Les histoires de Diane Pitre et de Steven P. Deschamps sur la purge LGBT racontées au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada
Cet article traite du contexte historique de la purge LGBT et de ses répercussions néfastes sur les communautés 2ELGBTQIA+.
La purge LGBT et l’ARC
Pendant la Guerre froide, le gouvernement canadien percevait les personnes gaies et lesbiennes comme des menaces potentielles à la sécurité, comme des gens susceptibles de faire l’objet de chantage notamment par l’Union soviétique. Entre les années 1950 et le début des années 1990, ces craintes ont perduré dans la fonction publique fédérale, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et les Forces armées canadiennes (FAC), donnant lieu à ce qu’on appelle la « purge LGBT ». Par le biais de politiques officielles et de pratiques sanctionnées, les membres présumés de la communauté LGBT œuvrant dans la fonction publique fédérale, la GRC et les FAC ont ainsi fait l’objet d’une discrimination systématique. Ces personnes ont été soumises à des interrogatoires musclés et à une surveillance intensive, ce qui a souvent mené à la perte de leur emploi ou à des responsabilités diminuées, laissant chez de nombreux survivants de la purge un traumatisme durable. Une partie de la nouvelle exposition Guerre froide au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada (MAEC) explore cette histoire et ses liens avec les FAC et l’Aviation royale du Canada (ARC) au moyen d’entretiens vidéo et d’artefacts provenant de Diane Pitre et de Steven P. Deschamps, deux survivants de la purge qui ont servi dans l’ARC.
Diane Pitre est entrée dans les Forces armées canadiennes en 1977, en tant que technicienne de cellules. Elle aimait beaucoup son travail, mais a été expulsée de l’armée en 1980 parce qu’elle était lesbienne, suivant une enquête intense qui a duré deux ans.
Diane Pitre
Diane Pitre a grandi à Campbellton, au Nouveau-Brunswick, et s’est enrôlée dans les Forces armées canadiennes en 1977, à l’âge de 18 ans, juste après avoir terminé ses études secondaires. Elle a suivi une formation de technicienne de cellules d’aéronef, et a adoré travailler dans les avions, particulièrement le McDonnell CF-101 Voodoo. Mais en 1978, elle a perdu son autorisation de sécurité parce qu’on a soupçonné qu’elle était lesbienne, et a été rétrogradée au poste de technicienne en approvisionnement. Après une enquête poussée de deux ans, Diane a été expulsée de l’armée, ce qui l’a anéantie. En repensant à cette expérience, elle se souvient s’être dit : « Tout ce que je veux, c’est servir mon pays, et je ne suis même pas assez bonne pour ça ».
Elle a ensuite mené une longue carrière hors de l’armée, mais elle savait que ce qui lui était arrivé n’était pas juste. Elle a donc passé près de 40 années à faire pression sur le gouvernement canadien pour obtenir des excuses pour son congédiement injustifié et celui de bien d’autres. Les excuses demandées ont été présentées par le premier ministre Justin Trudeau en 2017. Diane continue aujourd’hui son action militante en travaillant avec les survivants de la purge LGBT et les anciens combattants 2ELGBTQIA+. Elle est la fondatrice et coprésidente de Vétérans arc-en-ciel du Canada, et a reçu la Mention élogieuse du ministre des Anciens combattants en 2024 pour son travail de soutien envers les anciens militaires de la communauté 2ELGBTQIA+.
Steven P. Deschamps was a Royal Canadian Air Cadet in his hometown of Cornwall, Ontario, from 1969 until 1974. The Air Cadets were Steven’s first introduction to the RCAF, and went on to play an important role in his military career as he served as a Cadet Instructor Cadre Officer for more than 20 years.
Steven P. Deschamps
Le lieutenant-colonel Steven P. Deschamps CD (à la retraite) est né à Cornwall, en Ontario, et a eu des liens avec l’ARC toute sa vie. Il a d’abord fait partie les Cadets de l’Aviation royale du Canada en 1969. Il s’est ensuite enrôlé dans la Réserve de l’ARC en 1975, puis a rejoint la force régulière en 1979 dans l’espoir de devenir pilote. Toutefois, en 1982, on l’a interrogé parce qu’on le soupçonnait d’être homosexuel, puis il a été renvoyé de l’ARC pour cette raison dans le cadre de la purge LGBT. Steven repense à son congédiement : « Ils m’ont dit, “Tu n’es plus avantageusement employable”. Les gens qui s’engagent dans les forces armées le font pour servir. Se faire dire qu’on n’est plus avantageusement employable a été dévastateur pour moi. » Steven a toutefois mené une carrière enrichissante dans le secteur privé. Il souhaitait toutefois reprendre du service, et lorsque la purge LGBT a été officiellement dénoncée en 1992, il s’est réengagé en tant qu’officier de réserve au sein du Cadre des instructeurs de cadets et des Cadets de l’Aviation royale du Canada jusqu’à sa retraite, en 2013. Travailler avec les Cadets de l’air a été une expérience incroyablement importante et gratifiante pour lui : « Mon univers a été le monde des cadets [...], mon service envers le Canada a été d’encourager et d’aider nos jeunes. » En 2022, pour son dévouement envers le programme des Cadets de l’air et l’éducation sur la purge LGBT, Steven a été nommé colonel honoraire du 443e escadron, à Victoria, en Colombie-Britannique, où il continue de militer pour une ARC plus diversifiée et inclusive.
En 2024, Ingenium a acquis la collection de Steven P. Deschamps, qui comprend son uniforme des Cadets de l’air de 1974, son uniforme de l’ARC depuis qu’il est revenu à l’Aviation royale en 1992, sa casquette d’officier supérieur et la Citation Fierté Canada qu’il a reçue en 2020. Cette collection est précieuse parce qu’elle comprend des éléments datant d’avant et d’après l’expulsion de Steven de l’armée. La collection représente matériellement sa relation de longue date avec l’ARC, et permet une exploration approfondie de l’impact que la purge LGBT a eu sur sa vie et sa carrière. Les visiteurs de l’exposition au MAEC pourront voir sa veste d’uniforme de 1992 et l’épinglette de la Citation Fierté Canada, les autres objets de cette collection étant actuellement entreposés au Centre Ingenium.
Dans leurs propres mots
Outre les photos et les artefacts appartenant à Diane et à Steven, la partie de l’exposition Guerre froide qui est consacrée à la purge LGBT comporte un kiosque où les visiteurs peuvent visionner une série de courtes entrevues vidéo dans lesquelles les deux anciens militaires parlent de leur temps passé dans l’Aviation royale, de la purge LGBT et de l’action militante qu’ils poursuivent encore aujourd’hui. Dans les vidéos, les deux racontent leur expérience de la purge LGBT dans leurs propres mots, relatant ce chapitre de l’histoire canadienne de façon très honnête.
L’exposition Guerre froide raconte pour la première fois l’histoire de la purge LGBT au MAEC. Alors que nous nous efforçons continuellement de raconter au musée des histoires plus diversifiées et plus représentatives de groupes souvent laissés dans l’ombre, il est important de faire entendre la voix de ceux et celles qui ont été les plus touchés.
Les entretiens vidéo de Diane et de Steven présentés dans l’exposition Guerre froide peuvent être visionnés ICI.
Diane Pitre devant sa veste d’uniforme des FAC exposée au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada.
Le lieutenant-colonel Steven P. Deschamps CD (à la retraite) devant une vitrine contenant sa veste d’uniforme de l’ARC et son épinglette de la Citation Fierté Canada, au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada.