Un petit pas pour un homme, un pas de géant pour la construction amateur, Partie 3
Re-bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur, je suis heureux de voir que notre sujet vous intéresse. Le Stits SA-3 Playboy doit ses origines à un des grands pionniers de la construction amateur. L’Américain Raymond M. « Ray » Stits voit le jour le 20 juin 1921. Fasciné par le vol dès son adolescence, il apprend à piloter. En 1941, Stits devient mécanicien dans le U.S. Army Air Forces, l’actuelle U.S. Air Force. Il sert avec distinction, en sol américain, pendant la Seconde Guerre Mondiale. Entre 1948 et 1965, Stits conçoit et fabrique huit aéronefs de petite taille, de même que sept variantes de ceux-ci. Son premier projet, un minuscule monoplan baptisé Junior, voit le jour suite à une conversation au sujet du plus petit aéronef au monde. En 1952, Stits complète le Sky Baby, le plus petit biplan au monde. Ces 2 monoplaces soulèvent l’enthousiasme des médias et de nombreux constructeurs amateurs. Stits réalise toutefois fort bien qu’ils sont trop complexes à fabriquer et trop difficiles à piloter. Avant même la fin de 1952, il conçoit un aéronef monoplace facile à construire, modifier et piloter, le SA-3 Playboy. Une version biplace côte à côte prend l’air en 1954.
Cette même année, Stits complète un triplace, le SA-4 Executive, pour Besler Corporation. Cette société l’utilise pour les essais en vol de 2 moteurs pour aéronefs légers / privés conçus à l’interne, y compris un moteur à vapeur – une technologie pour le moins inhabituelle qui l’intéresse depuis plus de 20 ans. De fait, dès 1933, Besler installe un de ses moteurs à vapeur sur un biplan Travel Air Modèle 2000, un type représenté dans la collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada.
Stits commence à vendre les plans du Playboy vers 1953. Cette même année, il reçoit une lettre d’un passionné d’aviation. Paul Howard Poberezny demande à Stits de joindre les rangs d’une toute nouvelle association de constructeurs amateurs. Ce dernier accepte volontiers mais demande la permission de constituer un chapitre près de chez lui. Poberezny juge l’idée excellente. La premier chapitre de l’Experimental Aircraft Association (EAA) voit ainsi le jour en 1954, à Flabob / Riverside, Californie. Il existe encore en 2017. L’association compte à cette date environ 1 000 chapitres dans plus de 20 pays, dont le Canada.
Le Playboy retient l’attention de nombreux constructeurs amateurs des années 1950 et 1960. De fait, il compte parmi les aéronefs de construction amateur les plus importants de son époque. Si Stits vend des milliers de séries de plans, l’aéronef est également disponible sous forme de kit ou d’aéronef en ordre de vol. Environ 1 000 Playboy semblent être complétés au fil des ans. Une quinzaine demeurent en état de vol en Amérique du Nord en 2017, dont 3 au Canada. Le tout premier Playboy fait partie de la collection de l’EAA Aviation Museum d’Oshkosh, Wisconsin, un des grands musées aéronautiques nord-américains.
Entre 1955 et 1965, Stits conçoit et complète 4 autres aéronefs monoplaces et / ou biplaces, les Flut-R-Bug, Sky-Coupe, Skeeto et Playmate. Ce travail de conception et la vente par la poste de milliers de séries de plans occupent une bonne partie de son temps mais ni l’un ni l’autre ne s’avèrent lucratifs. Au cours de la première moitié des années 1960, Stits met au point une peinture non-inflammable et un tissu synthétique de revêtement pour aéronefs. Ce système Poly-Fiber, comme on l’appelle en 2017, connaît un succès tel que Stits doit renoncer à la conception d’aéronefs. Il retire par ailleurs tous ses plans du marché vers 1969. Très actif au sein de la communauté des constructeurs amateurs américains pendant des décennies, Raymond M. Stits meurt le 8 juin 2015, à l’âge de 94 ans.
Un des Playboy les plus intéressants est immatriculé vers octobre 1957. Il tire ses origines de la passion pour le vol de Joan Trefethen, alors âgée de 30 ans. Cette mère de famille californienne (3 enfants) est l’une des premières, sinon la première constructrice amateure au monde. Employée par un chantier naval pendant la Seconde Guerre mondiale, Trefethen obtient sa licence de pilote vers 1945-46. Elle travaille sur son aéronef, qui diffère quelque peu d’un Playboy standard, pendant environ 2 ans, en plus de donner des leçons de piano et de ballet. La naissance de sa fille, Tina Trefethen, alors que ce travail se poursuit, retarde le premier vol du Playboy par environ 6 mois. Alfred « Al » Trefethen, alors âgé de 35 ans, lui-même constructeur amateur et concepteur de quelques aéronefs de ce type, peut avoir prodigué certains conseils à son épouse. Un instructeur au sein des United States Army Air Forces pendant la Seconde Guerre mondiale, « Al » Trefethen est alors capitaine dans la United States Air Force, un nouveau nom adopté en septembre 1947. Lui et son épouse sont membres de l’EAA.
Il est bon de noter que le Playboy de Joan Trefethen demeure apparemment en état de vol en 2017. Si votre humble serviteur peut se permettre un tel commentaire, il devrait être préservé dans un musée américain.