« Attirer la progéniture d’Adam » afin de lui faire « Acheter des fruits impériaux d’ici et d’outremer » – L’édition de 1929 de l’Imperial Fruit Show et le rôle joué par le Dominion du Canada dans cet événement britannique majeur, partie 2
Bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue dans cette 2ème partie de notre si savoureux article sur l’édition 1929 de l’Imperial Fruit Show, tenue à Birmingham, Angleterre, fin octobre et début novembre, et sur le rôle joué par le Dominion du Canada et ses produits dans cet événement fruitier britannique majeur.
Commençons-nous? Vermouilleux!
Vous aimez cette publicité, n’est-ce pas, ami(e) lectrice ou lecteur? Si, c’est vrai. Ne le niez pas. Vos oreilles remuent lorsque vous bobardez. Voici une autre publicité liée à l’édition 1929 de l’Imperial Fruit Show…

Une publicité publiée par John Forsyth Smith, le Commissaire du commerce des fruits du gouvernement canadien, pour promouvoir, des mots traduits ici, « les glorieuses pommes du Canada […] inégalées en termes de couleur, douceur et valeur! » Anon., « Canadian Government Fruit Trade Commissioner. » Birmingham Gazette, 25 octobre 1929, 3.
À mesure que la date d’ouverture de l’Imperial Fruit Show approche, les préparatifs pour son ouverture officielle commencent à prendre leur forme définitive. L’individu qui devrait faire les honneurs serait le prince George, duc de Kent, né George Edward Alexander Edmund de la maison Saxe Coburg and Gotha.
Croiriez-vous que ce membre de la famille royale britannique s’envole pour Birmingham le jour de l’ouverture? Eh bien, il le fait.
Bien qu’il soit un pilote privé de fraîche date, le bon prince ne pilote cependant pas la machine biplace de la Royal Air Force en question, un aéronef à usage général (reconnaissance, observation, bombardement léger, etc.) Westland Wapiti légèrement modifié (et non armé?) si vous voulez le savoir. Enfin, du moins pas officiellement.
Un second Wapiti, équipé de la même façon, transporte le Comptroller of the Household du prince, un courtisan du nom de James Ulick Francis Canning Alexander.
Croiriez-vous que ces deux machines sont les premiers aéronefs spécifiquement utilisés pour transporter des membres de la famille royale britannique, et / ou des membres de leur entourage? Et oui, c’est environ 7 ans avant la création du King’s Flight, la première unité aérienne de chefs d’état sur la planète Terre, en juillet 1936.
Avant que je ne l’oublie, en 1929, la famille royale britannique avait bien sûr changé de nom de famille, un changement effectué en juillet 1917, alors que la Première Guerre mondiale fait rage, passant d’un Saxe Coburg and Gotha par trop germanique à un Windsor plus anglais, mais revenons à notre histoire.
Les cérémonies d’ouverture de l’édition 1929 de l’Imperial Fruit Show se déroulent à merveille.
Il est intéressant de noter que le ministre de l’Agriculture, oui, le ministre britannique, ne figure pas parmi les personnalités très importantes présentes à l’ouverture du salon. Nenni, il n’y est pas.
Voyez-vous, Noel Edward Buxton est à Londres, Angleterre, le 25 octobre, à un marché aux bestiaux, afin d’accompagner un autre membre de la famille royale, plus important, l’héritier du trône, autrement dit le très populaire prince de Galles, né Edward Albert Christian George Andrew Patrick David de la maison Saxe Coburg and Gotha, alors que ce dernier marque du bœuf britannique à l’abattoir de ce marché.
Les marques en question sont apposées dans le cadre d’un système national de marques qui identifie les produits alimentaires britanniques, un système mis en œuvre sur au moins certains items au plus tard en septembre 1928.
Et oui, le Prince de Galles est bien mentionné dans les numéros d’août 2023 et d’août 2024 de notre blogue / bulletin / machin égalitaire, mais revenons à notre histoire.

Le prince George, duc de Kent, 4ème à partir de la gauche, et certains des dignitaires qui l’accueillent à l’Imperial Fruit Show, Birmingham, Angleterre. De gauche à droite, le maire de Birmingham, l’échevin Wilfred Byng Kenrick; le président de l’Imperial Fruit Show, sir William George Lobjoit; l’épouse du maire, Nora Kenrick, née Beale; le prince George; et une étudiante non identifiée du Studley Horticultural and Agricultural College for Women de Studley, Angleterre, près de Birmingham. Anon., « Prince George Comes to Birmingham by Aeroplane. » Birmingham Gazette, 26 octobre 1929, 12.
Buxton étant sur la touche, le secrétaire parlementaire du Ministry of Agriculture, un médecin anglais du nom de Christopher Addison, est présent lorsque le prince George prononce son discours. Ce dernier est éloquent, même s’il n’avait probablement pas écrit le dit discours.
Comme on s’y attend de lui, le prince jette un œil à l’Imperial Fruit Show. Un entourage conséquent l’accompagne et / ou le suit pendant cette visite d’une trentaine de minutes.
Alors qu’il passe devant un stand représentant un navire déchargeant un chargement de fruits, le prince George, un officier actif de la Royal Navy jusqu’en mars 1929, je pense, rend très sérieusement le salut tout aussi sérieux d’un jeune garçon habillé en aspirant civil.
Sur une note moins sérieuse, une note quasi biblique si j’ose dire (taper?), le jeune prince, il a presque 27 ans en octobre 1929, accepte la pomme que lui offre Mary Godwin, autrement dit Miss Canada, née Guinevere Eileen Goodman, de service au Palace of Beauty. Quelques photographes saisissent la scène mais, étant donné qu’ils ne sont pas tout à fait prêts à ce moment-là, ils ne sont pas sûrs que leurs images seraient très bonnes. Informé de la situation, le prince George accepte gracieusement de prendre la pose avec Godwin et la pomme.
Il boit aussi du cidre (alcoolisé?) à un autre endroit.
Une autre chose que le prince reçoit est un panier de fruits offert par le président de l’Imperial Fruit Show, l’homme politique / juge de paix local sir William George Lobjoit.
Et oui, le prince George voit sans doute la machine publicitaire électrique qui présente 6 affiches qui montrent des variétés de pommes canadiennes et 6 affiches portant des slogans illustrés par des illustrations cartoonesques.

L’interception du prince George par des étudiants de la University of Birmingham désireux d’obtenir son patronage pour leur Students’ Hospital Carnival. L’air chat grincheux du policier de la Birmingham City Police en arrière-plan mérite d’être noté. « Prince George Comes to Birmingham by Aeroplane. » Birmingham Gazette, 26 octobre 1929, 12.
Alors qu’il quitte le Bingley Hall, le bon prince est intercepté par des étudiants de la University of Birmingham désireux d’obtenir son patronage pour leur Students’ Hospital Carnival, une interception qui agace grandement des agents de la Birmingham City Police. Malgré cela, le jeune royal accepte volontiers d’acheter un badge de 5 shillings mais ne trouve que 3 shillings dans ses poches, des sommes qui correspondent à environ 24 $ et environ 14.50 $ en devises de 2025. Les étudiants prennent rapidement mais poliment son pognon.
Hum, et moi qui pensais que les membres de la famille royale britannique ne transportaient pas d’argent. Enfin…
Incidemment, le traditionnel cortège qui s’avère être un des points forts du susmentionné carnaval comprend un char allégorique élaboré fourni par les organisateurs de l’Imperial Fruit Show. Le dit char allégorique comprend un panier de fruits offert par la Birmingham Wholesale Fruit and Potato Merchants’ Association, le plus grand jamais vu à Birmingham, dit-on (tape-t-on?). Ce panier serait ensuite vendu par tirage au sort.
Pas moins de 18 340 billets sont vendus, soit dit en passant.
Vous serez bien sûr ravi(e) d’apprendre que la personne qui a le billet gagnant fait don du panier de fruits à un hôpital local, le Birmingham General Hospital.
Avant de prendre congé des bonnes gens de Birmingham, le prince George modifie son itinéraire en faisant une visite imprévue d’environ 40 minutes de l’usine d’une firme anglaise de fabrication de véhicules automobiles, Wolseley Motors (1927) Limited. Certains des ouvriers ne réalisent qui il est qu’après la fin de la visite.
Une brève digression si vous me le permettez. Croiriez-vous que, en 1918, ce qui est alors Wolseley Tool & Motor Car Company Limited, une filiale du géant industriel anglais Vickers Limited, fabrique des moteurs d’aéronef? Des versions sous licence d’un célèbre moteur d’aéronef français, le Hispano-Suiza 8, pour être plus précis.
Votre humble serviteur a porté ce détail à votre attention afin de vous faire remarquer qu’un Wolseley Viper est monté sur l’avion de chasse Royal Aircraft Factory S.E.5 du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, à Ottawa, Ontario.

Le prince George est vu ici montant à bord d’un aéronef à usage général Westland Wapiti de la Royal Air Force piloté par le commandant d’aviation David Sigismund Don, quelques minutes avant son départ de l’aérodrome de Castle Bromwich, Birmingham, Angleterre. Anon., « Prince George Comes to Birmingham by Aeroplane. » Birmingham Gazette, 26 octobre 1929, 12.
Croiriez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur, que l’aérodrome où le prince George atterrit et d’où il décolle, beaucoup plus tard que prévu, est l’aérodrome de Castle Bromwich? Si, si, Castle Bromwich, le site de l’immense usine où des avions de chasse Supermarine Spitfire et, dans une moindre mesure, des avions de bombardement Avro Lancaster sont produits en masse pendant la Seconde Guerre mondiale. Et oui, il y a 2 Spitfire et 1 Lancaster dans l’étonnante collection du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, mais revenons à notre histoire.
Parmi les dizaines de milliers de visiteuses et visiteurs qui arpentent le sol du Bingley Hall, il y a des groupes d’employés d’environ 300 firmes, situées à Birmingham ou plus loin, votre humble serviteur ne saurait dire, dont les employeurs organisent des visites de l’Imperial Fruit Show. Et non, je ne peux pas affirmer avec certitude si ces personnes doivent payer pour entrer. D’une certaine manière, j’en doute. J’espère aussi que leurs employeurs payent leurs billets d’autobus, autocars, trains ou tramways.
Incidemment, le prix d’entrée, taxes comprises, pour un adulte est de 1 shilling, une somme qui correspond à environ 4.80 $ en devises de 2025, une somme assez raisonnable compte tenu des droits d’entrée des musées nationaux du Canada de nos jours. Désolé, désolé.
Ce prix d’entrée, oui, celui de 1929, est réduit de moitié pour les enfants, et pour les adultes qui visitent le site entre 17 et 22 heures.
Une ou un adulte souhaitant accéder au Palace of Beauty doit débourser 3 pennies en plus, une somme qui correspond à environ 1.20 $ en devises de 2025,
De toute apparence, un groupe d’environ 500 enfants pauvres de Birmingham n’a pas à se soucier de ce prix d’entrée. Elles et ils sont les invité(e)s de Leslie H. Elbourne, le directeur d’Alhambra Theatre (Birmingham) Limited, une salle de cinéma locale appartenant à une firme locale, Cinema Proprietors Limited. Les billets sont distribués à des enfants qui fréquentent des centres de repas gratuits gérés par le Birmingham Education Committee, et ce par l’intermédiaire d’un quotidien, Evening Despatch de Birmingham.
Les enfants font une visite guidée de l’Imperial Fruit Show. Leur joie atteint son paroxysme lorsque le personnel de la section canadienne du montage de l’Empire Marketing Board donne un petit sac de pommes à tout le monde. Et oui, même si de nombreux enfants avaient prévu de ramener leur sac à la maison, plus d’un(e) ne peut pas résister à la tentation de manger au moins une pomme.
Il faut noter que la susmentionnée Godwin rend visite à un certain nombre de jeunes patientes et patients du Birmingham and Midland Free Hospital for Sick Children, à Birmingham. Elle donne des pommes à autant d’entre elles et eux qu’elle le peut.
Bien que moins bruyants que les 500 jeunes humain(e)s qui visitent l’Imperial Fruit Show, les 400 producteurs de fruits britanniques et du Commonwealth / Empire qui assistent au dîner organisé le 30 octobre, le Growers’ Day, sont plutôt heureux. Remarquez, certains des producteurs qui avaient espéré gagner un prix mais ne l’avaient pas fait sont peut-être un tantinet grognons.
Quoi qu’il en soit, le Growers’ Day est une bonne journée. Le dîner est précédé par la projection de films documentaires qui décrivent la culture, calibrage et commercialisation de fruits et légumes de tout le Commonwealth / Empire. Il y a ensuite une conférence. L’agente générale par intérim de la Nouvelle-Écosse, Jean Iris Howard, peut être une des têtes parlantes.
Quoi qu’il en soit, encore, elle est présente lors de la conférence, tout comme les agents généraux de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec, le marchand Frederick Arthur Pauline, l’homme d’affaires / courtier William Courtlandt Noxon et le médecin / professeur Louis Joseph Lemieux.
Croiriez-vous que Howard est la toute première femme à occuper le poste élevé d’agent générale dans l’histoire du Commonwealth / Empire? Si votre humble serviteur peut se permettre de citer le titre d’une chanson de 1985 (!) du duo britannique Eurythmics, des mots traduits ici, vous mentirais-je?
Incidemment, dans les cas qui nous concernent, un agent général est une personne nommée par une province canadienne pour représenter ses intérêts commerciaux, diplomatiques et juridiques au Royaume-Uni ou ailleurs.
Howard ne remplace malheureusement pas de manière permanente son défunt père, John Howard, comme agente générale de la Nouvelle-Écosse. Voyez-vous, le gouvernement de cette province abolit ce poste fin juin 1931, et ce probablement en raison d’une mesure de réduction des coûts engendrée par la Grande Dépression qui bastonne alors le monde.
Saviez-vous que la Nouvelle-Écosse avait été la première colonie britannique à nommer un agent général à Londres, et ce en avril 1762? Joshua Mauger était un armateur / contrebandier / marchand éminent et respecté, un marchand d’esclaves aussi, ce qui est on ne peut plus révoltant.
Incidemment, encore, le père de Howard avait occupé le poste d’agent général de la Nouvelle-Écosse pendant environ 37 ans, entre 1891 ou 1892 et 1929, mais je digresse.
Avec plus de 90 000 visiteuses et visiteurs franchissant ses portes, l’édition 1929 de l’Imperial Fruit Show connaît un énorme succès. Croiriez-vous que ce chiffre de fréquentation est presque deux fois plus élevé que celui de toute autre édition précédente de ce même salon?
Cette participation étonnamment importante épuise en fait l’approvisionnement en fruits qui doit être distribuée gratuitement aux visiteuses et visiteurs. Il faudra se dépêcher d’acheter des quantités supplémentaires de fruits, y compris pas loin de 400 boîtes de pommes (canadiennes?).
L’approvisionnement en fruits entrés en compétition devant être vendu au public, après la fin du salon, par des membres de la Birmingham Retail Fruiterers’ Association, s’épuise également. Il faudra se dépêcher d’acheter des quantités supplémentaires de fruits.
De fait, le livre de recettes de pommes canadiennes, distribué gratuitement, s’avère à ce point populaire que le dernier d’entre eux disparait au 3ème jour du salon de 9 jours.
Dans l’ensemble, l’édition 1929 de l’Imperial Fruit Show est… fructueuse pour des producteurs de fruits du Canada.
Des producteurs de pommes de la Nouvelle-Écosse et de la Colombie-Britannique repartent avec 8 premiers prix et 3 deuxièmes prix d’une part, ainsi que 5 premiers prix et 1 deuxième prix d’autre part. De plus, K.W. Borden de Wolfville, Nouvelle-Écosse, remporte un premier prix pour les poires à dessert.
Une brève digression si vous me le permettez. La plus grosse poire exposée à l’Imperial Fruit Show est un mastodonte primé originaire d’Angleterre. Elle fait pencher la balance avec un colossal poids d’environ 750 grammes (environ 26.5 onces). Wah!

Charles A. Bentley de Berwick, Nouvelle-Écosse, le producteur de fruits canadien ayant connu le plus de succès lors de l’édition 1929 de l’Imperial Fruit Show, qui se tient à Birmingham, Angleterre, comme on peut le voir dans une publicité publiée par le Chilean Nitrate of Soda Educational Bureau de Toronto, Ontario. Anon., « Chilean Nitrate of Soda Educational Bureau. » The Journal of Agriculture and Horticulture, 1er mars 1930, IV.
Incidemment, Charles A. Bentley de Berwick, en Nouvelle-Écosse, ne remporte pas moins de 5 des 8 premiers prix remportés par les producteurs de pommes de la Nouvelle-Écosse. Wah!
Quant à elle, Associated Growers of British Columbia Limited de Vernon, Colombie-Britannique, remporte 3 des 5 premiers prix et le seul deuxième prix remporté par, euh, les producteurs de pommes de la Colombie-Britannique. Un de ces premiers prix est dans la section des pommes à dessert pour le Commonwealth / Empire. C’est la 4ème fois que des pommes OK McIntosh Red présentées par Associated Growers of British Columbia remportent ce prix.
Une brève digression si vous me le permettez. Le Chilean Nitrate of Soda Educational Bureau mentionné dans la légende de la photo que nous venons de voir est un outil de propagande de la Chilean Nitrate Producers’ Association de Londres, une association décrite à l’époque par plus d’une personne comme une fiducie de fixation des prix du type le plus extrême, une fiducie fertilisante plus ou moins contrôlée par des firmes britanniques. Fin de la digression.
Les succès des producteurs de fruits de la Nouvelle-Écosse ne passent pas inaperçus. Pour citer un éditorial publié dans un numéro de fin octobre d’un quotidien, The Evening Mail de Halifax, Nouvelle-Écosse, des mots traduits ici,
Pour la Néo-Écossaise ou Néo-Écossais, aucune pomme cultivée ne surpasse le produit des vergers et coteaux de la vallée d’Annapolis et Cornwallis, mais, de peur d’être considérés comme partial, il est gratifiant de recevoir ce sceau d’approbation distinctif dans un concours impérial.
L’éditorialiste a toutefois plus que ces pensées heureuses en tête…
Il ne suffit pas, cependant, que nos arboriculteurs produisent des fruits d’une qualité élevée. Ils doivent veiller à ce que la réputation ainsi acquise ne soit pas entachée par un emballage négligent et un classement inférieur. Il y a eu des plaintes de cette nature, mais la fierté et l’esprit d’entreprise de notre peuple veilleront sûrement à ce que l’excellente publicité donnée à nos fruits par ces prix ne soit pas affaiblie par un emballage qui, pour le moins, est sujet à critique.
Ayoye…
Des commentaires faits à la mi-novembre 1929 par un membre de la loyale Opposition de Sa Majesté à la Chambre des communes du Canada assombrissent un tantinet toutes les pensées heureuses. Voyez-vous, Ira Delbert Cotnam, un médecin, déclare après son retour d’un voyage en Angleterre, des mots traduits ici, que « les produits canadiens sont pratiquement inconnus au Royaume-Uni » et que « le Canada n’obtenait pas la publicité accordée aux autres Dominions. »
Les fonctionnaires commerciaux canadiens en poste à Londres sont étonnés par ces déclarations. Ils sont peut-être aussi un tantinet consternés.
Un commentaire de Cotnam selon lequel les pommes canadiennes ne sont nulle part en vue en Angleterre les irritent apparemment un peu. Voyez-vous, la récolte de pommes de 1929 n’est pas encore arrivée en Angleterre lorsque Cotnam est outre-mer.
De plus, selon les fonctionnaires commerciaux canadiens en poste en Angleterre, des produits canadiens avaient été exposés dans environ 25 expositions et environ 125 salons agricoles tenus en 1929 dans diverses municipalités britanniques. Un de ces événements est bien sûr l’Imperial Fruit Show.
Votre humble serviteur osera-t-il suggérer que Cotnam parle (tape?) de quelque chose qu’il ne connaît pas ou connaît mal, sans grand discernement et avec des approximations évidentes? En d’autres termes, qu’il jacasse à tort et à travers, comme trop de politiciens cracheurs d’inepties de 2025 issus d’une certaine famille politique présente partout sur notre grosse bille bleue? Un tantinet trop controversé, dites-vous (tapez-vous?), ami(e) lectrice ou lecteur? Hum, vous avez peut-être raison. Je ne ferai pas cette suggestion.
Quoi qu’il en soit, les déclarations de Cotnam ne font la manchette que quelques jours. Les fonctionnaires commerciaux canadiens en poste à Londres ne les oublieraient pas de sitôt, cependant, mais revenons à notre histoire.
Une digression, euh, une diversion si je peux me le permettre. Un des salons tenus en Angleterre à l’automne 1929 à laquelle le Canada est présent est la 51ème édition de la Brewing and Allied Trades Exhibition, qui se tient au Royal Agricultural Hall, à Londres, du 2 au 9 novembre.
Il y a environ 700 inscriptions dans les catégories de bières en bouteille et en fût. Wah!

Quelques-uns des juges de l’édition 1929 de la Brewing and Allied Trades Exhibition qui se tient au Royal Agricultural Hall, à Londres, Angleterre, en plein travail. C’est un travail ingrat, mais quelqu’un doit le faire. Foutus veinards. Anon., « Business or Pleasure? » Derby Daily Telegraph, 2 novembre 1929, 7.
Et oui, il y a aussi de bons cidres, sans parler de bons vins de France et du Commonwealth / Empire. Lah-di-dah. Désolé, désolé.
Ironiquement, l’objet le plus impressionnant exposé à ce salon, et ce pour la première fois, est une machine multi-tonnes d’embouteillage de bière, capable de pondre environ 120 bouteilles d’une pinte ou chopine par minute. Une machine multi-tonnes d’embouteillage de bière provenant des États-Unis.
Et oui, le 18ème amendement à la Constitution of the United States, oui, celui qui met en place l’interdiction de l’alcool dans ce pays, est bien en vigueur en novembre 1929, ce que les journalistes britanniques font espièglement remarquer au représentant du fabricant de ce mastodonte de machine. Le représentant en question leur répond avec un sourire, affirmant que la machine peut produire tout aussi facilement pondre des bouteilles de bière sans alcool et de boissons gazeuses – et le fait à plusieurs endroits aux États-Unis, mais je digresse. Encore. Mais revenons à notre histoire.
D’autres bonnes nouvelles parviennent aux côtes canadiennes à la fin de novembre 1929. Les quelques 500 000 votes exprimés lors du concours du Palace of Beauty avaient été comptabilisés. Le montage britannique s’en sort très bien avec près de 84 000 votes. Un autre montage s’avère toutefois plus populaire. Il en obtient plus de 90 000. Il s’agit du montage canadien.
Le montage qui arrive en 3ème position est celle de W. & T. Avery Limited, un fabricant anglais de machines à peser basé à… Birmingham. Un choix intéressant, ne diriez-vous (taperiez?) vous pas, ami(e) lectrice ou lecteur?
Et non, moi aussi je ne comprends pas comment le nombre de votes exprimés dépasse largement le nombre de personnes qui ont visité l’Imperial Fruit Show. Était-il possible de visiter le Palace of Beauty sans avoir à passer par les portes du salon, vous demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur perplexe ? Je ne sais pas. Désolé.
Et encore de bonnes nouvelles parviennent aux côtes canadiennes, cette fois au début de janvier 1930.
S’il est vrai que R. John Slayter de Gaspereau, Nouvelle-Écosse, sait qu’il avait remporté un des premiers prix remportés par un producteur de fruits originaire de cette province, il n’a toutefois aucune idée du pointage qu’il avait obtenu. Il obtient ce pointage au début de, euh, janvier. Ses pommes Golden Russet avaient apparemment obtenu la meilleure note jamais obtenue par des pommes lors d’un Imperial Fruit Show. Une note parfaite. 100 points.
Et c’est une manière aussi bonne qu’une autre de terminer cet article. À bientôt.
Euh, qu’y a-t-il, ami(e) lectrice ou lecteur? Vous voulez savoir ce qui est arrivé à la susmentionnée Godwin? Sérieusement? Vous réalisez que ça va ruiner la fin heureuse de cet article, n’est-ce pas? Pour citer un dicton coutumier du continent d’Essos, entendu (lu?) dans le monde de la série de romans fantastique épiques américaine Le Trône de fer, connue par les téléspectatrices et téléspectateurs francophones comme Le Trône de fer, valar morghūlis, tous les hommes doivent mourir.
En outre, ce texte pourrait s’avérer beaucoup plus long que prévu.
D’accord, d’accord. Ne dégainez pas votre épée. L’adolescent retraité que je suis est assez attaché à sa caboche au front déplumé.
Godwin croise le chemin d’un acteur anglais nommé William Earle Grey au plus tard en 1932, alors qu’elle et il contribuent à la présentation d’une pièce au récemment ouvert Charta Theatre à Londres. Le couple se passe les bagues aux doigts en septembre 1935.
En 1939, Godwin et Grey se joignent à une troupe de théâtre formée par l’acteur / dramaturge anglais Maurice Colbourne et l’acteur anglais Barry Cuthbert Jones dans le but de faire une tournée au Canada d’un océan à l’autre pendant une période d’environ 5 mois, une entreprise parrainée par le British Council, une organisation fondée en 1934 à l’initiative du Foreign Office, le ministère des affaires étrangères britannique, et ce afin de soutenir l’éducation en anglais à l’étranger, promouvoir la culture britannique et lutter contre la montée du fascisme.
Annoncée début août 1939, la tournée pancanadienne de cette troupe de théâtre doit débuter à Montréal, Québec, au début d’octobre. Oui, au début d’octobre 1939, cinq semaines environ après le début de la Seconde Guerre mondiale.
Hummm, je vous donne beaucoup trop d’informations, n’est-ce pas, ami(e) lectrice ou lecteur? Si je continue comme ça, nous pourrions nous retrouver avec un autre article en 4 parties.
Pour faire court, l’accueil réservé à la tournée de la troupe de théâtre britannique est mitigé. De fait, la dite troupe se sépare au plus tard en mars 1940. La grande majorité de ses membres retournent bientôt en Angleterre. Godwin et Grey restent sur place, et…
Hummm, je vous donne encore beaucoup trop d’informations, n’est-ce pas? Bon, soyons brutalement brefs.
Godwin et Grey s’installent à Toronto, Ontario, où elle et il rejoignent la petite communauté théâtrale de cette ville. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, le couple commence à remarquer une appréciation croissante pour les pièces d’un mec anglais du nom de William Shakespeare. En conséquence, ils créent les Earle Grey Players au printemps 1946.
La présentation de quelques pièces connaît un grand succès, à tel point qu’elle mène au tout premier festival Shakespeare au Canada, le premier à être tenu dans le Commonwealth, en dehors du Royaume-Uni, en fait, tenu en plein air, dans le quadrilatère du Trinity College de la University of Toronto, à… Toronto, entre la fin juin et la mi-juillet 1949.
Croiriez-vous que des Torontoises et Torontois peuvent écouter de la musique Tudor jouée sur des violes et clavecins ancien(ne)s à deux reprises au cours de cette période?

Mary Godwin dans le rôle de la reine Gertrude, reine du Danemark et mère du prince Hamlet, dans Hamlet de William Shakespeare, Toronto, Ontario. Anon., « Top Singing and Dramatic Stars Give Promise of Fine Entertainment for Next Week », Toronto Daily Star, 28 juillet 1956, 10.
Au fil des ans, l’empreinte du Shakespeare Festival de Toronto sur la scène canadienne s’accroît. Outre le dit festival annuel, une école d’art dramatique, un festival de musique élisabéthaine, une fondation et une troupe itinérante font leur apparition.
Ce qui ne change pas, c’est le souhait de Godwin et Grey de mettre en scène des pièces de Shakespeare dans un cadre aussi proche que possible de l’Angleterre du 16ème siècle. Ça, et l’absence de financement gouvernemental. Eh bien, c’est-à-dire jusqu’en 1957, lorsque Metropolitan Council of Toronto, le Department of Education de l’Ontario et le Conseil des arts du Canada fournissent des subventions.
La grande réputation du Shakespeare Festival est reconnue en 1951 lorsque les fiduciaires de la maison natale de Shakespeare à Stratford-on-Avon, Angleterre, font don d’une coupe du mûrier qui pousse dans le jardin du dramaturge à Grey et Godwin. Le haut-commissaire britannique, sir Peter Alexander Clutterbuck, et son épouse, lady Dorita Charlotte Eileen Clutterbuck, née Weldon, plantent solennellement cette coupe à la fin juin, dans le quadrilatère du Trinity College.
La 10ème édition du premier Shakespeare Festival du Canada a lieu en juillet 1958.

William Earle Grey et Mary Godwin devant une maquette de décor de théâtre, Toronto, Ontario. Monroe Johnston, « Ten-Year-Old Festival – ‘What a Grand Place to do Shakespeare’. » Star Weekly Magazine, 5 juillet 1958, 12.
Les choses sont toutefois sur le point de changer. Un des fervents partisans du Shakespeare Festival, le doyen indo-anglo-canadien du Trinity College, Reginald Sidney Kingsley Seeley, décède en août 1957. La University of Toronto était également contrariée par la perte de loyers à des étudiant(e)s d’été causée par les activités un peu bruyantes du festival.
Les choses atteignent un point critique en 1959 lorsque des travaux de rénovation au Trinity College signifient qu’un nouveau lieu doit être trouvé pour accueillir la 11ème édition du festival. Comme aucun lieu de ce type ne peut être trouvé, Godwin et Grey retournent en Angleterre, en 1960 peut-être. Tous deux continuent à jouer, ou à diriger dans le cas de Grey.
Lorsque le premier Shakespeare Festival du Canada sort côté jardin, le rêve de Godwin de transformer le quadrilatère du Trinity College en une reproduction vivante de l’époque élisabéthaine, avec de véritables antiquités et trésors, disparaît également.
On peut se demander si le Stratford Shakespearean Festival, alors plus grand et plus connu, qui se tient chaque année à… Stratford, Ontario, depuis 1953, n’avait pas aspiré beaucoup d’air hors de la salle.
Remarquez, ni Grey ni Godwin n’avaient pas un pouvoir de star comparable à celui d’acteurs anglais comme Alec Guinness de Cuffe ou James Neville Mason, ou d’un jeune et séduisant acteur canadien du nom d’Arthur Christopher Orme Plummer, un gentilhomme mentionné dans des numéros de juin 2019, avril 2021 et octobre 2022 de notre théâtral blogue / bulletin / machin.
Remarquez, un acteur canadien du nom de Lorne Hyman Greene, né Lyon Himan Green, et un plus jeune acteur québécois / canadien du nom de William Shatner réussissent également bien au Stratford Shakespearean Festival dans les années 1950. (Bonjour, EP, EG and SB!)
Et oui, vous avez raison, ami(e) lectrice ou lecteur, Greene est mentionné à quelques reprises dans notre étonnant blogue / bulletin / thingee depuis septembre 2018.
Une réflexion si je peux me le permettre. Est-il possible que le succès du Shakespeare Festival de Toronto ait encouragé au moins en partie le rêve d’un journaliste de Stratford, Harry Thomas « Tom » Patterson, de lancer un festival Shakespeare dans sa ville natale, et ce afin d’inverser son déclin industriel?
Remarquez, encore, le fait que les personnes à l’origine du Stratford Shakespearean Festival ancrent cet événement dans le 20ème siècle peut avoir touché une corde sensible auprès d’un public du 20ème siècle, ce que le style traditionnel, voire légèrement vieillot et mélodramatique de Godwin et Grey, qui ont 66 et 53 ans en 1958, ne fait pas aussi bien, mais je digresse.
Le fait que Godwin semble aimer jouer des personnages généralement incarnés par des actrices beaucoup plus jeunes n’aide peut-être pas non plus.
Grey n’est cependant pas oublié au Canada. Nenni. Lorsque l’Association des artistes canadiens de la télévision et de la radio, basée à Toronto, lance sa cérémonie annuelle de remise de prix, en 1972, une de ces récompenses est, vous l’aurez deviné, le Prix Earle Grey qui reconnaît la plus remarquable performance d’une actrice ou acteur dans les domaines du cinéma, de la radio ou de la télévision. La première lauréate de ce prix est l’actrice québécoise / canadienne Geneviève Bujold.
Soit dit en passant, Grey est le (premier?) président de la section de Toronto de l’Association of Canadian Radio Artists, le nom que porte l’Association des artistes canadiens de la télévision et de la radio au moment de sa création, en 1943. Il occupe ce poste pendant quelques années.
Croiriez-vous que le Prix Earle Grey existe toujours en 2025? Eh bien, il existe. Maintenant prix pour l’ensemble d’une carrière, il fait partie des prix Écrans canadiens décernés par l’Académie canadienne du cinéma et de la télévision de Toronto.
Une brève digression si vous me le permettez. Saviez-vous que Bujold devait être un des principaux personnages d’une série télévisée de science-fiction américaine? Eh bien, elle devait l’être. Elle avait été choisie pour être la capitaine du vaisseau interstellaire USS Voyager. Je ne plaisante pas. (Bonjour, EP, EG et SB!)
Bujold devait jouer le rôle d’Elizabeth Janeway, un nom qu’elle n’aimait pas trop et qui a été changé en Nicole Janeway. Quoi qu’il en soit, Bujold est partie en septembre 1994, après seulement quelques jours de tournage, invoquant la pression de travailler sur une série télévisée hebdomadaire. Il aurait pu aussi y avoir des divergences d’opinions (irréconciliables?) entre elle et les producteurs de la série. Fin de la digression. Oui, la dernière. Pour aujourd’hui.
Guinevere Grey, comme Godwin est également connue, quitte cette Terre à la mi-mars 1971, à Londres. Elle avait 66 ans.
Grey, quant à lui, décède en novembre 1978, à Londres, à l’âge de 86 ans.
L’auteur de ces lignes tient à remercier les personnes qui ont fourni des informations. Toute erreur contenue dans cet article est de ma faute, pas de la leur.
La longueur excessive de la seconde partie de cet article, par contre, est de votre faute, pas de la mienne, sauf en ce qui concerne la partie sur Star Trek: Voyager. Et la Brewing and Allied Trades Exhibition. Désolé.