Un aspect quelque peu oublié de l’histoire de la 425e escadrille (Alouette), Partie 2
Re-bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur, et bienvenue à la seconde partie de cette édition spéciale de notre blogue / bulletin / machin. Avez-vous besoin d’un bref rappel avant de reprendre le fil de notre histoire? Non? J’en suis fort aise. Eh bien, lisez maintenant, si cela vous plaît bien sûr.
Le 19 juillet 1945, le nouveau ministre de la Défense nationale (Air), Colin William George Gibson, annonce que des équipages de bombardiers lourds quadrimoteurs britanniques Avro Lancaster fabriqués au Canada provenant d’escadrilles canadiennes vont se rendre un peu partout au pays pour recueillir des fonds au bénéfice de la Caisse de bienfaisance de l’Aviation royale du Canada (ARC), de même que pour montrer des Lancaster au plus grand nombre de personnes possible. Un objectif supplémentaire consiste par ailleurs à offrir au public la chance de remercier des équipages pour leur bravoure face à l’adversité.
La croissance spectaculaire des effectifs de l’ARC au cours de la Seconde Guerre mondiale entraîne une augmentation tout aussi spectaculaire des besoins et responsabilités de sa caisse de bienfaisance. Celle-ci offrant une aide aux membres de l’ARC et à leur famille immédiate, elle se prépare à faire face aux besoins des dépendants d’aviateurs décédés au cours du conflit.
La Caisse de bienfaisance de l’ARC s’occupe de personnes qui ne répondent pas aux critères du gouvernement fédéral. Elle signale par ailleurs aux fonctionnaires des vétérans qui méritent amplement d’être dépannés. La caisse semble prêter des sommes d’argent plus qu’elle n’en donne. Ces prêts permettent à des membres de l’ARC de se maintenir à flots en attendant la décision des fonctionnaires concernant les pensions et autres aides financières offertes aux vétérans par le gouvernement fédéral. La caisse de bienfaisance appuie les vétérans tout au long de ce processus bureaucratique, parfois assez long il faut l’avouer. Certains prêts deviennent des dons si leurs récipiendaires ne sont pas en mesure de les rembourser sans faire souffrir leur famille.
La caisse de bienfaisance entend profiter des visites effectuées par les Lancaster un peu partout au pays par le biais de dons remis par diverses personnes et organisations, de même que par le transfert des frais d’admission sur les bases et aéroports.
Des préparatifs entourant les vols des Lancaster s’engagent au cours des jours qui suivent l’annonce de Gibson. Début août, l’ARC précise que six équipages de Lancaster fabriqués au Canada provenant de six escadrilles canadiennes vont se rendre un peu partout au pays.
L’équipage du Lancaster No 1 regroupe du personnel de la 425e escadrille, tous vétérans de nombreuses sorties, soit :
- le major d’aviation ou, comme on dit alors, ou chef d’escadrille Joseph Roland Serge Yvan « Roley » Laporte, Croix du Service distingué avec agrafe, de Montréal, mentionné dans la première partie de cet article, pilote;
- le capitaine d’aviation, ou lieutenant de section, Joseph Alphonse Claude Bourassa, Croix du Service distingué, de Trois-Rivières, bombardier;
- le sous-lieutenant d’aviation, ou officier pilote, Bernard « Ben » Horsfall, de Winnipeg, mécanicien navigant;
- le sous-lieutenant d’aviation Jacques P. « Jack » Lamontagne, de Montréal, lui aussi mentionné dans la première partie de cet article, opérateur radio / mitrailleur;
- le lieutenant d’aviation Gabriel Longpré, de Montréal, navigateur;
- le sous-lieutenant d’aviation Roger Thomassin, de Sillery, mitrailleur de queue; et
- l’adjudant d’aviation de 2e classe, ou sous-officier breveté de 2e classe, Joseph René Raymond « Ray » Saint-Onge, de Montréal, mécanicien navigant de Laporte depuis un certain temps.
Ces personnes volent à bord d’un Lancaster qui porte la lettre d’identification P pour Pierre / Peter, de même qu’une peinture individuelle de nez intitulée « Ville de Québec. » Il est à noter que cet aéronef est le quatrième bombardier de la 425e escadrille ayant porté la lettre d’identification P pour Pierre / Peter.
Curieusement, la liste initiale des membres de l’équipage du Lancaster de cette escadrille, transmise aux médias en début août, comprend les noms de deux aviateurs québécois qui disparaissent pour une raison ou pour une autre, soit les sous-lieutenants d’aviation Joseph Aurélien Audet, de Vallée-Jonction, et J.E. Parent, de Wrightville. Bourassa et Horsfall les remplacent.
Le directeur des relations extérieures en langue française de l’ARC à Ottawa, le capitaine d’aviation Charles Miville-Deschêne, un ancien journaliste, a pour fonction de chaperonner l’équipage de la 425e escadrille pendant au moins une partie de sa tournée. Votre humble serviteur ne sait pas si cet officier est à l’origine de l’information suggérant que le Lancaster de la 425e escadrille est un vétéran de la guerre aérienne en Europe, ce qui n’est pas le cas.
Le 7 août, un événement imprévu mais d’une extrême importance défraye la manchette partout au Québec et à l’étranger. Le jour auparavant, le président américain, Henry S. Truman, annonce qu’un bombardier, un Boeing B-29 Superfortress pour être plus exact, a largué une bombe nucléaire sur la ville japonaise de Hiroshima. Deux jours plus tard, des quotidiens du Québec informent leurs lectrices et lecteurs que les Américains ont largué une seconde bombe nucléaire, sur la ville japonaise de Nagasaki. Le 10 août, ces lectrices et lecteurs apprennent que le gouvernement japonais vient de remettre une offre officielle de reddition qui demande le maintien du statut de souverain de l’empereur Hirohito. Les gouvernements britannique et américain, de même que le gouvernement de l’Union des républiques socialistes soviétiques, en guerre contre le Japon depuis le 8 août, demandent que leur vis-à-vis japonais accepte une reddition sans condition.
Robert Laporte, 4 ans, sur un des stabilisateurs horizontaux du Lancaster piloté par son père, le major d’aviation Joseph Roland Serge Yvan Laporte, Rockcliffe, Ontario. Anon., « Le rêve d’un enfant. » Le Canada, 18 août 1945, 2.
Pendant ce temps, l’équipage du Lancaster de la 425e escadrille se trouve à Ottawa ou, plus exactement, à la base de l’ARC de Rockcliffe, le site de l’actuel Musée de l’aviation et de l’espace du Canada et la première étape de son périple. Laporte et son équipage s’y posent le matin du 10 août. Ils sont accueillis par plusieurs personnalités de marque, dont le maire d’Ottawa, J.E. Stanley « Stan » Lewis, et le sous-ministre de la Défense nationale (Air), Herbert Gordon.
Un pilote et officier de l’état-major de la 425e escadrille, le capitaine d’aviation Réal Saint-Amour, d’Ottawa, se trouve lui aussi à Rockcliffe. Un ancien membre d’équipage du Lancaster de Laporte, la capitaine d’aviation G. Langlois, maintenant affecté aux relations extérieures en langue française de l’ARC à Ottawa, est également présent. Laporte a le plaisir de voir des membres de sa famille, dont son fils Robert, âgé de 4 ans.
Il est à noter qu’une petite équipe au sol, expressément liée au Lancaster de la 425e escadrille, se trouve à Rockcliffe. Elle comprend le sergent J.E. Lavoie de Gatineau Mills ainsi que les caporaux J.E. Doucette de Montréal et R.L. Lemay de Sherbrooke. Votre humble serviteur ne sait malheureusement pas si ces trois personnes accompagnent le Lancaster tout au long de son périple.
Une fois les formalités de leur accueil complétées, Laporte et son équipage prennent place à bord d’automobiles qui les emmènent en ville afin de prendre un bon repas avec des membres du Club Kiwanis d’Ottawa, un des plus anciens au Canada.
La Caisse de bienfaisance de l’ARC profite du passage du Lancaster de la 425e escadrille pour tenir un événement d’importance, lors de la fin de semaine des 11 et 12 août. Pour la première fois depuis le début de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939, le grand public peut en effet visiter Rockcliffe. Si le Lancaster est de toute évidence l’étoile de l’exposition de la caisse de bienfaisance, de nombreux aéronefs de l’ARC présentés en sa compagnie, une quinzaine environ, vont eux aussi attirer l’attention.
Il y a des avions d’entraînement américains utilisés pour la formation initiale et avancée, un Fairchild Cornell et un North American Harvard par exemple. Il y a aussi un amphibie utilitaire Grumman Goose, un avion de transport Douglas Dakota et un avion postal à long rayon d’action Boeing Fortress, tous américains. Il y a par ailleurs plusieurs aéronefs de combat : deux avions de chasse britanniques, un Hawker Hurricane et un Supermarine Spitfire; au moins un exemplaire de deux types d’aéronefs de reconnaissance maritime américains, un avion Consolidated Liberator et un amphibie Consolidated Canso, de même qu’un bombardier moyen américain North American Mitchell et un avion de reconnaissance général Lockheed Ventura, deux aéronefs américains vraisemblablement utilisés pour l’entraînement opérationnel. Aucun de ces aéronefs de l’ARC ne peut être visité.
Quelques centaines de résidentes et résidents de la région d’Ottawa et de Hull peuvent s’être rendues à Rockcliffe le 10 août, en cours d’après-midi, pour voir l’exposition d’aéronefs de la Caisse de bienfaisance de l’ARC. Elles et ils voient sans doute les équipes au sol compléter les préparatifs avant l’ouverture officielle la dite exposition, le 11 août, vers 13 h.
Un des magasins à rayons haute gamme d’Ottawa, Charles Ogilvy Limited, fait paraître une grande annonce publicitaire dans les éditions du 11 août des deux principaux quotidiens de la ville, The Ottawa Journal, aujourd’hui disparu, et The Evening Citizen, l’actuel Ottawa Citizen. La dite annonce fournit quelques informations sur ce qui se passe à Rockcliffe mais n’inclut aucune publicité pour le magasin en tant que tel. Un autre magasin à rayons haute gamme d’Ottawa, A.J. Freiman Limited, agit dans le même sens le même jour avec une annonce publicitaire pleine page.
Peu de lectrices et lecteurs réalisent que le Lancaster dont la photographie orne ces annonces n’est pas l’aéronef de la 425e escadrille qui leur rend visite. Il s’agit en fait d’un aéronef de fabrication britannique de la 424e escadrille (Tiger) de l’ARC.
Environ 20 000 résidentes et résidents de la région d’Ottawa et de Hull se rendent à Rockcliffe les 11 et 12 août pour voir le Lancaster de la 425e escadrille et les autres aéronefs de l’ARC. De très nombreuses personnes utilisent les autobus que Ottawa Electric Railway Company fait circuler entre la station de tramways la plus proche et la base. De nombreuses personnes se rendent par ailleurs à Rockcliffe en automobile. Le stationnement est gratuit. Si l’exposition ouvre officiellement le 11 août à 13h, certaines personnes se pointent à Rockcliffe dès 8h.
Si le beau temps du 11 août plaît beaucoup aux organisateurs, les nuages et la possibilité de pluie le 12 août occasionnent certaines craintes. Les résidentes et résidents de la région d’Ottawa et de Hull ne semblent pas trop s’en inquiéter. Davantage de personnes semblent visiter Rockcliffe le 12 août. Des automobiles sont stationnées tout le long de la route qui mène à la base, par exemple. Le dernier visiteur quitte le site vers 20h.
Des membres de l’escadrille Ottawa-Dollard de la Ligue des cadets de l’air du Canada, la seule unité francophone de la région de la capitale nationale, recueillent les frais d’admission sur la base, qui s’établissent à 25 cents par personne. Les dits frais ne sont pas taxés, un détail noté par un quotidien anglophone. Votre humble serviteur ne sait pas si les enfants ont droit à un tarif réduit. Des membres de l’escadrille qui ne recueillent pas les frais d’admission effectuent par ailleurs au moins une démonstration d’exercices.
Avec votre permission, j’aimerais digresser quelques instants sur la Ligue des cadets de l’air du Canada. Les attaques répétées de l’armée de l’air allemande contre le Royaume-Uni au cours des semaines qui suivent la chute de la France, en juin 1940, ont un profond impact au Canada. Soucieux de renforcer l’ARC, plusieurs personnalités influentes proposent la création d’une organisation nationale offrant une formation de base à des milliers de jeunes garçons qui s’enrôleraient une fois arrivés à l’âge adulte. Le ministre de la Défense nationale (Air), Charles Gavan « Chubby » Power, mentionné dans la première partie cet article, juge l’idée excellente. Un arrêté en conseil signé en novembre autorise la création d’une organisation.
Basée à Ottawa, la Ligue des cadets de l’air du Canada voit officiellement le jour en avril 1941. Le maréchal de l’air honoraire William Avery « Billy » Bishop, un pilote de chasse canadien de la Première Guerre mondiale connu entre tous, est son président honoraire. Son président d’honneur est nul autre que le gouverneur général du Canada, le comte d’Athlone, né Alexander Cambridge.
La Ligue des cadets de l’air du Canada s’inspire d’une organisation privée britannique fondée en 1938 mais absorbée par l’armée de l’air britannique au début de 1941. Sa croissance est rapide. Présente d’un océan à l’autre, la ligue compte 10 000 cadets répartis dans 135 escadrilles en mai 1942. En septembre 1944, elle atteint un sommet inégalé depuis lors : 29 000 cadets et 374 escadrilles. L’absence de statistiques couvrant la période de la guerre ne permet pas d’évaluer l’importance de la Ligue des cadets de l’air du Canada en matière de recrutement. Cela dit, entre octobre 1943 et juin 1944, pas moins de 3 000 cadets de l’air joignent les rangs de l’ARC, mais revenons à notre histoire et à Rockcliffe.
Seuls les parents des aviateurs ayant servis outremer, mais pas nécessairement dans des escadrilles du 6e groupe semble-t-il, ont le privilège de monter à bord du Lancaster de la 425e escadrille et de s’assoir à la place occupée par leurs époux, fils ou frère. Les nombreux instruments de l’aéronef sont en effet fragiles et l’accès à bord demande une certaine agilité. Des membres de l’équipage guident ces visiteuses et visiteurs lors de leur passage à bord. Afin d’éviter les abus, ces personnes doivent prouver que leur époux, fils ou frère a servi ou sert encore outremer.
Certaines personnes ayant perdu un membre de leur famille servant dans les forces armées peuvent elles aussi accéder au Lancaster de la 425e escadrille. Afin d’éviter les abus, elles doivent selon toute vraisemblance prouver leurs dires. Votre humble serviteur doit avouer ne pas savoir si cet état de chose est unique au séjour de l’aéronef à Rockcliffe.
Je dois aussi avouer ne pas savoir si les enfants peuvent monter à bord des six Lancaster qui circulent au Canada. Leur petite taille et leur agilité est tout à leur avantage. Leur curiosité peut toutefois poser problème. Quoiqu’il en soit, les nombreuses questions qu’ils posent aux membres de l’équipage de la 425e escadrille, ou à leurs pères, oncles, frères ou cousins, ne laissent pas indifférents les adultes autour d’eux. Plusieurs mères et pères obtiennent ainsi des informations sur l’environnement dans lequel leur fils œuvre ou œuvrait.
Les personnes qui visitent le Lancaster ne sont pas sans noter que certaines pièces d’équipement sont cachées sous des morceaux de tissu noir. Plusieurs d’entre elles demandent au membre de l’équipage qui les escorte d’expliquer cet état de chose. Elles ont droit à des réponses plus ou moins évasives. Dans les faits, la Seconde Guerre mondiale n’étant pas encore terminée, certaines pièces d’équipement sont encore jugées secrètes.
Si le commun des mortels doit se contenter de voir le Lancaster d’un peu plus loin, le fait est que pour ainsi dire aucune personne n’a encore vu un de ces aéronefs d’aussi près. Mieux encore, l’équipage accepte volontiers de répondre à leurs questions. De nombreux jeunes garçons souhaitent en savoir plus long sur ses exploits, par exemple. Une estrade temporaire placée près du nez de l’aéronef leur permet aussi, à eux et aux membres de leurs familles, de voir à quoi ressemble l’intérieur du Lancaster. D’autres estrades temporaires peuvent être en place ailleurs autour de l’aéronef. Le gros de cette routine se répète dans toutes les municipalités visitées par les six Lancaster.
Après avoir vu le Lancaster et la quinzaine d’aéronefs de l’ARC, les visiteuses et visiteurs peuvent jeter un coup d’œil sur bon nombre d’items dans plusieurs tentes et bâtiments, dont un puissant moteur Rolls-Royce Merlin comparable à ceux qui propulsent le Lancaster de la 425e escadrille. Une tente abrite un appareil photographique utilisé lors de sorties de reconnaissance, par exemple, de même qu’un certain nombre d’images. Du personnel de l’ARC, y compris quelques prisonniers de guerre récemment libérés, répondent aux nombreuses questions du public.
Des pièces d’équipement d’urgence se trouvent par ailleurs dans un bâtiment. Là encore, du personnel de l’ARC répondent aux nombreuses questions du public concernant les items en montre, des parachutes ouverts et empaquetés, de mêmes que des radeaux pneumatiques et des gilets de sauvetage gonflables. Ces derniers sont communément appelés « Mae West, » du nom de la plantureuse actrice, chanteuse et scénariste américaine Mary Jane « Mae » West. Il y aussi au moins un exemplaire d’un dispositif radio d’urgence américain destiné aux équipages dont l’aéronef doit se poser en mer. Les formes arrondies de l’émetteur radio de ce dispositif très fortement inspiré par un équipement similaire d’origine allemande rappellent la taille de guêpe des jeunes femmes indépendantes et séduisantes dessinées au cours des années 1890 et 1900 par un graphiste américain très connu, Charles Dana Gibson. Il est par conséquent vite baptisé « Gibson Girl. »
Une brève digression si je peux me le permettre. Saviez-vous que le dessert originellement connu sous le nom de Mae West est apparemment inventé au cours de la Seconde Guerre mondiale par René Brousseau, un contremaître chez Vaillancourt Incorporée, une boulangerie située au cœur de la ville de Québec? En 2019, la / le May West, un nouveau nom adopté au cours des années 1980, est produit(e) par Vachon Incorporée, une division de Canada Bread Company Limited, elle-même division du géant mexicain Group Bimbo Sociedad Anónima Bursátil de Capital Variable, la plus grosse compagnie de boulangerie au monde.
Le 13 août, le quotidien francophone d’Ottawa, Le Droit, publie une photographie montrant l’épouse de G. Emilius Fauquier de Rockcliffe remettant à l’épouse du sous-ministre de la Défense nationale (Air), le susmentionné Herbert Gordon, un chèque de 500 $, toute une somme pour l’époque, destiné à la Caisse de bienfaisance de l’ARC. Fauquier est la mère du commodore de l’air par intérim, ou commandeur de l’air par intérim, John Emilius « Johnny » Fauquier, Ordre du service distingué avec trois agrafes et Croix du service distingué, commandant de la 617e escadrille de l’armée de l’air britannique, les fameux briseurs de barrages, encore stationné au Royaume-Uni. Un des deux quotidiens anglophones d’Ottawa, The Evening Citizen, publie la même photographie trois jours plus tard. Mise à part la photographie du 13 août, Le Droit ne semble pas mentionner la visite du Lancaster de la 425e escadrille à Rockcliffe, ce qui est tout de même un peu curieux.
Dans un éditorial publié le 10 août, The Evening Citizen profite de la visite du Lancaster de la 425e escadrille pour critiquer à mots couverts l’insuffisance des pensions et autres aides financières offertes aux vétérans par le gouvernement fédéral. C’est cette situation même qui force la Caisse de bienfaisance de l’ARC à recueillir des fonds. « Le public aura le privilège de contribuer aux liens de parenté aérienne en se joignant aux aviateurs dans l’entraide pour renforcer la Caisse de bienfaisance de l’ARC, » conclut le quotidien.
Le 13 août, Laporte et son équipage vérifient le Lancaster avant de prendre l’air en direction du second arrêt de leur parcours, Québec.
Le Soleil, principal quotidien de Québec, publie une annonce / article sur la visite du Lancaster qui remplit une page entière de son édition du 13 août. La photographie du Lancaster en vol qu’on y trouve est identique à celle des annonces publicitaires publiées à Ottawa, le 11 août, par Charles Ogilvy et A.J. Freiman. La page dans Le Soleil est commanditée par le conseil municipal de Québec, le conseil de ville de Lévis et 23 entreprises de la région, de la chaîne de magasins à rayons Zellers Limited à la société d’importation Canadian Import Company Limited, en passant par Marché public Limitée.
Détail intéressant, du moins pour votre humble serviteur, la liste d’entreprises comprend les noms de Laiterie Fortier Limitée de Lévis et d’Elzéar Fortier Limitée de Québec. Cette dernière est un producteur de boissons douces bien connu, fondé vers 1900, qui disparaît en 1963.
Vous vous demandez sans doute, ami(e) lectrice ou lecteur, pourquoi j’introduis cette digression. Le fait est que ce producteur de boissons douces commercialise un des deux jeux de société aéronautiques canadiens sortis après la Seconde Guerre mondiale trouvés par votre humble serviteur. Jet fait son apparition vers 1954. Compte tenu de la présence d’aéronefs qui ressemblent beaucoup à l’intercepteur de bombardiers tous temps à réaction américain Northrop F-89 Scorpion utilisé par l’armée de l’air américaine, l’auteur de ces lignes se demande si ce jeu n’est pas d’origine américaine.
General Mills Canada Incorporated, une filiale du géant américain General Mills Incorporated, quant à elle, commercialise un jeu de société intitulé World’s Traveller Aeroplane Game à une date indéterminée, mais fort possiblement au cours des années 1950. Ce jeu, qui peut être disponible en français, semble être remis à des jeunes personnes qui consomment les céréales Cheerios de la compagnie, mais revenons à notre histoire.
Il est à noter que la ville de Québec adopte la 425e escadrille vers mars 1945. Il s’agit là d’une pratique courante à l’époque. La Presse adopte elle-aussi cette escadrille vers mars 1945, par exemple. Cela étant dit, la presse québécoise ne semble pas savoir que la ville de Québec est la marraine de la 425e escadrille avant la mi-mai. Curieusement, cette unité peut être la dernière escadrille du 6e Groupe à être adoptée.
Diverses personnalités œuvrent jouent un rôle plus ou moins important dans le processus qui mène à l’adoption de la 425e escadrille par la ville de Québec. Mentionnons par exemple le maire de Québec, Lucien Borne, le cardinal Jean Marie Rodrigue Villeneuve, qui siège à Québec, de même que le député provincial des Îles-de-la-Madeleine, Hormisdas Langlais. Ce dernier se joint en partie à cet effort pour honorer la mémoire de son neveu, l’adjudant d’aviation de 2e classe François Gabriel Maheu, d’Arthabaska, mitrailleur au sein de la 425e escadrille, mort au combat en juin 1943, à l’âge de 21 ans.
L’équipage du Lancaster de la 425e escadrille est accueilli avec tous les honneurs à la base de l’ARC de L’Ancienne-Lorette, l’actuel Aéroport international Jean-Lesage de Québec, le 13 août, en début de soirée. Pour ainsi dire tous les cadets de l’air de la région sont là. Les autorités municipales de Québec et des représentants de la Marine royale du Canada, de l’ARC et de l’Armée canadienne sont également sur place. Le pro-maire Louis-Philippe Bégin accueille les aviateurs au nom de Borne, qui est occupé ailleurs. Miville-Deschêne fait la lecture des citations méritées par la 425e escadrille au cours du conflit. Un aumônier y va d’une prière. Une fanfare complète les festivités. Les quelques centaines de personnes présentes applaudissent. Pendant ce temps, la branche francophone du radiodiffuseur d’état, la Société Radio-Canada, rapporte en détail ce qui se passe.
De nombreux résidents de Québec se rendent à l’aéroport à bord d’autobus de quatre sociétés (Autobus A. Drolet Limitée, Autobus Fournier Limitée, Compagnie d’autobus Charlesbourg Limitée et Québec Light, Rail & Power Company) mis à leur disposition par l’entremise de l’administration municipale. Ces autobus sont disponibles du 13 août au 15 août. Leur point de départ commun est la place Jacques-Cartier, dans le quartier Saint-Roch. La modique somme demandée aux usagers est livrée en entier à la caisse de bienfaisance de la 425e escadrille.
Les résidents de la région de Québec qui disposent d’une automobile sont admis à la base de L’Ancienne-Lorette moyennant un droit d’entrée. La modique somme demandée aux automobilistes est elle aussi livrée en entier à la caisse de bienfaisance de la 425e escadrille.
Ce transfert des fonds à la caisse de bienfaisance de la 425e escadrille contredit l’information publiée dans des journaux selon laquelle la Caisse de bienfaisance de l’ARC profiterait de cet argent. L’auteur de ces lignes n’est pas en mesure de préciser où les sommes recueillies se retrouvent en fin de ligne.
Il est à noter que l’équipage du Lancaster de la 425e escadrille est à L’Ancienne-Lorette en milieu de semaine, alors que la plupart des gens de la région sont au travail.
Laporte et son équipage signant le Livre d’Or de Québec (photographie du haut) et lors du déjeuner causerie du Club Rotary de Québec. Anon., « Réception aux Alouettes. » Le Soleil, 14 août 1945, 1.
Accompagnés par des cadets de l’air, Laporte et les autres membres de l’équipage du Lancaster de la 425e escadrille se rendent à l’hôtel de ville de Québec en fin de matinée le 14 août. Ils signent le Livre d’Or de la ville sous le regard bienveillant de Bégin, de nombreux membres du conseil municipal de Québec et de représentants de l’ARC.
Le Club Rotary de Québec accueille les aviateurs un peu plus tard cette même journée lors de son déjeuner causerie hebdomadaire, au Château Frontenac, un magnifique hôtel appartenant à un géant canadien du transport, Canadian Pacific Railway Company. L’escadrille de cadets de l’air du club et son commandant, le capitaine d’aviation Harold Johnson, ou Johnston, leur souhaitent la bienvenue. Ce dernier souligne par ailleurs à quel point les résidents de Québec admirent le personnel de l’ARC. Miville-Deschêne remercie le Club Rotary de Québec pour son accueil enthousiaste. Il pose par la suite aux aviateurs des questions ayant trait à leur service outremer. Deux membres de l’équipage du Lancaster, Bourassa et Laporte, remercient à leur tour les résidents de Québec pour leur soutien. Un autre officier de l’ARC, le colonel d’aviation, ou capitaine de groupe, Gordon Lewis, venu expressément de Trenton, Ontario, pour l’occasion, partage leur gratitude.
Par une curieuse coïncidence, le président du Club Rotary de Québec a le même nom de famille qu’un des aviateurs évincés de l’équipage du Lancaster. Lorenzo Audet semble être un éditeur de cartes postales. Me croiriez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur, si je vous disais que c’est au Château Frontenac que se déroule la Seconde conférence de Québec, mentionnée dans la première partie de cet article? Le monde est petit, n’est-ce pas?
Le gouvernement japonais ayant accepté de se rendre sans condition, des journaux québécois du 15 août annoncent la fin des combats en première page. Un partout dans le monde, au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Canada, c’est l’allégresse. La Seconde Guerre mondiale, un cataclysme qui a fauché entre 60 et 75 millions d’êtres humains, est enfin finie.
La longue table qui accueille les aviateurs de la 425e escadrille lors du déjeuner qui se tient à l’Hôtel Saint-Louis, Québec. Anon., « Au déjeuner de l’équipage du Lancaster. » Le Soleil, 17 août 1945, 3.
Le 16 août, l’équipage du Lancaster de la 425e escadrille, une quinzaine de leurs compagnons d’unité et une douzaine d’aviateurs provenant de trois autres escadrilles de l’ARC participent à un déjeuner à l’hôtel où il séjourne. Laporte semble être le seul membre de l’équipage du Lancaster présent avec son épouse. La direction de l’Hôtel Saint-Louis, disparu depuis fort longtemps, souhaite remercier ces représentants de l’ARC pour leur contribution à la victoire, le tout dans une atmosphère cordiale et intime, sans long discours. Les gérant général et président de l’hôtel, H.L.J. Aubin et René Pettigrew, ont quitté l’ARC peu de temps auparavant. Le gérant, quant à lui, a un fils, Albert Gadoury, dans l’ARC et un autre dans la Marine royale du Canada. Wilfrid Gadoury sert apparemment dans l’armée de l’air britannique, au Canada, en 1918.
Saviez-vous que l’Hôtel Saint-Louis, un des plus prestigieux de Québec au 19e siècle, accueille une partie des délégués de la Conférence de Québec de 1864, une de celles qui mènent à la Confédération, en 1867?
Un pilote débordant d’énergie de la 425e escadrille invité au déjeuner avec son épouse, le capitaine d’aviation Saint-Amour, mentionné plus haut, dirige une prestation de la fameuse chanson folklorique Alouette avec forces mouvements et mimiques. L’audience chante par ailleurs une œuvre britannique relativement peu connue, I got sixpence.
Une fois le déjeuner fini, l’équipage du Lancaster se rend à L’Ancienne-Lorette. Il prend par la suite l’air en direction de la base de l’ARC de Mont-Joli. La présence de cette petite municipalité sur la liste des lieux visités par un des six Lancaster semble à prime abord inhabituel. Elle s’explique toutefois par la présence de la 9e École de bombardement et de tir, fort possiblement la plus grande école du Plan d’entraînement aérien du Commonwealth britannique (PEACB). Celle-ci entre en fonction en décembre 1941 et ferme ses portes en avril 1945. La grande majorité du personnel formé à la 9e École de bombardement et de tir vient de l’extérieur du Québec et ne parle pas français.
Qu’est-ce que le PEACB, dites-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Rien de moins qu’une des principales contributions du Canada à la victoire alliée lors de la Seconde Guerre mondiale. Créée en décembre 1939, l’énorme réalisation qu’est le PEACB compte près de 120 écoles de divers types réparties d’un bout à l’autre du Canada, dans ses neuf provinces. Entre 1940 et 1945, le PEACB forme 130 000 des 290 000 pilotes et membres d’équipage des forces aériennes du Commonwealth – une performance hors du commun, mais revenons à notre histoire.
Une température inclémente le 17 août refroidit quelque peu l’enthousiasme des résidentes et résidents de la région de Mont-Joli qui souhaitent voir le Lancaster de la 425e escadrille. Le fait que ce jour soit un vendredi et un jour de travail n’aide probablement pas non plus. Cela étant dit, environ 3 000 personnes se rendent à la base, l’actuel Aéroport régional de Mont-Joli.
Travaillant de concert avec la Chambre de Commerce, l’administration municipale organise un dîner officiel dans la grande salle de l’Hôtel Commercial, disparu depuis fort longtemps. Une personnalité importante de la région et fondateur du Sanatorium Saint-Georges, Georges Henri DeChamplain, préside la cérémonie. Quelques personnes éminentes de la région se trouvent à la table d’honneur, dont Gleason Belzile, député fédéral de Rimouski; Onésime Gagnon, trésorier de la province de Québec; Paul-Émile Gagnon, maire de Rimouski; et le Dr. René A. Lepage, maire de Mont-Joli. Quelques discours rendent hommage à l’équipage du Lancaster et à la 425e escadrille, un sujet d’admiration pour tout le Canada français. La station radiophonique CJBR de Rimouski, affiliée à la Société Radio-Canada, transmet ces paroles à celles et ceux qui ne sont pas présents(e)s. Cette station existe encore en 2019.
Le 17 août, le Lancaster de la 425e escadrille se rend à la base de l’ARC de Moncton, site de la 8e École de pilotage militaire, active entre décembre 1940 et janvier 1944 et site de l’actuel Aéroport international Roméo-Leblanc du Grand Moncton. Tout comme à Rockcliffe, l’énorme bombardier est la principale attraction d’une exposition d’aéronefs d’entraînement et de combat de l’ARC que commandite la Caisse de bienfaisance de l’ARC. La dire exposition se tient les 18 et 19 août, occupant ainsi une fin de semaine complète. Elle comprend, entre autres aéronefs, un Hurricane, deux avions de bombardement de Havilland Mosquito et deux amphibies de recherche et sauvetage Consolidated Canso, fort possiblement de fabrication canadienne.
Soucieuses de publiciser l’événement, deux commerces bien connus de Moncton, la biscuiterie Marven’s Limited et la ferronnerie Sumner Company Limited, publient deux annonces publicitaires dans le principal quotidien de la ville, The Moncton Daily Times, les 15 et 17 août. Les dites annonces fournissent quelques informations sur ce qui se passe à la base de Moncton mais n’incluent aucune publicité sur les commerces en tant que tel. Un fournisseur d’énergie, Moncton Electricity & Gas Company Limited, fait paraître une annonce similaire le 15 août, dans The Moncton Transcript.
Soucieux de permettre au plus grand nombre de personnes possibles de visiter la base, les organisateurs de l’événement offrent un service spécial d’autobus, fournis selon toute vraisemblance par Grey Bus Line Company Limited. Ceux-ci ont pour point de départ un établissement bien connu de Moncton, le Brunswick Hotel, maintenant disparu depuis longtemps.
Les billets donnant accès à la base sont disponibles dans cet établissement, ainsi que dans les principaux points de vente de journaux de la ville. Les visiteurs potentiels peuvent également approcher des membres de l’ARC qui circulent dans les artères principales de Moncton.
The Moncton Daily Times indique à ses lectrices et lecteurs que l’événement commandité par la Caisse de bienfaisance de l’ARC ne comprend aucune démonstration de voltige aérienne. Il n’y a par conséquent aucun danger de vivre une tragédie comme celle qui a frappé les résidentes et résidents de Calgary, Alberta, lorsqu’un de Havilland Mosquito de l’armée de l’air britannique en tournée au Canada s’écrase le 9 mai, le lendemain du jour de la victoire en Europe, alors qu’il vole à toute allure à basse altitude. Ses deux membres d’équipage, des Canadiens, périssent dans l’accident.
Environ 2 500 personnes de la région de Moncton visitent l’exposition. Si les portes de la base se ferment à 18 h le 18, elles demeurent ouvertes jusqu’à 23 h le jour suivant. Le programme du 19 août comprend en effet deux concerts, offerts en après-midi et en soirée. Ce dernier concert est suivi de feux d’artifice. Les personnes qui visitent la base peuvent également examiner diverses pièces d’équipement utilisées par les équipages des amphibies Canso utilisés pour la recherche et le sauvetage.
Le 20 août, Laporte et son équipage entament l’avant dernière étape de leur périple, le vol vers la base de l’ARC de Yarmouth, Nouvelle-Écosse, qui abrite deux des huit escadrilles canadiennes de la force de bombardement à très grand rayon d’action du Commonwealth. Leur tournée prend fin à cet endroit, le 21 août. Le Lancaster de la 425e escadrille rentre peut-être à la base de l’ARC de Debert, Nouvelle-Écosse, dès le lendemain.
Il est à noter que c’est un Lancaster piloté par un équipage de la 434e escadrille (Bluenose) qui rend visite à l’aéroport de Cartierville, les 17, 18 et 19 août, autrement dit en fin de semaine. Il arrive toutefois en milieu d’après-midi au lieu de la matinée. Un problème de moteur force le pilote à effectuer un atterrissage d’urgence à la base de l’ARC de Summerside, Île-du-Prince-Édouard. L’équipage de ce Lancaster comprend deux Canadiens français, apparemment les seuls présents dans un Lancaster autre que celui de la 425e escadrille, soit les sous-lieutenants d’aviation P.G. Doucet de Petit-Rocher-Nord, Nouveau-Brunswick, opérateur radio / mitrailleur, et J.F.R. Boyer de Montréal, mitrailleur de queue. Le capitaine d’aviation, ou lieutenant de section, Gabriel « Gaby » Langlais, un officier des relations extérieures de l’ARC mentionné dans la première partie de cet article, compte parmi les représentants de l’ARC qui accueillent l’équipage.
Cartierville est un site important pour l’industrie aéronautique canadienne et québécoise. Les avionneurs Canadair Limited et Noorduyn Aviation Limited y ont en effet des usines d’importance. Comme nous le savons tous les deux, l’usine de Canadair fait aujourd’hui partie de Bombardier Incorporée, le plus gros avionneur au pays et un des plus importants producteurs d’avions de ligne régionaux au monde pendant de nombreuses années.
Avant même la fin de 1945 peut-être, des détenteurs d’actions de Noorduyn Aviation imposent une réorientation de la compagnie qui se retire du secteur aéronautique et devient Nuclear Enterprises Limited. Cette décision est d’autant plus surprenante que Noorduyn Aviation est l’un des deux finalistes dans une compétition de l’ARC visant à mettre au point un bimoteur d’entraînement avancé qui ne dépasse toutefois pas l’étape du modèle de soufflerie. Outré par cette réorientation, Robert Bernard Cornelius « Bob » Noorduyn démissionne de son poste de vice-président et directeur général. Au printemps 1946, Nuclear Enterprises vend les droits de production de son célèbre avion de brousse Norseman à Canadian Car & Foundry Company Limited, le plus important fabricant de matériel ferroviaire au pays et un important avionneur canadien pendant la Seconde Guerre mondiale. Nuclear Enterprises semble disparaître au cours des années 1950, mais revenons à notre histoire.
Les équipages des six Lancaster de l’ARC visitent en fin de compte les neuf provinces que compte alors le Canada.
Le 22 août, l’état-major de l’ARC autorise la dissolution de la 425e escadrille. Compte tenu du fait que ce service entend conserver un certain nombre d’escadrilles opérationnelles, diverses personnes entreprennent des démarches un peu avant ou après cette date afin que la 425e escadrille, une unité unique en son genre s’il en est, compte parmi celles-ci. Leur requête n’est pas acceptée.
Le 6e Groupe est dissous le 1er septembre. Les 2 et 3 septembre, des quotidiens du Québec révèlent que des représentants du gouvernement japonais ont signé l’instrument de reddition à bord d’un navire de la marine de guerre américain ancré dans la baie de Tokyo. Mettant en parallèle la puissance de l’arme nucléaire, l’impact de l’entrée en guerre de l’Union des républiques socialistes soviétiques et la réputation de la 425e escadrille, un membre de cette unité offre une explication un tant soit peu exagérée de la reddition du Japon : « Il y a eu la bombe atomique, la bombe à Staline et la bombe Alouette. »
Le soir du 4 septembre, à Debert, le commandant de la 425e escadrille, le major d’aviation, ou chef d’escadrille, Lionel Palma Joseph Dupuis, Croix du Service distingué, rassemble son personnel navigant et ses équipes au sol pour un souper d’adieu. La 425e escadrille est dissoute le jour suivant. Son personnel semble être démobilisé en septembre et octobre. Neuf autres escadrilles du 6e Groupe sont dissoutes en septembre et octobre. La force de bombardement à très grand rayon d’action du Commonwealth, finalement, subit le même sort vers la fin octobre.
La dissolution de la 425e escadrille semble prendre bien des personnes par surprise. Langlais apprend la nouvelle des lèvres de Dupuis et du colonel d’aviation, ou capitaine de groupe, Joseph Hector Lucien « Joe / Joe the Group » Lecomte, Croix du Service distingué, au début de septembre, avant l’annonce officielle. Vous vous souviendrez que Lecomte est commandant de Debert, où la 425e escadrille est alors stationnée. Vous vous souviendrez aussi que cet officier commande la dite escadrille pendant un certain temps.
Les aviateurs de la 425e escadrille ne réalisent peut-être pas l’importance qu’ils ont aux yeux de leurs compatriotes francophones. Un exemple suffira. L’ouverture de la première session du conseil intérimaire de l’Organisation provisoire de l’aviation civile internationale, à Montréal, le 15 août, suscite un réel intérêt au sein de la communauté aéronautique canadienne, et bien au-delà. En début de mois, le quotidien nationaliste montréalais Le Devoir, par exemple, publie un article sur « Le rôle des Canadiens français dans l’aviation civile. »
Son auteur, Lucien Desbiens, souligne que la contribution du Québec à l’effort de guerre aérien, par le biais de la 425e escadrille par exemple, est on ne peut plus important. De nombreux jeunes Canadiens français qui ont servi et servent encore dans l’ARC souhaitent faire carrière dans l’aviation après la Seconde Guerre mondiale. Il suffit de songer au lieutenant d’aviation Jean-Paul « Ti-Paul » Lacaille, Médaille du service distingué, de Magog. Ce pilote ne souhaite pas particulièrement passer le reste de sa vie à fabriquer des jouets et des ustensiles en bois dans l’atelier de son père. Lacaille veut devenir pilote de ligne.
Parlant du Québec, affirme Desbiens, « il y va donc de son intérêt de suivre de près les prochaines discussions, de voir dès maintenant à ce que les nôtres ne soient pas traités en parents pauvres par le gouvernement central qui représentera les provinces à cette conférence. » Si la contribution des Canadiens français aux projets du gouvernement fédéral est alors inconnue, « l’exemple du passé peut justifier certaines craintes pour l’avenir. » Un officier francophone de l’ARC qui préfère garder l’anonymat pour s’éviter des ennuis abonde dans le même sens. Peu importe les plans du gouvernement fédéral, dit-il, « nos jeunes aviateurs canadiens-français n’auront guère de chance d’y tenir grande place. »
Cet officier propose de solutionner ce sérieux problème en faisant appel au gouvernement du Québec. Celui-ci pourrait, par exemple, créer un service aérien provincial de prévention et de lutte contre les feux de forêts similaire à celui qui existe en Ontario depuis 1924. Le Service aérien du gouvernement du Québec ne voit toutefois le jour qu’en 1960, après le décès de Maurice Le Noblet Duplessis et, selon toute vraisemblance, la défaite de son parti à l’élection générale de juin 1960, aux mains de l’équipe du tonnerre dirigée par Jean Lesage.
La contraction massive des effectifs de l’ARC et les effectifs sommes toutes limités des transporteurs aériens du Canada, y compris la société d’état Lignes aériennes Trans-Canada et Canadian Pacific Airlines Limited, la plus importante société aérienne privée au pays et filiale de Canadian Pacific Railway, font en sorte que la grande majorité du personnel navigant et des équipes au sol canadiens-français de l’ARC doit vite renoncer à faire carrière dans l’aviation après la Seconde Guerre mondiale. Il en va de même pour le personnel francophone des avionneries du Québec, elles aussi fortement touchées par l’annulation des contrats militaires. Dans les faits, cet état de chose affecte également le personnel navigant et les équipes au sol canadiens-anglais de l’ARC, sans parler du personnel des avionneries d’un peu partout au Canada.
Il suffit de songer à Thomassin, qui travaille pendant longtemps pour le ministère des Postes, plus tard la Société canadienne des postes. Horsfall, quant à lui, travaille dans les ventes, pour l’industrie pharmaceutique, avant de devenir agent immobilier.
Il est à noter que des procédures mêmes de la Division de l’aviation civile du ministère des Transports nuisent à la transition des aviateurs militaires canadiens vers l’aviation civile. En effet, si les inspecteurs de la Civil Aeronautics Administration, l’organisation ayant le pouvoir de réglementer tous les aspects de l’aviation civile aux États-Unis, acceptent volontiers de se rendent sur des bases militaires afin de faire passer leur examen à des pilotes qui souhaitent obtenir une licence de pilote civil, ceux qui œuvrent au sein du ministère des Transports n’agissent pas de la sorte.
Un aviateur militaire canadien ne peut en fait faire application pour une licence de pilote civil qu’une fois démobilisé. Le dit aviateur découvre alors que la liste d’attente de la Division de l’aviation civile compte des milliers de noms, une situation due au fait que la dite division souffre d’un manque chronique de personnel. Pis encore, ce personnel suggère pour ainsi dire à tout aviateur souhaitant obtenir une licence de pilote de transport de ne pas poursuivre sa démarche. La dite licence est désuète, disent-ils, et en cours de révision.
Cela étant dit, certaines procédures de la Division de l’aviation civile du ministère des Transports facilitent un peu les choses. Il suffit de songer, en ce qui concerne les pilotes, à l’élimination des tests de pilotages et de certains examens écrits. Si un examen médical spécial au moment de la démobilisation est admissible pour l’obtention d’une licence de pilote commercial, la longueur même de la liste d’attente de la division décourage plusieurs candidats potentiels.
En dépit des obstacles, plusieurs membres de la 425e escadrille font carrière dans l’aviation au cours des années de l’après-guerre. Certains demeurent dans l’ARC, par exemple. Mentionnons au hasard cinq influents et importants détenteurs de la Croix du Service distingué, les susmentionnés Dupuis et Lecomte; Hugh Charles Ledoux, mentionné dans la première partie de cet article; ainsi qu’Édouard Jean et Joseph Léon Gabriel Taschereau.
D’autres membres de l’escadrille se font connaître dans le domaine de l’aviation civile. Qu’il nous soit peu permis de mentionner trois autres détenteurs de la Croix du Service distingué. Gilles Simard devient chef pilote du transporteur aérien régional Québecair Limitée avant de se joindre au personnel du susmentionné Service aérien du gouvernement du Québec, dont il devient directeur à l’exploitation et directeur général par intérim. Léopold Rosario Brochu, quant à lui, accède au poste de directeur de l’Aéroport de Québec, le susmentionné Aéroport international Jean-Lesage de Québec. Gilles Gilbert Boulanger, finalement, lance les Faucheurs de marguerites, un rassemblement aérien annuel présenté depuis 1995 à deux pas de l’aérogare Gilbert-Boulanger de l’aéroport de Sherbrooke, à Cookshire-Eaton.
Si je peux me permettre une brève digression, cet événement, un des plus importants du genre au Canada, doit son nom à une coproduction télévisée, ouest germano-franco-canadienne à l’origine. Les faucheurs de marguerites passe en ondes en 1974. Ses épisodes décrivent la passion grandissante pour l’aviation du fils ruiné d’un homme d’affaires, avant 1914. Ils combinent une trame fictive avec des personnages réels. Le Canada ne participe pas à une suite, coproduite par des télédiffuseurs de cinq pays (Allemagne de l’Ouest, Belgique, France, Maroc et Suisse). Le temps des as est diffusé en 1978. Comme son nom l’indique, cette série touche à l’aviation pendant la Première Guerre mondiale. Deux autres suites, coproduites par des télédiffuseurs des cinq même pays, La conquête du ciel et L’adieu aux as, arrivent sur le petit écran en 1980 et 1982. Elles couvrent la période de l’entre-deux-guerres. Cette saga européenne ambitieuse aux titres multiples, un peu naïve et parfois hors sujet, compte un grand total de vingt-quatre épisodes.
D’autres membres encore de la 425e escadrille brillent dans divers champs d’activité. Il suffit de songer à deux influents et importants détenteurs de la Croix du Service distingué. L’homme d’affaires Jean-Claude Hébert est membres de conseils d’administration de firmes aussi variées que Bombardier et Pétro-Canada Limitée, en passant par Dominion Textile Incorporated – l’employeur du père de votre humble serviteur pendant environ 45 ans. Joseph Georges Gilles Claude Lamontagne, quant à lui, devient ministre de la Défense nationale et lieutenant-gouverneur du Québec.
Quatorze des vingt Lancaster de la 425e escadrille, dont l’aéronef qui porte la lettre d’identification P pour Pierre / Peter, entreposés en Alberta en 1945-46, vont à la casse en 1947-48.
Un incendie, en janvier 1952, à Trenton, détruit deux autres Lancaster, dont un utilisé par une escadrille de reconnaissance maritime. Un aéronef utilisé pendant un certain temps par une unité de recherche et sauvetage est rayé des livres en mai 1955. Un autre, affecté à une escadrille de reconnaissance maritime, connaît le même sort en avril 1961. La date de destruction d’un des Lancaster de la 425e escadrille demeure incertaine.
Le tout dernier Lancaster de l’ARC est rayé des livres en mai 1965.
Un seul des vingt Lancaster de la 425e escadrille existe encore en 2019. Cet aéronef, immatriculé KB944, est originellement assigné au commandant de l’escadrille, le lieutenant-colonel d’aviation, ou commandant d’escadre, Hugh Charles Ledoux, Croix du Service distingué, de Montréal. Piloté par l’adjudant d’aviation de 2e classe, ou sous-officier breveté de 2e classe, Roland Beaudoin, mentionné dans la seconde partie de cet article, lors de la traversée de l’Atlantique de juin 1945, cet aéronef, qui porte une peinture individuelle de nez intitulée « Le roi des airs / King of the air, » est placé en réserve en septembre.
Compte tenu de la non-convenance du climat maritime pour l'entreposage à long terme d'aéronefs, l’aéronef quitte la Nouvelle-Écosse en mars 1946 pour être entreposé à la base de l’ARC de Fort Macleod, Alberta. Canadian Pacific Airlines (Repairs) Limited de Calgary l’inspecte en juillet 1952. En août, le Lancaster vole à Dartmouth, Nouvelle-Écosse, où Fairey Aviation Company of Canada Limited commence à le reconditionner. Remis en service en mars 1955, l’aéronef sert à la base de l’ARC de Greenwood, Nouvelle-Écosse, au sein de la 404e escadrille (Buffalo), une unité de reconnaissance maritime, jusqu’en janvier 1957.
La décision de conserver le Lancaster pour exposition dans un musée, en partie parce qu’il a subi peu de changements au fil des ans, conduit à son transfert à la base de l’ARC de Dunnville, Ontario, pour entreposage. Au début de 1964, l’aéronef est peint aux couleurs d’un Lancaster de fabrication canadienne, livré en juillet 1944 à la 428e escadrille (Ghost) de l’ARC, qui effectue 72 sorties au cours de la Seconde Guerre mondiale avant d’être envoyé à la casse, en janvier 1947. Ce changement d’identité, qui est une pratique relativement courante à l’époque dans la communauté des musées de l’aviation, a probablement pour but de préserver l’identité d’un Lancaster qui connaît beaucoup de succès en temps de guerre. En revanche, il écarte le rôle joué par la 425e escadrille dans l’histoire de l’aéronef.
Piloté jusqu’à la base de l’ARC de Rockcliffe au début de mai 1964, le Lancaster est inclus dans la collection d’aéronefs historiques de l’ARC plus tard au cours du même mois. C’est l’une des machines les plus impressionnantes exposées dans le cadre d’une entente entre le ministère de la Défense nationale et le Secrétariat d’État du Canada, qui contrôle le Musée canadien de la guerre et le Musée national de l’aviation par l’intermédiaire des Musées nationaux du Canada.
Cette entente prévoit la présentation à Rockcliffe des collections d’aéronefs de l’ARC, du Musée canadien de la guerre et du Musée national de l’aviation. Cet arrangement temporaire / expérimental rencontre un tel succès qu’il conduit à la création de la Collection aéronautique nationale. Les Musées nationaux du Canada acquièrent le contrôle administratif du Lancaster en février 1965. La Collection aéronautique nationale est absorbée par le Musée national des sciences et de la technologie, l’actuel Musée des sciences et de la technologie du Canada, en 1967. La collection devient le Musée national de l’aviation en 1982. Connu en 2019 sous le nom de Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, membre d’Ingenium – Musées des sciences et de l’innovation du Canada, ce musée national du Canada est reconnu de par le monde pour l’ampleur de ses collections. Sa bibliothèque, par exemple, est la meilleure du genre au pays.
Votre humble serviteur ose espérer que la seconde partie de cet article vous a intéressé un tant que soit peu. Si tel est le cas, venez-nous voir bientôt afin de lire la troisième partie de cette édition spéciale de notre blogue / bulletin / machin.