Je veux savoir ce qu’est le « snarge, » je veux que tu me montres, ou pas
Bonne journée à vous, ami(e) lectrice ou lecteur. Notre sujet aujourd’hui n’est pas aussi humoristique ou léger que certains items de notre menu habituel, mais je ne m’en excuse pas pour autant. Pour faire bref, même s’il est vrai que les impacts d’oiseaux ne sont pas une cause majeure d’accidents d’aéronefs et de décès humains, ils sont néanmoins parmi les problèmes de sécurité les plus urgents auxquels sont confrontés les exploitants d’aéroport, pour ne pas dire l’industrie du transport aérien dans son ensemble.
La grande majorité des impacts d’oiseaux se produisent près des aéroports, pendant le décollage et la montée initiale ou l’approche finale et l’atterrissage. Les volées d’oiseaux sont particulièrement dangereuses. Les migrations printanières et automnales sont également dangereuses. De plus, l’été est également mauvais vu que les jeunes oiseaux qui n’ont jamais vu un avion commencent à voler. Comme on peut s’y attendre, les gros oiseaux migrateurs comme la bernache du Canada sont extrêmement dangereux. Ajoutez à cela une augmentation de la population de plusieurs espèces de gros oiseaux, comme les cygnes et les oies, sans parler du fait que ces oiseaux n’ont souvent aucune difficulté à vivre à proximité des humains, et vous avez le potentiel pour des accidents graves. Le fait que le trafic aérien devrait augmenter considérablement au cours des prochaines décennies ne fera qu’empirer les choses.
Les gens se demandent souvent comment une chose aussi petite qu’un étourneau peut endommager ou faire tomber un petit aéronef. La réponse à leur question tient à l’énergie. L’énergie libérée par l’impact d’un étourneau de 80 grammes heurtant le nez d’un avion de ligne volant à 300 kilomètres/ heure équivaut à celle d’une boule d’acier de 720 grammes de 5,6 centimètres de diamètre frappant une automobile roulant à 100 kilomètres/heure. Si votre humble serviteur peut être autorisé à convertir cette affirmation en mesures impériales légèrement différentes, l’énergie libérée par l’impact d’un étourneau de 3 onces frappant le nez d’un avion de ligne volant à 180 milles/heure équivaut à celle d’une boule d’acier de 27 onces de 2.25 pouces de diamètre frappant une automobile roulant à 60 milles/heure.
Maintenant, imaginez que l’étourneau de 80 grammes est une bernache du Canada de 8 kilogrammes et répétez les calculs, en utilisant une formule bien connue (énergie = masse multipliée par vitesse au carré divisée par 2.) Euh, laissez-moi vous épargner tout ennuis, ami(e) lectrice ou lecteur. Le poids et le diamètre de la boule d’acier frappant l’automobile seraient 72 kilogrammes et 26 centimètres. En utilisant des mesures impériales légèrement modifiées, un étourneau de 3 onces et une bernache du Canada de 18.75 livres, le poids et le diamètre de la boule d’acier frappant l’automobile seraient presque 169 livres et près de 10.5 pouces. Assez effrayant, n’est-ce pas?
Pis encore, et je m’excuse pour la déguelasserie, de même que pour avoir dit (tapé?) la semaine dernière que le sujet de cette semaine ne serait ni malodorant ni dégoûtant, les objets mous comme les oiseaux ne font pas simplement des trous dans les aéronefs comme le font des boules d’acier. Ils ont tendance à s’étendre lors de l’impact, ce qui peut causer plus de dégâts. Compte tenu de tout ceci, il devient beaucoup plus facile de comprendre comment le coût des impacts d’oiseaux pour les compagnies aériennes dépasse apparemment 1 milliard de dollars américains par an. À ces coûts directs et indirects, il faut ajouter les coûts accessoires auxquels sont confrontés les exploitants d’aéroport, les organismes de réglementation, les organismes d’intervention en cas d’urgence, etc. Les pertes financières ne sont évidemment pas les pires. Au plus tard en 2012, en laissant de côté les vols militaires et privés, on sait que les impacts d’oiseaux ont causé la mort de 269 personnes.
Le nombre total d’impacts est, bien sûr, beaucoup plus grand que le nombre d’accidents mortels pour les humains. En effet, dans la plupart des cas où de gros avions de ligne / de transport sont impliqués, les impacts d’oiseaux causent peu ou pas de dégâts. Les avions légers / privés, sans parler des personnes à bord, ont tendance à souffrir bien davantage. Le nombre de collisions n’ayant entraîné aucune blessure humaine au cours des dernières décennies est inconnu. De fait, certain(e)s expert(e)s en gestion de la faune laissent entendre que 60 à 80% des impacts d’oiseaux ne sont pas signalés, pour diverses raisons.
Les compagnies aériennes, les exploitants d’aéroports, les avionneurs et les organismes de réglementation ont dépensé, dépensent et continueront de dépenser beaucoup de temps et d’efforts à trouver des moyens de réduire l’impact des impacts d’oiseaux,
- en éloignant les oiseaux des endroits où l’on peut trouver des aéronefs;
- en éloignant les aéronefs des oiseaux; et
- en rendant les aéronefs aussi résistants aux oiseaux que possible.
La photo au début de cet article peut être liée à cette troisième approche. Beaucoup de temps et d’argent ont été, sont et seront consacrés à la fabrication d’aéronefs, principalement de grands avions de ligne / de transport, ainsi que de leurs moteurs, aussi résistants aux oiseaux que possible. Les essais de composants d’aéronefs ont été, sont et seront d’une importance cruciale. Des outils spéciaux ont dû être conçus à partir de rien. Ainsi ont commencé les simulateurs d’impacts de vol. Ces canons à air comprimé sont connus moins officiellement sous le nom de canons à poulets.
La protection des aéronefs contre les oiseaux débute pendant la Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis, avec des simulations d’impacts d’oiseaux sur des pare-brise. Les travaux dans ce domaine commencent sont lancés vers juin 1942 par la Technical Development Division de la Civil Aeronautics Administration (CAA), l’ancêtre de l’actuelle Federal Aviation Administration, une organisation habilitée à réglementer tous les aspects de l’aviation civile aux États-Unis. Cela étant dit (tapé ?), les ingénieurs impliqués dans le projet sont également intéressés à résoudre un second problème, à savoir le givrage des pare-brise.
Le premier simulateur d’impacts de vol du monde est utilisé au High Power Laboratory de Westinghouse Electric and Manufacturing Company, à East Pittsburgh, Pennsylvanie avant même la fin de 1942. L’équipe d’ingénierie de cette filiale de Westinghouse Electric Corporation effectue des centaines de tests. Comme vous, peut-être, ami(e) lectrice ou lecteur, je ne pouvais pas voir la relation entre les impacts d’oiseaux et un laboratoire d’électricité. Vous voyez, les valves ultra-rapides au cœur du simulateur sont développées à l’origine pour un nouveau et gigantesque disjoncteur à air comprimé. L’équipement d’enregistrement à grande vitesse utilisé dans les essais des valves s’avère tout aussi utile pour enregistrer les résultats des essais d’impacts d’oiseaux. Il convient de noter que les travaux d’essai de pare-brise effectués à East Pittsburgh comprennent les recherches susmentionnées sur le dégivrage.
Monté sur un petit wagon plat, le simulateur d’impacts de vol peut recevoir 2 types de canons de plus de 6 mètres (20 pieds) de long, un de 127 millimètres (5 pouces) et un de 203 millimètres (8 pouces). Il est conçu pour tirer des oiseaux tués humainement pesant jusqu’à 7.7 kilogrammes (17 livres) à des vitesses allant jusqu’à 435 kilomètres/heure (270 milles/heure). Cela étant dit (typé?), des carcasses d’oiseaux plus petits peuvent atteindre des vitesses de près de 650 kilomètres/heure (400 milles/heure). Les oiseaux utilisés dans les essais sont principalement des poulets et des dindes. Même à cette époque, le personnel de Westinghouse Electric and Manufacturing reconnaît la menace mortelle que représentent les gros oiseaux comme les cygnes ou les oies.
Les premiers essais avec des pare-brise couramment utilisés sur les avions de ligne américains montrent qu’un oiseau de 1.8 kilogramme (4 livres) peut les perforer à une vitesse de seulement 120 kilomètres/heure (75 milles/heure). Des tests ultérieurs, par contre, montrent qu’un pare-brise en verre / vinyle peut résister à l’impact d’un oiseau de 6.8 kilogrammes (15 livres) à près de 325 kilomètres/heure (200 milles/heure), ce qui est une réelle amélioration. Cela étant dit (tapé?), les dommages aux pare-brise sont tels que les pilote et copilote ne peuvent plus voir à travers.
Les pare-brise en verre / vinyle utilisés pour les essais sont fournis par des sociétés américaines bien connues telles que Celanese Corporation of America, E.I. Du Pont de Nemours & Company, et Pittsburgh Plate Glass Company. Cette nouvelle technologie est progressivement adoptée par les avionneurs et les compagnies aériennes.
Le programme d’essais effectué par Westinghouse Electric and Manufacturing prend fin en novembre 1943. Cela étant dit (tapé?), le simulateur d’impacts de vol ne demeure pas inactif longtemps. Les essais reprennent à la fin de l’hiver 1944-45 dans un établissement d’essais des pare-brise récemment complété à la Experimental Station de la CAA, à Indianapolis, Indiana. Un canon de 76 millimètres (3 pouces) est fourni en plus des 2 déjà utilisés sur le simulateur d’impacts de vol. Il peut lancer des oiseaux pesant aussi peu que 450 grammes (1 livre) à des vitesses atteignant 725 kilomètres/heure (450 milles/heure).
Les essais se poursuivent en 1946. Pour le reste de cette année et en 1947, l’équipe du simulateur d’impacts de vol effectue des essais pour quelques avionneurs américains bien connus : Beech Aircraft Corporation, Boeing Aircraft Company, Consolidated Vultee Aircraft Corporation, Curtiss-Wright Corporation, Douglas Aircraft Company Incorporated, Glenn L. Martin Company, Grumman Aircraft Engineering Company and Lockheed Aircraft Corporation. Cet appareil pionnier est mis au rancart à une date indéterminée. Il n’existe malheureusement plus.
Et oui, la magnifique, oserais-je dire époustouflante collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada à Ottawa, Ontario, comprend non pas 1, mais 2 simulateurs d’impacts de vol, un de 89 millimètres (3.5 pouces) et un de 254 millimètres (10 pouces), offerts par l’Institut de recherche aérospatiale du Conseil national de recherches du Canada (CNRC). Et non, votre humble serviteur ne peut pas promettre qu’il va pontifier sur ces remarquables équipements à un certain moment dans le futur.
Cela étant dit (tapé ?), il convient de noter que le CNRC joue un rôle important dans les premiers travaux effectués à travers le monde pour réduire le risque que les oiseaux posent aux aéronefs. Malcolm Sheraton « Mike / Mac » Kuhring, chef du Laboratoire des moteurs de la Division de génie mécanique du CNRC, crée le Comité associé sur le péril aviaire en 1962, par exemple. En 1969, ce comité parraine une conférence internationale. En 1976, il aide à publier un livre d’un biologiste du Service canadien de la faune (SCF), Hans Blokpoel. Intitulé Bird Hazards to Aircraft, ce livre est réalisé en collaboration avec le SCF et Environnement Canada. Il est publié simultanément au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni. Le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada a la chance de compter parmi ses fonds une petite collection donnée par Blokpoel en 2005.
Fait intéressant, en 1958, Kuhring est placé en tête d’un sous-comité du Comité associé du CNRC sur un Musée national de l’aviation mis en place pour examiner l’espace mis à la disposition de cet établissement qui n’existe pas encore dans le nouveau bâtiment de l’aérogare de ce qui est, en 2018, l’Aéroport international Macdonald-Cartier d’Ottawa. En 1959, Kuhring est nommé conservateur par intérim. Cet historien amateur de l’aviation demeure fortement impliqué dans le projet jusqu’à l’ouverture du Musée national de l’aviation, l’actuel Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, en octobre 1960, et ce malgré le fait que Kenneth Meredith « Ken » Molson est officiellement nommé conservateur au début de juillet. Pour paraphraser Molson, il est difficile de savoir comment la création du musée aurait pu avoir lieu sans les efforts de Kuhring.
Qu’y a-t-il, ami(e) lectrice ou lecteur? Vous voulez vraiment savoir ce qu’est le « snarge? » Pour paraphraser John Joseph « Jack » Nicholson dans un film très réussi de 1992, Des hommes d’honneur, êtes-vous capables de supporter la vérité? Très bien, vous avez été prévenu. « Snarge » est le terme technique, apparemment non traduit, décrivant ce qui reste d’un oiseau après sa collision avec un aéronef. Et c’est tout pour cette semaine.