L’innovation et l’avenir du diabète : conversation avec un entrepreneur père d’un jeune diabétique
Quel est l’avenir de l’innovation dans le domaine des sciences et de la technologie? Quelles en seront les retombées sur la société?
Ces deux questions sont les piliers de « Curiosité en scène » d’Ingenium, une série de présentations axées sur le leadership scientifique et traitant d’enjeux contemporains d’importance mondiale. Chaque présentation, organisée au Musée des sciences et de la technologie du Canada à Ottawa, réunit des chefs de file du secteur privé, du milieu universitaire et du monde gouvernemental qui viennent discuter d’enjeux scientifiques et technologiques d’actualité suscitant la controverse et revêtant une importance pour la population canadienne.
En novembre 2021, Curiosité en scène a organisé un événement intitulé Au-delà des injections : 100 ans d’insuline et l’avenir du diabète. On estime que deux millions de Canadiens, soit une personne sur 16, ont reçu un diagnostic de diabète, ce qui fait de cette maladie l’une des affections médicales les plus courantes au pays. Il y a un siècle, un diagnostic de diabète équivalait à une sentence de mort, mais grâce à la découverte de l’insuline, des millions de vies ont été sauvées et améliorées.
Le conférencier de l’événement était Ron Shlien, entrepreneur accompli et cofondateur de Mad Science Group Inc. En tant que père d’un jeune diabétique, M. Shlien a présenté son point de vue perspicace et stimulant sur l’insuline, un cadeau du Canada à l’humanité, et un regard sur les innovations prometteuses pour l’avenir. À la suite de l’événement, le Réseau Ingénium s’est entretenu avec M. Shlien pour poursuivre la conversation.
Réseau Ingenium (RI) : Existe-t-il un profil des Canadiens les plus susceptibles de souffrir de diabète de type 2?
Ron Shlien (RS) : Oui. En fait, on est plus susceptible de développer un diabète de type 2 si on a plus de 45 ans, si on a des antécédents familiaux de diabète et si on est en surpoids ou obèse. Le diabète est plus fréquent chez les personnes afro-américaines, hispaniques/latinos, amérindiennes et américaines d’origine asiatique. Bien que toutes les personnes atteintes de diabète de type 2 ne soient pas en surpoids, l’obésité et la sédentarité sont deux des causes les plus courantes. Ces facteurs sont responsables de la majorité des cas de diabète de type 2 en Amérique du Nord.
Les personnes qui ont moins d’argent, qui sont moins scolarisées et qui appartiennent à une classe sociale moins élevée ont habituellement moins accès à une bonne alimentation. Elles ont aussi plus d’obstacles à l’exercice, elles vivent plus de stress et elles sont souvent plus exposées à des produits chimiques. Les personnes qui ont eu une vie difficile, comme des antécédents de traumatisme ou une enfance difficile, présentent également plus de ces facteurs de risque.
RI : Que peut-on faire pour prévenir le diabète de type 2 ou pour ralentir les risques de passer du prédiabète au diabète de type 2?
RS : Il y a plusieurs façons de tenter de prévenir le diabète de type 2 :
- Réduire le sucre et les glucides raffinés dans son alimentation
- Faire de l’exercice régulièrement
- Opter pour l’eau comme principale boisson
- Perdre du poids si on est en surpoids ou obèse
- Arrêter de fumer
- Suivre un régime à très faible teneur en glucides
- Surveiller la taille de ses portions
- Éviter les comportements sédentaires
- Adopter une alimentation riche en fibres
- Optimiser les niveaux de vitamine D
- Réduire au minimum sa consommation d’aliments transformés
- Boire du café ou du thé en même temps que des aliments riches en antioxydants
RI : Est-il possible de prévenir le diabète de type 1?
RS : Non, malheureusement. Cependant, il existe de nouveaux tests pour déterminer si on a le marqueur génétique qui nous expose à un risque plus élevé.
RI : Quel est l’âge moyen des gens qui reçoivent un diagnostic de diabète de type 1?
RS : Le diabète de type 1 est habituellement diagnostiqué avant l’âge de 40 ans, bien qu’à l’occasion, des personnes aient reçu un diagnostic à un âge plus avancé à la suite d’une maladie ayant provoqué une réponse immunitaire responsable de son déclenchement. La plupart des diagnostics de diabète de type 1 sont posés chez des enfants de 4 à 14 ans.
Ce flacon d’insuline, qui fait maintenant partie de la collection d’Ingenium, a été rempli dans les laboratoires Connaught de l’Université de Toronto dans les années 1930 (Ingenium 2002.0706.006).
RI : L’insuline est-elle le liquide le plus coûteux au monde?
RS : Un gallon d’insuline coûte 9 600 $, ce qui en fait le sixième liquide le plus cher, derrière :
- 5. le Chanel No 5 : 26 000 $/gallon
- 4. le sang de limule : 60 000 $/gallon
- 3. l’acide lysergique (LSD) : 123 000 $/gallon
- 2. le venin de cobra royal : 153 000 $/gallon
- 1. le venin de scorpion : 39 000 000 $/gallon
RI : Si l’insuline fait l’objet d’une demande aussi importante et si le brevet a été vendu pour seulement 1 $, pourquoi les prix sont-ils si incroyablement élevés?
RS : Généralement, selon les principes de base en économie, le prix des biens et des médicaments devrait diminuer au fil du temps, car plus la concurrence intègre le marché, plus les prix baissent. Or, bien que le prix de l’insuline soit réglementé aux É.-U., il s’est multiplié par huit en 20 ans. Personnellement, je crois que si les fabricants le vendent aussi cher, c’est tout simplement parce qu’ils le peuvent. Par exemple, si une console de jeu vidéo est trop chère, les consommateurs peuvent éviter de l’acheter, mais les personnes qui ont besoin d’insuline ne peuvent s’abstenir d’en acheter, puisqu’ils ne peuvent pas vivre sans ce produit.
RI : L’insuline est sans doute l’une des plus grandes inventions canadiennes de tous les temps. Selon vous, quelles pourraient être les prochaines innovations canadiennes dans le traitement du diabète?
RS: La thérapie cellulaire offrira sans doute une meilleure option, plus sécuritaire et plus curative que l’insuline. Le traitement à base de cellules souches représente depuis longtemps la voie d’avenir anticipée pour le diabète, surtout la fabrication de cellules bêta productrices d’insuline, que l’organisme tolérerait soit par encapsulation cellulaire ou par un léger immunosuppresseur. Quelques bonnes entreprises sont justement très près du fil d’arrivée :
- Vertex a amorcé un essai clinique sur une « thérapie par cellules d’îlots pancréatiques entièrement différenciées, dérivées de cellules souches ». C’est une façon élégante de dire que l’entreprise a découvert un moyen de transformer les cellules souches en cellules bêta productrices d’insuline.
- ViaCyte, dont les travaux reposent sur une technologie canadienne (du nom de Protocole d’Edmonton), a amorcé un essai clinique de phase 2 utilisant des cellules encapsulées qui se transforment en cellules bêta productrices d’insuline. Ne manquez pas la conférence Ingenium que donnera prochainement Lisa Hepner sur ViaCyte. Elle livrera une foule de renseignements passionnants sur la thérapie par cellules souches et fera le point sur l’état d’avancement de la commercialisation.
RI : Le financement de la recherche au Canada est moins élevé que dans certains autres pays. Comment pouvons-nous convaincre le gouvernement d’investir davantage?
RS : Je ne suis pas certain qu’il s’agisse simplement d’investir davantage dans la recherche. Je recommanderais plutôt une attitude stratégique et délibérée avec le budget d’investissement, en concentrant ces fonds sur l’utilisation de méthodes susceptibles de bonifier les possibilités. Le fait que le gouvernement investisse aux côtés d'incubateurs spécialisés qui cherchent à identifier, à accélérer et à commercialiser des médicaments ou des technologies spécifiques offre un formidable effet composé. Il en résultera des partenariats privés et publics mieux financés, plus ciblés et offrant un meilleur potentiel commercial que la recherche pure. Comprenons-nous bien : la recherche pure est très importante, mais l'orientation commerciale permettra d'atteindre les objectifs plus rapidement et de dépenser moins d'argent.
En mars 2022, ne ratez pas l’occasion de prendre part au dernier événement Curiosité en scène de la série Au-delà des injections : 100 ans d’insuline et l’avenir du diabète. La présentation de notre conférencière Lisa Hepner portera essentiellement sur The Human Trial (L’essai clinique sur des humains), l’histoire d’une entreprise de biotechnologie en démarrage sur le point de réaliser une percée majeure dans le domaine médical. Cet essai clinique pourrait mener à un traitement pour guérir le diabète de type 1.