3 choses à savoir pour savoir si nous avons besoin d'épouvantails pour faire peur aux corneilles, comment conserver la récolte du potager à l’aide de la science et si les voyages aériens supersoniques reviendront avec un Concorde 2.0
Voici Renée-Claude Goulet, Erin Gregory et Danielle Vinson.
Renée-Claude est Conseillère scientifique au Musée de l'agriculture et de l'alimentation du Canada, Erin est conservatrice de l'aviation et de l'espace à l'Ingenium, et Danielle est étudiant.e en sciences cognitives à l'Université Carleton d'Ottawa et se passionne pour la science et l'interprétation.
Dans cette captivante série mensuelle de billets publiés sur le blogue, des experts et expertes d'Ingenium et des rédacteurs et rédactrices invité(e)s occasionnel(le)s proposent des pépites intéressantes et parfois excentriques liées à leurs domaines d'expertise. Pour cette édition d'octobre, Erin remplace la collaboratrice habituelle du Musée de l'aviation et de l'espace du Canada, la Conseillère scientifique Cassandra Marion. Danielle a été invité.e par Renée-Claude à contribuer au blogue de ce mois-ci. Les trois experts de ce mois-ci se demandent si nous avons besoin d'épouvantails pour faire peur aux corneilles, comment conserver la récolte du potager à l’aide de la science et si les voyages aériens supersoniques reviendront avec un Concorde 2.0.
Une corneille en plein vol avec un petit pain dans le bec.
Avons-nous besoin d’épouvantails pour faire peur aux corneilles?
La saison de l’Halloween arrive à grands pas. En automne, vous rencontrerez probablement beaucoup de personnages d’Halloween amusants, comme des épouvantails. Mis à part lorsqu’on les ajoute à des décors d’Halloween, les épouvantails sont depuis longtemps utilisés par les agriculteurs. Mais d’où viennent-ils et les corneilles qu’ils sont censés éloigner sont-elles vraiment nuisibles aux exploitations agricoles? Poursuivez votre lecture pour le découvrir.
Saviez-vous que les épouvantails existent depuis des milliers d’années? Dans l’Égypte ancienne, les fermiers créaient de simples épouvantails en recouvrant des structures de bois avec des filets pour attraper des oiseaux (site anglais). Les fermiers se cachaient, puis effrayaient les oiseaux pour qu’ils foncent dans les filets. Dans le monde antique de la Grèce, de Rome et du Japon, les épouvantails adoptaient une apparence plus humaine, ressemblant plus aux épouvantails d’aujourd’hui. Les épouvantails étaient créés pour éloigner les oiseaux et les corneilles des champs. Mais les corneilles sont-elles nuisibles aux agriculteurs?
La réponse est un peu complexe et les gens ne partagent pas tous le même avis à savoir si les bonnes corneilles l’emportent sur les mauvaises. Oui, les corneilles peuvent nuire aux exploitations agricoles. Elles sont omnivores et mangent pratiquement n’importe quoi, y compris les cultures. De nos jours, les agriculteurs sont beaucoup moins confrontés à ces problèmes, bien que les corneilles puissent encore endommager considérablement les exploitations individuelles. Toutefois, on place parfois le blâme sur les corneilles pour des dommages qu’ils n’ont pas causés. Par exemple, les corneilles peuvent saccager les plants de maïs, tout comme le font aussi d’autres oiseaux et les rongeurs. Les corneilles peuvent aussi manger des plants d’arachides, mais les principaux responsables sont les quiscales.
Lorsque les corneilles causent assez de dommages pour nécessiter une intervention, les épouvantails ne suffisent généralement pas. L’utilisation d’un poison ou la chasse ne sont jamais de bonnes options, car ces méthodes ne réduisent pas vraiment le nombre de corneilles belles à long terme. Les agriculteurs peuvent tenter de couvrir leurs cultures, d’utiliser des tactiques de peur ou de créer une autre source de nourriture que les corneilles peuvent manger.
En revanche, les corneilles peuvent aider les agriculteurs et la communauté. Elles peuvent manger des insectes nuisibles, ce qui est bénéfique à l’agriculture. Elles contribuent également de deux façons à la dispersion des semences. Les corneilles créent des réserves de semences dans différents lieux et certaines de ces graines formeront de nouvelles plantes. Les corneilles mangent aussi les graines, par exemple de fruits ou de graminées, et les éliminent dans différents endroits, contribuant ainsi à la propagation des semences. Certaines personnes disent même que les corneilles pourraient être les oiseaux terrestres les plus importants pour la dispersion de semences (site anglais)! Finalement, puisque les corneilles mangent aussi de la charogne, elles aident à nettoyer les carcasses d’animaux.
Un autre fait intéressant sur les corneilles : elles sont très intelligentes. En effet, elles ont démontré les mêmes capacités de raisonnement que des humains de cinq à sept ans! Ces oiseaux utilisent aussi des outils. On les a observés plaçant des noix au milieu d’intersections routières pendant un feu rouge. Lorsque le feu vire au vert, les voitures roulent sur les noix et les cassent. Lorsque le feu vire de nouveau au rouge, les corneilles recueillent leurs noix fraîchement cassées. Elles ont une incroyable mémoire et peuvent en fait reconnaître des visages. Si des gens sont méchants avec elles, elles ne l'oublient pas et le disent même à d’autres corneilles dans leur communauté. Cette information est transmise au fil des générations.
Pour conclure, oui, les corneilles peuvent nuire aux cultures et des interventions sont parfois nécessaires. Cependant, elles aident aussi la communauté et sont des animaux extrêmement intelligents. Bien que les épouvantails n’éloignent pas les corneilles, ils peuvent tout de même fonctionner pour d’autres oiseaux et leur utilisation fait partie d’une ancienne tradition.
Par Danielle Vinson
Blanchir les légumes est un des moyens les plus faciles de s’assurer que les légumes congelés gardent leur saveur et couleur.
Conserver la récolte du potager à l’aide de la science !
Vous avez travaillé tout le printemps et l’été à planter et à vous occuper de votre potager. Le pur plaisir de récolter vos propres aliments au début s’est maintenant transformé en corvée à vous demander quoi faire de toutes ces tomates. Le temps est venu de conserver! Comment des connaissances scientifiques touchant la conservation des aliments peuvent-elles nous aider à maintenir la qualité de notre nourriture pendant longtemps?
Les cornichons ne sont pas la seule façon de profiter de nos récoltes tout au long de l’année. On peut aussi conserver les aliments par congélation, déshydratation, salage, fermentation, dans l’huile, dans le sucre et plus encore. Toutes ces techniques de conservation créent des conditions qui ralentissent les processus naturels de décomposition.
Lorsqu’on conserve des aliments, on travaille contre la biologie. Tous les organismes vivants finissent par mourir et se décomposer. Même si l’aliment qu’on a récolté n’est plus relié au reste de la plante, il est encore vivant. Les processus chimiques continuent de se dérouler dans les cellules et font partie de ce qui cause la maturation et la décomposition. Les principaux acteurs sont les enzymes, soit de petites protéines qui participent à de nombreuses réactions chimiques et permettent de transformer des produits pour en créer d’autres. Les enzymes dans nos aliments peuvent réagir avec l’oxygène et les faire brunir, elles peuvent convertir l’amidon en sucre, et peuvent décomposer les tissus ainsi que certains nutriments. Au fil du temps, l’activité des enzymes change la valeur nutritionnelle, le goût, la texture et la couleur des aliments.
Le deuxième élément à considérer est le fait que les aliments sont couverts de microbes, comme des levures, des moisissures et des bactéries. Ceci est inévitable, car notre environnement est naturellement rempli de microbes : sur les surfaces, dans l’air, sur notre peau, dans le sol... partout. La première décomposition des cellules par les enzymes permet à ces microbes de pénétrer les barrières protectrices des aliments (pelures). Lorsque ces organismes s’installent, ils décomposent davantage nos aliments et créent des résidus qui goûtent mauvais ou, dans certains cas, qui sont toxiques pour les humains.
Alors, comment lutter contre la pourriture? Il existe quelques façons!
Premièrement, on veut empêcher les enzymes de fonctionner. Bloquer le contact avec l’air aidera à empêcher l’activité de nombreuses enzymes qui sont activées par l’oxygène. Puisqu’elles sont sensibles à la température, bien des enzymes peuvent également être facilement désactivées par la chaleur élevée. Voici un terme que vous avez probablement déjà entendu : blanchir. Cette technique consiste à brièvement faire bouillir ou cuire à la vapeur l’aliment, puis à le plonger dans un bain d’eau glacée. Une fois désactivées, les enzymes ne modifieront plus l’aliment. C’est particulièrement important pour préserver la qualité des aliments que vous congelez ou déshydratez.
Tout comme nous, de nombreux microbes ont besoin d’eau, d’oxygène, d’un pH neutre et d’une source d’alimentation pour survivre. Pour arrêter ces organismes, nous devons trouver des moyens de les éliminer ou de les empêcher d’atteindre leurs ressources. Par exemple, la chaleur tuera ou désactivera certains microbes. Les marinades créent un environnement acide, lequel empêche les organismes de se reproduire et, parfois, les élimine. Les environnements très salés ou sucrés perturbent la façon dont les microbes peuvent utiliser l’eau, mettant ainsi fin à leurs activités. La déshydratation retire l’eau des aliments, ce qui, encore une fois, crée un environnement où les microorganismes ne peuvent être très actifs puisqu’ils ont besoin d’un lieu humide.
Une autre approche consiste à entreposer les aliments dans un environnement frais, sombre et légèrement humide. Cette méthode retarde la décomposition enzymatique naturelle des aliments, réduit l’évaporation qui ramollit les aliments et maintient un faible niveau d’activité des microorganismes. Elle fonctionne bien pour les légumes racines et le chou, d’où le principe des caveaux à racines.
Un peu de savoir-faire sur la conservation des aliments peut être très utile pour nous aider à éviter le gaspillage alimentaire. En fait, les chercheurs innovent constamment et découvrent plus de façons pour appliquer ces notions de base sur la science alimentaire. Les technologies de conservation applicables à grande échelle sont importantes lorsqu’on souhaite sauver plus de nourriture des chaînes d’approvisionnement, ce qui requiert une conservation facile et rapide des aliments sur le point d’être périmés. Aussi, étant donné que plus de gens développent un intérêt pour la culture des aliments à la maison ou dans des jardins communautaires et des fermes d’agrément, détenir plus d’information sur ce qui se produit lorsqu’on fait de la conservation peut contribuer à améliorer nos taux de réussite! Maintenant que vous en savez un peu plus, quelles techniques de conservation essaierez-vous afin de profiter au maximum de l’abondance automnale de votre potager ?
Par Renée-Claude Goulet
Un Concorde de British Airways décollant au début des années 1970.
Le Concorde 2.0? Le retour des avions de ligne supersoniques
Imaginez faire le trajet Londres-New York en avion en trois heures ou moins! Les vols commerciaux supersoniques pourraient réaliser cet exploit. Il existe quatre vitesses, ou régimes, de vol : subsonique, transsonique, supersonique et hypersonique. Le vol subsonique est celui auquel la plupart d’entre nous sont habitués, car les avions commerciaux dans lesquels nous voyageons vont moins vite que la vitesse du son. Le régime transsonique fait référence au vol à la vitesse du son, soit environ 1 236 km/h au niveau de la mer. Le vol supersonique signifie que l’aéronef vol plus vite que la vitesse du son. On catégorise ces vitesses à l’aide de nombres de Mach. Le vol qui est plus rapide que la vitesse du son, ou Mach 1, est supersonique et ce régime de vol compte les vitesses allant jusqu’à cinq fois la vitesse du son, ou Mach 5. Le régime hypersonique compte des vitesses plus rapides que Mach 5 et allant jusqu’à Mach 10. La plupart des appareils ayant déjà réalisé ce régime de vol étaient des astronefs.
Il y a près de 50 ans, le 21 janvier 1976, le premier avion de ligne supersonique opérationnel au monde a réalisé son premier vol avec passagers. Surnommé le Concorde parce qu’il a été développé conjointement par British Aerospace et l’entreprise française Aérospatiale, il s’agissait d’une merveille d’ingénierie aérospatiale. Le Concorde, qui avait une vitesse de croisière de 2 179 km/h, ou Mach 2,04, parcourait la distance entre Londres et New York en environ 3 1/2 heures, soit la moitié du temps requis pour les avions de ligne subsoniques habituels. Bien que le Concorde ait été au sommet de la technologie de l’aviation, il était loin d’être prestigieux. L’intérieur était conçu pour rassurer les passagers se trouvant à bord d’un avion de ligne supersonique et ressemblait beaucoup à la classe affaires d’une compagnie aérienne habituelle. La vitesse était le luxe, rien d’autre. Le prix d’un billet aller simple dans les années 1990 se situait à 6 000 $, donc il était loin d’être accessible au voyageur aérien moyen.
Les problèmes financiers ont gangrené le programme dès ses débuts. Les coûts de développement du Concorde n’ont jamais été récupérés. Les plaintes concernant le bruit de son bang supersonique, un bruit très fort semblable à un coup de tonnerre que l’on entend lorsque l’aéronef brise le mur du son, se sont traduites en une réduction considérable des destinations et des trajets de vol. L’appareil ne pouvait voler au-dessus de la terre et a été relégué aux vols transcontinentaux seulement. Au cours des années 1990, l’avion a commencé à perdre de l’éclat et le rêve des vols de passagers supersoniques s’est, semble-t-il, éteint avec le dernier vol du Concorde le 24 octobre 2003.
Depuis quelques années, plusieurs organisations, dont la NASA, Virgin Galactic et Boom Supersonic, souhaitent raviver ce rêve et l’améliorer, soit faire du transport aérien supersonique une partie intégrante des voyages aériens quotidiens et le rendre aussi accessible que les vols subsoniques. Ces nouveaux avions ne seront toutefois pas une nouvelle génération d’appareils Concorde et devront surmonter les énormes défis auxquels le Concorde a été confronté durant ses 24 années de service. Les ingénieurs des avions supersoniques de transport (SST) et les entreprises qui les emploient ont de nombreux problèmes complexes à régler, et ce, même s’ils ne commencent pas de rien comme ceux qui ont créé le Concorde. Dans le domaine du transport aérien, le poids est un enjeu capital. Donc, construire un aéronef le plus léger possible signifie souvent qu’il est plus petit. Plus un avion est petit, plus sa capacité d’accueillir des passagers est faible. De plus, tout ce que contient l’appareil doit être réduit pour alléger le poids, c’est-à-dire un manque de finis luxueux. Ces deux facteurs font qu’il est difficile de vendre suffisamment de sièges pour générer des profits.
Outre le fort bang sonique qui serait tout aussi désagréable qu’auparavant pour la population, il y a également les problèmes d’émissions et de consommation de carburant, lesquels sont considérablement plus élevés pour les avions supersoniques. Les ingénieurs SST ont donc beaucoup de pain sur la planche. Pourront-ils parvenir à trouver les solutions pour créer un avion de ligne supersonique qui utilise des carburants d’aviation durables, qui est très efficient avec une grande capacité d’accueil de passagers, et qui est relativement peu bruyant comme ses équivalents subsoniques ?
Boom Supersonic promet que son avion SST, le Overture, sera plus rapide, plus silencieux, plus spacieux et plus efficient que le Concorde. L’entreprise vise à offrir des vols SST commerciaux abordables en 2030. Le temps nous dira si le rêve supersonique se réalisera!
Par Erin Gregory
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