3 choses à savoir sur les tremblements de Mars, l'urine comme produit utile et la chimie de la rhubarbe
Voici Renée-Claude Goulet, Cassandra Marion et Michelle Campbell Mekarski.
Ces conseillères scientifiques d’Ingenium fournissent des conseils éclairés sur des sujets importants pour le Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada, le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada et le Musée des sciences et de la technologie du Canada.
Dans cette captivante série mensuelle de billets publiés sur le blogue, les conseillères scientifiques d’Ingenium présentent des « pépites » d’information insolite en lien avec leur champ d’expertise respectif. Michelle Campbell Mekarski a invité Jacqueline Riddle, restauratrice chez Ingenium, à contribuer. Ce mois-ci, nos experts expliquent comment les tremblements de mars peuvent nous renseigner sur l'intérieur de la planète, comment la chimie de l'urine en fait un produit utile et comment les substances chimiques contenues dans la rhubarbe peuvent affecter notre corps.
Image captée par une caméra à bord du module atterrisseur InSight de la NASA, représentant le sismomètre qui y est connecté.
Les séismes martiens permettent de mieux saisir l’intérieur de la planète
Pour la première fois, des observations directes d’ondes sismiques ont été détectées à l’intérieur d’une autre planète. Une paire de séismes détectés sur Mars en 2021 par l’atterrisseur InSight de la NASA montre que le noyau de la planète – la couche la plus interne – est plus petit et plus dense que ce que l’on croyait jusqu’à maintenant.
La mission InSight, dirigée par la NASA, avait pour objectif d’étudier l’intérieur, la structure et les propriétés physiques de Mars. Son instrument SEIS, représenté ci-dessus, est un séismomètre en forme de dôme posé sur la surface de Mars pour détecter les ondes sismiques ou les vibrations. En quelque sorte, il écoutait les battements de cœur de la planète. Il était tellement sensible qu’il arrivait même à capter de minuscules secousses découlant de glissements de terrain et de phénomènes météorologiques, comme la présence de tourbillons de poussière à la surface non loin de lui.
Bien que la mission ait pris fin en décembre 2022, les chercheurs continuent d’examiner les données. Après quatre années terrestres sur la surface de Mars, l’instrument a détecté plus de 1 000 séismes, mais seulement deux en provenance de l’autre côté de la planète. Cet aspect est important, car plus le séisme est éloigné, plus les ondes sismiques voyagent profondément dans la planète avant d’être détectées. Les ondes changent au fil de leur parcours à travers plusieurs matières. Pour caractériser les propriétés de l’intérieur de la planète Mars, les chercheurs ont comparé les temps de parcours des ondes se déplaçant dans le noyau à ceux des ondes se déplaçant dans le manteau (la couche intermédiaire). Ces détections ont permis aux chercheurs d’actualiser les estimations de l’intérieur, de la densité et de la composition de la planète. Ils ont ainsi conclu que Mars comporte un noyau en alliage de fer liquide enrichi en éléments plus légers d’un diamètre d’environ 3 560 km.
L’un des séismes de la face cachée de la planète, d’une magnitude de quatre, découle d’un impact météoritique par un projectile d’une largeur de 12 mètres, comme l’indiquent les observations d’un cratère de formation récente d’un diamètre de 150 km faites à partir de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter. L’impact se révèle significatif, car il marque un point d’origine des ondes détectées, en plus d’avoir excavé et exposé des blocs de glace sous la surface.
Avec un peu de chance, les futurs sismomètres nous en révéleront davantage sur l’intérieur de la planète Mars et d’autres corps du système solaire, pour nous permettre de mieux comprendre la nature des matières qui ont formé la planète et son évolution.
Aller plus loin
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Article de recherche : First observations of core-transiting seismic phases on Mars (Premières observations de phases sismiques en transit dans le noyau de la planète Mars)
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Écoutez les sons enregistrés par InSight en décembre 2021 durant un séisme martien provoqué par l’impact d’une météorite.
Par Cassandra Marion
Les pétioles de rhubarbe – la partie que nous mangeons – relient la feuille au système racinaire. Il est préférable d’arracher le pétiole à partir du sol plutôt que de le couper près de la base.
Chimie de la rhubarbe : pourquoi ne mange-t-on pas le feuillage et les racines?
La rhubarbe, l’une des premières plantes à apparaître au printemps et la première à être récoltée, est un classique de début d’été au Canada! Il y a deux raisons pour lesquelles il ne faut pas manger les racines ni les feuilles de la rhubarbe, principalement connue pour ses pétioles – souvent appelés à tort tiges ou bâtons. Par contre, avec beaucoup de sucre, les pétioles peuvent être délicieux!
L’histoire fascinante et compliquée de la rhubarbe tient au fait qu’elle renferme une pharmacie surprenante! C’est son importance en tant que plante médicinale, puis alimentaire, qui est à l’origine de son arrivée dans nos jardins et nos arrière-cours depuis l’Asie. Avant que nous ne commencions à manger les pétioles de rhubarbe, la plante était prisée pour sa racine, utilisée à des fins médicinales. Cette racine renferme un composé que notre corps transforme en un nouveau produit du nom de rhéine anthrone (d’après le nom latin de la rhubarbe, Rheum). La rhéine anthrone augmente la quantité d’eau dans les selles et provoque la contraction et le relâchement des intestins… ce qui en fait un excellent laxatif. Les laxatifs demeurent, de nos jours, un type de médicament utile, mais que l’on n’a pas avantage à consommer sans le savoir. Heureusement, il n’y a pas assez de composés de rhéine anthrone dans les pétioles pour nous donner la diarrhée, alors ne vous gênez pas pour en manger, mais évitez les racines!
Quant aux feuilles, la plupart des propriétaires de chiens et de chats savent qu’il ne faut pas laisser les animaux en manger, pour la même raison que nous ne devons pas non plus les consommer. Les feuilles de rhubarbe renferment de l’acide oxalique, que l’on trouve également en grande quantité dans d’autres aliments végétaux, comme les épinards, les betteraves, le thé, le cacao et l’amarante. Dans notre corps, l’acide oxalique se lie au calcium, épuisant ainsi le calcium nécessaire à nos fonctions corporelles. De plus, ce composé d’acide oxalique et de calcium peut s’accumuler dans nos reins, provoquant ainsi de redoutables calculs rénaux. En grande dose, l’acide oxalique est toxique pour les humains, mais il faudrait tout de même que’une personne mange plusieurs kilos de feuilles de rhubarbe pour en mourir. En plus faible quantité, la substance peut tout de même causer des symptômes comme de la diarrhée et des vomissements. Les risques d’intoxication par les feuilles de rhubarbe sont plus élevés chez les enfants et les animaux domestiques, puisqu’une plus petite dose suffit à les rendre malades.
De nombreuses recherches ont cours pour approfondir les effets de la rhubarbe sur la santé et bien d’autres usages médicinaux sont à l’étude, comme ses éventuelles activités antibactériennes, antitumorales et anti-inflammatoires. Qui sait quelle sera la prochaine grande découverte médicinale découlant de la rhubarbe? Mais, en attendant, mieux vaut profiter de la rhubarbe comme délicieux ajout à nos pâtisseries!
Aller plus loin
- Découvrez-en plus sur l’élan de popularité qu’a connu la rhubarbe au 18e siècle et sur les raisons pour lesquelles on recherchait tant les laxatifs (disponible en anlgais seulement) : https://oldoperatingtheatre.com/gold-silver-and-rhubarb-britains-mystery-wonder-drug-that-became-its-favourite-pudding/
- Découvrez comment des plantes comme la rhubarbe qui poussent à l’état sauvage constituent une preuve concrète de la colonisation du Nord du Canada (disponible en anlgais seulement) : https://canadiangeographic.ca/articles/the-surprising-links-between-people-and-plants-in-the-north/
Par Renée-Claude Goulet
Reproduction of a 1700s urine flask, on display at the Canada Science and Technology Museum (Artifact no. 2017.0056)
Comment les artisans d’antan utilisaient la chimie de l’urine
Nous avons l'habitude de considérer l'urine comme un déchet, le « numéro 1 » qu'il faut évacuer avec le « numéro 2 » nauséabond. À l'occasion, nous pouvons faire pipi dans un gobelet (ou, dans les années 1700, dans une fiole comme celle de l'exposition Les sens et la médecine du Musée des sciences et de la technologie du Canada) et le donner à un médecin pour un examen annuel ou pour diagnostiquer une maladie. Mais, au-delà de ses usages médicaux, les humains du 21e siècle ne considèrent généralement pas l'urine comme étant un produit utile.
Les artisans d’antan, par contre, connaissaient la valeur de cet « or liquide ». Ils conservaient l’urine, la faisaient vieillir et l’utilisaient dans la fabrication de divers produits. L’urine renferme un mélange de composés chimiques qui la rendaient utile pour les artistes, les dinandiers, les teinturiers et les tanneurs. De façon plus particulière, l’urée que renferme l’urine se transforme en ammoniac une fois la substance vieillie, ce qui la rend chimiquement pratique pour une diversité de procédés.
L’urine vieillie peut être utilisée pour la teinture naturelle des textiles. L’ammoniac qu’elle renferme fait office de mordant, une substance qui fixe la teinture dans le tissu. Les mordants créent une affinité chimique, enveloppant et liant solidement les molécules de teinture au tissu. Sans mordants, les teintures naturelles disparaîtraient au premier lavage. Anciennement, dans de nombreuses maisonnées, on conservait l’urine des pots de chambre et on l’utilisait pour teindre les vêtements confectionnés à la maison. L’urine pouvait aussi être utilisée pour nettoyer et assouplir les tissus. En fait, elle était tellement utile dans l’industrie textile que les ouvriers hollandais du 16e siècle étaient invités à apporter leur pot d’urine matinale au travail.
L’urine était également utilisée, à l’époque, dans la production de nombreux pigments. Plusieurs recettes de fabrication du vert-de-gris, un pigment vert à base de cuivre, mentionnent l’utilisation de l’urine, dont celle de Pline l’Ancien (1er siècle après J.-C.) qui recommande l’usage de « l’urine d’un jeune garçon ». Une autre recette, tirée de l’ouvrage médiéval européen Mappæ Clavicula, mentionne une combinaison de cuivre, de miel, de bois de chêne et d’urine humaine marinée durant 14 jours pour produire un pigment vert. L’utilisation de l’urine n’est toutefois pas strictement réservée aux pigments verts. Anciennement, la production du pigment jaune indien, utilisé à profusion dans les peintures Ragamala, dans l’Inde du 15e au 18e siècle, reposait également sur l’urine, en l’occurrence, de l’urine de vaches nourries exclusivement de feuilles de manguier.
Toit en cuivre de l’édifice Ouest du Parlement durant les récentes rénovations. On y remarque une nouvelle partie en cuivre brillant et la partie ancienne en cuivre vert
Plus près de nous, à la fois temporellement et géographiquement, les dinandiers d’Ottawa ont aussi tiré profit de la chimie de l’urine lors de la construction des bâtiments du Parlement. Les personnes ayant récemment visité Ottawa auront peut-être remarqué la toiture en cuivre brillant de l’édifice Ouest du Parlement, qui vient d’être rénové. D’ici une trentaine d’années, ce cuivre brillant va lentement brunir, puis verdir par une lente réaction chimique avec l’oxygène, le dioxyde de carbone, les composés sulfurés et l’humidité de l’air. Mais, de toute évidence, les premiers dinandiers qui ont construit le Parlement étaient moins patients. Ils répandaient de l’urine de cheval, un produit facile à trouver, sur les nouveaux toits en cuivre pour accélérer la formation de la patine verte.
Autant d’applications utiles et nous nous contentons de nous débarrasser de tout cet or liquide en tirant la chasse d’eau… De quoi avoir « envie » de dénoncer un tel gaspillage!
Par Jacqueline Riddle
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