Initiative Femmes en STIM : entretien avec Crystal McLellan
Selon l’astronaute et neurologue canadienne Roberta Bondar, l’exploration n’est pas une activité dont on peut prendre sa retraite, mais un principe qui guide la vie d’une personne. Nous devons absolument nourrir le sentiment de continuité, c’est-à-dire nous efforcer d’innover, alors que nous célébrons, pendant le Mois de l’histoire des femmes, les réalisations des femmes qui nous ont précédées.
Dans le cadre de son initiative Femmes en STIM, Ingenium raconte l’histoire de celles qui ont osé penser différemment afin d’engager une conversation sur l’égalité des sexes et d’inciter les femmes à faire carrière en science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM). De même, le Programme de développement de carrière Dre Roberta Bondar permet aux femmes qui travaillent dans les STIM de réseauter avec des pairs et des leaders de leur domaine d’activité, et de bénéficier d’une perspective privilégiée sur les secteurs canadiens des sciences et de la technologie.
Ce mois-ci, Réseau Ingenium trace le portrait de plusieurs Canadiennes talentueuses qui participent au Programme de développement de carrière Dre Roberta Bondar. Aujourd’hui, nous vous présentons Crystal McLellan, spécialiste en biologie moléculaire et en biochimie des protéines. Grâce à ses travaux, elle espère contribuer à la mise au point de traitements ou de remèdes pour soigner les personnes atteintes de sclérose latérale amyotrophique (SLA), ou maladie de Lou Gehrig.
Réseau Ingenium (RC) : Parlez-moi de votre travail en biologie moléculaire et en biochimie des protéines. Où travaillez-vous et en quoi consiste l’un de vos projets actuels?
Crystal McLellan (CM) : J’ai étudié ces matières en préparant mon diplôme de premier cycle en sciences médicales et mon doctorat en biochimie. Au laboratoire, je me sers de mes connaissances pour déterminer comment et pourquoi les biomolécules interagissent afin de mieux comprendre le fonctionnement des êtres vivants.
Je travaille actuellement au Robarts Research Institute de l’Université Western comme technicienne en recherche. Notre groupe cherche à comprendre les mécanismes moléculaires de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), aussi appelée maladie de Lou Gehrig. Celle-ci se caractérise par la mort des motoneurones, ce qui entraîne une atrophie musculaire et une perte de motricité volontaire. Nous étudions la présence de biomolécules particulières, appelées microARN, dans les tissus du cerveau et de la moelle épinière de patients atteints de SLA. Nous nous attendons à observer des différences dans la quantité de ces microARN présents dans les motoneurones du cerveau responsables des mouvements des yeux et dans ceux de la moelle épinière responsables de la plupart des autres fonctions motrices. La plupart des personnes atteintes de SLA peuvent continuer de bouger les yeux à un stade avancé de la maladie. Alors, nous désirons comprendre pourquoi les motoneurones qui contrôlent les mouvements des yeux sont protégés, alors que les motoneurones de la moelle épinière ne le sont pas. Nous espérons que cela permettra de mettre au point de meilleurs traitements pour les personnes atteintes de la maladie.
Au Robarts Research Institute, Crystal McLellan utilise un microscope confocal Leica pour détecter des microARN marqués par fluorescence dans des tissus atteints de SLA.
RI : Une personne en particulier vous a-t-elle inspiré votre parcours scolaire et votre carrière, incitée à faire ces choix?
CM : Durant la dernière année de mon programme de premier cycle, j’ai mené un projet de recherche autonome et rédigé une thèse dans laquelle je présentais mes travaux. J’ai obtenu la meilleure note de ma cohorte dans ce cours, et le directeur de mon projet m’a incitée à m’orienter vers la recherche universitaire. J’ai décidé d’accepter un poste de technicienne de laboratoire dans son groupe, tout en envisageant d’autres possibilités de carrière, comme l’enseignement. Pendant cette période, le corps professoral a remarqué mes aptitudes pour la recherche et j’ai commencé à éprouver une fascination pour les découvertes scientifiques. Les professeurs et mon directeur m’ont encouragée à entreprendre des études de doctorat. J’ai donc décidé de suivre leurs conseils et d’assouvir mon désir de poursuivre ma formation. Leur confiance et leurs louanges ont joué un grand rôle dans ma décision. En dépit des difficultés que j’ai éprouvées tout au long de mes études supérieures, l’expérience s’est révélée exceptionnellement enrichissante et je leur serai toujours reconnaissante de leurs encouragements.
RI : Parmi les femmes présentées par la série d’affiches Femmes en STIM, y en a-t-il une qui vous inspire?
CM : La série d’affiches produites par Ingenium sur les femmes en STIM présente les récits et réalisations fantastiques de scientifiques canadiennes très brillantes. Je suis immensément fière de travailler dans le même domaine que ces femmes extraordinaires.
Les travaux de la Dre Irene Ayako Uchida m’inspirent. Cette généticienne a découvert, grâce à la cytogénétique, que les rayons X pouvaient provoquer des anomalies chromosomiques et des malformations congénitales, et elle a été décorée de l’Ordre du Canada. La Dre Brenda Milner est une neuropsychologue, dont les travaux de recherche ont fusionné les neurosciences et la psychologie et mené à des découvertes sur les mécanismes de la mémoire dans le cerveau. Elle est une autre source d’inspiration, car à l’âge de 100 ans, elle continue d’apporter sa contribution au domaine! J’envie également le génie des jeunes femmes présentées dans cette série d’affiches, comme Ann Makosinki, Hayley Todesco et Maayan Ziv. Je suis avec plaisir leur cheminement professionnel, alors qu’elles laissent leur empreinte dans leur domaine.
Je félicite également les Canadiennes responsables de la santé publique durant cette pandémie de la COVID-19. Je suis consciente du fardeau qui pèse sur elles en ce moment et je salue leurs efforts pour assurer notre sécurité en ces temps de grande incertitude.
RI : Racontez-nous une des difficultés ou un des préjugés que vous avez dû surmonter durant votre parcours professionnel.
CM : Après avoir obtenu mon doctorat, j’ai fondé une famille et mis ma carrière en veilleuse pour élever mes enfants. Je suis restée à l’écart de la communauté scientifique pendant environ sept ans. Pour ma famille, cette période a été remplie de moments formidables, mais j’ai dû chaque jour faire face à la peur et au doute. Les difficultés d’un retour à la recherche après une longue période, en particulier sans expérience postdoctorale, étaient imposantes. J’avais du mal à convaincre les employeurs que j’étais toujours intéressée par la science et compétente dans mon domaine. Je n’étais pas admissible aux concours postdoctoraux, et il était peu probable que je trouve un poste de postdoctorante, vu mon absence prolongée du milieu de la recherche. J’ai songé à abandonner complètement les STIM pour échapper au problème de ma surqualification pour de nombreux postes offerts dans ma région et de mon long hiatus professionnel. Après plusieurs mois de recherche, j’ai accepté avec plaisir un poste de technicienne en recherche à l’Université Western afin de démontrer que mes compétences en STIM étaient encore solides et pertinentes.
RI : Quels sont vos plans pour la suite de votre carrière?
CM : J’ignore encore où mon parcours professionnel me mènera. Je possède une grande expérience dans le domaine de la recherche universitaire et je me vois bien travailler au sein de mon groupe actuel ou d’un autre dont les champs d’intérêt cadreraient avec les miens et mes compétences. Si une possibilité d’avancement se présentait dans le milieu universitaire, par exemple en gestion de la formation, je l’envisagerais certainement. Toutefois, je suis également réceptive à l’idée d’occuper un poste qui ne serait pas axé sur la recherche, dans le secteur public ou privé et en particulier dans les STIM, et qui impliquerait des fonctions de direction. Grâce à ma formation, je sais faire preuve d’esprit critique et je suis en mesure de prendre des décisions de manière autonome et de bien communiquer avec les gens, autant de compétences précieuses pour exercer des fonctions de direction. Comme je possède de solides bases en science, en recherche et en gestion de laboratoire, je suis disposée à explorer les domaines de la santé ou de l’édition scientifique.
Peu importe où ma carrière me mènera, je suis reconnaissante des encouragements, du soutien et de la formation que m’ont offerts les participantes, les organisateurs et les promoteurs de l’édition 2020 du Programme de développement de carrière Dre Roberta Bondar destiné aux femmes en STIM.
RI : Quels conseils donneriez-vous à une jeune fille qui voudrait marcher sur vos traces?
CM : J’ai quelques suggestions pour les jeunes filles qui s’intéressent aux sciences ou à la résolution de problèmes et qui aimeraient éventuellement faire carrière comme chercheuses scientifiques. Vous seules savez quels conseils conviennent à votre réalité. Alors, prenez les suggestions qui vous semblent pertinentes et ignorez les autres.
• Évaluez chaque jour vos centres d’intérêt et intéressez-vous à de nouvelles activités ou de nouveaux sujets pour préciser ce que vous aimez faire.
• Soyez fières de vos réalisations afin de gagner en confiance.
• Persévérez, même dans les moments difficiles où vous ne répondez pas aux attentes. Racontez ces expériences à vos amis, parents, enseignants ou mentors afin d’en tirer des leçons.
• Renseignez-vous sur les bourses d’études, les prix, les possibilités de bénévolat et les groupes éducatifs à votre école et à l’extérieur de celle-ci, et posez votre candidature.
• Exercez-vous à parler en public chaque fois que cela est possible afin d’apprendre à bien communiquer vos idées.
• Favorisez le travail d’équipe. Si vous avez besoin d’aide, adressez-vous aux membres de votre entourage susceptibles de connaître la réponse et demandez conseil. C’est quand tout le monde travaille ensemble que les objectifs peuvent être atteints.
• Soyez patientes, et vos efforts seront reconnus!