Amour et fusées : Quelques mots, beaucoup en fait, sur Larry Brown
Booonjour, ami(e) lectrice ou lecteur, votre mission, si toujours vous l’acceptez, consiste à bien examiner la photo ci-dessus, tirée des entrailles du numéro du 25 mai 1969 d’un hebdomadaire de Montréal, Québec, que nous connaissons fort bien tous les 2, soit Le Petit Journal. Sommes-nous toutes et tous prêt(e)s? Parfait. Allons-y. Il y aura un test.
Notre personnage central de la semaine, l’Américain Larry Brown, commence à s’intéresser à la fuséologie / fuséonautique / astromodélisme vers 1959, et… Qu’entends-je? Vous souhaitez en savoir plus long sur la jeunesse de ce remarquable personnage, ami(e) lectrice ou lecteur? Et bien, moi aussi. Votre humble serviteur doit avouer ne rien avoir trouvé à ce sujet, ce qui est, somme toute, un tant soit peu agaçant. Enfin, passons.
Brown, dis-je, commence à s’intéresser à la fuséologie vers 1959. Entre cette date et 1969, ce diplômé en philosophie ne lance pas moins de 200 fusées miniatures. Si certaines d’entre elles proviennent de compagnies spécialisées dans ce type de production, d’autres sont de conception originales, à l’exception des moteurs-fusées à carburant solide bien sûr. Mesurant entre 38 et 65 centimètres (de 15 à 25 pouces) de long, les dites fusées ont 1 ou 2 étages. Certaines d’entre elles brisent le mur du son (1 225 kilomètres / heure ou 760 milles / heure au niveau de la mer) au cours de leurs brèves envolées.
Brown déménage dans la région de Québec, Québec, vers 1967. Il y travaille dans une tour, pour le ministère de la Famille et du Bien-être social. Brown semble s’intégrer plutôt bien à son nouvel environnement. Sa conjointe est Québécoise, par exemple. Mieux encore, elle et lui sont membres de La Minorité, un groupe de chanteuses / chanteurs et musiciennes / musiciens bilingues apparemment fort populaire, mais aujourd’hui bien oublié.
Cela étant dit (tapé?), Brown n’abandonne pas pour autant la fuséologie. Il occupe en effet une partie de ses temps libres à lancer des fusées. L’une d’entre elles emporte une souris baptisée Max. La fusée revient au sol suspendue sous un parachute. Max s’en tire avec un léger saignement de museau. Quelques grenouilles immergées dans de l’eau survivent quant à elles un retour au sol sans parachute.
Votre humble serviteur se demande si le nom de la souris de Brown doit son origine à une série de courts dessins animés éducatifs canadiens. Diffusés dans plusieurs pays du monde à partir de 1967, les 104 épisodes de Max, the 2000-Year-Old Mouse racontent l’histoire de 104 personnages et événements historiques. Bonjour EP! Certains de ces personnages sont, vous l’aurez deviné, mentionnés dans des numéros de notre blogue / bulletin / machin. Il suffit de songer à Léonard de Vinci, Marie Curie, née Maria Salomea Skłodowska, et William Frederick « Buffalo Bill » Cody. Un des épisodes de la série est consacré à un des grands pilotes de chasse du 20ème siècle, le baron Manfred Albrecht von Richthofen, le fameux Baron rouge, actif pendant la Première Guerre mondiale. Encore une fois, bonjour EP – et EG aussi!
Brown lance ses fusées à partir de terrains situés en banlieue de Québec, après avoir obtenu la permission de leurs propriétaires comme le demande la réglementation canadienne. De fait, Brown déplore la sévérité de la dite réglementation, si on la compare à ce qui existe aux États-Unis.
Bien que des kits des de fusées et des accessoires soient (facilement?) disponibles, les moteurs ne peuvent pas être importés au Canada, du moins pas légalement, avant 1964. À vrai dire, aux termes de la Loi sur les explosifs, les particuliers ne peuvent ni fabriquer ni expérimenter avec des matériaux pouvant servir de carburant de fusées. En 1964, réagissant aux pressions des enthousiastes, le gouvernement fédéral contacte la Royal Canadian Flying Clubs Association et l’Institut aéronautique et spatial canadien, une organisation bien connue consacrée à la promotion de l’aéronautique et de l’astronautique mentionnée dans des numéros de mars 2018, mai 2018 et janvier 2019 de notre blogue / bulletin / machin, afin de déterminer ce qui peut être fait.
La première accepte de constituer une organisation nationale chargée de superviser la fuséologie. C’est ainsi que naît l’Association canadienne de fuséologie (ACF) en octobre 1965. En avril 1966, la fuséologie devient légale au Canada, grâce à un texte législatif. Les restrictions imposées à ce loisir / sport sont toutefois telles que sa croissance est sévèrement entravée. À l’aube des années 1970, le gouvernement fédéral assouplit certaines de ses restrictions et le contrôle de l’ACF est transféré à la Fondation sciences jeunesse, un groupe bien connu connu sous le nom de Sciences jeunesse Canada en 2019.
Vous vous souviendrez, avide ami(e) lectrice / lecteur que vous êtes, qu’un numéro de février 2019 de notre blogue / bulletin / machin mentionne les efforts de Hillel Diamond afin de rendre légale la fuséologie en sol canadien.
Ma boule de cristal me chuchote que vous aimeriez en savoir plus long sur l’histoire de la fuséologie. J’en suis ravi.
L’histoire de la fuséologie commence probablement en 1954 lorsque 2 vendeurs de chaussures américains, Orville H. Carlisle, un inventeur, et son frère Robert, un technicien pyrotechnique agréé et modéliste dédié, développent l’ancêtre de la fusée miniature moderne, la Rock-A-Chute. Au début de 1957, le premier aurait lu un article dans un magazine de type science populaire. Son auteur, George Harry Stine, un ingénieur dans une installation d’essais de missiles qui écrit également des récits de science-fiction, souligne que des jeunes Américain(e)s risquent des blessures, voire la mort, en testant des fusées artisanales. Convaincu que la Rock-A-Chute est une alternative plus sûre, Carlisle envoie des quelques fusées à Stine, qui est impressionné. Peu de temps après, les 2 hommes fondent Model Missiles Incorporated, le premier fabricant de fusées miniatures au monde.
Le lancement du premier satellite artificiel au monde, Spoutnik I, un vaisseau spatial mentionné dans plusieurs numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis août 2018, est un événement encore plus important dans l’histoire de la fuséologie. L’intérêt pour l’exploration spatiale et les fusées augmente considérablement. Les téléphones de Model Missiles se mettent à sonner sans arrêt. La demande est telle que la société doit chercher quelqu’un pouvant produire beaucoup de moteurs. La première entreprise de fabrication de feux d’artifice figurant dans le bottin téléphonique appartient à la famille Estes. Le fils du fondateur, un entrepreneur en bâtiment, Vernon « Vern » Estes, est suffisamment intrigué pour construire Mabel, une machine capable de produire des moteurs de fusées en masse. En conséquence, une nouvelle société, Estes Industries Incorporated, est fondée en 1958.
Une incapacité à gérer la demande croissante et certaines mauvaises décisions commerciales conduisent à la disparition de Model Missiles vers 1960. Estes Industries reprend le flambeau et devient progressivement le plus grand et le plus célèbre fabricant de fusées miniatures au monde. Son rôle dans la croissance de la fuséologie est crucial. Pour dire vrai, Estes Industries est le premier fabricant de fusées miniatures qui connaît vraiment du succès.
Damon Corporation, un fabricant de produits médicaux, acquiert la société en 1969. Victime d’une prise de contrôle hostile en 1990, Damon commence bientôt à se départir de sa division loisirs. Estes Industries est vendue à Trust Company of the West en 1990, par exemple. Hobby Products Incorporated acquiert la société en 1994 et change son nom pour Centuri Corporation. Barry Tunick, un homme bien connu dans une autre vie pour avoir commercialisé les Cabbage Patch Dolls, qui croit que les fusées miniatures ont encore un avenir, acquiert la société en 2002 et change son nom pour Estes-Cox Corporation. Hobbico Incorporated acquiert la société en 2010 et ne change pas son nom. La faillite de Hobbico au début de 2018 conduit à l’acquisition de Estes-Cox par Estes Industries Limited Liability Company, qui existe encore en 2019.
Les problèmes / périls rencontrés par les jeunes amateur(e)s de fusées sont décrits dans le film Tombé du ciel / Ciel d’octobre de 1999 basé sur le livre Rocket Boys de 1998, une autobiographie de Homer Hadley « Sonny » Hickam, junior, un ingénieur ayant travaillé pour le United States Army Missile Command, l’ancienne Army Ballistic Missile Agency (ABMA), et la National Aeronautics and Space Administration – une organisation mentionnée à quelques reprises dans notre blogue / bulletin / machin depuis mars 2018. Curieusement, le titre anglais du film, October Sky, est une anagramme de Rocket Boys. Croiriez-vous que ABMA est mentionné dans un numéro de février 2019 de notre blogue / bulletin / machin?
En 1957, les susmentionnés Stine et Carlisle cofondent le premier groupe de fuséologie au monde, la Model Missile Association. La National Association of Rocketry, comme devient assez rapidement ce groupe, devient la plus grande association de ce type au monde. Elle compte plus de 6 000 membres et 155 clubs vers 2018-19.
En 1962, Stine prend contact avec la Fédération aéronautique internationale (FAI), l’organisation mondiale basée à Paris responsable de l’enregistrement de tous les types de records liés à l’aviation mentionnée dans quelques numéros de notre blogue / bulletin / machin depuis janvier 2018. Sa proposition que la fuséologie devienne un sport aérien officiellement reconnu est convaincante. La Commission internationale d’aéromodélisme de la FAI la ratifie en 1964. Alors que l’intérêt pour l’exploration de l’espace est à son comble, la fuséologie devient un sport / loisir de plus en plus populaire.
Le premier concours de fuséologie de la FAI a eu lieu en mai 1966 en Tchécoslovaquie. Le premier World Space Modelling Championship, quant à lui, a eu lieu en septembre 1972 en Yougoslavie. L’année suivante, la susmentionnée ACF tient son premier concours national, CARNAT-1, à Edmonton, Alberta.
Conscient de l’attention portée aux détails et à la sécurité des passionné(e)s de fusées du Canada, le gouvernement fédéral assouplit un peu plus sa réglementation au cours de la seconde moitié des années 1970. Comme par hasard, l’intérêt décroissant pour l’exploration spatiale qui touche l’ensemble de la population fait en sorte que moins de personnes souhaitent adhérer à l’ACF et / ou lancer des fusées. De plus, de nouvelles règles permettent aux gens de lancer des fusées sans avoir à rejoindre l’association. Cette tempête parfaite, combinée à la popularité croissante des jeux vidéo, entraîne une réduction drastique du nombre de membres, qui passe de 2 500 à 200 en quelques années. En 1990, l’association compte environ 50 membres. Cet effondrement de la fuséologie ne se limite pas au Canada. Elle affecte des associations du monde entier.
Le développement des fusées haute puissance aux États-Unis dans la seconde moitié des années 1980 marque un tournant. Oui, un autre. Et non, cette histoire ne tourne pas en rond. Puis-je continuer? De nouveaux moteurs puissants permettent aux fusées assemblées par des amateur(e)s, tant jeunes que vieux, de dépasser la vitesse du son et d’atteindre des altitudes de plus de 3 000 mètres (10 000 pieds). Au début, la fiabilité de ces moteurs laisse à désirer, un problème dangereux que l’introduction de moteurs rechargeables permet de maîtriser. Même dans ce cas, les capacités des nouvelles fusées impliquent que des précautions spéciales soient prises afin de minimiser le risque de collision avec des avions ou des hélicoptères de passage.
En 1989, l’ACF commence à faire pression sur le ministère de l’Énergie, des Mines et des Ressources afin de permettre aux constructrices et constructeurs de fusées canadien(ne)s d’importer les nouveaux moteurs haute puissance. Le premier lancement d’une fusée grande puissance approuvé par l’ACF, par des membres de la Calgary Rocketry Association (CRA), a lieu en septembre 1993. À cette date, les brouillons de règlement sont prêts. Au fil des années, ils sont finalisés et mis à jour. À la fin des années 1990, de nouveaux lancements de fusées haute puissance ont apparemment lieu au :
Manitoba (Manitoba Rocketry Group),
Ontario (Toronto Rocket Club et North American Propulsion and Aerospace Society),
Saskatchewan (Saskatchewan Rocketry Association), et
Québec (Association des astromodélistes amateurs du Québec).
En date de 2019, en autant que votre humble serviteur le sache, seule la CRA existe encore. De nouveaux groupes en Alberta, en Ontario, au Québec et en Saskatchewan reprennent le flambeau à un moment donné.
Cette digression ayant terminé sa course, revenons au sujet principal de notre histoire.
Brown semble quitter Québec et le Québec au début des années 1970. Il décroche un emploi chez Centuri Engineering Company, un fabricant américain de fusées miniatures en kits fondé en 1961. Brown conçoit un certain nombre de fusées miniatures bien connues, telles la Orion et la Athena, produites entre 1971 et 1977. Mentionnons par ailleurs les planeurs-fusées Mach 10 et X-24.
Si je peux me permettre une courte digression, une des fusées conçues par le propriétaire fondateur de Centuri Engineering, Leroy E. « Lee » Piester, est destinée à la série télévisée d’espionnage Des agents très spéciaux, diffusée en anglais entre septembre 1964 et janvier 1968. La fusée en question tient le rôle du missile à guidage par infrarouge monté dans chacune des 2 portes papillons de l’automobile très spéciale que les héros de la série utilisent à quelques reprises. La dite automobile est une Piranha, un véhicule fabriqué en très petite quantité par Aluminum Model Toys Incorporated. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, Des agents très spéciaux compte parmi les séries télévisées traduites en français que votre humble serviteur regarde pendant sa jeunesse dissipée.
La susmentionnée Damon acquiert Centuri Engineering vers juin 1971. Cette prise de contrôle n’est toutefois révélée qu’en 1972. Brown semble perdre son emploi un peu avant le milieu des années 1970. Il amorce une carrière en enseignement un peu plus tard. Brown enseigne l’anglais et l’histoire au moins jusqu’en 2016.
Brown n’abandonne pas pour autant la fuséologie. Il semble faire partie d’une équipe, les Noblemen, associée à une école secondaire entre 2003 et 2008. Certain(e)s des membres de cette équipe décident de voler de leurs propres ailes en 2008. Elles et ils forment alors Rocket Sauce, Team 1137. Cette équipe associée à une autre école secondaire existe encore en 2019. Brown semble occuper le poste d’instructeur d’équipe. Rocket Sauce, Team 1137 s’intéresse à la fois à la robotique et à la fuséologie.
Et c’est tout pour aujourd’hui. J’ai oublié de préparer le test.