Mois du patrimoine asiatique : entretien avec Anna Jee
Dans le cadre de son initiative Femmes en STIM, Ingenium raconte l’histoire de celles qui ont osé penser différemment afin d’engager une conversation sur l’égalité des sexes et d’inciter les femmes à faire carrière en science, technologie, ingénierie et mathématiques (STIM).
Pour souligner le Mois du patrimoine asiatique, le Réseau Ingenium a rencontré Anna Jee, une jeune femme ambitieuse qui vise une carrière dans l’industrie spatiale. Le profile d’aujourd’hui présente ses aspirations, les défis qu’elle doit surmonter et ses réflexions à titre de Canadienne d’origine asiatique.
Réseau Ingenium (RC) : Parlez-moi de votre domaine d’expertise. Racontez un peu où vous travaillez et présentez-nous un de vos projets actuels.
Anna Jee (AJ) : Je suis étudiante de troisième année en génie électrique à l’Université du Nouveau-Brunswick. En septembre, j’ai travaillé à l’Agence spatiale canadienne (ASC) comme stagiaire à la gestion de projet, pour le secteur de l’Utilisation de l’espace. C’est une chance unique dans une vie. Mon travail portait sur des éléments de la gestion de projets dans le cadre de missions satellitaires. L’un des projets sur lequel j’ai travaillé était la mission A-CCP (A-CCP pour « Aerosol – Clouds, Convection, and Precipitation » ou Aérosols – Nuages, convection et précipitations), une mission potentielle de la NASA pour observer les effets des aérosols et les nuages sur l’atmosphère de façon à améliorer les méthodes employées au cours des missions précédentes. Cette mission fournira des données essentielles permettant de surveiller la pollution atmosphérique et d’améliorer les prédictions météorologiques à court terme, mais aussi de mieux prévoir les conditions climatiques à long terme. LA NASA a invité le Canada à mettre au point trois instruments de pointe pour cette mission. Pendant que je travaillais sur cette mission, j’ai été impliquée au niveau des trois instruments canadiens potentiels : ALI, SHOW et TICFIRE.
RI : Une personne en particulier vous a-t-elle inspiré votre parcours scolaire et votre carrière, incitée à faire ces choix?
AJ : Ma sœur et mes parents, qui sont extraordinaires! Même s’ils n’ont pas étudié en génie et s’ils ne travaillent dans le secteur de l’espace, ils m’ont toujours encouragée à voir grand et à poursuivre ma passion, même si elle me semblait inatteignable pour la jeune fille que j’étais, venue d’une petite municipalité du Canada atlantique. Je rêve de travailler pour l’ASC depuis que j’ai vu un documentaire sur le télescope spatial James-Webb, il y a des années. Quand j’ai reçu l’offre de l’ASP pour travailler comme interne, j’ai d’abord hésité, parce que je n’étais pas certaine de mes compétences ou de mériter une telle chance. Mais le soutien et les encouragements de ma famille m’ont donné le courage de me lancer dans cette aventure d’une vie, et je suis VRAIMENT contente de l’avoir fait!
RI : Parmi les femmes présentées par la série d’affiches Femmes en STIM, y en a-t-il une qui vous inspire?
AJ : Natalie Panek est une des femmes qui m’inspirent. Elle est tellement cool! J’espère vivre ma vie avec autant d’entrain qu’elle. La conférence qu’elle a prononcée dans le cadre de TEDxToronto dans laquelle elle parlait de nettoyer les débris spatiaux qui orbitent autour de la Terre m’a ouvert les yeux. Je me suis mise à réfléchir au problème de la durabilité dans l’espace. Tout ce qu’elle accomplit et les projets de carrière dans lesquels elle s’implique sont une telle source d’inspiration pour les jeunes femmes. J’espère seulement que ma carrière suivra un tant soit peu celle de Natalie.
RI : Racontez-nous une des difficultés ou un des préjugés que vous avez dû surmonter durant votre parcours professionnel.
AJ : J’ai toujours été habitée par le doute et par le sentiment de ne pas être à la hauteur, et le syndrome de l’imposteur a hanté tout mon parcours professionnel. Comme j’étais entourée de compagnons de classe et de collègues brillants, j’ai toujours présumé que tous mes succès dans la vie étaient dus à la chance, plutôt qu’à mon talent et à mes qualifications.
Je peine encore parfois à me défaire de cette impression, mais le fait d’en parler à des amis chers, en plus de mon stage d’interne à l’ASC, m’a aidée m’en sortir. À l’ASC, je suis supervisée par une personne extraordinaire qui apprécie toujours mes opinions et m’encourage à sortir de ma zone de confort. Ses encouragements m’ont donné la confiance nécessaire pour prendre des risques et m’ont permis de me rendre compte que oui, je mérite ce que j’obtiens par mon travail acharné. Si je suis arrivée là où j’en suis maintenant, ce n’est pas une question de chance!
RI : Quels sont vos plans pour la suite de votre carrière?
AJ : D’abord, je veux obtenir mon diplôme (je me croise les doigts pour mai 2023). Après, tout est possible! Pour moi, le succès se définit par le bonheur et la contribution à un monde meilleur. Si mon avenir répond à ces deux critères, je serai donc très heureuse. L’expérience que j’ai acquise à l’ASC a été vraiment positive. Par conséquent, je vise maintenant une carrière dans l’industrie spatiale, soit avec l’ASC, soit dans une entreprise de technologie spatiale, mais je n’en suis qu’à mes premiers pas, donc je prends ça un jour à la fois pour l’instant.
RI : Ce mois-ci, nous célébrons le Mois du patrimoine asiatique. Qu’est-ce que cela signifie pour vous?
Pour moi, le Mois du patrimoine asiatique est une occasion d’en apprendre davantage sur mon patrimoine coréen et d’améliorer ma connaissance de la langue. Je suis née au Canada et j’ai grandi ici. Je suis donc passée à côté de la culture, des valeurs et des traditions coréennes avec lesquelles mes parents ont grandi. J’ai donc toujours eu l’impression qu’il me manquait quelque chose. Pendant le Mois du patrimoine asiatique, j’espère me rattraper en explorant le patrimoine coréen et l’histoire que je n’ai jamais apprise.
RI : Récemment, les nouvelles rapportent une prévalence alarmante du racisme visant les personnes d’origine asiatique. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet, ou des expériences à raconter?
AJ : Ça me brise le cœur. C’est très dérangeant, car je m’inquiète toujours pour ma famille, mes amis et mes collègues lorsqu’ils font de simples sorties en public. Quand je sors moi-même, je prends certainement des précautions supplémentaires, et je suis plus consciente de ce qui se passe autour de moi. Mais j’ai beaucoup d’espoir! Des gens prennent le temps de faire de la sensibilisation, de s’informer sur des expressions qui passaient autrefois pour normales et de nourrir la discussion sur ce que nous pouvons tous faire pour appuyer les communautés minoritaires.
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