2 choses à savoir sur la façon dont une diversité de raisins pourrait permettre de sauver la vinification au Canada et comment les restaurateurs utilisent les rayons X pour découvrir les éléments et matériaux des artefacts de la collection
Voici Renée-Claude Goulet et Jacqueline Riddle. Renée-Claude est conseillère scientifique au Musée de l'agriculture et de l'alimentation du Canada d'Ingenium et Jacqueline est restauratrice à Ingenium. Dans l'édition de novembre de cette captivante série mensuelle de billets publiés sur le blogue, Renée-Claude explique comment le changement climatique affecte l'agriculture dans le monde entier, y compris la culture du raisin et la fabrication du vin. Jacqueline décrit comment elle et ses collègues utilisent la technologie du spectromètre de fluorescence des rayons X pour découvrir quels éléments chimiques sont présents dans les matériaux des artefacts de leur collection.
Éveiller nos papilles à une diversité de raisins pourrait permettre de sauver la vinification
Les changements climatiques perturbent l’agriculture partout dans le monde et ne s’arrêtent pas pour la nourriture. En outre, il est de plus en plus difficile de produire ce qui se trouve dans nos verres, y compris le vin.
Le Canada compte 638 établissements vinicoles et 1 907 vignerons, mais ne produit qu’environ 1 % de tout le vin dans le monde. Bien que notre industrie du vin ne cesse de croître, tout comme d’autres régions productrices de vin dans le monde, sa viabilité est menacée par les effets d’intempéries extrêmes provoqués par les changements climatiques, comme des coups de froid ou des températures élevées hors de saison, des sécheresses, des pluies fortes et des vents destructeurs. Les changements climatiques peuvent également accroître l’ampleur à laquelle les maladies végétales peuvent nuire à nos cultures. Toutefois, en exploitant la diversité génétique cachée des raisins, on pourrait prendre une longueur d’avance et sauver notre vin.
Les raisins n’aiment pas le froid. Aujourd’hui, les principales régions vinicoles du Canada sont la péninsule du Niagara et la vallée de l’Okanagan (car les températures y sont plus douces) ainsi que le Québec et la Nouvelle-Écosse. Le climat, le type de sol et la proximité à des plans d’eau ont tous une influence sur la façon dont les différentes variétés de raisins poussent et mûrissent, donc sur la qualité du vin qu’elles produisent.
De gros contenants remplis de raisins pinot noir dans un établissement vinicole de la vallée de l’Okanagan, en Colombie-Britannique.
Jusqu’à la fin des années 1980, les raisins cultivés au Canada étaient des hybrides, développés dans des programmes de sélection plus tôt au début du siècle à partir de vignes indigènes de l’espèce Vitis labrusca. Ils ne faisaient pas de très bons vins, mais les vignes pouvaient survivre à nos hivers rigoureux. Par différents changements politiques et sociaux, la demande pour des vins de grande qualité a commencé à croître rapidement et un des moyens pour y répondre était de commencer à cultiver des raisins qui avaient fait leurs preuves, des variétés appartenant à l’espèce Vitis vinifera, et qui provenaient de zones de culture des climats froids de l’Europe. Voici des exemples de variétés de raisins européennes qui peuvent bien pousser ici : pinot noir, gamay, merlot, sauvignon blanc, riesling et chardonnay.
La superficie de culture des variétés de qualité moindre de l’espèce Vitis labrusca a donc été réduite. Même si on élabore maintenant de bons vins, l’espèce Vitis vinifera qui domine nos vignobles est plus vulnérable au mauvais temps et aux hivers rigoureux, et est mise à rude épreuve par les ravageurs et les maladies, comme le mildiou.
Notre industrie du vin est également en expansion grâce à des programmes de sélection qui continuent de créer de nouveaux croisements entre des espèces européennes et indigènes pour obtenir des vignes à raisins adaptées à nos hivers longs et froids. C’est-à-dire que certaines régions plus au nord, où il était impossible de cultiver des raisins à vin, peuvent maintenant s’investir et produire leurs propres vins.
Un des facteurs qui rendent les raisins plus vulnérables aux maladies et aux conditions climatiques extrêmes est la diversité génétique limitée de ce que nous cultivons. Car, pour maintenir une variété de raisins, il faut la reproduire par clonage ou boutures. Ce qui signifie que toutes les vignes sont presque toutes génétiquement identiques. Si une variété en particulier est vulnérable aux ravageurs ou aux maladies, et que ce ravageur est de plus en plus présent dans l’environnement, toutes les plantes peuvent être dévastées. Lorsqu’il y a diversité, les pertes sont moins terribles, car certaines plantes pourraient avoir une meilleure résistance naturelle. Puisque nous cultivons principalement les mêmes variétés qui ont été conservées depuis des siècles, nos anciennes variétés fiables ne sont pas adaptées à la variabilité que les changements climatiques leur imposent, engendrant de grosses pertes de rendement et de vignes.
Mais, il y a de l’espoir. Des études ont démontré qu’il y a beaucoup de diversité génétique cachée entre les espèces de raisins et entre leurs variétés. C’est-à-dire, grâce à des efforts de sélection, on peut maintenant croiser des espèces et des variétés qui en créent de meilleures, qui peuvent résister à des maladies et à des ravageurs problématiques, et qui sont mieux adaptées pour survivre aux climats rigoureux; mais qui présentent encore la saveur et la qualité auxquelles on s’attend des vieux classiques.
Certains programmes de sélection (site Web anglais) cherchent à utiliser des technologies plus avancées, comme l’édition génomique CRISPR pour apporter des changements à des variétés populaires, sans avoir à croiser de multiples parents. On peut ainsi éviter de trop changer la variété en introduisant des gènes qu’on ne veut pas vraiment.
Bien que les efforts de sélection se fassent en continu, le défi de l’adaptation climatique de notre industrie du vin réside dans l’acceptation des vignerons et des consommateurs. Le vin est un de ces produits pour lesquels la reconnaissance du nom est recherchée et l’industrie entière repose sur son appréciation. De plus, les vignerons sont grandement investis dans ce qu’ils cultivent déjà, donc l’adoption de nouvelles variétés prend beaucoup de temps et n’est pas nécessairement attrayante financièrement.
Cependant, pour la viabilité à long terme de nos industries du vin, nous, les consommateurs, pourrions jouer un rôle tout simplement en éveillant nos papilles à de nouvelles saveurs et en ouvrant notre esprit aux raisins moins connus !
Par : Renée-Claude Goulet
Le nouveau spectromètre de fluorescence des rayons X d’Ingenium
Dans un article de 3 Choses précédent, j’ai parlé de la façon dont les restaurateurs utilisent une vision de « superhéros », comme la vision par rayons X, pour voir à l’intérieur, de près et à travers les artefacts. Mais, saviez-vous que les rayons X peuvent également aider les restaurateurs à identifier les matériaux et la composition chimique des artefacts dans leurs collections ?
Jacqueline Riddle, restauratrice, analysant un artefact à l’aide du spectromètre XRF portatif d’Ingenium.
Dans le laboratoire de conservation d’Ingenium, nous avons récemment commencé à utiliser un spectromètre de fluorescence des rayons X (XRF pour faire court) portatif pour l’analyse des artefacts. Le XRF est un outil puissant qui peut révéler les éléments chimiques contenus dans un matériau. Cette technologie est précise pour tous les éléments plus lourds que le lithium (Li) et plus légers que l’uranium (U) sur le tableau périodique.
Le XRF bombarde un matériau de rayons X, causant le matériau à devenir fluorescent et à produire des rayons X secondaires. Les rayons X secondaires sont uniques à chaque élément chimique et agissent comme des « empreintes digitales » pour établir de quoi se compose un objet. En bref, on peut passer un artefact sous le XRF et savoir indubitablement s’il s’agit d’or véritable ou faux, si un plastique contient du plomb ou du cadmium, ou de quel type d’acier inoxydable il s’agit.
Cette technique est excellente pour quelques raisons dans l’analyse des artefacts muséaux. Elle est non destructrice, c’est-à-dire qu’on peut l’utiliser sans endommager l’artefact de quelque façon que ce soit. Elle est également rapide, fournissant les données en quelques minutes seulement. De plus, nous croyons que l’appareil ressemble à une arme de la série Star Trek, ce qui plaît à notre « nerd » intérieur et nous donne vraiment l’impression d’être des durs à cuire quand nous l’utilisons.
Les restaurateurs ont analysé ce terminal d’ordinateur AEL Microtel à l’aide d’un spectromètre XRF portatif et ont déterminé que du brome est présent dans le boîtier de plastique afin d’être résistant au feu (numéro d’artefact 1988,0274).
Une des choses les plus géniales que nous ayons vues jusqu’à maintenant à l’aide de notre XRF portatif est la présence de brome (Br) dans le boîtier de plastique de ce terminal d’ordinateur pour décoder les graphiques Telidon de AEL Microtel . Le brome était autrefois ajouté aux plastiques pour accroître leur résistance au feu. Les anciens ordinateurs pouvaient devenir très chauds, alors il était logique d’utiliser du plastique bromé pour les construire. Les plastiques bromés jaunissent rapidement au fil du temps, donc confirmer la présence de brome aide les restaurateurs à développer des plans de conservation à long terme pour ce genre d’artefacts.
Le XRF s’est révélé être un outil analytique précieux qu’on utilise dans de nombreux contextes et milieux industriels pour étudier des éléments et des substances. Ici, dans le laboratoire de conservation d’Ingenium, nous avons la chance d’avoir cette technologie utile à portée de main lorsque nous travaillons avec la collection afin de découvrir et de dévoiler les secrets de nos artefacts que l’œil humain seul ne peut pas voir.
Aller plus loin :
Apprenez-en davantage sur le XRF ici.
Le personnel d’Ingenium a dû passer des examens auprès de l’Organisme de certification national en essais non destructifs de Ressources naturelles Canada (RNCan) afin de garantir une utilisation sécuritaire de l’instrument. Découvrez-en plus sur la certification d’opérateur d’analyseur à fluorescence rayons X de RNCan ici.
Vous souhaitez explorer une perspective différente sur le tableau périodique des éléments ? Jetez un coup d’œil à ce tableau périodique tridimensionnel de la collection d’Ingenium.
Par : Jacqueline Riddle
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