Pourquoi est-ce que personne ne m’a dit qu’il avait un de ces… trucs? Partie 1
Comment allez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Bien? C’est merveilleux. Canalisons l’esprit de notre Joker intérieur, à la John Joseph « Jack » Nicholson bien sûr, et plongeons dans l’histoire des véhicules à coussin d’air, ou aéroglisseurs, et… Ne craignez point, cœur courageux, nous allons nous attarder sur une minusculante partie de cette histoire, malheureusement.
L’épisode qui nous concerne cette semaine touche à un gentilhomme britannique du nom de Peter Mayer. Votre humble serviteur aimerait pouvoir vous fournir des informations sur les premières années de sa carrière professionnelle, mais je ne le peux pas. Tout ce que je sais c’est que Mayer naît en 1934. Il commence à s’intéresser aux aéroglisseurs lorsqu’il entend parler d’un des premiers véhicules en taille réelle / réussi de ce type, le Saunders Roe SR.N1.
Est-ce que le mot Roe vous dit quelque chose? Oui, c’est bien exact. Edwin Alliott Verdon Roe, fondateur de A.V. Roe & Company Limited, un des grands avionneurs du 20ème siècle, est le premier sujet britannique à effectuer, en juillet 1909, un vol contrôlé et soutenu dans un avion à moteur de fabrication britannique dans l’Empire britannique. Il est mentionné dans des numéros d’octobre 2018, juin 2019 et juillet 2019 de notre blogue / bulletin / machin. Et non, le nom Saunders n’a malheureusement rien à voir avec David A. « Dave » Saunders, un ingénieur aéronautique canadien d’origine britannique mentionné dans des numéros d’août 2017 et de juillet 2019 de ce même blogue / bulletin / machin.
Saviez-vous que la National Research Development Corporation (NRDC) appuie financièrement la construction du SR.N1 par Saunders-Roe Limited? Cet organisme public indépendant crée une filiale, Hovercraft Development Limited (HDL), en 1959, pour gérer tous les accords de licence utilisant des idées développées par le père de l’aéroglisseur, un ingénieur britannique du nom Christopher Sydney Cockerell. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur, NRDC, HDL et Cockerell sont tous mentionnés dans un numéro de janvier 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Incidemment, la SR.N1 « vole » pour la première fois, au-dessus du sol, en juin 1959. Les journalistes sur les lieux sont tellement excités par ce qu’ils voient qu’ils supplient, ou presque, la direction de Saunders-Roe de tester le véhicule au-dessus de l’eau, ce qui n’est pas au programme ce jour-là. La dite direction accepte gracieusement (?). Le vol d’essai impromptu se déroule à merveille. Au total, la couverture médiatique des premiers vols de la SR.N1 est vraiment considérable, et très positive.
Malheureusement, Saunders-Roe cesse quasiment d’exister en tant qu’entité indépendante à un moment donné en 1959. Elle devient pour une bonne part la division Saunders-Roe de Westland Aircraft Limited, une société mentionnée dans des numéros d’août 2017, mai 2018 et février 2019 de notre blogue / bulletin / machin.
Croiriez-vous que le SR.N1 traverse la Manche, de la France à l’Angleterre, en juillet 1959, pour commémorer le 50ème anniversaire de la première traversée de cette étendue d’eau réalisée par un avion? Et qui est le pilote du dit avion, puis-je demander? Louis Charles Joseph Blériot, vous répondez? Bravo, dis-je. Et oui, ce gentilhomme est mentionné dans des numéros d’octobre et novembre 2018 de notre blogue / bulletin / machin, mais revenons à notre histoire.
La première expérience d’aéroglissage de Mayer consiste à utiliser un petit ventilateur électrique monté sur un abat-jour (Bonjour, EP!) acheté dans un magasin géré par Woolworth & Company Limited, une division du géant américain du commerce de détail F.W. Woolworth Company. Incidemment, un des nombreux magasins de cette chaîne disparue se trouvait à Sherbrooke, Québec, où votre humble serviteur est né, il y a très longtemps. La deuxième expérience de Mayer consiste à utiliser un modèle en bois de balsa propulsé par un minuscule moteur (diesel?).
De plus en plus intrigué et intéressé, Mayer décide de construire un aéroglisseur pleine grandeur à un moment donné en 1960. Il utilise divers morceaux pour construire sa création, y compris une longueur de courroie en toile utilisée pour activer une batteuse, un boulon de tension provenant d’un sommier à ressorts réglable et un coutre à disque provenant d’une charrue. Même si le moteur de propulsion de l’aéroglisseur s’avère si peu fiable qu’il ne peut pas être utilisé, le moteur qui actionne la soufflante de sustentation fonctionne très bien. Avec seulement Mayer à bord, le véhicule se maintient à environ 5 centimètres (2 pouces) au-dessus du sol. Avec 1 pilote et 1 passager, c’est tout juste s’il ne touche pas le dit sol. Mayer met ce prototype de côté en 1961.
À la fin de 1964, Mayer travaille sur 2 modèles qui pourraient constituer la base d’un aéroglisseur pleine grandeur à 4 places. À l’été 1968 au plus tard, il est l’organisateur de rallyes du Hover Club of Great Britain, un groupe connu en 2019 sous le nom de Hovercraft Club of Great Britain. Mayer le fait hors des heures de travail, bien sûr. Il construit également un aéroglisseur. Incidemment, Mayer est un membre fondateur du Hover Club of Great Britain.
Soucieux de faire plaisir à son fils âgé de 7 ans, Guy Mayer, et de lui offrir un cadeau unique, Mayer réalise son souhait de lui construire une version réduite monoplace de la petite machine sur laquelle il travaille. Selon une autre source, le jeune Mayer convainc son père d’agrandir le modèle conçu par ce dernier afin qu’il puisse le piloter. Quoi qu’il en soit, l’aéroglisseur de Guy Mayer est achevé au début d’août 1968 au plus tôt. Père et fils sont très satisfaits des performances du minuscule véhicule. Mieux encore, Mayer senior envisage peut-être la possibilité de construire et, espère-t-il, vendre quelques exemplaires de cet aéroglisseur. Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur attentive / attentif, le dit véhicule est l’aéroglisseur que nous avons toutes / tous vu au début de cet article.
Au plus tard en mai 1969, Mayer senior abandonne son poste, mais pas son statut de membre, au sein du Hover Club of Great Britain. Il est sur le point d’ouvrir une école de pilotage d’aéroglisseur où il enseignerait, en utilisant une machine biplace sur commande, et proposerait des promenades à certaines des personnes qui visitent la résidence voisine d’un comte. Votre humble serviteur n’est pas en mesure de dire combien de temps l’école survit.
Au plus tard en mars 1973, Mayer travaille sur un aéroglisseur de course. Maintenant membre du conseil du Hover Club of Great Britain, il est approché plus ou moins directement par le Department of Trade and Industry. Vous voyez, le dit ministère veut apporter un modèle d’aéroglisseur à Zürich, Suisse, où une exposition industrielle britannique doit avoir lieu. Il ne peut cependant pas en trouver un et demande à Mayer s’il peut aider. Ce dernier accepte aussitôt de tenter le coup. Il construit une version réduite de la machine de course sur laquelle il travaille. Votre humble serviteur n’est pas en mesure de dire si ce modèle est exposé, ou si l’exposition a effectivement lieu.
Il convient de noter que Mayer est un bon ami et partenaire de travail d’un ingénieur en mécanique du nom de Geoffrey C. « Geoff » Harding à la fin des années 1960 et / ou au début des années 1970. Il suffit de songer à leur travail sur le Wotsit For, le 4e aéroglisseur d’une famille qui en comprend au moins 6, testé en décembre 1971.
Harding, qui fortement très impliqué dans le transport en commun, en tant que directeur général du Wallasey Passenger Transport Department, puis en tant que directeur du South East Lancashire and North East Cheshire Passenger Transport Executive (SELNEC), est également un passionné d’aéroglisseur. À dire vrai, ce membre fondateur, de même que président du Hover Club of Great Britain pendant plusieurs années, fabrique environ 35 de ces véhicules entre le tout début des années 1960 et le début des années 1970.
Par la suite, Harding travaille pour Greater Manchester Passenger Transport Executive, une organisation ayant pris le contrôle de SELNEC, où il joue un rôle crucial dans l’introduction d’autobus hybrides diesel / électrique. Remarquez, il est peut-être fortement impliqué dans le développement d’une automobile bicarburant dans les années 1970 ou 1980.
Plus âgé que Mayer d’une dizaine d’années, Harding sert dans la Royal Navy pendant la Seconde Guerre mondiale. À dire vrai, il est le plus jeune des personnes impliquées dans une des opérations navales les plus inhabituelles et audacieuses menées par le Royaume-Uni pendant le conflit. Avant de continuer, ami(e) lectrice ou lecteur, notez que cette action a des conséquences tragiques pour quelques-unes des personnes impliquées.
Plutôt impressionnée par les opérations spéciales menées par la Regia Marina de l’Italie fasciste, son principal adversaire en Méditerranée, la Royal Navy se lance dans le développement d’armes spéciales bien à elle. Le prototype d’une petite série de sous-marins de poche, par exemple, est lancé secrètement, de nuit, en mars 1942. Les sous-marins de la classe X, comme on les appelle ces petites embarcations, sont utilisés pour la première fois au combat en septembre / octobre 1943, lorsque 6 d’entre eux sont remorqués vers un fjord norvégien où se cache le cuirassé allemand Tirpitz. Trois des sous-marins, les X8, X9 et X10, n’atteignent pas leur destination, pour diverses raisons; l’équipage de convoyage de 3 hommes d’un d’entre eux, le X9, périt. Les équipages de autres 2 sous-marins de poche, les X6 et X7, parviennent cependant à déposer 4 charges d’explosifs sous le Tirpitz, qui le mettent hors d’action jusqu’en mai 1944. Deux des 4 membres de l’équipage de X7 périssent. Un troisième sous-marin, le X5, est détruit par les Allemands. Son équipage a peut-être le temps de déposer ses 2 charges explosives. Les 4 hommes périssent.
Harding sert à bord du X10, un navire officieusement nommé Excalibur. Ce sous-marin doit être sabordé alors qu’il est remorqué en mer du Nord, début octobre 1943. Les 3 membres de son équipage de convoyage survivent, mais revenons aux aéroglisseurs.
Harding achève en 1967 ce qui est sans doute un des aéroglisseurs les plus inhabituels de tous les temps. Le système de propulsion du Wotsit 1 se compose de 2 barils de 205 litres environ (45 gallons impériaux; environ 54 gallons américains) montés à l’arrière et équipés d’ailettes en fibre de verre, ce qui lui donne l’apparence d’un bateau fluvial à roues arrière. Harding souhaite mettre au point un véhicule de sauvetage hautement maniable, capable de fonctionner sur tous les types de terrain rencontrés dans l’estuaire d’une rivière ou fleuve. De fait, il met gracieusement son véhicule à la disposition d’un service d’incendies près de chez lui si des vacancières ou vacanciers se retrouvent bloqués par la marée montante.
En octobre 1967, par mauvais temps (pluies torrentielles, vent de 50 kilomètres/heure (30 milles/heure) avec rafales de 80 km/heure (50 milles/heure)), Harding pilote un Wotsit 1 modifié tout en haut, et tout en bas, d’une péninsule de 215+ mètres (700+ pieds) de haut regorgeant de rochers, d’herbe et de tourbières, au Pays de Galles, remportant ainsi une sorte de compétition parrainée par John Player & Sons Limited, une société de tabac bien connue. Pour augmenter ses chances de succès, il remplace les barils par une paire de roues d’automobile dégonflées comportant des essieux munis de disques à pointes. La montée prend environ 2 heures, de même que la descente. À ce jour, aucun autre aéroglisseur au monde n’a réussi un tel exploit.
Les amateurs d’aéroglisseurs britanniques se moquent initialement de Harding. Ces rires prennent fin quand le Wotsit 2 amélioré commence à gagner des courses. Plusieurs concurrents semblent protester, affirmant que le nouveau véhicule, avec son système de propulsion peu orthodoxe (un unique baril à ailettes, caché dans la coque, sur terre, et un moteur hors-bord à l’arrière, sur l’eau) n’est pas un véritable aéroglisseur.
Harding conçoit ensuite un véhicule plus conventionnel, alimenté par deux soufflantes carénées, apparemment avec l’aide de, vous l’aurez deviné, Mayer. Il pilote cet aéroglisseur tout au long des années 1970.
Profondément intéressé par l’utilisation de la technologie des aéroglisseurs dans divers domaines d’activité, Harding met également au point, à la fin des années 60 ou au début des années 70, une sorte de béquilles aéroglissantes pour des personnes souffrant de paralysie cérébrale. Un enfant incapable de se déplacer y parvient, grâce à lui.
Il convient de noter que Mayer travaille aussi avec Michael A. « Mike » Pinder, un ingénieur et fondateur de Pindair Limited, une société créée en mai 1972 pour concevoir, développer, produire et commercialiser des aéroglisseurs gonflables de tailles diverses, la plupart d’entre eux d’assez petite taille, pour un usage récréatif, militaire et commercial. Remarquez, la société fabrique également une variété de composants destinés à la vente aux constructeurs amateurs d’aéroglisseurs.
Vous pourriez être intéressé(e) d’entendre (lire?), ou pas, je vous laisse ce choix, nous toutes et tous étant de bons démocrates, que Pinder attrape la fièvre aéroglissante alors qu’il cherche un moyen de déplacer des réservoirs de pétrole géants à l’aide de coussins d’air. Mieux encore, il est l’individu responsable de la première application de cette technologie, commercialisée par la susmentionnée HDL, en 1967.
Pinder développe son premier aéroglisseur à peu près à cette époque, pendant ses temps libres, sur une période de 3 ans. Le Pinkushion, comme on appelle ce concept biplace, connaît beaucoup de succès sur le circuit de courses d’aéroglisseurs britannique.
Vers la fin de 1971, la International Himalayan Hovercraft Expedition engage Pinder afin qu’il prépare un trio d’aéroglisseurs monoplaces pouvant être utilisés sur des rivières tumultueuses du Népal et du Bhoutan. En 1972, les dites machines sont utilisées à une altitude d’environ 3 000 mètres (environ 10 000 pieds). Il semble que ces véhicules comptent parmi les premiers, sinon les tout premiers aéroglisseurs Skima 1.
Cela étant dit (tapé?), la première machine commercialisée par Pindair est la Skima 2 biplace. Au plus tard au milieu des années 1970, des exemplaires de cette machine se trouvent en Afrique, en Amérique, en Asie, en Europe et en Océanie, en petit nombre bien sûr.
La Skima 3 est une version de course plutôt réussie du Skima 2 présente au Royaume-Uni et dans d’autres pays européens. Cette machine triplace disponible à partir de 1973 n’est peut-être construite que sur commande. Un Skima 3 établit un record mondial de vitesse pour aéroglisseur léger / de petite taille en 1976.
Testé au plus tard en 1973, le Skima 4 quadriplace se retrouve dans toutes sortes d’endroits et fait toutes sortes de choses. Ses opérateurs comprennent une compagnie d’aluminium, des autorités en matière d’eau potable, quelques forces armées, un groupe de recherche sur la biologie marine, une organisation de recherche et / ou de lutte contre les parasites, des services de secours en régions inondées ou sur des plages, etc.
Si on en croit la publicité de la compagnie, un Skima 1, 2, 3 ou 4 peut être livrée à la porte d’une personne, dans une grande boîte. Une fois gonflé, et alimenté en essence et en huile, l’aéroglisseur est prêt à partir. Les divers Skima de petite taille sont faciles à entretenir et utiliser, et assez durables.
Testé vers le milieu des années 1970 mais pas mis en production avant la fin de la décennie, s’il l’est un jour, l’aéroglisseur semi-gonflable Skima 6/9 peut transporter 6 personnes dans une cabine – ou 9 dans une configuration ouverte. Certains prototypes, connus sous le nom de River Rover, sont testés au Népal par des membres d’une expédition médicale menée conjointement par la British Army et la Royal Air Force, en Indonésie, par des missionnaires, et sur quelques tributaires de l’Amazone. Et ici repose une histoire, que vois lirez la semaine prochaine.
À plus.