3 choses à savoir sur l'utilisation des mêmes terres agricoles pour produire des cultures ET de l'énergie solaire, sur la « vision » surhumaine des conservateurs de musée et sur la fabrication de frites dans l'espace
Voici Renée-Claude Goulet, Cassandra Marion et Michelle Campbell Mekarski.
Ces conseillères scientifiques d’Ingenium fournissent des conseils éclairés sur des sujets importants pour le Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada, le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada et le Musée des sciences et de la technologie du Canada.
Dans cette captivante série mensuelle de billets publiés sur le blogue, les conseillères scientifiques d’Ingenium présentent des « pépites » d’information insolite en lien avec leur champ d’expertise respectif. Michelle Campbell Mekarski a invité Jacqueline Riddle, restauratrice chez Ingenium, à contribuer. Ce mois-ci, nos experts expliquent comment les futurs astronautes pourront faire cuire des frites dans l'espace, comment la technologie donne aux conservateurs de musée une « vision » surhumaine et comment les mêmes terres agricoles peuvent être utilisées pour cultiver des produits alimentaires et « récolter » de l'électricité à partir de l'énergie solaire.
La récolte de végétaux et d’énergie solaire sur la ferme… une partie de l’avenir carboneutre ?
Et si on pouvait profiter doublement des terres, les cultiver ET convertir l’énergie du Soleil en électricité en même temps?
Le Canada est l’un de nombreux pays à l’échelle de la planète qui s’est engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050. Pour y arriver, nous devrons déployer rapidement et de façon créative des technologies existantes pour remplacer la production d’énergie à partir de combustibles fossiles.
Des panneaux solaires installés très haut au-dessus des cultures procurent un micro-environnement pouvant aider les plantes à mieux pousser, tout en produisant de l’électricité.
Le captage de l’énergie solaire à l’aide d’installations photovoltaïques est une méthode éprouvée pour répondre à nos besoins en électricité, mais nous manquons d’espace où installer ces centrales solaires. Actuellement, un panneau solaire peut convertir en électricité seulement de 17 % à 20 % de l’énergie reçue du Soleil. Pour cette raison, les fermes solaires nécessitent de larges bandes de terre avec accès complet à la lumière solaire pour produire des quantités importantes d’électricité. Il y a beaucoup de compétition pour l’accès à ces terres et nous devons équilibrer les besoins de la société en matière d’infrastructure de production d’énergie, d’agriculture, de logement et de préservation des aires naturelles. Donc, mis à part l’intégration de panneaux solaires à des bâtiments et sur des toits selon une approche à la pièce, il existe une autre option, soit combiner des fermes solaires avec des fermes conventionnelles. On obtient ainsi des « agrivoltaïques ».
Des chercheurs de l’Université Western de London, en Ontario, examinent le potentiel de cette idée ici même, au Canada, un pays possédant un grand territoire agricole ensoleillé, particulièrement dans les provinces des Prairies où brille le plus de lumière solaire.
Si vous avez déjà vu une ferme solaire actuelle, vous aurez peut-être remarqué que les panneaux sont installés assez près les uns des autres et proches du sol. L’espace sous les panneaux est donc inutilisable. Toutefois, il n’est peut-être pas totalement inutilisable, puisque l’herbe et les plantes sauvages y poussent quand même et doivent être contrôlées. Certaines entreprises de fermes solaires se sont associées à des éleveurs de moutons afin d’avoir des « tondeuses vivantes » pour brouter la végétation sous les panneaux solaires et la contrôler, tout cela avec un minimum de main-d’œuvre humaine et sans machines ou équipements spécialisés. On nomme cette pratique « pâturage solaire ».
Alors, à quoi ressemblerait une ferme solaire en cultures? Puisque les plantes ont besoin de lumière pour pousser, il ne serait pas logique d’installer les panneaux près du sol comme dans les fermes solaires typiques. L’installation doit également pouvoir accommoder de machinerie lourde, comme des tracteurs, des semoirs, des pulvérisateurs agricoles et des récolteuses. Pour résoudre le problème, des ingénieurs de partout dans le monde développent des systèmes de rayonnage ou de soutien spéciaux. Ces systèmes permettent de travailler sous les panneaux solaires, car ceux-ci sont suffisamment élevés. Les panneaux sont également installés à un angle optimal pour capter le plus de lumière solaire possible et peuvent aussi suivre le mouvement du Soleil dans le ciel.
Installés de cette façon, les panneaux solaires ne bloquent pas la lumière complètement et peuvent même aider certaines plantes à mieux pousser. L’ombre que procurent les panneaux crée un micro-environnement où l’eau s’évapore lentement. Les plantes requièrent donc moins d’eau. Certaines cultures tolèrent moins le Soleil et bénéficient des endroits partiellement ombragés qu’offrent les panneaux solaires. Les travaux de recherche doivent se poursuivre pour déterminer quelles cultures canadiennes sont les meilleures candidates pour ce système.
Les agriculteurs pourraient bénéficier d’importants avantages économiques en intégrant des panneaux solaires à leur ferme. De meilleurs rendements des cultures tolérantes à l’ombre permettraient d’accroître les revenus. De plus, l’électricité générée par les panneaux solaires peut non seulement répondre aux besoins énergétiques des activités et des bâtiments agricoles, mais également générer plus de revenus si le surplus d’électricité est vendu pour alimenter le réseau. Les panneaux solaires procurent un autre avantage en protégeant les cultures contre la grêle, les fortes pluies et les vents pouvant les endommager et provoquer l’érosion du sol.
Comme pour toute technologie, ils comportent aussi des désavantages. L’installation d’une ferme solaire est un investissement substantiel pour les agriculteurs qui doivent possiblement aussi faire face aux lois de zonage et aux politiques locales. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, les panneaux solaires ne sont pas encore très efficaces et ont une durée de vie d’environ 20 ans. Ces limites soulèvent la question des impacts environnementaux de la durée de vie complète de la technologie, depuis l’extraction du silicone nécessaire à la fabrication des cellules, à l’énergie utilisée pour créer et transporter les panneaux, et à ce qui advient des matériaux lorsque la durée de vie est terminée.
Il est intéressant de noter que, selon certains calculs, seulement un petit pourcentage des fermes auraient besoin d’être converti pour couvrir tous nos besoins énergétiques que comblent en ce moment les combustibles fossiles! L’idée des agrivoltaïques n’est certainement pas encore populaire au Canada, mais il est important de reconnaître que les solutions et les idées novatrices comme celle-là peuvent toutes faire partie du casse-tête visant l’élimination de l’utilisation des combustibles fossiles et des émissions de carbone.
Aller plus loin :
Apprenez-en davantage sur la recherche en matière d’agrivoltaïques et le centre d’essai de photovoltaïques extérieurs en source libre Western Innovation for Renewable Energy Deployment (WIRED).
https://www.appropedia.org/Western_Innovation_for_Renewable_Energy_(WIRED)
L’avenir carboneutre du Canada et les technologies pour atteindre cet objectif https://institutclimatique.ca/reports/vers-un-canada-carboneutre/
Par Renée-Claude Goulet
Un micrographe montrant une patte de tarentule velue sous un grossissement 40x, pris à l’aide d’un microscope polariseur Nikon Eclipse, qui fait partie de Mondes cachés : Exposition en ligne.
Comment les restaurateurs se comparent-ils à Superman?
Les restaurateurs sont chargés de la conservation à long terme des artefacts de la collection des musées. Nous y arrivons à l’aide de différentes méthodes. Nous travaillons au carrefour des sciences, des arts, de l’histoire et de l’ingénierie, et empruntons et adaptons souvent les technologies d’autres disciplines pour les utiliser afin de découvrir plus d’information sur des artefacts. L’imagerie de conservation fait partie des techniques dont nous disposons dans notre boîte à outils. Un peu comme Superman, nous avons recours à la vision infrarouge, microscopique et par rayons X pour soutenir notre travail. Mais, plutôt que d’utiliser notre « vision » surhumaine pour combattre des méchants, nous l’utilisons pour révéler les secrets d’artefacts historiques qui sont invisibles à l’œil nu.
Un bon exemple d’imagerie de conservation se trouve dans Les mondes cachés : Exposition en ligne du Musée des sciences et de la technologie du Canada. Pour réaliser cette exposition, les restaurateurs ont utilisé un microscope polariseur pour prendre des photos en gros plan (micrographes) des artefacts de cette collection, lesquelles permettent aux visiteurs en ligne de voir à l’écran et de près de la peau de lézard, des tentacules de pouces-pieds et des pattes de tarentules très velues en merveilleux (quoiqu’un peu repoussants) détails, tout comme Superman le ferait. Ces images en gros plan nous permettent aussi d’évaluer l’état de ces artefacts au fil du temps, car les restaurateurs peuvent comparer ce qu’ils voient actuellement au microscope aux anciens micrographes.
Signalisation à l’extérieur de la salle de radiologie de l’Institut canadien de conservation, Ottawa.
Mais les restaurateurs ne sont pas satisfaits de seulement voir les artefacts de près. Nous utilisons aussi la radiographie par rayons X, tout comme la vision par rayons X de Superman, pour voir l’intérieur et évaluer l’état des artefacts qui ne peuvent être facilement ouverts. Récemment, les restaurateurs du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada se sont associés à l’Institut canadien de conservation (ICC) afin de se servir de la radiographie par rayons X pour évaluer l’état des pneus de rechange du bombardier Lancaster. Il s’agit de la plus récente initiative d’une série de projets de radiographie par rayons X conjoints avec l’ICC, qui nous ont permis de voir les intestins d’artefacts comme ceux de la vache jouet Milky the Marvelous Milking Cow.
Les restaurateurs utilisent également une partie de l’autre côté du spectre électromagnétique, lumière infrarouge, pour étudier les artefacts. La technologie d’imagerie infrarouge a d’abord été utilisée pour des applications militaires pendant la Deuxième Guerre mondiale. Les restaurateurs de tableaux se servent maintenant de la photographie infrarouge et de la réflectographie à l’infrarouge pour identifier les différents types de pigments et reconnaître les dessins de fond à base de carbone sous la surface peinte. Ces outils permettent aux restaurateurs de mieux comprendre les processus artistiques et ainsi bien choisir les traitements de restauration.
Voilà comment les restaurateurs se comparent à Superman : nous utilisons la « vision » par rayons X et d’autres outils d’imagerie particuliers pour faire notre travail. Malheureusement, nous ne pouvons pas voler et n’avons pas de force surhumaine... encore.
Par Jacqueline Riddle
Des frites spatiales! Peut-on faire frire des aliments en microgravité ?
Une alimentation saine et nutritive est essentielle pour les astronautes dans l’espace, mais il est également essentiel pour le moral des membres de l’équipage qu’ils aiment ce qu’ils mangent. La nourriture consommée dans l’espace a beaucoup évoluée, de la compote de pomme en tube à des cocktails de crevettes savoureux ou à du spaghetti servi en sachet. Puisque les humains s’aventureront bientôt dans l’espace lointain, des chercheurs essaient de trouver de nouvelles façons d’ajouter de la variété et d’aider les astronautes à profiter de leurs repas.
Qu’en est-il du plat réconfortant par excellence... des frites?
Une nouvelle recherche soutenue par l’Agence spatiale européenne suggère qu’il serait possible de préparer des frites dans l’espace!
L’expérience a été menée sur deux vols paraboliques différents, pendant lesquels un aéronef a réalisé une série d’arcs pour simuler des périodes d’apesanteur ou de gravité sur différents corps célestes. Un appareil pressurisé rotatif fermé a été construit pour contenir de façon sécuritaire et chauffer efficacement l’huile, puis y ajouter des pommes de terre crues. Des caméras à grande vitesse ont capté une vidéo du processus de friture, y compris la taille et le taux de croissance des bulles ainsi que leur vitesse; et des thermomètres ont enregistré la température de l’huile et des pommes de terre.
Sur Terre, les bulles de vapeur montent dans des liquides en ébullition, générant la circulation de fluides ou la convection de chaleur essentielle au processus de friture, pendant lequel l’huile doit continuer de circuler sur la surface des pommes de terre pour donner un extérieur croquant. On pourrait croire que la convection ne serait pas efficace dans un environnement de microgravité et que les bulles colleraient plutôt que de glisser sur les pommes de terre, ce qui produirait des frites non cuites.
On voit des bulles de vapeur dans le l’huile à friture captées à l’aide de caméras à grande vitesse durant un vol parabolique.
Nous avons été agréablement surpris de voir que, peu après l’ajout des pommes de terre à l’huile, les bulles de vapeur se sont détachées de la surface des pommes de terre, comme elles le feraient dans un liquide en convection, ce qui porte à croire que la friture d’aliments en microgravité est possible.
Bien que les aliments frits affichent un piètre bilan en matière de santé et de nutrition, particulièrement en ce qui concerne la santé cardiovasculaire, ils pourraient être une gâterie réconfortante pour un astronaute qui travaille fort et s’ennuie de la maison. Mais, est-ce que la friture est une méthode de préparation culinaire pratique dans l’espace? Une fuite d’huile chaude provoquerait un scénario cauchemardesque en microgravité, mais pourrait-on croire qu’un kiosque à friture serait raisonnable sur la surface de la Lune ou de Mars?
Cette expérience présente toutefois l’avantage supplémentaire de nous permettre de mieux comprendre comment les liquides en ébullition se comportent dans l’espace, pas seulement ceux utilisés pour la cuisson. Et, bien sûr, il existe d’autres façons d’accroître la variété d’une alimentation spatiale et la rendre plus réconfortante, comme cultiver des aliments frais dans l’espace.
Par Cassandra Marion
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