Un Américain à Moscou, ou, Comment un clone soviétique a coûté une fantastique somme d’argent aux contribuables nord-américains, Partie 2
Salutations, ami(e) lectrice ou lecteur. Êtes-vous toujours intéressé(e) à faire le lien entre la fantastique somme de notre titre et le bombardier lourd à long rayon d’action Toupolev Tu-4? Oui? Formidable. Commençons. Le prototype de ce clone du Boeing B-29 Superfortress prend l’air en mai 1947. Comme on peut s’y attendre pour un tel programme de rétro ingénierie, les ingénieurs des nombreuses usines impliquées dans la production de l’aéronef et de ses nombreux composants, de son train d’atterrissage à ses moteurs, doivent surmonter des problèmes graves. Fait intéressant, les moteurs du Tu-4 sont de conception soviétique. Leurs cylindres sont semblables à ceux d’un moteur américain fabriqué sous licence en Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) depuis la fin des années 1930. Le moteur en question est conçu par Wright Aeronautical Corporation, une division de Curtiss-Wright Corporation et la société qui a mis au point les moteurs du Superfortress. Le monde est bien petit, n’est-ce pas?
Les premiers Tu-4 entrent en service en 1948 mais ne sont pas pleinement opérationnels avant le milieu de 1949. Comme on peut s’y attendre, les équipages et le personnel au sol soviétiques doivent travailler très fort pour maîtriser cette machine complexe. Au moment où la production prend fin, en 1952-53, environ 1 000 Tu-4 ont été construits. Un certain nombre de ces aéronefs peuvent transporter une bombe nucléaire. Certaines Tu-4 sont complétées comme avions de reconnaissance photo ou de transport à long rayon d’action. Un petit nombre d’aéronefs sont apparemment utilisés pour la reconnaissance maritime. Au fur et à mesure que des bombardiers à réaction plus modernes entrent en service, certains Tu-4 sont convertis en avions expérimentaux de ravitaillement en vol, ou avions citernes. Quelques autres sont utilisés pour tester de nouveaux moteurs et des missiles air surface à grande portée. Une version de bombardement améliorée connue sous le nom de Toupolev Type 80 ne dépasse le stade du prototype. On peut en dire autant d’une version de transport militaire connue sous le nom de Type 75.
Il convient de noter que l’URSS transfère quelques Tu-4 à la République populaire de Chine. Un certain nombre de ces aéronefs, utilisés par la Force aérienne de l’armée populaire de libération, ou Zhōngguó Rénmin Jiěfànjūn Kōngjūn, sont par la suite munis de turbopropulseurs. La dernière de ces vénérables machines est retirée du service à la fin des années 1980.
Comme on peut s’y attendre, le Tu-4 est une source de grande préoccupation dans les milieux militaires d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale lorsqu’il entre en service. À la fin des années 1940, le monde est aux prises avec la Guerre froide. L’URSS a mis en place des gouvernements fantoches dans une grande partie de l’Europe de l’Est. En Asie, la République populaire de Chine voit le jour en octobre 1949. La détonation de la première arme nucléaire soviétique, en août de cette même année, plus tôt que prévu, combinée au déclenchement de la guerre de Corée, en juin 1950, ne fait qu’empirer les choses.
Si l’URSS venait à prendre l’Islande et le Groenland, les Tu-4 de la force de bombardement stratégique à long rayon d’action de l’URSS seraient en mesure d’atteindre la plupart des zones industrielles des États-Unis – et toutes les zones de ce type au Canada. Ne disposant pas de l’autonomie lui permettant de rentrer à sa base, chaque avion serait perdu, mais un nombre assez grand échapperait à l’interception pour occasionner de sérieux dégâts.
Convaincue que la Dalnaya Aviasiya, le nouveau nom de l’Aviatsiya dalnovo deistviya, adoptée dans les années 1950, a l’intention de remplacer ses Tu-4 par des bombardiers à long terme plus modernes, vraisemblablement des réactés, la United States Air Force (USAF) et l’Aviation royale du Canada entament la construction d’un réseau de défense aérienne massif composé de quelques chaînes d’installations radar et de nombreuses bases d’intercepteurs de bombardiers. Le coût de ce réseau est pour le moins, oui, vous l’avez deviné, fantastique. Il suffit de penser aux énormes sommes d’argent des contribuables canadiens dépensées pour développer l’intercepteur de bombardiers tous temps Avro Canada CF-100 Canuck et son successeur supersonique, l’Avro CF-105 Arrow. Ce dernier est annulé, en février 1959, alors qu’il est encore en développement, mais c’est une autre histoire.
Qu’y a-t-il? Vous voulez lire un peu plus? Ah, de la musique à mes oreilles. L’information limitée dont dispose la Central Intelligence Agency et la USAF en 1954 amène ces organisations à croire que l’URSS produit un grand nombre de bombardiers à long rayon d’action. De nombreux journaux et politiciens affirment que les États-Unis prennent du retard. Cette avance soviétique en matière de bombardiers, ou « Bomber Gap, » est une fiction. On peut soutenir que l’URSS, volontairement ou accidentellement, parvient à obliger les États-Unis et le Canada à dépenser une fantastique somme d’argent pour se prémunir contre une force de bombardement qui n’existe pas vraiment. L’avance soviétique en matière de missiles, ou « Missile Gap, » mise en évidence après le lancement en octobre 1957 du premier satellite artificiel, Spoutnik, par une fusée conçue pour être utilisé comme missile balistique intercontinental, est tout aussi fictive. Cela dit, le budget américain de la défense est réaménagé. Beaucoup d’argent est consacré au développement et à la production de missiles balistiques intercontinentaux. Par comparaison, le développement et la production de nouveaux intercepteurs de bombardiers sont sérieusement limités.
Si la Guerre froide était devenue sanglante pendant les premiers jours de la guerre de Corée, des escadrons de Tu-4 auraient vraisemblablement lancé des attaques contre l’Amérique du Nord. On peut imaginer des avions de ce type croisant une formation de bombardiers de la USAF, peut-être des Boeing B-50 Superfortress, une version améliorée du B-29 Superfortress, allant dans l’autre sens. Nous pouvons tous être reconnaissants que ce scénario de cauchemar ne soit pas devenu réalité.