3 choses à savoir sur l'édition de gènes pour guérir les maladies, sur la façon dont les biocarburants peuvent réduire les émissions de carbone des avions et sur le potentiel des robots pour remplacer les tracteurs agricoles
Voici Renée-Claude Goulet, Cassandra Marion et Michelle Campbell Mekarski.
Ces conseillères scientifiques d’Ingenium fournissent des conseils éclairés sur des sujets importants pour le Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada, le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada et le Musée des sciences et de la technologie du Canada.
Dans cette captivante série mensuelle de billets publiés sur le blogue, les conseillères scientifiques d’Ingenium présentent des « pépites » d’information insolite en lien avec leur champ d’expertise respectif. Pour l'édition de janvier, elles expliquent comment l'édition de gènes peut guérir les maladies, la façon dont les biocarburants peuvent réduire les émissions de carbone des avions et le potentiel des robots pour remplacer les tracteurs agricoles.
L’avenir de l’agriculture compte l’aide de robots
Des robots autonomes ont fait leur entrée dans le monde de l’agriculture et pourraient permettre d’accroître la rentabilité, la productivité et la durabilité des fermes, en plus d’améliorer la santé mentale et physique des agriculteurs. En fait, l’application de la robotique et des technologies d’apprentissage automatique existantes à l’agriculture pourrait aider à résoudre certains défis auxquels cette industrie est confrontée aujourd’hui. Mais, c’est plus facile à dire qu’à faire.
Un exemple d’un tracteur autonome, travaillant dans le champ.
L’agriculture n’est pas facile. Les impacts de la machinerie agricole et des produits chimiques sur l’environnement et sur les terrains agricoles sont maintenant plus reconnus que jamais auparavant. Les agriculteurs cherchent donc des façons d’appliquer les engrais et les pesticides plus précisément, et de réduire les déplacements dans les champs, car cela endommage le sol et le rend moins productif. Du côté humain, l’agriculture est également connue comme étant un mode de vie. Elle est physiquement et psychologiquement exigeante, elle pose de hauts risques (travail quotidien avec des machines) et compte de longues heures. Finalement, l’industrie fait face à une véritable crise des ressources humaines puisque le nombre de propriétaires et d’exploitants agricoles s’amenuise, et que moins de gens souhaitent entreprendre ce métier, lequel est souvent saisonnier et moins bien rémunéré. Les robots peuvent aider avec tout ça.
Il y a eu plusieurs obstacles à surmonter pour réaliser le transfert des technologies de pointe des secteurs de la fabrication, du militaire et de l’exploration spatiale vers l’agriculture. Tout d’abord, l’environnement agricole et les tâches qu’il exige des robots sont complètement différents de ce qu’ont effectué les robots jusqu’à maintenant. Le travail agricole se fait principalement à l’extérieur, il est salissant, il implique des êtres vivants, il doit composer avec la météo et, par-dessus tout, il doit s’adapter à des conditions constamment changeantes. Ajoutons qu’il n’y a pas deux fermes pareilles et qu’il n’y a pas deux agriculteurs qui exploitent sa terre de la même façon. Les robots que nous avons ne sont tout simplement pas bien équipés pour gérer ce que l’agriculture a à leur faire faire. En fait, ils sont parfaits pour réaliser des tâches précises, dans des environnements propres et contrôlés, où ils sont maintenus dans un certain espace limité et facilement accessibles pour l’entretien et les réparations.
Les lieux où il est possible de trouver de la robotique agricole en ce moment sont les serres, car ces environnements ressemblent davantage à ceux pour lesquels les robots autonomes existants ont été conçus. Sur de plus en plus de fermes laitières, on trouve des robots de traite et des systèmes de distribution des aliments qui permettent de réduire la charge de travail et d’optimiser la production. Il est également possible d’apercevoir des systèmes d’irrigation autonomes dans les champs, et de gros drones sont de plus en plus courants pour la surveillance et la fertilisation des cultures.
La nouvelle frontière en matière d’agriculture sera de mettre en place des robots ressemblant à des tracteurs pour les travaux dans les champs. Certains sont déjà disponibles à l’achat (voir un exemple ici https://korechi.com/farming/ site Web anglais). Ces robots sont typiquement alimentés à l’électricité et se servent d’ordinateurs, de systèmes GPS et de capteurs pour se déplacer dans les champs. Ils peuvent désherber, appliquer de l’engrais, semer des graines, récolter des cultures, échantillonner le sol, tirer d’autres équipements et faire une foule d’autres tâches, et ce, de façon autonome. Ils peuvent également apprendre et s’optimiser, générant ainsi une meilleure utilisation des ressources. Cependant, les champs d’une ferme constituent probablement un des environnements les plus variables où utiliser des robots, ce qui veut dire que la technologie n’est pas encore perfectionnée. Voilà une des raisons pour lesquelles l’agriculture traîne de la patte en matière d’adoption de la robotique.
La promesse de l’automatisation n’est pas sans certains inconvénients. Les marges de profit sont minces en agriculture. Il n’est donc pas surprenant de constater que le transfert de la machinerie pilotée par des humains vers des robots automatisés, encore nouveaux et dont l’usage n’est pas largement accepté, présente un immense risque et qu’il s’agit d’un investissement que beaucoup ne sont pas prêts à faire. Il doit aussi y avoir un écosystème d’experts en place pour pouvoir entretenir, corriger, réparer et mettre à jour ces systèmes mécaniques informatisés.
Les robots agricoles ne sont peut-être pas une solution miracle à tous les changements auxquels les agriculteurs sont confrontés, et ne sont possiblement pas pour tout le monde. Mais, dans les bonnes conditions et circonstances, ils peuvent éliminer une bonne partie des incertitudes et des heures humaines de l’agriculture, la rendant plus agréable, rentable et durable d’un point de vue environnemental. Qui sait, avec le temps, les robots autonomes pourraient remplacer le tracteur, tout comme le tracteur a remplacé le cheval.
Par Renée-Claude Goulet
Guérison de précision : Le triomphe de CRISPR sur les maladies génétiques
Comment traiter une maladie qui est littéralement inscrite dans votre ADN?
Les maladies génétiques sont des problèmes de santé engendrés par des anomalies dans le code génétique. Elles sont presque impossibles à guérir, car elles sont littéralement inscrites dans l’ADN. Typiquement, les traitements visent à gérer les symptômes plutôt qu’à éliminer la cause. Mais, les choses pourraient être sur le point de changer.
Dans l’anémie drépanocytaire, une anomalie de l’ADN provoque une rigidité des globules rouges qui prennent la forme d’un croissant, bloquant les petits vaisseaux sanguins et restreignant la circulation sanguine, en plus de causer de l’inflammation, de la douleur et des AVC.
À la fin de 2023, on a annoncé un traitement génétique révolutionnaire pour l’anémie drépanocytaire. L’anémie drépanocytaire affecte les globules rouges qui sont chargés de transporter l’oxygène dans le corps. Les globules rouges ont habituellement la forme d’un disque, ce qui leur permet de se circuler facilement dans le sang. Toutefois, une mutation ponctuelle de l’ADN engendre des globules en forme de croissant, lesquels se s’agglutinent et restent coincés dans les petits vaisseaux sanguins. Par conséquent, la circulation sanguine est restreinte, la livraison d’oxygène est réduite, ce qui peut causer de terribles douleurs, des dommages aux organes, des accidents vasculaires cérébraux, des crises cardiaques et d’autres problèmes. Au Canada, environ 5 000 Canadiens souffrent d’anémie drépanocytaire, maladie qui peut entraîner des incapacités mortelles et raccourcir leur vie de plus de 30 ans.
Jusqu’à maintenant, le traitement le plus efficace était la greffe de moelle osseuse. Des cellules souches spéciales contenues dans la moelle osseuse produisent des globules rouges et une greffe de moelle osseuse saine provenant d’un donateur peut générer des globules rouges normaux. Malheureusement, il s’agit d’une intervention délicate et il existe un risque considérable que le corps du receveur rejette la greffe. Cette opération est typiquement pratiquée sur les enfants, car les risques augmentent avec l’âge. Mais, maintenant, un nouveau traitement d’édition génomique, nommé Casgevy, offre une solution de rechange prometteuse puisqu’elle permet à la moelle osseuse du patient de produire ses propres globules rouges sains.
Voici comment ça fonctionne : Les patients reçoivent des traitements de chimiothérapie pour faire de l’espace pour les nouveaux globules. Ensuite, les médecins prennent les cellules souches de la moelle osseuse du patient, puis utilisent des techniques d’édition génomique pour corriger la mutation ponctuelle de l’ADN. Finalement, les cellules éditées sont réintroduites dans le patient où elles produisent des globules rouges sains de façon permanente.
L’édition génomique est réalisée à l’aide d’un outil nommé CRISPR/Cas9, que l’on peut voir comme des ciseaux à ADN ultraprécis. Grâce à cet outil, les scientifiques peuvent couper l’ADN à des endroits déterminés, leur permettant ainsi de modifier avec précision (retirer, ajouter ou remplacer) l’ADN où il a été coupé. Il s’agit d’un outil incroyablement puissant et polyvalent, qui a même remporté un prix Nobel en 2020.
L’anémie drépanocytaire est probablement la première d’une longue liste de maladies génétiques qui seront traitées à l’aide de cet outil. Les erreurs dans l’ADN sont à l’origine de près de 7 000 maladies connues qui pourraient potentiellement être guéries à l’aide de CRISPR. L’impact potentiel de cet outil est immense et donne espoir à bien des gens qui souffrent en plus de marquer le début d’une nouvelle ère en matière de possibilités de traitement.
Par Michelle Campbell Mekarski
Premier vol transatlantique alimenté uniquement en carburant d’aviation durable
Un avion de ligne 787 de Virgin Atlantic en plein vol.
Le 28 novembre 2023, un avion à réaction pour voyageurs Boeing 787 alimenté entièrement en carburant d’aviation durable (SAF) a pu faire le trajet entre Londres et la ville de New York. Le vol de Virgin Atlantic n’avait aucun voyageur à bord, car il s’agissait purement d’une démonstration appuyée par le gouvernement britannique et des partenaires privés pour démontrer que c’était possible.
Partout dans le monde, de nombreuses industries évoluent vers des technologies plus vertes afin de tenter de freiner les changements climatiques. L’industrie de l’aviation compte pour 3 % des émissions mondiales de carbone et le nombre ne fera que s’accroître au fil de temps, car les voyages en avion augmentent et d’autres industries décarbonent leurs activités. La communauté mondiale de l’aviation s’est engagée à agir et vise la neutralité carbone d’ici 2050.
Le SAF est la meilleure façon d’aller de l’avant pendant que d’autres technologies sont en développement. Un aéronef alimenté entièrement en SAF émettra plus ou moins la même quantité de CO2 qu’il le ferait avec du carburéacteur, mais son empreinte carbone totale sera réduite de 80 %! Plongeons dans le quoi, le comment et le pourquoi.
Qu’est-ce que du carburant d’aviation durable?
Le carburant d’aviation durable, ou SAF (alias biocarburant d’aviation), est un combustible dérivé des déchets ou renouvelable dont les propriétés ressemblent beaucoup à celles du carburéacteur habituel. La charge fraîche de SAF, terme utilisé pour décrire la source brute ou l’approvisionnement en matière, peut être dérivée des déchets provenant de différentes plantes, de gras animal, d’huiles de cuisson, ou même de résidus agricoles ou forestiers. Elle peut également provenir de cultures renouvelables dédiées, plantées pour produire du biocarburant.
Qu’est-ce qui rend le SAF renouvelable?
Le titre de durabilité est accordé lorsqu’une série d’exigences sont respectées : aucun impact négatif sur la biodiversité ou la transformation de cultures destinées à l’alimentation, aucune destruction des forêts, aucune surutilisation ou pollution de l’eau et, finalement, il doit y avoir réduction des émissions totales de CO2.
Comment le SAF réduit-il les émissions de CO2?
La source du carburant est la principale différence. La combustion des combustibles fossiles libère du carbone dans l’atmosphère qui était précédemment stocké et extrait de réservoirs souterrains. Le biocarburant durable provient de la biomasse (plantes ou animaux) ayant absorbé des émissions de CO2 de l’atmosphère tout au long de son cycle de vie. Lorsque ce carburant est utilisé dans le moteur à combustion d’un aéronef, il renvoie le CO2 absorbé dans l’atmosphère plutôt que d’en ajouter. Ainsi, le SAF entraîne donc une réduction du cycle de vie total des émissions de carbone. Un autre avantage du SAF est l’air propre, car il réduit également les émissions jusqu’à 90 % pour les matières particulaires et à 100 % pour le soufre.
Pourquoi l’utilisation du SAF n’est-elle pas plus courante?
Le SAF peut être incorporé aux circuits de carburant existants de tout aéronef, et des mélanges de carburants contenant jusqu’à 50 % de SAF avec du carburéacteur au kérosène habituel sont autorisés. Cependant, le SAF compte pour moins de 0,1 % du carburéacteur. Les raisons sont tout simplement l’augmentation des coûts et de la demande. Actuellement, il n’y a pas suffisamment d’approvisionnement de SAF pour répondre même à une fraction de la demande mondiale de l’industrie de l’aviation. Une autre difficulté est imposée par le coût élevé de la fabrication et la certification de ces carburants.
La révolution verte en aviation a déjà commencé, mais il faudra une vaste gamme de soutien provenant de législation gouvernementale, des transporteurs aériens, du secteur de l’agriculture et des industries de gestion des déchets pour accroître la production et l’utilisation.
Il existe d’autres approches pour réduire les émissions en aviation, mais elles présentent toutes des défis et des limites. Les avions électriques sont formidables, mais ils ont une autonomie limitée et nécessitent de grosses batteries lourdes qui ne conviennent pas aux avions plus gros. Les avions alimentés à l’hydrogène sont actuellement en développement, mais nécessiteraient des changements imposants et coûteux pour leur entreposage et l’infrastructure aéroportuaire nécessaire.
Par Cassandra Marion
ALLER PLUS LOIN :
Le CNRC a piloté le premier jet civil au monde alimenté uniquement de biocarburant
Conseil canadien des carburants d’aviation durables
Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) vidéo en anglais
IATA Association du Transport Aérien International site Web en anglais
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