Un avion « vedette de cinéma » réintègre la collection du Musée
Le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada abrite maintenant un aéronef qui arbore des teintes vives et spéciales et qui a fait du cinéma.
Selon la conservatrice adjointe Erin Gregory, ce D.VII de Fokker en particulier se distingue pour plusieurs raisons.
« Nous croyons que notre Fokker a fait carrière dans le domaine du cinéma, mentionne-t-elle. Dans les années 1920 et 1930, plusieurs films ont été réalisés sur les exploits des aviateurs pendant la Première Guerre mondiale, et nous pensons que le nôtre apparaît dans le film intitulé Les Anges de l’enfer. »
~ Conservatrice adjointe Erin Gregory
Le Fokker du Musée non seulement a servi d’accessoire de cinéma, mais il est aussi l’un des derniers appareils à avoir été fabriqués dans une usine Fokker. Avec le J.I de Junkers et le G.IV d’A.E.G., le Fokker formera un trio d’aéronefs allemands très rares. L’A.E.G. du Musée est unique au monde et le J.I de Junkers est aujourd’hui le seul modèle complet de cet avion.
Si le Fokker est en excellent état maintenant, cela n’a pas toujours été le cas; il a effectivement connu des hauts et des bas. Après avoir fait l’acquisition de l’avion au début des années 1970, le Musée a entrepris de le restaurer, mais le projet a été mis en veilleuse.
« Pendant les travaux, le projet a été délaissé au profit de la restauration du HS-2L de Curtiss — le grand bateau volant qu’on trouve au Musée —, ce qui a accaparé tout le monde », explique Erin Gregory.
Selon cette dernière, l’abandon du projet dans les années 1970 n’a pas été une si mauvaise chose. À l’époque, des erreurs avaient été commises dans la restauration du Fokker, mais comme le projet a été suspendu, elles ont pu être corrigées par la suite. Toutefois, ces erreurs n’ont pas été rectifiées au Canada. L’appareil a fait un long et étrange voyage, qui l’a mené de l’Allemagne au Canada en passant par les États-Unis, puis brièvement en Nouvelle-Zélande; il est finalement rentré au Canada afin d’être exposé au Musée.
Dans le cadre d’un vaste échange d’avions, de moteurs et de services, le Fokker a été envoyé en Nouvelle-Zélande où, pendant environ deux ans et demi, il a été restauré avant d’être renvoyé au Musée en décembre 2018, raconte Erin Gregory.
Au premier coup d’œil, les visiteurs remarqueront certainement les tons vifs du Fokker. L’aéronef arbore ce qu’on appelle un « camouflage polygonal ». Cela peut paraître inhabituel, mais Erin Gregory précise que ce type de camouflage était très courant sur les avions allemands de la Première Guerre mondiale.
« En fait, cela n’avait rien d’exceptionnel, c’était plutôt la norme pour l’aviation allemande à l’époque, mais c’était propre à l’aviation allemande, poursuit-elle. Le tissu à motif polygonal est un choix intéressant. Comme camouflage, il paraît que cela fonctionne, ce qui est très surprenant parce qu’on dirait plutôt que le motif déclare : “Hé! Je suis ici” ».
Erin Gregory explique que le camouflage polygonal fonctionne de la même manière que le camouflage disruptif. Essentiellement, l’idée derrière le camouflage disruptif était de peindre des formes géométriques colorées tape-à-l’œil sur les navires, de sorte que l’ennemi ne sache pas quelle partie du navire il frappait. Le tissu à motif polygonal agit de la même façon pour dérouter l’ennemi.
On dirait que les motifs colorés ont été peints, mais ils sont en fait imprimés sur un tissu, lequel est ensuite plaqué sur l’aéronef.
« Les objets ont l’air bizarres dans les airs, et on ne les voit pas vraiment bien tant qu’ils ne se trouvent pas à moins de 400 mètres de soi », souligne Erin Gregory.
Ce camouflage spécial a également contribué à améliorer le poids et la vitesse du Fokker. L’utilisation du tissu a permis d’éviter d’alourdir inutilement l’aéronef comme l’auraient fait plusieurs couches de peinture, explique Erin Gregory.
Ce camouflage coloré découle aussi d’une stratégie différente, ajoute-t-elle. Les avions alliés étaient plus enclins à s’aventurer en territoire ennemi, contrairement aux Allemands qui n’allaient pas aussi loin, ces derniers n’avaient donc pas besoin du camouflage terne que les Alliés utilisaient habituellement pour leurs aéronefs.
« Les cartes des positions alliées que possédaient les Allemands n’étaient pas aussi détaillées que celles des Britanniques au sujet des Allemands, remarque Erin Gregory. Il était donc probablement plus important pour les Alliés de disposer d’avions de couleur plus terne. Ils voulaient passer inaperçus durant leurs incursions. Quand les Allemands franchissaient les lignes ennemies, c’était pour aller infliger des dégâts, alors peu leur importait qu’on les voie ou non. »
Les visiteurs du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada trouveront le D.VII de Fokker facilement, car il est exposé dans la section consacrée à la Première Guerre mondiale, près de l’entrée principale.