre terminée, à bord d’aéronefs légers / privés modernes.
Cela étant dit (tapé?), en 1946, Hall vend les droits de son projet de voiture volante à une petite firme, la division Southern Aircraft de Portable Products Corporation, afin qu’elle complète sa mise au point. Sa décision tient peut-être au fait que la direction de Convair ne souhaite pas nuire aux ventes d’une version mise à jour d’un excellent et fort populaire avion léger / privé à 4 places on ne peut plus conventionnel, datant d’avant la Seconde Guerre mondiale, le Modèle 108 Voyager, produit par la division Stinson de Convair.
Quoiqu’il en soit, un prototype (amélioré?) de la voiture volante imaginée par Hall, la Southern Aerocar, vole en 1946 ou 1947. Croiriez-vous qu’un dessin de cette voiture volante biplace se trouve sur la magnifique affiche de l’exposition temporaire L’aviation, rêvée et réinventée (Bonjour, LG!), inaugurée en 2000 par le Musée national de l’aviation / Musée de l’aviation du Canada, l’actuel Musée de l’aviation et de l’espace du Canada?
Au bout de quelques mois, Southern Aircraft retourne toutefois les droits de la Aerocar à Hall. Celui-ci quitte alors son emploi à Convair pour continuer la mise au point de sa voiture volante. Cela étant dit (tapé?), l’avionneur accepte d’appuyer les efforts de son ex-ingénieur – sans trop d’enthousiasme peut-être.
Le prototype de la voiture volante biplace Convair Modèle 116 vole en juillet 1946. Un détail un tant soit peu amusant si je peux me le permettre : l’arrière de la partie automobile du véhicule, qui n’est pas très élégante selon votre humble serviteur, est peinte de manière à ressembler à celle d’une automobile familiale. Ce véhicule effectue de nombreux vols mais n’est certes pas parfait.
Le premier prototype de la voiture volante Consolidated Vultee Modèle 118. Anon., « Fly it… or drive it. » Skyways, septembre 1948, 25.
La conception d’une voiture volante améliorée et plus puissante, la Modèle 118, ou ConvairCar / Convaircar comme l’appelle parfois / souvent, plus ou moins officieusement, commence ainsi bientôt. Pour ce faire, Convair fait de nouveau appel aux excellents services de Henry Dreyfuss & Associates. Celui-ci, quant à lui, fait appel aux excellents services d’un concepteur automobile pour le moins péripatétique, le fort talentueux, résilient, imaginatif et compétent Wellington Everett « Ev » Miller. Celui-ci prépare des plans et un modèle de voiture volante pour Henry Dreyfuss & Associates en 1947.
Vous savez quoi, ami(e) lectrice ou lecteur, la carrière de Miller est à ce point intéressante que j’ai l’intention de pontifier à son sujet.
3, 2, 1, c’est parti! Né en novembre 1904, Miller se lance sur le marché du travail dès 1919, en tant qu’aide-mécanicien. Vers 1919-21, suivant le conseil d’un patron subséquent, Miller suit le cours de conception et dessin d’automobiles bien connu de 2 ans de la Correspondance School for Automobile Body Makers, Designers and Draftsmen fondée par Andrew F. Johnson, le père du stylisme et de la conception automobiles aux États-Unis. Il conçoit sa première automobile dès 1921.
Miller travaille pour une myriade de fabricants d’automobiles, souvent assez petits, à partir des années 1910. Il effectue une bonne partie de ce travail en tant que concepteur indépendant. De fait, Miller demeure actif jusqu’au milieu des années 1970. Au cours de sa carrière, il conçoit une myriade de produits pour une centaine de clients, des pompes à eau aux moteurs de modèles réduits d’aéronefs en passant par des caméras, des annonces publicitaires, des machines distributrices et des jouets à roues.
Croiriez-vous que Miller prépare, en 1925, une série de plans de la voiture volante à ailes repliables que l’Américain Virgil Bertram « Bert / Fudge » Moore souhaite fabriquer? Ce dernier, un pilote charmant et futé, songe en fait à produire un tel véhicule, initialement baptisé Imperial Valley Road Runner, depuis le tout début des années 1920. Moore fonde au moins 2 compagnies à cet effet, Moore Autoplane Company Incorporated et Pacific Autoplane Company. Un prototype, qui semble voler, au plus tard en 1923, doit donner naissance à 3 types de véhicules distincts, un taxi, un camion léger et un véhicule pour voyageurs de commerce. Soit dit en passant, Miller ne reçoit pas les émoluments qui lui sont promis après un mois de travail.
Le projet de Moore intéresse plus d’une personne. En 1921 par exemple, les représentants du gouvernement japonais qui écument la Californie en quête de brevets d’invention intéressants communiquent apparemment avec le jeune homme d’affaires, et avec plusieurs autres personnes pilotes et concepteurs. Votre humble serviteur ne sait pas s’il leur vend quoi que ce soit.
Je me dois par ailleurs de noter que Moore est arrêté en 1922 pour son implication alléguée dans un réseau de trafic humain qui fait entrer des Chinois(e)s en Californie à partir du Mexique. Ce groupe criminel est par ailleurs accusé d’avoir commis des vols de banque et effectué de la contrebande d’alcool. Je ne sais malheureusement pas si Moore est acquitté – ou condamné à la prison. Il est certainement un homme libre en 1925.
Ce qui est également certain, c’est que les investisseurs décident en fin de compte de ne pas lancer la production des véhicules pour le moins innovateurs de Moore.
Si je peux me le permettre, il ne faudrait confondre la Autoplane de Moore avec
- la Curtiss Autoplane, selon toute vraisemblance la première voiture volante au monde, et ce même si elle n’effectue que quelques sauts de puce, complétée en 1917 par Curtiss Aeroplane & Motor Company, un géant aéronautique américain mentionné dans des numéros d’avril 2018 et mars 2019 de notre blogue / bulletin / machin, ou
- la Lebouder Autoplane complétée en 1973 par le Français Robert Lebouder et mise à l’essai à plus d’une reprise.
Ni l’un ni l’autre de ces véhicules fort intéressants ne dépasse l’étape du prototype.
Miller conçoit par ailleurs des automobiles de luxe (carrosseries et / ou intérieurs) pour des étoiles du cinéma américain telles que Douglas Fairbanks, né Douglas Elton Thomas Ullman; William Clark Gable; Thomas Edwin « Tom » Mix, né Thomas Hezikiah Mix; Mary Pickford, née Gladys Louise Smith; et Rudolph « Rudy » Valentino, né Rodolfo Alfonso Raffaello Pierre Filibert Guglielmi di Valentina d’Antonguella. Il peut, je répète, peut avoir conçu une automobile pour Mary Jane « Mae » West, une actrice, chanteuse et scénariste américaine plus grande que nature mentionnée dans des numéros de mai et octobre 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Saviez-vous que Gable s’enrôle volontairement dans les USAAF pendant la Seconde Guerre mondiale? Il sert en tant que mitrailleur à bord de bombardiers lourds Boeing B-17 Flying Fortress.
Si je peux me permettre une brève digression, Miller compte parmi les membres fondateurs du Horseless Carriage Club of America, en 1937. Il en conçoit même le logo. Miller occupe par ailleurs le poste de rédacteur du magazine de cette organisation, The Horseless Carriage Gazette, au cours des années 1960 et au début des années 1970. Il compte parmi les premiers membres du Classic Car Club of America, fondé en 1952. Miller occupe le poste de rédacteur du magazine de cette organisation, The Classic Car, entre 1980 et, semble-t-il, 1983.
Miller crée au fil des ans une des plus imposantes collections de livres (3 500), périodiques (7 000), catalogues (25 000) et coupures de presse (250 000) sur l’automobile aux États-Unis. Son expertise fait de lui un excellent juge de concours de voitures anciennes. Il est actif dans ce domaine entre les années 1960 et le début des années 1980. Et oui, la W.E. Miller Library of Vehicles existe encore en 2019. Elle fait partie de la Nethercutt Collection de Sylmar, Californie – un des 5 plus importants musées automobiles en Amérique du Nord. Mais revenons à la voiture volante de Convair, la susmentionnée Modèle 118
Ce véhicule à 4 places semble avoir une carrosserie en matériau plastique. Son conducteur dispose de 2 systèmes de contrôle distincts, un volant conventionnel et un manche à balai rétractable dans le plafond de la cabine de la partie automobile du véhicule. Le moteur de la dite partie automobile se trouve à l’arrière. L’aile avec son moteur se verrouille et déverrouille facilement de la dite partie automobile de la voiture volante. Trois supports rétractables, 2 aux bouts de l’aile et 1 sous la queue, supportent la dite aile lorsque vient le moment de partir en balade en automobile. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, tout(e) utilisatrice ou utilisateur de la Modèle 118 doit pouvoir compter sur un espace de rangement pour l’aile avec son moteur.
Au fil des mois, répondant à l’enthousiasme du principal défenseur du projet en son sein, la direction de Convair se prend à rêver à une production de masse (jusqu’à 160 000 exemplaires?) de sa voiture volante, la plus élégante de son époque selon votre humble serviteur. Disponible dans de très nombreux aéroports américains, la Modèle 118 pourrait être / serait louée par des touristes, des hommes d’affaires ou, plus encore, des voyageurs de commerce.
Un prototype de la Modèle 118 prend l’air en novembre 1947. Trois jours plus tard, le pilote se pose en catastrophe suite à une panne d’essence en plein ciel. Si ce dernier ne subit que des blessures mineures, tout comme l’observateur qui l’accompagne, la partie automobile du véhicule est pour ainsi dire détruite. L’aile, quant à elle, subit des dommages somme toute mineurs. L’accident tient peut-être au fait que la jauge d’essence examinée avant le décollage indique le contenu du réservoir d’essence du moteur de la partie automobile du véhicule, pas celui du réservoir qui alimente le moteur de sa partie avion.
Si un second prototype vole dès janvier 1948, l’enthousiasme de la direction de Convair n’y est plus. La direction de la nouvelle maison mère de cet avionneur, Atlas Corporation, partage son opinion. Le seul véritable défenseur du projet au sein de la direction de Convair doit se rendre à l’évidence. La voiture volante s’avère plus lourde que prévue et elle souffre de vibrations au niveau de la queue. Pis encore, ce véhicule coûteux ne soulève guère d’enthousiasme auprès du public. L’écrasement du prototype n’améliore certes pas les choses, et ce même si le concept de base du véhicule n’est pas à blâmer.
De fait, si les ventes d’aéronefs légers / privés atteignent un niveau record en 1946, elles ne tardent pas à s’effondrer, entraînant avec elles la plupart des avionneurs récemment fondés. La plupart des compagnies qui survivent à l’hécatombe produisent des aéronefs d’allure on ne peut plus conventionnelle. La division Stinson de Convair, ne l’oublions pas, produit alors le susmentionné Voyager. Cet avionneur ne souhaite pas utiliser une partie de ses ressources à tenter de produire une voiture volante si cela nuit aux ventes de cet aéronef.
La direction de Convair décide apparemment d’abandonner sa voiture volante bien avant la fin de l’été 1948. Le marché des avions légers / privés a chuté à un point tel qu’elle songe à vendre sa division Stinson, et à inclure la dite voiture volante dans le lot. Piper Aircraft Corporation acquiert la dite division Stinson de Convair vers la fin de 1948. La voiture volante de cette dernière n’intéresse pas du tout la direction de ce constructeur américain bien connu d’avions légers / privés.
Vues les circonstances, Convair abandonne son projet de voiture volante. L’avionneur remet les droits de la Modèle 118, de même que le prototype encore en état de marche, à Hall, qui a fondé / fonde T.P. Hall Engineering Corporation pour mener son rêve à bonne fin. Convair abandonne ainsi pour de bon la production d’avions légers / privés destinés au marché civil.
Si je peux me le permettre, il ne faudrait pas confondre Hall avec Charles Ward Hall, le fondateur de Hall-Aluminum Aircraft Corporation, une toute petite avionnerie américaine achetée par Consolidated Aircraft en 1940 et un pionnier de l’utilisation de l’aluminium en aviation, vers le milieu des années 1920, qui meurt en août 1936. De même, il ne faudrait pas confondre Hall avec William D. Hall, l’ingénieur en chef de Aeronca Aircraft Corporation, un fabricant américain d’avions légers / privés bien connu, vers 1945.
De plus, il ne faudrait pas confondre T.P. Hall Engineering avec Hall Engineering Company de Montréal, une société d’ingénierie et de construction maritimes fondée vers 1902 par Thomas Hall, un directeur de Montréal Drydock & Ship Repairing Company Limited et Montréal Shipbuilding Company au début du 20ème siècle.
Croiriez-vous que ce Hall, oui, Thomas Hall, est le président fondateur de Laurentide Air Service Limited de Montréal, un des pionniers du vol de brousse au Québec et, partant, au Canada fondé en 1922? Il est en fait le principal investisseur de cette société principalement basée au Lac à la Tortue, non loin de Shawinigan, Québec.
Comme vous le savez, les restes d’un hydravion à coque américain Curtiss HS-2L utilisé par Laurentide Air Service se trouvent sur le plancher de l’éblouissant Musée de l’aviation et de l’espace du Canada. Une réplique / reproduction de cet aéronef historique qui n’a pas son égal dans le reste du monde se trouve tout juste à côté des dits restes.
Le premier pilote de ce HS-2L, en juin 1919, est nul autre que Stuart Graham, le premier pilote de brousse québécois / canadien et un gentilhomme mentionnés dans des numéros d’août 2017, décembre 2017 et janvier 2018 de notre blogue / bulletin / machin, mais revenons à Hall et à ses projets, car je digresse encore.
En dépit des efforts de Hall, sa voiture volante n’est pas produite en série. De fait, aucune des voitures volantes conçues au cours du 20ème siècle n’est produite en série. Cette situation demeure tout aussi vraie à la fin de 2019.
Votre humble serviteur doit avouer avoir de sérieux doutes concernant la fonctionnalité de la voiture volante en tant que moyen de transport. Si vous croyez que l’heure de pointe dans une métropole peut être stressante, imaginez une telle heure de pointe en 3 dimensions, en hiver, au coucher du soleil, avec un peu de neige. Ouhhh, j’en ai le frisson juste à y penser.
Cela étant dit (tapé), je me dois de souligner à quel point la voiture volante Fulton FA-3 Airphibian empruntée en 2000 au National Air and Space Museum (NASM) de Washington, District de Columbia, par l’illustrissime, non, non, je n’exagère pas, l’illustrissime Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, dans le cadre de la susmentionnée exposition temporaire L’aviation rêvée et réinventée, est populaire auprès des visiteuses et visiteurs.
L’enthousiasme exprimé par de nombreuses jeunes personnes (« Regarde, maman, une auto avion! ») se retrouve chez de nombreuses personnes d’âge adulte, ne serait-ce que chronologiquement. Il suffit de songer à une annonce publicitaire télévisée en anglais plutôt mémorable de International Business Machines Corporation, un géant américain de l’informatique mentionné dans des numéros de janvier et mars 2019 de de notre blogue / bulletin / machin. L’acteur américain Avery Franklin Brooks, le Benjamin Lafayette « Ben » Sisko de la série télévisée de science-fiction Star Trek : Deep Space Nine, en ondes pour la première fois, en anglais, entre janvier 1993 et juin 1999, y va d’un commentaire bien senti à cet effet : « C’est l’an 2000, mais où sont les voitures volantes? On m’a promis des voitures volantes. Je ne vois pas de voitures volantes. Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi? »
Compte tenu de cette popularité, dis-je, votre humble serviteur croit sincèrement qu’une exposition temporaire (itinérante?) sur les voitures volantes, passées, présentes et futures, serait on ne peut plus populaire auprès des visiteuses et visiteurs du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada. Puis-je permettre de suggérer l’utilisation de 2 excellents ouvrages sur cette question :
- Les voitures volantes : Souvenirs d’un futur rêvé, de Patrick J. Gyger (2005), et
- Les nouvelles voitures volantes : La mobilité porte à porte, de Andreas Reinhard et Patrick J. Gyger (2018)?
Je vous dis ça comme ça, moi.
Et oui, j’accepterais volontiers d’être le conservateur de cette exposition. (Bonjour, SB, EG et EP!)
Et oui encore, le NASM, un des musées phares de la Smithsonian Institution et un des grands musées de l’air et de l’espace sur notre planète, est mentionné dans quelques numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis novembre 2017, et… Je crois que le moment est revenu de reprendre le fil de notre histoire. Ce qui revient à dire qu’il est temps de parler (taper?) de notre sujet de la semaine, la voiturette Airway.
Hall fonde Airways Motors Incorporated, au plus tard vers l’été 1948, pour superviser la production de la dite Airway. Cette petite société tente alors d’attirer des concessionnaires intéressés par la vente du véhicule. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, d’aucuns suggèrent que le susmentionné Miller contribue à la mise au point de la Airway. Votre humble serviteur doit avouer avoir certains doutes, mais c’est somme toute possible.
Surnommé voiture du voisinage, ou Vicinity Car, ce véhicule non dépourvu d’élégance et apparemment applaudi par la critique doit tout aussi apparemment être produit en 2 versions. Le coupé et le sedan, un tantinet plus spacieux, semblent pouvoir en accueillir 3 personnes. Un siège arrière facultatif (pour 2 ou 3 personnes?) serait par ailleurs disponible en ce qui concerne la seconde version. Le châssis et la carrosserie en aluminium des prototypes doit céder la place à une combinaison d’aluminium et de matériau plastique sur les Airway de série. Hall ne pouvant pas compter sur une usine pour fabriquer son véhicule, il espère vendre les droits de production de la Airway à au moins une compagnie (américaine?).
Destinée aux épouses faisant leurs emplettes et / ou aux époux se rendant au travail, vive la patriarchie!, la Airway peut fort bien être la plus luxueuse et impressionnante des voiturettes conçues aux États-Unis à la fin des années 1940 et au début des années 1950.
Me croiriez-vous si je vous disais que le tout petit moteur (7.35 kilowatts / 10 chevaux vapeur métriques (10 chevaux vapeur impériaux)) de la Airway est produit par une compagnie américaine, D. W. Onan & Sons Incorporated, qui, une fois devenue Onan Corporation, produit le petit moteur qui équipe le fameux aéronef de construction amateur américain Quickie Quickie? Saviez-vous que la collection de l’époustouflant Musée de l’aviation et de l’espace du Canada comprend un aéronef de ce type? Toutes mes excuses, je digresse.
Une Airway flambant neuve coûtant à peu près autant qu’une voiture américaine usagée beaucoup plus confortable, puissante, rapide, robuste et spacieuse, vous ne serez pas surpris(e) de lire (entendre?) qu’elle n’est pas produite en série. Au plus tard en avril 1953, une petite annonce de T.P. Hall Engineering annonce que le projet en entier, alors désigné sous le nom de Airway Scooter Car, est à vendre. Il est à noter que la dite annonce comprend une photographie d’une Airway décapotable, ce qui est plutôt curieux. Vous voyez, quelques sources laissent entendre que 2 Airway seulement sont fabriquées vers 1949-50, un coupé et un sedan.
Pour dire vrai, aucune des voiturettes américaines ne connaît de succès. Si je peux me permettre de paraphraser au négatif et en traduction les mots bien connus de l’économiste britannique d’origine allemande Ernst Friedrich « Fritz » Schumacher, le petit n’est pas beau dans ce cas-ci.
Aucun exemplaire des voitures volantes et de la voiturette de Hall n’a survécu jusqu’en 2019, ce qui est bien dommage.
Hall et Miller quittent ce monde en mars 1978 et avril 1983. Ils sont tous deux âgés de 79 ans.
Paix et longue vie à vous.