Le Centre de conservation des collections d’Ingenium : l’art de faire migrer notre passé vers l’avenir
"Le Centre de conservation des collections d’Ingenium : l’art de faire migrer notre passé vers l’avenir" a paru dans l’édition mars / avril 2019 du magazine Muse, une publication de l’Association des Musées Canadiens.
À Ottawa, il y a une locomotive qui a des histoires fascinantes à relater.
Si les trains pouvaient parler, la locomotive 1201 du CP saurait vous captiver en vous relatant l’histoire de sa construction à Montréal en 1944 et en vous racontant comment elle est devenue un symbole de la fin de l’ère de la vapeur dans les usines Angus du Canadien Pacifique. Véritable bourreau de travail durant la Seconde Guerre mondiale et même après, la locomotive pourrait vous raconter tous les déplacements de biens, de services et de gens qu’elle a effectués d’un bout à l’autre du pays, sans oublier les jeunes soldats qu’elle a raccompagnés à la maison. Au cours de sa deuxième vie, après avoir été donnée au Musée des sciences et de la technologie du Canada en 1968, la locomotive 1201 du CP a joué le rôle d’ambassadrice nationale pour le Musée, et ce, plus particulièrement durant son séjour à Craigellachie, en Colombie-Britannique, à l’occasion du centenaire de la pose du dernier crampon du chemin de fer, en 1985.
Après son acquisition par le Musée des sciences et de la technologie du Canada, en 1968, la locomotive 1201 a promené des visiteurs avant d’être envoyée à l’entreposage. Elle occupera une place de choix dans le nouveau Centre de conservation des collections.
La locomotive 1201 du CP ne peut actuellement pas relater ses aventures, mais elle le pourra très bientôt. Ses 185 tonnes en font la pièce la plus imposante parmi les quelque 85 000 artefacts tridimensionnels et les deux millions d’artefacts bidimensionnels qui feront prochainement l’objet d’un déménagement monumental vers leur nouvelle demeure, le Centre de conservation des collections d’Ingenium ‑ Musées des sciences et de l’innovation du Canada.
Le Centre de conservation des collections, actuellement en construction, est une installation de 36 000 m² conçue pour protéger et exposer la collection scientifique et technologique nationale du Canada. L’extérieur du bâtiment, d’allure moderne, arbore trois ailerons (de couleur verte, bleue et rouge) symbolisant chacune des trois institutions nationales d’Ingenium, soit le Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada, le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada et le Musée des sciences et de la technologie du Canada.
L’équipe de conservation d’Ingenium a emballé des objets de dimensions, de poids et de formes très variables. Chacun de ces facteurs aura posé un défi particulier en matière d’emballage et d’entreposage.
Mais le Centre de conservation des collections représente bien plus que trois simples musées. Le bâtiment est la manifestation physique de la vision de l’avenir d’Ingenium. De conception avant-gardiste, le Centre, qui se veut le reflet d’une migration d’attitude organisationnelle, rendra pratiquement tous les espaces disponibles au public. Le Centre de conservation des collections compte rendre ses artefacts, ses installations et ses spécialistes plus accessibles que jamais auparavant.
« Ce n’est pas qu’un simple bâtiment que nous construisons, mais une toute nouvelle culture au sein d’Ingenium, explique Christina Tessier, présidente-directrice générale d’Ingenium. Pour favoriser une culture de recherche reposant sur le questionnement critique, la collaboration et la créativité, nous devons nous montrer ouverts à travailler avec un vaste éventail de partenaires de partout au Canada et d’ailleurs, dans un esprit d’exploration collective. »
L’un des lieux phares du Centre de conservation des collections est l’Institut de recherche d’Ingenium, qui abritera des installations destinées à la réalisation de projets individuels et collaboratifs en lien avec la collection.
« L’Institut de recherche d’Ingenium sera un lieu pour nos propres chercheurs, mais aussi pour les chercheurs invités, les étudiants et les conservateurs invités », indique Anna Adamek, directrice de a Division des conservateurs à Ingenium. Mme Adamek ajoute que l’Institut de recherche disposera d’un solide programme de bourses. « Notre objectif est de bâtir des communautés du savoir autour de la collection nationale, ainsi que d’injecter de nouvelles idées et de nouvelles expériences dans les services que nous offrons à la population. »
Doté de laboratoires numériques et médiatiques, l’Institut de recherche d’Ingenium comportera des locaux qui permettront la tenue de rencontres entre le personnel et des partenaires du milieu universitaire et de l’industrie. On y retrouvera aussi une salle destinée à l’examen des artefacts et des collections spéciales.
« Il s’agira d’un endroit tranquille qui permettra aux visiteurs de se livrer à des activités pratiques sur certains objets et de faire des apprentissages à partir des complexités d’authentiques expériences matérielles culturelles, en plus de favoriser les rencontres entre des groupes et des objets, indique Mme Adamek. Cet espace de collection collaboratif sera géré de façon à constituer un service homogène et accessible pour les chercheurs et les enseignants. »
Une salle d’examen des artefacts et des collections spéciales dans l’Institut de recherche d’Ingenium permettra aux chercheurs de disposer d’un endroit tranquille pour s’adonner à du travail pratique sur certains objets.
Une autre caractéristique importante de la conception du bâtiment est le Laboratoire d’innovation numérique, qui fera voyager la collection d’Ingenium bien au-delà des murs du Centre de conservation des collections. Ce laboratoire permettra aux utilisateurs d’élaborer de nouvelles approches de numérisation, de modélisation 3D et de visualisation; de nouveaux jeux et moteurs de jeux; ainsi que des applications de réalité augmentée, virtuelle et mixte. D’éventuelles initiatives, comme un programme de résidence d’artistes, favoriseraient des liens créatifs entre un vaste éventail de projets liés aux STIAM.
« Nous concevons le Laboratoire d’innovation numérique comme étant un site d’exploration des liens entre l’art, la technologie et la culture, indique Mme Tessier. Par l’entremise de nos propres initiatives numériques de pointe, en collaboration avec des chercheurs du domaine des lettres et des sciences humaines numériques de tout le Canada et dans l’optique d’un arrimage avec les communautés d’intelligence artificielle, Ingenium est bien placé pour devenir chef de file national et international en matière d’exploration et de pratiques de muséologie numérique. »
On y aménagera aussi des aires de travail ouvertes pour les employés et plusieurs laboratoires de conservation. Un centre bibliothécaire et archivistique moderne, ouvert au public, offrira un riche éventail de livres rares et d’autres ressources, ce qui en fera un lieu de prédilection pour les utilisateurs désirant faire des recherches sur l’histoire des sciences, de la technologie, de l’agriculture, et de l’alimentation au Canada. Au-delà d’Ottawa, les Archives numériques d’Ingenium offrent maintenant un tout nouveau niveau d’accès aux copies numérisées des documents d’archives aux utilisateurs du monde entier.
L’ascenseur dans le Centre de conservation des collections transportera des artefacts d’une longueur maximale de 6,5 m, d’une largeur maximale de 3,2 m et d’un poids maximal de 13 600 kg.
Le Centre de conservation des collections de quatre étages, dont la construction devrait s’achever cette année, a été soigneusement conçu pour être le plus écoénergétique possible. Des fenêtres photovoltaïques fabriquées en Espagne produiront de l’énergie pour alimenter certaines parties du bâtiment en plus d’y réduire le niveau de chaleur à l’intérieur. Une section de panneaux solaires d’environ 6 000 m² sur le toit contribuera aussi à l’alimentation énergétique du bâtiment.
À l’intérieur, des solutions d’entreposage mobile compact permettront d’optimiser l’espace disponible et la hauteur des plafonds permettra de maximiser l’entreposage vertical. Lorsque les centaines de milliers d’artefacts d’importance nationale y seront enfin placés, la population pourra y avoir accès comme jamais auparavant.
« La collection appartient aux Canadiens et ils ont le droit de la voir, indique Gordon Perrault, directeur des Services de la conservation et de la collection. Actuellement, à peine 12 % de la collection d’Ingenium est exposée dans nos musées, ce qui signifie que la majeure partie de nos artefacts n’est pas directement accessible au public. »
Ingenium compte offrir des visites guidées du Centre de conservation des collections. Il sera également possible de prendre rendez-vous avec le personnel responsable des collections et de la recherche pour voir les objets.
Mais M. Perrault doit d’abord se concentrer sur la tâche très complexe que représente l’emballage des artefacts d’Ingenium, qui se trouvent actuellement dans trois entrepôts à proximité du Musée des sciences et de la technologie du Canada. Le déménagement est un projet qui s’échelonne sur plusieurs années et comporte tous les aspects de la gestion de la collection ainsi que l’expertise de nombreux conservateurs, restaurateurs et spécialistes de la manipulation d’artefacts. Du matériel médical aux voitures de collection en passant par un dispositif de fusion à cible magnétisée de pointe, ces objets emblématiques de l’ingéniosité canadienne doivent être méticuleusement catalogués et emballés sécuritairement avant d’être déplacés vers leur nouvelle demeure.
Parmi les autres trésors, la locomotive 1201 du CP attend patiemment son déplacement. Elle doit occuper une position de choix dans la collection de réserve du matériel roulant dans le Centre de conservation des collections. Ainsi, lorsque les premiers visiteurs franchiront les portes du nouveau bâtiment, ils la verront dans un grand présentoir vitré, bien polie et prête à transmettre ses histoires colorées du Canada d’autrefois aux générations à venir.
Vous souhaitez établir de futures collaborations avec Ingenium ‑ Musées des sciences et de l’innovation du Canada? Communiquez avec Christine Clouthier à l’adresse suivante : cclouthier@IngeniumCanada.org.