Les fondements scientifiques de la conservation des artefacts : un prisme et sa boîte en cuir
La construction du Centre Ingenium à Ottawa étant maintenant achevée, la collection nationale d’artefacts scientifiques et technologiques quitte progressivement les vieux entrepôts poussiéreux pour s’installer dans ce nouvel édifice ultramoderne. Certains artefacts doivent toutefois faire l’objet d’une « intervention de conservation » avant de pouvoir être déménagés dans ce nouveau lieu de conservation. Parmi ces objets, on trouve un prisme et sa boîte décorative, fabriqués par Bausch & Lomb.
Ce prisme datant de 1900 était utilisé pour la photogravure afin d’inverser l’image de ce qui devait être copié, comme une carte ou un plan. Fait de métal et de verre, le prisme était peu endommagé. En revanche, sa boîte de rangement élégante avait subi des dommages importants. Le carton mince des parois et du couvercle de la boîte est recouvert de cuir fin comme du papier. En séchant, le cuir avait commencé à craqueler et à se détacher de son support en carton. De plus, de grands morceaux de cuir avaient disparu et révélaient la couleur chamois du carton. Dans cet état, l’objet ne pouvait être ni manipulé sans risque ni entreposé dans le nouveau rayonnage, car le cuir continuerait probablement à se détacher du carton et l’objet finirait par en être dégarni. Quand de petits fragments de cuir se détachent d’un artefact et qu’il est difficile de déterminer à quel endroit ils se trouvaient sur lui, l’objet finit par perdre ces fragments à jamais : on parle alors de dissociation. Si l’on n’intervenait pas dans le cas présent, on courait le risque que la boîte ne soit plus une représentation exacte de l’objet créé par Bausch & Lomb.
Le traitement que nécessitait cet artefact impliquait le nettoyage de sa surface délicate et le rapiéçage de son revêtement en cuir qui s’effritait. En enlevant la poussière et les débris fins des objets, on prévient d’autres dommages, car les particules de poussière peuvent être acides ou servir de déclencheur à des processus de dégradation. La première étape de la conservation, qui consiste à nettoyer l’artefact avec soin et de manière éthique, permet au conservateur de bien voir l’objet et de poursuivre le traitement sans risque de contamination. Dans le cas présent, on a aisément dépoussiéré le prisme et sa boîte en utilisant de l’eau obtenue par osmose inverse et des cotons-tiges. Le prisme étant en bon état, il n’a pas nécessité d’autre traitement de conservation après le nettoyage. L’étape suivante du traitement consistait à recoller le cuir qui se détachait de l’artefact et les morceaux qui en étaient tombés.
La boîte de rangement du prisme avant le traitement.
La boîte de rangement du prisme après le traitement.
Lors du traitement d’un artefact, il est important d’utiliser des matériaux stables de qualité conservation. Cela signifie qu’il faut utiliser des produits appropriés aux archives et relativement réversibles. Les matériaux utilisés doivent pouvoir résister à l’épreuve du temps, et ils ne doivent pas se détériorer plus vite que la matière adjacente de l’artefact, se dégrader, ni se transformer rapidement au fil du temps, ni altérer l’aspect visuel de l’artefact. Ils doivent également être réversibles, au cas où l’on devrait défaire la réparation pour une raison ou une autre. Dans le cas présent, on a injecté, à l’aide d’une aiguille de petit calibre, un adhésif de qualité conservation appelé Plextol B500 sous les bords relevés du cuir afin de recoller celui-ci sur le carton. Sur les bords qui étaient soulevés davantage, on pouvait appliquer le Plextol directement sur l’envers du cuir avec un fin pinceau à tableau.
Ensuite, on a recollé sur le carton les fragments de cuir dont on pouvait aisément trouver l’emplacement d’origine. Comme dans un casse-tête, chaque morceau va à un endroit précis et ne doit pas être recollé ailleurs.
Le couvercle de la boîte de rangement du prisme avant le traitement.
Le couvercle de la boîte de rangement du prisme après le traitement.
Le traitement ayant été mené à bien, le prisme et sa boîte peuvent désormais être renvoyés dans la salle d’entreposage, utilisés à des fins d’interprétation ou exposés. On peut maintenant manipuler la boîte sans risquer de dissocier des parcelles de son revêtement en cuir. La nouvelle installation d’entreposage du Centre Ingenium est climatisée. L’éclairage auquel les artefacts sont exposés est tamisé, et la température et le taux d’humidité sont maintenues à des valeurs déterminées. Il s’agit là de la mise en œuvre de pratiques de conservation préventive : on contrôle les conditions ambiantes afin de freiner la dégradation d’un artefact. Ainsi, le traitement de conservation qu’a subi la boîte continuera de préserver l’intégrité de l’artefact.
Vous avez des questions sur la conservation du cuir? Communiquez avec l’équipe de conservation d’Ingenium grâce à son fil Twitter @SciTechPreserv.