Chantez-nous une chanson, vous êtes le monsieur météo : Jacques Lebrun et la conquête de l’espace
Comme il a été dit (tapé?) par un individu quelque peu imprudent, à savoir me, s’il est vrai que le fait de travailler pour une institution telle que le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario, peut parfois s’avérer difficile, il est tout aussi vrai que les ressources et trésors qu’elle préserve sont inégalées au pays. Votre humble serviteur a puisé dans les dites ressources à de très nombreuses reprises au cours des 3 dernières décennies. Je ne le ferai pas aujourd’hui, ami(e) lectrice ou lecteur.
Vous voyez, le sujet d’aujourd’hui a peu à voir avec l’aviation. Je sais. Je partage moi aussi votre profonde déception, mais il y a autre dans la vie que les avions. L’espace et l’astronomie sont au cœur de la péroraison de cette semaine.
Quoiqu’il en soit, l’individu qui se trouve au cœur même de ladite péroration est une personne que j’ai souvent vue à la télévision, dans des temps anciens. Au cours des années 1960 et 1970. Il serait toutefois exagéré de dire (taper?) que le dit individu est un de mes héros, et… C’est précisément ce que j’ai dit dans un numéro de juin 2019 de notre blogue / bulletin / machin, dites-vous? Vous en êtes bien sûr(e)? Hummm, bon.
Jacques Lebrun naît en France, la terre de mes ancêtres, en janvier 1928. Dès son plus jeune âge, il s’intéresse à l’aviation. Lebrun est profondément impressionné par des lancements de fusées allemandes A-4 / V-2 et de missiles de croisière Fieseler Fi 103 / V-1, en 1944-45, dans les environs de la ville où il habite. Le journaliste qui recueille ses propos en juillet 1994 peut les avoir mal compris. La mémoire de Lebrun peut par ailleurs être défaillante. Lille semble en effet une des cibles du premier missile balistique au monde, le (tristement) célèbre V-2. Il ne semble pas non plus y avoir de rampes de lancement de V-1 près de cette ville. Vous vous souviendrez que Wernher Magnus Maximilian von Braun, un personnage mentionné dans des numéros de janvier, février et septembre 2019 de notre blogue / bulletin / machin, supervise la conception du V-2.
Vers 1947, tout juste après son mariage, Lebrun propose à son épouse d’émigrer au Canada. Cette dernière manifestant peu d’enthousiasme à cette idée, le jeune couple demeure en Europe.
Il est à noter que Lebrun obtient un diplôme en dessin industriel à une date indéterminée.
Une rencontre, en 1956, avec un agronome, désolé, un astronome constitue un point tournant dans la vie de Lebrun. Les 2 hommes se lient d’amitié et Lebrun se découvre une passion pour l’astronomie et un tout nouveau champ de recherche, l’astronautique. De fait, il devient vite membre de la Société astronomique de France, une organisation mentionnée dans un numéro de juin 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Votre humble serviteur se demande si le dit astronome (amateur?) n’est pas l’ami d’enfance avec lequel Lebrun passe une nuit, début octobre 1957, à essayer de suivre la route empruntée par le premier satellite artificiel, Spoutnik I, un vaisseau spatial soviétique mentionné dans plusieurs numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis juillet 2018. Les 2 hommes passent d’autres nuits à essayer de suivre les routes suivies par d’autres satellites artificiels. L’ami de Lebrun s’appelle Pierre Neirinck.
Ce nestor / chef de file de la communauté des passionnées de poursuite des satellites a la chance de transformer son passe-temps favori en emploi rémunéré en 1966, lorsqu’il se joint au personnel du Satellite Orbits Group britannique. Il se trouve ainsi à la Radio and Space Research Station, la principale station de poursuite britannique, lors de la mission Apollo 11 de juillet 1969, une mission mentionnée à quelques reprises dans notre blogue / bulletin / machin, et ce depuis mai 2019. Neirinck supervise une équipe qui fournit des données de base au réseau d’observateurs amateurs du Royaume-Uni. De fait, Neirinck accède apparemment à la direction du Satellite Orbits Group au début des années 1970. Il prend une retraite anticipée / imprévue en 1980 ou 1982 lorsque le gouvernement dirigé par la Première ministre britannique Margaret Hilda Roberts Thatcher, une personne mais pas une gente dame mentionnée dans un numéro d’avril 2018 de notre blogue / bulletin / machin, réorganise ses services de poursuite de satellites.
De retour en France peu après, Neirinck demeure actif dans la communauté des passionnées de poursuite des satellites pour ainsi dire jusqu’à son décès, début janvier 2016, à l’âge de 89 ans. Il distribue par exemple des codes de sites du Committee on Space Research du International Council of Scientific Unions, un organisme mentionné dans un numéro de septembre 2019 de notre blogue / bulletin / machin, à de nombreux nouveaux observateurs et sites d’observation, mais revenons à notre histoire.
Lebrun émigre au Canada en 1961 avec sa famille. Il songe alors à s’installer à Hamilton, Ontario, afin d’y trouver un emploi dans l’industrie sidérurgique. De passage à Montréal, Québec, pendant une courte période de temps, Lebrun se voit offrir un emploi de gardien de nuit à Kahnawá:ke / Caughnawaga, une réserve des Six Nations non loin de la métropole. Ne souhaitant pas gagner 85 $ par semaine pour 85 heures de travail pour le reste de sa vie, il quitte ce poste au bout de 2 mois afin d’œuvrer comme dessinateur industriel dans une grande firme montréalaise.
En 1962, toujours fasciné par l’astronomie et l’astronautique, Lebrun devient membre du Centre français de Montréal de la Société royale d’astronomie du Canada, l’actuel Centre francophone de Montréal de la Société royale d’astronomie du Canada, un groupe mentionné dans un numéro de juin 2019 de notre blogue / bulletin / machin. Il compte en fait parmi les personnes présentes lors de la première soirée d’astronomie populaire organisée par le centre, en octobre 1961. Bien que complètement dépourvu de formation scientifique, Lebrun ne tarde pas à se faire remarquer par son enthousiasme. Il commence ainsi à donner des conférences sur les vols spatiaux dès 1962.
Lors de la soirée d’astronomie populaire de 1965, Lebrun enchante son public avec une présentation sur le programme Apollo de la National Aeronautics and Space Administration (NASA), un organisme que nous connaissons toutes et tous mentionné dans plusieurs numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis mars 2018. Il a avec lui un ou quelques modèles réduits de fusées.
Il est à noter que Lebrun rédige une chronique sur l’astronautique dans le magazine du dit Centre français de Montréal, Le Bulletin d’astronomie, entre juillet 1965 et novembre 1969.
Vers 1963, un(e) représentant(e) du centre mentionne son nom à un(e) représentant(e) de la Société Radio-Canada qui tente de trouver une personne pouvant parler de la planète Mars à la radio. Le radio télédiffuseur national canadien ne compte en effet personne dans son personnel qui s’y connaisse en astronautique. La performance de Lebrun, un autre point tournant dans sa vie, est à ce point impressionnante que la direction de la station radiophonique montréalaise CKAC, la première station radio de langue française en Amérique du Nord et alors propriété du grand quotidien montréalais La Presse, lui offre bientôt un poste de chroniqueur météorologique et scientifique. Lebrun qui, rappelons-le, est complètement dépourvu de formation scientifique, lit tout ce qui lui tombe sous la main pour ne pas faire de gaffe en ondes.
Vers 1964-65, Lebrun est invité à parler d’exploration spatiale à au moins un épisode de Aujourd’hui, un magazine d’affaires publiques de la Société Radio-Canada qui passe à l’histoire en parvenant à attirer plus d’un million de téléspectatrices et téléspectateurs québécois(e)s avant de quitter les ondes en 1970.
En décembre 1965, Lebrun décrit le lancement de la mission Gemini VII de la NASA aux auditrices et auditeurs de CKAC. Mentionnons au passage que l’équipage de Gemini VI-A s’approche à environ 30 centimètres (1 pied) de Gemini VII, complétant le premier rendez-vous dans l’espace. Un des 2 astronautes à bord de Gemini VI-A, Walter Marty « Wally » Schirra, est mentionné dans des numéros de juin 2018, juin 2019 et juillet 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
L’inauguration du Planétarium Dow, en avril 1966, constitue un autre point tournant dans la vie de Lebrun. Affecté par une poussée de fièvre digressante, votre humble serviteur se voit dans l’obligation de prononcer (taper?) quelques mots sur cette remarquable institution. La naissance du Planétarium Dow tient selon toute vraisemblance à une heureuse coïncidence. Vers 1963-64, Pierre Raoul Gendron, un ancien professeur de chimie et doyen fondateur de la faculté des sciences de l’Université d’Ottawa qui adore l’astronomie, se trouve à être le président du conseil d’administration de Dow Breweries Limited, une des principales brasseries au Québec.
Croiriez-vous que le père de votre humble serviteur compte parmi les innombrables Québécoises et Québécois qui étanchent leur soif avec une Dow et / ou une Black Horse au cours des années 1950 et 1960? Toutes mes excuses, je digresse.
Vers 1963-64, dis-je, Dow Breweries décide de financer la construction d’un planétarium d’envergure internationale à Montréal. Cette initiative philanthropique exceptionnelle s’inscrit dans les préparatifs entourant l’inauguration de l’Exposition universelle et internationale de Montréal tenue en 1967. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, Expo 67 est mentionnée dans des numéros de mars, juillet et décembre 2018 de notre blogue / bulletin / machin.
Alors que le Planétarium Dow présente son premier spectacle, et je vous prie de noter que ce qui suit n’a strictement rien d’amusant, Dow Breweries doit faire face à une horrible rumeur : ses produits auraient contribué plus ou moins directement au décès de 20 (?) grands buveurs de la région de Québec, Québec, tous victimes de problèmes cardiaques de cause inconnue entre août 1965 et avril 1966.
Aux dires de la presse, la brasserie aurait ajouté un produit à la Dow, à titre expérimental, afin de lui donner un beau col de mousse, fort apprécié dans la région de la vieille capitale. Ce qu’on ne dit pas, ou ce qu’on ne sait pas, c’est que d’autres brasseries canadiennes, de nombreuses brasseries américaines et au moins une brasserie belge font alors appel au même produit, parfois avec le même résultat. Bien au-delà de 40 personnes meurent dans 3 états américains et en Belgique entre 1964 et 1967, par exemple.
Craignant pour leur vie, les consommatrices et consommateurs de tout le Québec abandonnent en masse les produits de Dow Breweries, ce qui fait tomber ses profits en chute libre. Les rapports d’enquête qui concluent à l’absence de lien clair entre les décès et les bières de cette dernière ne rassurent personne. Rothmans of Pall Mall Canada Limited, un fabricant de cigarettes canadien bien connu, se porte acquéreur de Dow Breweries en 1969.
La Dow survit toutefois à ce changement de propriétaire et à d’autres jusque vers 1998, date de sa disparition finale. Elle gagne même 3 prix internationaux entre 1968 et 1970, mais revenons à notre histoire.
Dans les mois et années qui suivent l’ouverture du Planétarium Dow, Lebrun anime un certain nombre de présentations / conférences, sous la direction du premier directeur scientifique de l’institution, Auray Blain, un botaniste et généticien ayant travaillé au Jardin botanique de Montréal, un organisme bien connu au Québec et ailleurs mentionné dans un numéro de juin 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Lebrun devient par ailleurs membre de la Société d’astronomie de Montréal, un organisme indépendant fondé par le susmentionné Centre français de Montréal, peu après sa création, en juin 1968. Conseiller de l’organisation en 1969-70, il occupe le poste de président en 1971-72.
Un télédiffuseur privé basé à Montréal mentionné dans un numéro de juin 2019 de notre blogue / bulletin / machin, Télé Métropole Incorporée, place Lebrun au sein de l’équipe qui commente le vol de la susmentionnée mission Apollo 11, en juillet 1969. Son rôle se limite toutefois à des commentaires de nature technique. Lebrun reconnaît volontiers ne pas avoir parlé beaucoup.
En effet, c’est à Roger Baulu, un animateur de radio et de télévision québécois bien connu surnommé le prince des annonceurs, que revient la tâche de commenter le gros de ce qui se passe, en collaboration avec le journaliste montréalais Gilles Deschênes. Télé Métropole, une organisation que personne n’accuse d’avoir une programmation trop intellectuelle, présente en fin de compte bien plus de 24 heures (27 heures? 30 heures?) de reportages en couleurs réalisées en collaboration avec le réseau américain National Broadcasting Company et le réseau canadien CTV Television Network.
Ce marathon télévisé connaît un succès bœuf. Votre humble serviteur compte parmi les innombrables Québécoises et Québécois qui regardent au moins une partie du spectacle. De fait, Télé Métropole reçoit des centaines de lettres et des milliers d’appels téléphoniques de félicitations. Plusieurs de ces personnes souhaitent toutefois avoir des informations supplémentaires.
La performance de Lebrun lors de la mission Apollo 11 est à ce point impressionnante que la direction de Télé Métropole fait de lui son expert maison en matière de vols spatiaux.
La mission Apollo 12 de novembre 1969 donne lieu à un épisode un tant soit peu amusant. Alors que Lebrun commente le périple du vaisseau spatial américain, l’image visible à l’écran montre le pape Paulus VI / Paul VI, né Giovanni Battista Enrico Antonio Maria Montini, en train de s’adresser à une multitude de personnes. Certain(e)s téléspectatrices et téléspectateurs croient qu’il commente lui aussi cette merveilleuse réalisation de l’intellect humain. Dans les faits, Paul VI demande aux militants catholiques du monde entier à appuyer leur église, alors confrontée à de graves problèmes. Cinquante ans plus tard, on peut se demander si les choses ont changé.
Compte tenu de la réaction du public montréalais et québécois lors de la mission
Apollo 11, la direction de Télé Métropole lance la série télévisée Conquête de l’espace, animée par Lebrun et destinée au grand public, en septembre 1969. Une seconde série d’épisodes suit en septembre 1970. Les 2 séries d’épisodes (26 + 26), d’une durée de 30 minutes, ne sont apparemment pas présentés en heure de pointe. Si Télé Métropole veut bien parler d’espace, il n’est pas question de gaspiller du temps d’antenne et / ou de risquer des revenus publicitaires. C’est vraisemblablement vers cette époque, soit au plus tard en 1969, que Lebrun se voit affublé du sobriquet de « prof / professeur Lebrun. »
Répondant aux souhaits exprimés par de nombreuses téléspectatrices et téléspectateurs, et par de nombreuses personnes qui assistent aux susmentionnées présentations / conférences réalisées au Planétarium Dow, Lebrun rassemble ses notes et publie un livre au langage clair, direct, précis, simple, etc., en janvier 1971, aux couleurs des Éditions de l’Homme de Montréal.
La Conquête de l’espace, par Jacques Lebrun
Lancé officiellement au dit planétarium, quelques jours à peine avant le début de la mission Apollo 14, une mission mentionnée dans des numéros de juin et juillet 2019 de notre blogue / bulletin / machin que Lebrun commente magistralement, le dit livre, La Conquête de l’espace, et je cite le contenu de la couverture arrière de l’ouvrage,
PRÉSENTE le bilan de nos connaissances actuelles dans le domaine de l’espace en tenant compte des découvertes les plus récentes, dont beaucoup sont encore inconnues du public.
EXPLIQUE l’incroyable chemin parcouru par l’astronomie depuis la haute antiquité jusqu’à nos jours.
RENSEIGNE sur la vie dans l’Univers; la structure des planètes; la mécanique céleste; le rayonnement cosmique et la relativité.
ÉCLAIRE sur la recherche spatiale, ses objectifs et ses moyens.
Le quotidien La Presse y va de quelques commentaires au sujet du livre :
« La Conquête de l’Espace » (aux Éditions de l’Homme) est un ouvrage éminemment actuel, de présentation simple et abondamment illustré.
Le lecteur y trouvera réponse à la plupart des questions qu’allume sa curiosité : il verra que la science, ce n’est rien de sorcier quand on comprend.
M. Jacques Lebrun tend la main à chacun de nous et le transporte sans heurt ni douleur dans le monde fascinant de l’Espace. Il est, en ce sens, pédagogue.
Il va plus loin et se fait polémiste dans un chapitre sur les aspects sociaux de l’exploration spatiale; il revoit le pour et le contre d’opinions couramment émises sur le bien fondé de la conquête de l’Espace. Il prend position.
Votre humble serviteur doit avouer garder de bons souvenirs de La Conquête de l’espace. J’ai lu et relu ma copie, achetée au début des années 1970, jusqu’à ce que des pages, puis des sections entières se détachent de la couverture. Je dois également avouer avoir demandé, vers 2018-19, aux bibliothécaires de Ingenium Canada, le groupe de musées qui inclut le Musée de d’aviation et de l’espace du Canada, où je gagne ma croute à la sueur de mon front déplumé, d’acheter une copie usagée du livre de Lebrun. Un gros merci pour cet achat, FSH et CH – et pour les autres achats de livres, passés, présents et à venir.
La Conquête de l’espace est selon toute vraisemblance le premier ouvrage de communication / vulgarisation scientifique en français paru au Canada consacré à l’astronomie et, je répète et, à l’astronautique. Avant que vous ne grimpiez dans les rideaux, ami(e) lectrice ou lecteur érudit(e), je prends bonne note du fait que le frère Robert, né Étienne Poitras, un membre de la congrégation des Frères des écoles chrétiennes, une institution mentionnée dans un numéro d’avril 2019 de notre blogue / bulletin / machin, rédige plus d’une dizaine de manuels destinés à l’enseignement et de livres de vulgarisation à partir de 1930, dont 4 touchant à l’astronomie : Astronomie élémentaire (1931), Précis d’astronomie élémentaire (1934), Regards sur l’univers (1948) et Les astres et les lettres, en 2 volumes (1950 et 1952).
Croiriez-vous que ce brillant mathématicien québécois soutient une thèse de doctorat ès sciences à l’Université de Lille, en France, en juin 1939? Sa thèse porte sur… l’agronomie, désolé, l’astronomie. Croiriez-vous par ailleurs que tant Lebrun que Neirinck sont nés / demeurent à… Lille pendant leur enfance et jeunesse? Le monde est petit, n’est-ce pas?
Si je peux me permettre un commentaire, le frère Robert est à ce point intéressant que je vais tenter de trouver une photographie de lui dans un quotidien ou hebdomadaire québécois afin de pouvoir lui consacrer un de nos articles savants et érudits.
Quelques membres du Département de Physique de l’Université de Montréal, une organisation mentionnée dans un numéro de septembre 2019 de notre blogue / bulletin / machin, réagissent fortement à la publication de La Conquête de l’espace. Oserais-je dire que ce groupe d’universitaires, qui inclut le directeur du dit département, de même qu’au moins 2 professeurs et 5 diplômé(e)s, attaque cet ouvrage avec une virulence quelque peu surprenante qui blesse profondément Lebrun?
Un des 2 professeurs du dit département de Physique dénonce le livre de Lebrun, truffé d’erreurs selon lui, sur les ondes de la Société Radio-Canada, par exemple.
Il est à noter que les 2 susmentionnés professeurs, assez jeunes semble-t-il, se joignent au corps professoral du Département de Physique vers 1968-69 suite aux démarches entreprises par Serge Lapointe, un ancien directeur du dit département devenu doyen de la Faculté des sciences de l’Université de Montréal en 1968 et un gentilhomme mentionné dans un numéro de septembre 2019 de notre blogue / bulletin/ machin. Mais revenons à notre histoire.
Les membres du Département de Physique font part de leurs doléances dans les pages de Forum, la publication interne de l’université. Ils écrivent apparemment à plusieurs journaux, dont La Presse, qui publie leur missive en février 1971. Ces mêmes membres font parvenir des lettres dans quelques Collèges d’enseignement général et professionnel (CEGEP) de la région montréalaise. Ils peuvent même avoir écrit à des personnalités québécoises haut placées.
La Presse publie également une lettre, peut-être envoyée de manière indépendante, par un étudiant du même département qui ne fait pas partie du susmentionné groupe.
Ces membres du Département de Physique ne semblent guère apprécier le style coloré de Lebrun, qualifiées d’envolées oratoires ou de verbiage. Une étoile ne peut pas s’enrhumer, tousser ou cracher, disent-elles / ils. Les dits membres réservent toutefois le gros de leurs critiques aux nombreuses erreurs factuelles, aux calculs et graphiques souvent erronés et à l’utilisation d’hypothèses un peu anciennes et mises de côté par la communauté scientifique qu’elles / ils rencontrent au fil des pages. L’absence de bibliographie ne passe par ailleurs pas inaperçue.
La lettre publiée par La Presse se termine avec le paragraphe suivant :
Il est donc à souhaiter que les Éditions de l’Homme évitent de mettre ce livre sur le marché français, du moins avant révision complète par quelqu’un de compétent. Sinon, prendront-elles la précaution d’indiquer au libraire que l’œuvre doit être placée sur le même rayon que La Foire aux Cancres.
Ouille…
Soit-dit en passant, La Foire aux Cancres est un des classiques de l’humour littéraire français. Publié en 1962, ce recueil de perles, en d’autres mots de petites phrases involontairement amusantes, compte parmi les ouvrages de ce type rédigés par l’écrivain et humoriste Jean-Charles, né Jean Louis Marcel Garen Charles.
Si votre humble serviteur peut se permettre un commentaire, le style de la lettre des membres du Département de Physique diffère un tant soit peu de celui qu’on peut trouver dans des articles publiés dans la Revue canadienne de physique.
Une réponse de Lebrun parue un peu plus tard dans La Presse comprend une citation liée à ces personnes dont votre humble serviteur ne connaît malheureusement pas l’origine (Synthèse des opinions exprimées par les universitaires? Extrait d’une lettre envoyée au Planétarium Dow?? Autre chose???). Aux dires des membres du Département de Physique, La Conquête de l’espace, et je cite,
est inacceptable, manque de sérieux et comporte d’innombrables erreurs. Quant à l’auteur, il porte atteinte à l’honneur des astrophysiciens, bafoue la science et fait considérablement de tort à l’astronomie, notamment dans la province de Québec. [Lebrun] devrait être d’ailleurs remplacé par des personnes beaucoup plus compétentes dans ses activités, soit lors des reportages à la télévision, comme conférencier au Planétarium Dow ou comme président de la Société d’astronomie de Montréal.
Ouille au carré.
Un détail si je peux me le permettre. Un des membres du Département de Physique peut, je répète peut, avoir traité Lebrun d’imposteur, d’escroc et de charlatan lors d’une conversation téléphonique fort amicale.
Sentant la controverse / bonne affaire, la rédaction de La Presse publie la lettre d’un lecteur qui souhaite prendre la défense de Lebrun. Votre humble serviteur se demande si cette missive est la seule que reçoit le quotidien. Enfin, poursuivons notre récit.
Si le dit lecteur n’affirme pas que le La Conquête de l’espace est un livre sans erreur, il se demande si la critique des membres du Département de Physique, et je cite, « victimes de la psychose collective, là où se perd la responsabilité individuelle, » est « vraiment impartiale et motivée par un véritable esprit scientifique ou si elle est ne s’inspire pas plutôt d’un sentiment de frustration de savants diplômés face aux succès d’un homme non diplômé en ce domaine. »
Ouille au cube.
À cet effet, permettez-moi de noter que Lebrun mentionne à cette époque, en 1971, qu’une des personnes bardée de diplômes qui l’attaque fait une présentation au Planétarium Dow. Oserais-je citer cet homme non diplômé? J’ose : « Ce fut un désastre. Un tollé de protestations de la part de l’auditoire, car même un spécialiste n’aurait pu saisir 20% de de ses propos incohérents. »
Si votre humble serviteur peut se permettre un tout petit commentaire, certaines personnes savent comment transmettre des informations à un groupe de personnes de manière à ne pas les faire bailler aux corneilles, ou de ne pas les amener aux bords de la dépression nerveuse. D’autres personnes, aussi brillantes qu’elles soient, n’ont pas ce talent. Sheldon Lee Cooper, un brillant physicien théorique de la série télévisée américaine The Big Bang Theory, par exemple, fait pitié, et pas un peu, lorsqu’il se présente devant un groupe d’étudiant(e)s universitaires. Mais revenons au lecteur de La Presse qui prend la défense de Lebrun.
Notant que les membres du Département de Physique n’aiment pas le style par trop populaire de Lebrun, notre lecteur laisse entendre qu’une personne ayant le moindre bon sens comprend fort bien qu’une étoile ne peut pas s’enrhumer, tousser ou cracher. Leur remarque est par conséquent mal venue.
Cela étant dit (tapé?), votre humble serviteur, qui admet volontiers ne pas être un expert en la matière, et loin de là, se demande si la défense apportée dans les cas d’erreurs factuelles examinées par le lecteur de La Presse, qui admet lui aussi volontiers ne pas être un expert en la matière, tient vraiment la route. Parlant d’expertise, je dois en effet avouer avoir sué sang et eau tout au long de mes cours de physique en sciences dures et compliquées, désolé, en sciences pures et appliquées, au CEGEP de Sherbrooke, Québec, ma ville natale, en 1975-77. Mais je digresse. Toutes mes excuses.
En d’autres termes, le dit lecteur dont la lettre paraît dans La Presse ne parvient pas nécessairement à contrer les attaques des membres du Département de Physique en ce qui concerne les erreurs factuelles spécifiquement mentionnés dans leur lettre au quotidien montréalais.
Par exemple, je me dois de souligner que les membres du Département de Physique ont raison de se dire étonné(e)s de lire dans La Conquête de l’espace que la force gravitationnelle d’un corps céleste augmente avec la vitesse de rotation du dit corps. Dans les faits, une personne se trouvant à l’équateur de notre bonne vieille Terre, où tout tourne pas mal vite, subit une force gravitationnelle très légèrement inférieure (environ 0.03 %) à celle qu’elle subit au Pôle nord – ou au Pôle sud.
Lors d’une conférence de presse tenue vers la mi-février 1971, à l’Hôtel Reine Élisabeth, une institution montréalaise mentionnée dans un numéro de mars 2019 de notre blogue / bulletin / machin, Lebrun donne sa version des faits. Il reconnaît volontiers que, tout comme Lionel George Logue, l’orthophoniste australien spécialiste en élocution mis en lumière dans le superbe film de 2010 Le discours d’un roi / Le discours du roi, mentionné dans un numéro de novembre 2018 de notre blogue / bulletin / machin, il est un pur autodidacte. Lebrun reconnaît par ailleurs que son livre contient des erreurs dont il se tient responsable de même que d’autres attribuables à son soucis de bien vulgariser / communiquer son sujet.
Cela étant dit (tapé?), Lebrun fustige les universitaires qui le dénoncent. Il dénonce ce qui est pour lui une campagne de dénigrement acharnée / systématique / virulente. De fait, Lebrun croit que les membres du Département de Physique ne cherchent pas tant à discréditer son livre qu’à le discréditer, lui, en tant que personne.
Vous voyez, le directeur fondateur du Planétarium Dow, l’astronome américain et ex-directeur adjoint du Fels Planetarium du Franklin Institute de Philadelphie, Pennsylvanie, Donald D. Davis, doit bientôt prendre sa retraite. Lebrun affirme qu’il a été pressenti pour assurer la succession. Il ajoute qu’un scientifique (enseignant au Département de Physique de l’Université de Montréal?) a lui aussi été pressenti pour succéder à Davis. Selon Lebrun, la virulence des attaques des membres du dit département découle de cette situation. Votre humble serviteur n’est malheureusement pas en mesure de confirmer ou infirmer l’hypothèse de Lebrun.
L’enthousiasme du public pour son livre est la réponse la plus éloquente que Lebrun puisse faire à ses dénigreurs, affirme-t-il au cours de la conférence de presse.
En fin de compte, le conseil d’administration du Planétarium Dow choisit le susmentionné Blain pour succéder à Davis un peu plus tard en 1971.
Lebrun, quant à lui, n’est pas « remplacé par des personnes beaucoup plus compétentes dans ses activités, soit lors des reportages à la télévision, comme conférencier au Planétarium Dow ou comme président de la Société d’astronomie de Montréal, » comme le souhaitent / demandent les susmentionnés membres du Département de Physique. Mentionnons à titre d’exemple que Lebrun commente les missions Apollo 14, 15 et 17, entre février 1971 et décembre 1972.
La fin du programme Apollo, survenue en décembre 1972 avec l’alunissage de la mission Apollo 17, entraîne une forte diminution du nombre de personnes qui franchissent les portes du Planétarium Dow. Fortement préoccupé par cette situation, qui affecte d’ailleurs tout autant les activités de la Société d’astronomie de Montréal, Blain lance l’idée de présenter des spectacles destinés à un public scolaire, une clientèle plutôt ignorée jusqu’alors par le personnel du Planétarium Dow. Il collabore en fait avec Lebrun pour créer un premier spectacle qui est destiné à la dite clientèle, Le royaume du Soleil. Ce dernier se fait un plaisir de présenter le dit spectacle, et ceux qui suivent par la suite, à des dizaines de milliers d’écolières, écoliers et étudiant(e)s.
Et oui, Apollo 17 est mentionnée dans un numéro de juin 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Lebrun remplace par ailleurs le météorologue attitré de Télé Métropole, le très populaire Raymond Lemay, pendant quelques jours au cours de l’été 1969. Sa performance est à ce point satisfaisante qu’il semble décrocher le poste de météorologue attitré. Lebrun n’étant pas météorologue, il lit toujours tout ce qui lui tombe sous la main pour ne pas faire de gaffe en ondes. Cette absence de connaissance explique pour une bonne part son style de présentation assez coloré.
De fait, ce même style semble être à l’origine d’un (bref?) retour en onde de Lemay, à l’émission La Couleur du temps de Télé Métropole, en 1971. Lebrun et ce dernier semblent alterner à des intervalles irréguliers au cours des mois et années suivantes. Cela étant dit (tapé?), Lebrun contribue à La Couleur du temps au moins jusqu’en 1986.
Pour une raison ou pour une autre, l’équipe technique qui assure la mise en onde de La Couleur du temps aime bien se payer la tête de Lebrun. Un jour, par exemple, une de ces personnes rampe sur le plancher du studio, à l’insu des téléspectatrices et téléspectateurs, pour attacher ses lacets des souliers. Lebrun, imperturbable, lit son bulletin de météo comme si de rien n’était.
Lebrun fait par ailleurs partie de l’équipe de la populaire émission pour enfants Patofville, toujours à Télé Métropole, vers 1974-75. Son personnage, Monsieur Qui, un savant en visite / perdu dans cette ville imaginaire, familiarise de nombreuses jeunes Québécoise et Québécois à certains phénomènes scientifiques et au système métrique, introduit au Canada à partir de 1975. Et oui, Patofville est mentionnée dans un autre numéro de novembre 2019 de notre blogue / bulletin / machin, et… Qu’t a-t-il, ami(e) lectrice ou lecteur? C’est précisément ce que j’ai dit (tape?) la semaine dernière? Non… Impossible, à moins que Q le magnifique, Q l’omnipotent, Q la douleur royale au postérieur n’ait change le continuum spatio temporel. Encore.
Puis-je me permettre une idée farfelue, ami(e) lectrice ou lecteur capable de tolérer bien des excentricités? Votre humble serviteur se demande si le nom du personnage de Lebrun, Monsieur Qui, tire son origine du nom donné à une très vieille créature extraterrestre, connue seulement sous le nom de Doctor, qui est le héros de la série télévisée de science-fiction britannique Doctor Who, en français Docteur Qui, mentionnée dans des numéros d’août et octobre 2019 de notre blogue / bulletin / machin. Je vous dis ça comme ça, moi.
Lebrun quitte le Planétarium Dow en 1978 afin de se concentrer sur sa carrière en météorologie, qu’il juge très importante. De fait, il s’estime alors être en service à toute heure du jour ou de la nuit. Les tempêtes de neige ne font pas du 9 à 5.
Cette même année, Télé Métropole confie toutefois à Lebrun le poste d’animateur de Les chemins de l’inconnu. Cette série télévisée, diffusée à partir de septembre, examine des sujets liés à la science et la technologie qui sont parfois controversés / mystérieux / originaux / paranormaux, en d’autres termes des sujets fortéens, que ce soit Les satellites de communications ou Uxmal, la ville des lieux sacrés, un centre urbain maya dont les ruines se trouvent au Mexique.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur à l’esprit vif et curieux, Les chemins de l’inconnu peut fort bien être le pendant québécois de la série télévisée américaine In Search of, diffusée en anglais entre avril 1977 et mars 1982 – et mentionnée dans un numéro de juillet 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Croiriez-vous que le terme fortéen est mentionné dans quelques numéros de notre blogue / bulletin / machin, et ce depuis octobre 2018? Vive Charles Hoy Fort – et les pommes de terre frites avec des moules et une bonne bière! Désolé.
Lebrun garde d’excellents souvenirs des voyages au Pérou et au Mexique réalisés dans la cadre de Les chemins de l’inconnu. Il garde en fait un excellent souvenir de cette série qui demeure en ondes, en reprise, jusque vers 1984.
Accaparé par son travail, Lebrun voyage en effet très peu. Il ne s’accorde en fait une vacance qu’en 1976, pour rendre visite à sa fille, en Espagne, avec son épouse. Leur fils, quant à lui, demeure au Québec.
Les longues heures de travail de Lebrun réduisent à peu de chose ses heures de loisir. Il aime toutefois peindre, en compagnie de son épouse. Si cette dernière prend quelques cours, Lebrun, fidèle à ses habitudes, est un parfait autodidacte.
En fin de compte, Lebrun participe pendant environ 28 ans à des émissions du matin diffusées par la susmentionnée station radiophonique CKAC. Il y assure les chroniques météorologique et scientifique. Cela étant dit (tapé?), Lebrun travaille aussi à 3 autres stations de radio commerciale (indépendantes?) de la région montréalaise. À une certaine époque, il fait une quinzaine de bulletins météorologiques par jour. Saviez-vous que ce bourreau de travail dispose d’un studio radiophonique dans son domicile, possiblement créé avec l’aide d’un de ses employeurs? Votre humble serviteur ne sait pas quand Lebrun prend sa retraite, à supposer qu’il en prenne vraiment une.
Lebrun meurt en octobre 2003, à l’âge de 75 ans. Les hauts lieux de ses multiples carrières sont soulignés dans les journaux, à la radio et à la télévision, à Montréal et ailleurs au Québec.
L’auteur de ces lignes souhaite remercier toutes les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.