Hans Lundberg, le plus grand détective minier du Canada, Partie 5
Salutations, patient(e) lectrice ou lecteur, alors que nous entreprenons la dernière partie de cet examen de la vie d’un Canadien on ne peut plus original. Plutôt satisfait des résultats de son expédition de 1946, Lundberg semble avoir pris livraison d’un, sinon deux Bell Modèle 47 spécialement équipés en 1947. Il veut utiliser ces hélicoptères pour mener avant longtemps des levés au Canada, aux États-Unis, au Mexique et au Venezuela. Son fils Sten doit l’accompagner dans ces expéditions. L’information disponible ne nous permet pas de confirmer que tout se passe comme prévu.
Un autre exemple de l’esprit innovateur de Lundberg survient au début des années 1950, alors qu’il devient l’un des premiers à effectuer des levés dits radiométriques à l’aide d’équipement aéroporté qui peut détecter le rayonnement émis par des dépôts d’uranium. Des restrictions de prospection et / ou une baisse du marché font en sorte que cette approche ne prend son envol qu’au cours de la ruée des années 1960 et 1970, liée à la croissance de l’industrie nucléaire civile dans le monde entier. Encore une fois, Lundberg est en avance sur son temps.
Avant même la fin des années 1950, Lundberg et sa compagnie découvrent des gisements de minéraux d’une valeur de 5 milliards de dollars dans 28 pays et colonies à travers le monde. Aucun autre prospecteur canadien ne connaît autant de succès. Le géophysicien canadien aurait pu s’approprié plusieurs de ces découvertes, devenant ainsi fabuleusement riche. Il préfère ne pas agir ainsi. Cela dit, sa famille vit vraiment très confortablement. La passion de la découverte compte davantage pour Lundberg que l’argent. De fait, il va jusqu’en Inde et en Espagne au début des années 1950. Dans ce dernier cas, Lundberg redécouvre quelques mines datant de l’époque de l’Empire romain. Cela dit, ses intérêts vont au-delà de l’exploration minière.
Lundberg est le pionnier canadien de l’utilisation aérienne du compteur à scintillation, ou scintillomètre, un équipement développé au moins en partie au Canada qui est beaucoup plus sensible que les compteurs Geiger utilisés jusqu’alors pour détecter les dépôts d’uranium. Cela étant dit, il utilise son scintillomètre pour un but assez différent. L’annonce de Lundberg, en 1950, concernant son intention de chercher du pétrole est jugée complètement ridicule. Il met une société pétrolière au défi de comparer son examen d’un site de son choix avec ce que le scintillomètre va trouver. Les deux séries de résultats concordent. Au début des années 1950, Lundberg et son équipe passent des centaines d’heures en l’air à chercher du pétrole dans quatre provinces canadiennes (Colombie-Britannique, Alberta, Saskatchewan et Québec) et sept états américains. Le scintillomètre aéroporté alors utilisé est le premier exemplaire livré par une société nouvellement créée, Nuclear Enterprises Limited de Winnipeg, Manitoba. Les résultats des essais impressionnent fortement l’industrie pétrolière mais la technologie de l’époque ne permet peut-être pas à Lundberg de les exploiter pleinement. Le géophysicien canadien est peut-être en avance sur son temps.
Au fil des ans, Lundberg publie plus de 70 articles dans plusieurs revues scientifiques canadiennes et étrangères, avec ou sans co-auteurs. Il obtient aussi plus de 30 brevets. Mieux encore, Lundberg joue un rôle crucial au début de la carrière de géophysiciens nord-américains bien connus. Il suffit de songer aux Canadiens Robert William Boyle, Deshbandha Sikka et Harry Verney Warren, de même qu’à un collègue américain, Herbert Edwin Hawkes, Jr. Ce citoyen du monde parle et écrit huit langues (suédois, russe, norvégien, français, espagnol, danois, anglais et allemand).
Pour Lundberg, l’exploration géophysique est moins une science qu’un art. De fait, certains de ses collègues pensent qu’il est davantage un amateur de gadgets qu’un théoricien. En retour, Lindberg se paye gentiment la tête de ces personnes, qui passent beaucoup plus de temps dans leurs bureaux ou en classe que sur le terrain. Au fond, ce chercheur est un rebelle scientifique de cœur.
Il convient de noter que Lundberg est un avide philatéliste dont les 200 albums thématiques lui valent plus de médailles d’or internationales que tout autre collectionneur canadien de son époque. À l’automne 1952, il vient près d’acheter le timbre le plus rare et le plus précieux au monde, le Tre skilling banco jaune, un exemplaire unique d’un timbre suédois de 1855 imprimé en jaune plutôt qu’en bleu. Un jeune journaliste d’un quotidien torontois évente l’affaire et entraîne sans le vouloir la fin des discussions.
Hans Lundberg, le père de la géophysique canadienne selon plusieurs, meurt à Toronto le 9 mars 1971, à l’âge de 77 ans. Ses nombreuses contributions au développement de l’industrie minière canadienne, l’une des plus actives au monde, méritent d’être soulignées.