Un pilote d’exception, Charles Yves Joseph Éboué
Salutations et bienvenue, ami(e) lectrice ou lecteur. Votre humble serviteur est tombé sur le récit de cette semaine tout à fait par hasard, ce qui n’est pas nécessairement une bonne chose. J’aurais dû le remarquer lors de mon premier examen du numéro du 1er mars 1958 du bimensuel français Aviation Magazine, une excellente publication s’il en était. Une publication, oserais-je dire, qui permet d’aborder l’évolution de l’aviation et du vol spatial avec un œil qui n’est pas américain ou britannique – ou canadien anglais. Mais revenons à notre histoire.
Nous sommes en mai 1924, en Afrique équatoriale française, une fédération des 4 colonies françaises d’Afrique équatoriale (Gabon, Moyen-Congo, Oubangui-Chari et Tchad). L’épouse du chef de subdivision Adolphe Sylvestre Félix Éboué, née Eugénie Tell, donne naissance à un troisième fils. Celui-ci, Charles Yves Joseph Éboué, est attiré par l’aviation dès son jeune âge. Il commence à fabriquer des modèles réduits avant d’avoir 10 ans, par exemple. Un pilote ayant volé de Paris à Tōkyō, avec un mécanicien, entre avril et juin 1924, Georges « Pivolo » Pelletier d’Oisy, prend le jeune garçon avec lui en 1935. Subjugué par ce baptême de l’air, Éboué déclare à ses parents qu’il veut devenir pilote. Ceux-ci ne sont pas d’accord.
Éboué père est un personnage fascinant. Nommé gouverneur de 2e classe au Tchad, en 1938, il est le premier « indigène, » un terme péjoratif s’il en est, à obtenir un poste de gouverneur, le plus élevé de l’administration coloniale française. Éboué est à la fois un symbole d’une œuvre civilisatrice trop rarement sincère et un agent d’une colonisation trop souvent brutale. Quoiqu’il en soit, il est toujours en poste quand la France s’effondre, en juin 1940, sous les coups de boutoirs des forces armées allemandes. Incapable d’accepter cette défaite, Éboué contacte une autre personne incapable d’accepter cette défaite, le fondateur de la France libre, Charles André Joseph Marie de Gaulle, dès le début du mois de juillet et se rallie à lui. Le Tchad devient le premier territoire de la France libre en août. Éboué lui-même devient gouverneur général de l’Afrique équatoriale française en novembre.
Envoyé au Caire pour poursuivre ses études, Charles Éboué obtient de son père la permission de s’inscrire à l’Aéro Club d’Égypte, après avoir obtenu de bonnes notes en mathématiques. De plus en plus passionné par le vol mais âgé de 18 ans, donc encore mineur, il obtient la permission de s’engager dans les Forces aériennes françaises libres en 1942. Éboué est l’un des premiers, sinon le premier pilot africain au sein des forces armées françaises.
Le jeune homme entame sa formation de pilote en 1943, dans une école de pilotage élémentaire de la Royal Air Force (RAF), au Royaume-Uni. Il la poursuit au Canada avant même la fin de l’année, à la 31e École de pilotage élémentaire, à De Winton, Alberta. Éboué complète sa formation vers octobre 1944, à la 34e École de pilotage militaire, à Medicine Hat, Alberta. Ces deux écoles font partie du très imposant Plan d’entraînement aérien du Commonwealth britannique, une des principales contributions du Canada à la victoire alliée lors de la Seconde Guerre mondiale. Les succès d’Éboué sont toutefois teintés par une terrible nouvelle. Son père meurt en mai 1944. Le jeune pilote se retrouve par la suite dans deux unités d’entraînement opérationnel de la RAF, au Royaume-Uni. Selon toute vraisemblance, Éboué ne rejoint une unité de combat, le Groupe de Chasse 1/2 « Cigognes » des Forces aériennes françaises libres, ou No 329 Squadron de la RAF, que vers juillet 1945, environ deux mois après la reddition sans condition de l’Allemagne nationale socialiste.
Toujours fasciné par le vol, Éboué suit un cours de pilote commercial au centre de formation de la Compagnie nationale Air France. Engagé en 1948 par un transporteur aérien privé, la Société de transports aériens, il pilote des Douglas DC-3 utilisés pour le transport de primeurs vers divers pays d’Europe (Espagne, Italie, Royaume-Uni et Suède). Après un certain temps passé à voler en Afrique équatoriale française, Éboué joint les rangs de la Société Aigle Azur en 1951. Devenu commandant de bord, il effectue de nombreux vols au dessus de la Fédération indochinoise, un regroupement des 5 territoires français de la région (Annam, Cambodge, Cochinchine, Laos et Tonkin), alors déchiré par une guerre d’indépendance perdue par la France en 1954. Le jeune pilote rentre en France en 1952 et est affecté aux vols longs courriers, vers l’Afrique équatoriale française et la Fédération indochinoise par exemple. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, l’excellente collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, comprend un DC-3.
Éboué demeure en place lors de la fusion d’Aigle Azur avec une autre société aérienne privée, l’Union aéromaritime de transport, en 1955. Il en va de même en 1963, lors de la fusion de cette dernière avec la Compagnie de transports aériens intercontinentaux, un autre transporteur aérien privé qui devient dès lors l’Union des transports aériens Société anonyme à participation ouvrière.
Éboué devient pilote de réacté vers 1963. Au fil des ans, ce père de famille énergique, généreux et rieur pilote des avions de ligne connus entre tous : Douglas DC-8, McDonnell Douglas DC-10 et Boeing Modèle 747. Devenu grande figure de l’aviation commerciale française, il prend sa retraite vers 1984, après environ 35 ans de carrière civile. Charles Yves Joseph « Charly » Éboué meurt en France en décembre 2013, à l’âge de 89 ans.
L’auteur de ces lignes souhaite remercier toutes les personnes qui lui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.