3 choses à savoir sur la façon dont une tradition de Noël populaire remonte à la Guerre froide, comment les chercheurs utilisent la science pour améliorer les recettes traditionnelles et comment le froid d’hiver n'éxiste vraiment pas
Voici Renée-Claude Goulet, Erin Gregory et Michelle Campbell Mekarski.
Renée-Claude est Conseillère scientifique au Musée de l'agriculture et de l'alimentation du Canada, Erin est conservatrice de l'aviation et de l'espace à l'Ingenium, et Michelle est Conseillère scientifique au Musée des sciences et de la technologie du Canada.
Dans cette captivante série mensuelle de billets publiés sur le blogue, des experts et expertes d'Ingenium et des rédacteurs et rédactrices invité(e)s occasionnel(le)s proposent des pépites intéressantes et parfois excentriques liées à leurs domaines d'expertise. Pour cette édition de décembre, Erin remplace la collaboratrice habituelle du Musée de l'aviation et de l'espace du Canada, la Conseillère scientifique Cassandra Marion.
Les trois expertes de ce mois-ci discutent de l'origine d'une tradition de Noël bien connue pendant la guerre froide, de la manière dont les chercheurs utilisent la science pour améliorer les recettes traditionnelles et de la manière dont le froid que vous ressentez en hiver est en fait une illusion.
Une tradition de Noël populaire dont l’origine remonte à la Guerre froide
Le Commandement de la défense aérospatiale nord-américaine (NORAD) a vu le jour en 1958, durant la Guerre froide. Il s’agissait d’un effort de défense conjoint visant à protéger le Canada et les États-Unis contre les menaces aériennes lancées par l’Union soviétique. L’accord demeure en vigueur de nos jours, le NORAD étant chargé de surveiller les menaces aériennes, spatiales et, depuis plus récemment, maritimes qui pèsent sur la sécurité et l’intégrité de la population canadienne et américaine. C’est un travail de tous les instants.
Mais tous les ans, à la veille de Noël, le NORAD s’acquitte d’une tâche très particulière, soit celle de suivre le père Noël pendant sa distribution de cadeaux dans le monde entier! Cette tradition aujourd’hui bien-aimée a vu le jour à une période pour le moins improbable, au plus fort des tensions de la Guerre froide.
Photo du colonel Harry Shoup avec la publicité de Sears renfermant l’erreur de frappe qui a donné naissance à la tradition du NORAD suivant la trace du père Noël le 24 décembre.
En décembre 1955, au siège du CONAD (Commandement de la défense aérienne continentale), le prédécesseur du NORAD, la journée avait débuté comme toutes les autres… jusqu’à ce que la sonnerie du téléphone rouge se fasse entendre. Cette ligne ultrasecrète ne devait servir qu’en cas de véritable urgence nationale, alors tous les yeux du Centre de contrôle étaient rivés sur le commandant, le colonel Harry Shoup, alors qu’il répondait au téléphone.
Il est difficile d’imaginer à quoi s’attendait le colonel Shoup, mais il n’avait sûrement pas prévu entendre une petite voix lui demander « Êtes-vous le père Noël? » Peu impressionné, croyant qu’il s’agissait d’une plaisanterie, le colonel Shoup a rétorqué sur un ton impatient « C’est une blague? ». Il a fait le tour de la pièce du regard en cherchant à découvrir si ses employés étaient dans le coup. Ne percevant aucun signe, il a grogné encore une fois dans l’appareil « Que croyez-vous que vous faites? », après quoi il a entendu pleurer un enfant au bout du fil.
C’est alors que le colonel Shoup a changé de ton et qu’il s’est exclamé, à la grande surprise de ses employés, « Ho ho ho! Oui, je suis le père Noël! ». Il a écouté la liste des souhaits de l’enfant, puis a demandé à parler à sa mère, qui lui a expliqué que son enfant avait composé le numéro de téléphone du père Noël qui figurait dans une publicité de Sears Roebuck parue dans le journal local ce jour-là.
Même si la publicité indiquait clairement aux enfants de s’assurer de composer le bon numéro, la rédaction du journal n’a, de toute évidence, pas suivi le même conseil. Une simple erreur de frappe aura déclenché une avalanche d’appels destinés au père Noël sur l’une des lignes téléphoniques les plus confidentielles du pays!
Pendant qu’il s’affairait à obtenir un nouveau numéro pour le téléphone rouge, le colonel a demandé à quelques aviateurs de répondre à tous les appels destinés au père Noël. Cela cadrait assez peu dans la personnalité de Shoup, connu pour être un aviateur de carrière respectueux des règles et peu porté à exprimer ses émotions. Mais quelque chose, peut-être l’esprit de Noël?, s’était emparé de lui en cette saison.
La veille de Noël, à son arrivée au Centre de contrôle, le colonel Shoup aperçut quelque chose d’étrange sur le grand tableau en plexiglas qu’utilisaient les aviateurs pour suivre les objets aériens repérés par le radar : une image du père Noël dans son traîneau tiré par des rennes, en provenance du pôle Nord! Ses employés lui dirent que c’était une plaisanterie et ont proposé de l’enlever, mais le colonel Shoup avait une meilleure idée. Il demanda à parler au responsable des relations avec la collectivité du CONAD et, peu après, le colonel était en communication téléphonique avec une station de radio locale pour signaler que le CONAD avait repéré sur son radar un objet en forme de traîneau en provenance du pôle Nord. D’autres stations ont joué le jeu et se sont mises à téléphoner pour obtenir des mises à jour sur la position du père Noël.
Image de l’une des nombreuses publications Facebook du NORAD sur la trace du père Noël à la veille de Noël 2022. Ce cliché de « caméra de repérage du père Noël » montre le gros bonhomme dans son traîneau tiré par des rennes, survolant le quartier général du NORAD.
Ce qui a débuté par une erreur de frappe et une blague est devenu une mission réconfortante et une tradition bien-aimée qui remonte maintenant à près de 70 ans. Le NORAD suit l’itinéraire du père Noël et signale sa position à l’aide de tous les outils à sa disposition, notamment des satellites, des radars, des avions de chasse et des caméras de repérage du père Noël. Il est plus facile que jamais de repérer le gros bonhomme vêtu de rouge à la veille de Noël grâce au site Web du NORAD, aux comptes de réseaux sociaux, aux applications et, comme le veut la tradition, au téléphone. Même des appareils comme Alexa peuvent signaler la position du père Noël!
Si vous célébrez cette saison, n’oubliez pas de consulter le site du NORAD pour savoir quand ce bon vieux Saint-Nicolas sera dans votre région!
Par Erin Gregory
Des scientifiques font tout un plat au service des meilleurs biscuits
Toutes les fois où nous cuisinons, nous transformons nos cuisines en laboratoires de chimie. Et parfois, c’est l’inverse qui se produit : les laboratoires deviennent des cuisines où les chercheurs mènent des expériences pour découvrir comment faire les meilleurs biscuits! En effet, il existe des scientifiques spécialisés dans les biscuits, qui sont à l’origine d’innovations dans le domaine de cette gâterie adorée.
Biscuits aux pépites de chocolat
Il y a de nombreuses raisons d'étudier les biscuits, outre le fait de découvrir exactement ce qui se passe entre les différents ingrédients des recettes, dans différentes conditions, et de miser sur ces connaissances pour fabriquer le biscuit par excellence.
De nos jours, bien des gens recherchent des solutions de remplacement aux ingrédients courants utilisés dans les recettes de biscuits classiques – blé, beurre, sucre et œufs – en raison de restrictions alimentaires ou de choix personnels. Encore une fois, la cuisine étant une question de chimie, le fait de changer un seul de ces ingrédients viendra modifier la texture, le goût, la forme et l’aspect du produit final. Jusqu’à récemment, la production à l’échelle commerciale d’un biscuit sans gluten acceptable représentait un défi. Mais désormais, grâce à la recherche sur les interactions entre les nouveaux ingrédients dans les recettes de biscuits, nous pouvons acheter des biscuits renfermant des ingrédients non traditionnels, mais dont le goût et la texture s’apparentent à ceux des biscuits classiques.
L’étude des biscuits peut aussi contribuer à l’amélioration de notre santé! Les biscuits, appréciés de presque tout le monde et rarement laissés de côté, constituent un excellent moyen d’ajouter des éléments nutritifs supplémentaires dans notre alimentation. Par exemple, des chercheurs ont réussi à augmenter la teneur en calcium des biscuits en ajoutant de la farine de coquille d’œuf à la recette, sans en altérer le goût ni la texture. En plus de fournir un nutriment essentiel dont bon nombre de gens manquent, cette pratique est un excellent moyen d’utiliser un déchet que l’on aurait à gérer. On trouve maintenant toutes sortes de biscuits renfermant des ingrédients extraits de déchets alimentaires – des déchets recelant des nutriments, des fibres et des protéines supplémentaires, et contribuant à bonifier la valeur nutritive des biscuits.
Quelles sont les prochaines étapes de la science des biscuits? Certains ingénieurs alimentaires étudient des façons d’appliquer la technologie de l’impression 3D aux aliments et le biscuit est un excellent modèle de base pour l’essai de nouvelles techniques! Bien que cela puisse sembler assez simple, il est plus compliqué d’imprimer des aliments dans des formes tridimensionnelles complexes que de le faire avec des matières uniformes comme les plastiques. La première étape consistait à déterminer comment faire une pâte à biscuit qui constituerait une bonne « encre ». Les recettes doivent être adaptées afin que la pâte se prête au processus d’extrusion de l’impression 3D (songeons à la façon dont la colle sort d’un pistolet à colle chaude). La pâte doit être assez souple pour s’écouler à travers une minuscule buse, mais assez solide pour que l’on puisse la disposer en plusieurs couches sans qu’elle s’effondre sous son propre poids. À cette fin, des expériences ont été réalisées avec différents additifs et différentes proportions d’ingrédients de base, comme le type de farine, la source de gras et la source d’édulcorant.
Mais ces adaptations de la recette ont également une incidence sur la saveur de ces biscuits et sur leur tenue après cuisson. Trouver l’équilibre parfait suppose beaucoup d’essais et d’erreurs! Grâce à leurs savoureuses expériences, les chercheurs découvrent que la température de cuisson a des répercussions sur la capacité des biscuits imprimés en 3D à conserver leur forme et que nos futurs biscuits imprimés en 3D seront plus stables si on leur donne une forme triangulaire, cubique ou cylindrique.
En commençant simplement et en déterminant les facteurs importants à prendre en considération lors de la confection de biscuits imprimés en 3D, nous pourrons ensuite élaborer des techniques d’impression d’aliments à partir de recettes plus complexes.
La conclusion de toutes ces recherches : les ingrédients et les proportions comptent autant que la technique. Alors, quelle que soit la façon dont vous aimez vos biscuits, n’ayez pas peur de transformer votre cuisine en laboratoire et de tester vos propres recettes pour trouver le biscuit idéal!
Par Renée-Claude Goulet
Brrriser les mythes : la science du froid
Pour les personnes parmi nous qui subissent des hivers pouvant descendre jusqu'à trente degrés sous zéro, il peut être surprenant d'apprendre que le froid à proprement parler n’existe pas.
Cela peut sembler contradictoire, mais ces personnes n’ont pas froid… elles ressentent le mouvement de la chaleur.
La chaleur, par contre, est réelle et mesurable. Les atomes et les molécules comportent une énergie thermique qui les fait bouger et trembler. Qu’il s’agisse d’un atome dans l’air, dans une boule de neige ou dans une personne, plus il a de l’énergie, plus il bouge vite. Un objet à haute température a des atomes qui bougent plus rapidement et qui ont plus d’énergie, alors qu’un objet à basse température renferme des atomes plus lents et moins chargés d’énergie. Lorsque deux atomes entrent en collision, ils transfèrent de l’énergie et ce transfert d’énergie thermique s’appelle chaleur.
Imaginons un ballon gonflé. Si on le chauffe, il grossit et si on le refroidit, il rapetisse. Le ballon change de taille sans pour autant que la quantité d’air qu’il renferme ne change! Pourquoi? Parce que l’air à l’intérieur d’un ballon gonflé comporte une énergie qui fait que les molécules d’air se déplacent, rebondissent les unes contre les autres et rebondissent contre les parois du ballon, les poussant vers l’extérieur. Le fait de chauffer le ballon ajoute de l’énergie à l’air qu’il renferme, ce qui fait que les molécules se déplacent plus rapidement et frappent les parois avec plus de force, ayant ainsi pour effet de faire prendre encore plus d’expansion au ballon. À l’inverse, lorsque le ballon perd de l’énergie (en refroidissant), il rapetisse, car les molécules d’air qu’il renferme se déplacent plus lentement et frappent les parois avec moins de force.
La température mesure la quantité d’énergie que comportent les particules d’un objet ou d’une substance. Les objets peuvent avoir de l’énergie ou ne pas en avoir, mais ils ne peuvent comporter ce que l’on appelle le « froid ». De même, le silence n’est pas une chose (c’est simplement l’absence d’ondes sonores) et la noirceur n’est pas une chose (c’est simplement l’absence de lumière). Autrement dit, on peut ajouter de la chaleur à quelque chose, tout comme on peut ajouter de la lumière ou du son, mais on ne peut ajouter de froid, de noirceur ou de silence.
Donc, si le froid n’existe pas, que ressent-on quand on sort sans manteau par une température de -10 °C? Il n’y a pas de morceaux de « froid » dans l’air. Ce que l’on ressent, c’est le flux d’énergie qui s’échappe de notre corps. Les atomes de notre corps vibrent un peu moins et les atomes dans l’air ambiant vibrent et se déplacent un peu plus. On éprouve une sensation de fraîcheur lorsqu’on transfère un peu de chaleur et une sensation de froid lorsqu’on en transfère beaucoup.
Aller plus loin :
Même si le froid à proprement parler n’existe pas, il faut quand même conserver l’énergie thermique de notre corps lorsqu’il fait moins chaud dehors. Découvrez pourquoi la laine est si efficace pour nous garder au chaud et pourquoi l’air en mouvement (c.-à-d. le vent) peut nous donner encore plus froid.
Par Michelle Campbell Mekarski
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