Trois choses à savoir sur l’aquaponie, la plus grande lune de Jupiter et les papillons
Voici Renée-Claude Goulet, Cassandra Marion et Olivia Béchard.
Ces conseillères scientifiques d’Ingenium fournissent des conseils éclairés sur des sujets importants pour le Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada, le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada et le Musée des sciences et de la technologie du Canada.
Dans cette captivante série mensuelle de billets publiés sur le blogue, les conseillères scientifiques d’Ingenium présentent des « pépites » d’information insolite en lien avec leur champ d’expertise respectif. Dans l’édition d’août, elles se sont penchées sur l’aquaponie comme mode de production alimentaire durable, sur Ganymède, la plus grande lune de Jupiter, et sur la question des espèces de papillons envahissantes par rapport aux espèces menacées.
Dans ce système simple de culture aquaponique, les déjections des barbottes élevées dans le réservoir servent de nutriments aux plantes qui poussent dans les gouttières installées au-dessus. L’eau purifiée retourne ensuite dans le réservoir.
L’aquaponie : une solution écolo pour une production alimentaire durable
Si l’on vous demandait de dresser une liste des animaux d’élevage, les poissons ne vous viendraient probablement pas à l’esprit en premier. Bien que moins connue, la pisciculture est une technique d’élevage employée dans le monde entier, qui contribue de plus en plus à l’offre alimentaire.
Nouvelle variante de l’aquaculture, l’aquaponie représente une solution intéressante pour favoriser la durabilité. Cette méthode systémique innovante permet de cultiver des aliments plus près des zones habitées en utilisant peu d’eau et en ayant de faibles incidences sur l’environnement. En outre, les systèmes de culture aquaponique sont compacts et ne requièrent pas de terres agricoles, ce qui en fait une solution idéale pour la production alimentaire en milieu urbain.
Mais qu’est-ce que l’aquaponie au juste?
Pratiquement tout le monde a entendu parler d’hydroponie, qui consiste à faire pousser des plantes dans une solution nutritive plutôt que dans de la terre. Bon nombre de fruits et de légumes que l’on consomme, comme les tomates, les fraises et les concombres, sont cultivés de cette façon dans des serres. En alliant l’hydroponie et l’aquaculture, on obtient l’aquaponie, c’est-à-dire un système en circuit fermé dans lequel on élève des poissons et on cultive des plantes simultanément.
Les systèmes de culture aquaponique existent sous de nombreuses formes et présentent différents degrés de complexité technologique. Cependant, tous fonctionnent selon le même principe de base : les humains nourrissent les poissons, les poissons nourrissent les plantes et les plantes purifient l’eau.
Ce qui est ingéré doit être rejeté. Ainsi, en se nourrissant, les poissons excrètent de l’ammonium, riche en azote, dans leurs déjections. Ensuite, selon un processus en deux étapes, les bactéries du système aquaponique transforment les déjections des poissons en nitrates, c’est-à-dire en nutriments pour les plantes. L’eau de l’aquarium est ensuite pompée jusqu’aux racines des plantes. Les plantes puisent dans cette eau les nutriments nécessaires à leur croissance. Enfin, l’eau ainsi purifiée peut être réacheminée dans le réservoir.
Les fermes dotées de systèmes plus perfectionnés affirment qu’elles peuvent réutiliser la totalité des déjections des poissons et que la perte d’eau se fait uniquement à travers les plantes.
Ce ne sont cependant pas tous les poissons ni toutes les plantes qui conviennent à l’aquaponie. Le tilapia et le saumon sont deux poissons que l’on élève le plus souvent en aquaponie. Quant aux plantes, ce sont surtout des légumes-feuilles, des herbes et d’autres cultures spécialisées.
En raison des obstacles à la rentabilité de l’aquaponie à grande échelle, la plupart des fermes en activité demeurent relativement petites et spécialisées. Cela dit, les recherches menées en situation réelle, qui permettent d’approfondir les connaissances sur l’aquaponie, sont sources d’innovations et de progrès constants.
Voilà un bel exemple de solution pour faire évoluer la production alimentaire vers un modèle circulaire. Cette approche conduit à un questionnement : quels déchets sont en fait des ressources? Comment peut-on conjuguer ces ressources afin de mieux les utiliser? Comme l’aquaponie est un excellent moyen de produire plus avec moins, elle figurera certainement parmi les systèmes diversifiés et durables de production alimentaire que l’on privilégiera demain.
Par Renée-Claude Goulet
La plus grande lune de Jupiter, Ganymède, vue depuis Juno.
Au début de l’été, la sonde Juno de la NASA a survolé Ganymède, la lune glacée de Jupiter, plus près que tout autre engin spatial depuis plus de vingt ans.
Jusqu’à présent, Juno a révélé plusieurs choses en orbitant autour de Jupiter, comme la présence de molécules d’eau à l’équateur de la planète, les remarquables aurores à l’aube, des éclairs et des images inédites de formidables tempêtes aux pôles de Jupiter. Tout récemment, Juno a effectué son 34e survol de Jupiter et s’est approché à 1038 km de Ganymède, la plus grande des lunes joviennes. Regardez cette courte animation de la NASA, agrémentée de musique, qui présente le point de vue d’un « capitaine de vaisseau spatial » lors de chaque survol :
Transcription
*Il n'y a pas de parole dans la vidéo, uniquement de la musique instrumentale en fond sonore.
Au fait, qu’est-ce qui rend Ganymède si spéciale? Ganymède est une des quatre lunes galiléennes de la planète, et deux caractéristiques la distinguent de ses sœurs Io, Europe et Callisto : sa taille et son champ magnétique. Mesurant 5268 km de diamètre, Ganymède est la plus grande lune du système solaire — elle est même plus grosse que la planète Mercure.
En orbite dans le puissant champ magnétique de Jupiter, Ganymède génère également son propre champ magnétique — elle est la seule lune connue à en posséder un — et présente des aurores. Si le champ magnétique de la Terre est créé par les mouvements convectifs dans son noyau externe, constitué de métal liquide chaud, le noyau de Ganymède est probablement trop froid pour générer un tel champ. Une des hypothèses suggère que des forces de marée sont en cause; les interactions gravitationnelles entre Jupiter et ses grandes lunes Ganymède, Europe et Io provoqueraient un réchauffement par friction à l’intérieur des lunes. Le même mécanisme est à l’origine des éruptions volcaniques sur Io, et pourrait avoir empêché le noyau de Ganymède de se refroidir il y a de cela des millions d’années.
La croûte externe de Ganymède se compose de glace et de roches plusieurs centaines de mètres. Sur la surface externe de ce globe glacé, deux types de terrain sont prédominants : des régions anciennes et sombres où l’on trouve de nombreux cratères, et des régions plus récentes et plus claires, composées de vastes crêtes (hautes de 700 m et longues de milliers de kilomètres) et cannelures, qui semblent indiquer que le site a connu une période d’activité géologique. Une étude réalisée d’après les observations du télescope spatial Hubble a tout récemment apporté des preuves de la présence de vapeur d’eau provenant de la sublimation de la glace à la surface de Ganymède. Sous la croûte glacée de la lune se trouverait un grand océan d’eau liquide, semblable à celui qu’on trouve sur Europe.
Des scientifiques examinent actuellement les données collectées dernièrement lors du survol de Ganymède, ce qui laisse présager d’autres découvertes.
Dans le cadre du programme New Frontiers de la NASA, Juno a entamé un voyage de cinq ans vers le système jovien en 2011 et orbite autour de la plus grande planète du système solaire depuis 2016. La mission de la sonde spatiale Juno a été prolongée jusqu’en 2025 afin d’étudier de façon plus approfondie Jupiter et ses quatre lunes galiléennes.
En outre, on prévoit de lancer deux nouvelles missions vers les lunes joviennes au cours des prochaines années. Les sondes Europa Clipper de la NASA et Juice (Jupiter Icy Moons Explorer) de l’ESA viseront à étudier les globes glacés qui orbitent autour de Jupiter et leurs océans, et à déterminer leur habitabilité.
Par Cassandra Marion
Azurés communs (Polyommatus icarus) mâle (à gauche) et femelle (à droite) s’accouplant dans le parc naturel Yoesden Bank, au Buckinghamshire.
Des papillons sous haute surveillance : espèces envahissantes ou menacées?
Lors d’une randonnée en Ontario ou au Québec cet été, vous pourriez apercevoir un papillon bleu particulièrement attrayant appelé azuré commun. Observé pour la première fois à Montréal en 2005, l’azuré commun a depuis été vu ailleurs au Québec et en Ontario.
S’il est joli à voir, des chercheurs de l’Université d’Ottawa étudient maintenant cette espèce exotique afin de mieux comprendre une invasion éventuelle. Les chenilles de cette espèce se nourrissent de lotier corniculé, que l’on retrouve dans les zones urbaines de toutes les provinces canadiennes, ce qui porte à croire qu’il n’est pas impossible que l’azuré commun colonise d’autres provinces.
Qu’est-ce qui constitue une espèce envahissante? On qualifie d’envahissante une espèce qui est abondante et répandue, et qui a des effets négatifs sur les communautés écologiques. Cela dit, les espèces exotiques ne sont pas toutes envahissantes. Dans le cas de l’azuré commun, les chercheurs ont pensé qu’il était important de commencer sans tarder à étudier cet insecte afin de mieux le comprendre et de prédire si l’espèce nouvellement introduite est susceptible de devenir envahissante.
Pourquoi certaines espèces prospèrent-elles, alors que d’autres sont menacées d’extinction? Si l’on prend l’exemple du monarque de l’est du continent (une espèce de papillon indigène du Canada qui défraie la chronique depuis quelques années), force est de constater que le changement climatique a des répercussions importantes sur ses populations et ses habitats. Le temps froid, en particulier, a réduit les populations de ce papillon, et les activités humaines ont, de manière plus générale, perturbé ses habitats. Les conditions environnementales peuvent avoir des répercussions énormes sur le sort d’une population : elles peuvent favoriser sa prospérité ou entraîner sa disparition.
Heureusement, des chercheurs ont mis au point des moyens de surveiller ces deux espèces de papillons. On marque des azurés communs et des monarques de l’est du continent afin de suivre leurs déplacements. Avec l’aide du grand public sur des sites comme iNaturalist et eButterfly, les chercheurs collectent des données sur l’aire de distribution de l’azuré commun dans le cadre de projets de science citoyenne. Grâce à une meilleure compréhension des déplacements d’une espèce, les scientifiques et les chercheurs sont plus à même d’en contrôler les populations en réduisant ou en accroissant les ressources à la disposition de l’espèce. De telles recherches guident les interventions qui visent à empêcher des espèces de devenir envahissantes ou à protéger celles qui sont menacées.
Par Olivia Béchard