Plan en six étapes pour des communications claires
Durant votre visite du Musée de l’aviation et de l’espace du Canada, je veux que l’information présentée vous interpelle. En tant que planificatrice de l’interprétation, une grande partie de mon travail au Musée consiste à organiser les idées. Je structure chaque exposition : je regroupe les objets, les images et les faits de manière à établir clairement les liens importants entre eux. De cette façon, vous passez moins de temps à mettre de l’ordre dans l’information et plus de temps à explorer l’exposition.
Chaque exposition doit être conçue sur des bases solides. L’équipe de conception doit regrouper de façon cohérente toutes ses idées avant de commencer à élaborer une exposition. Cela vaut pour de nombreux types de présentations, pas seulement pour les expositions. Tout le monde cherche spontanément à faire un rapprochement entre les faits, à établir des liens entre eux. Alors, qu’il s’agisse de préparer une présentation ou de rédiger un plan d’affaires, on doit organiser ses idées soigneusement pour communiquer efficacement l’information. En suivant une démarche rationnelle et rigoureuse pour planifier ses contenus, on peut rehausser d’un cran la qualité de ses communications.
Démêler les fils enchevêtrés des faits, des idées et des messages afin d’en dégager le sens peut sembler une tâche colossale, surtout si le délai est serré. Voici quelques tactiques que j’emploie souvent pour organiser et simplifier un lot d’information complexe.
1. Commencer par déceler les grandes tendances
On écrit tous les faits, les chiffres et les thèmes importants sur des papillons adhésifs afin de pouvoir ensuite les déplacer. On les classe et les réorganise en différents groupes. Des catégories se profilent-elles? Quel lien existe-t-il entre ces catégories? En quoi ce lien est-il significatif? Les réponses à ces questions sont souvent utiles pour mieux cerner le sujet principal.
Les tests menés auprès de visiteurs durant la planification de l’exposition Vivre en orbite en 2015 ont démontré que le public souhaitait en savoir davantage sur le quotidien des astronautes dans l’espace : il voulait savoir comment ils s’y prennent pour préparer leur nourriture, pour dormir dans des sacs accrochés à la paroi et pour faire — hum, hum — leurs petits besoins à bord de la Station spatiale internationale (SSI). Quant à nos partenaires à l’Agence spatiale canadienne, ils voulaient naturellement mettre en valeur les nombreux projets de recherche fascinants menés à bord de la SSI, qui est essentiellement un laboratoire scientifique aménagé dans l’espace. Alors, comment avons-nous réussi à concilier ces désirs? Nous avons défini une structure double autour du concept « vivre et travailler dans l’espace ». Dans la première partie de l’exposition consacrée à la vie à bord de la SSI, nous avons mis l’accent sur les nombreux systèmes qui permettent de rester en vie à bord de la station spatiale. Cela nous a permis de planter le décor pour présenter le travail des astronautes dans l’espace, qui consiste, entre autres, à mener des expériences importantes et effectuer l’entretien des systèmes essentiels de la SSI.
2. Pousser la réflexion afin de relever d’autres liens ou des contradictions
On examine ensuite chacun des groupes de papillons adhésifs. On peut essayer de hiérarchiser l’information en plaçant en haut les notes à caractère général et, sous elles, les renseignements plus spécifiques qui s’y rapportent. On s’attarde aux liens et aux contradictions qui apparaissent. Certaines idées se chevauchent-elles? Se contredisent-elles? Bien souvent, ces nuances permettent de toucher le cœur du sujet et des aspects susceptibles d’intéresser les lecteurs.
Récemment, quand nous avons actualisé la zone du Musée consacrée à la Première Guerre mondiale, nous avons remis en question les perceptions populaires en ce qui a trait à la vie des pilotes en temps de guerre. L’aviation militaire a souvent été présentée comme une activité prestigieuse. Durant la Première Guerre mondiale, les pilotes ont d’abord été recrutés parmi les classes supérieures de la société. Les médias de l’époque les présentaient comme des « chevaliers de l’air » individualistes, qui menaient une vie de star, loin de la boue des tranchées. En réalité, le taux de survie des équipages de conduite était faible; il était parfois inférieur à trois semaines. À cette époque, l’habitacle des aéronefs était ouvert, ce qui exposait les équipages à des conditions météorologiques extrêmes en toutes saisons ainsi qu’aux projections constantes d’huile de ricin, qui finissaient par maculer leurs visages. Ce décalage entre la perception et la réalité nous a offert un point de départ privilégié pour inciter les visiteurs à poser un regard critique sur les expériences vécues par les équipages de la Première Guerre mondiale.
3. Adopter une structure familière
Tandis qu’on regroupe les idées, on essaie de voir si l’on peut employer des structures d’argumentation familières, ce qui peut aider les visiteurs à comprendre plus facilement les messages. Peut-on mettre en contraste des idées? Souligner un rapport de cause à un effet? Présenter une comparaison « avant et après » ou une opposition de type « soit l’un, soit l’autre »? La prudence est de mise quand on établit de tels rapprochements, car ils peuvent parfois donner lieu à des assertions accidentelles. Dans certaines expositions, la structure chronologique peut alimenter un mythe de progrès. Il est donc important de collaborer avec le spécialiste du contenu afin de s’assurer que l’on n’en dénature pas le sens en essayant de le dégager.
Pour l’exposition La santé dans l’espace ouverte en 2019, l’équipe a élaboré une structure qui s’articule autour de trois axes. En discutant des thèmes de la santé et de la médecine avec divers experts, notamment un médecin de l’air et un chercheur principal, nous avons remarqué que tous faisaient état des trois mêmes défis à relever pour assurer la santé des astronautes dans l’espace : la variation de la gravité, le potentiel élevé d’exposition aux rayonnements et la vie dans un milieu isolé. Nous avons donc organisé l’exposition selon trois thèmes : la gravité, le rayonnement et l’isolement.
4. Prendre du recul, visualiser et simplifier
Une fois la structure générale des éléments établie, on schématise l’information. On examine la hiérarchisation des thèmes principaux, des idées générales et des éléments spécifiques. Sont-ils, dans l’ensemble, répartis de manière égale? Dans la négative, le public pourrait se sentir submergé par le traitement approfondi de certains messages et trouver que d’autres aspects ont été abordés trop superficiellement. Les éléments de même niveau ont-ils tous la même importance ou présentent-ils tous la même quantité d’information? Faudrait-il « déplacer » des idées vers le haut ou vers le bas? Un bon plan de communication devrait être simple et permettre qu’on s’y retrouve aisément, alors optez pour la simplicité : inspirez-vous de Marie Kondo pour organiser l’information!
5. Rechercher des fils conducteurs
La thèse ou l’argument principal, ou encore la « grande idée » dans le cas d’une exposition, constitue le fil conducteur le plus important du projet, mais d’autres thèmes ou idées reviennent-ils dans chacun des groupes d’information? Selon l’ampleur du document, il pourrait être intéressant d’utiliser un ou deux fils conducteurs supplémentaires pour créer périodiquement des légendes ou des encadrés judicieux. Bien entendu, il ne faut pas présenter trop d’idées en parallèle, car cela compliquerait le message et le rendrait difficile à mémoriser. Toutefois, un fil conducteur accrocheur pourrait se traduire par une série de légendes ou d’encadrés intéressants.
Durant la conception de l’exposition La santé dans l’espace, les spécialistes n’ont cessé de constater des applications concrètes qu’avaient trouvées sur Terre certaines innovations ou solutions mises au point pour résoudre des problèmes liés à l’espace. L’étude de la perte osseuse en microgravité peut contribuer à faire progresser les connaissances sur l’ostéoporose. Grâce aux avancées en matière de dosimétrie des rayonnements, on peut mieux protéger les personnes qui exploitent sur Terre le potentiel des rayonnements (notamment pour traiter le cancer). Nous avons transformé ces constatations récurrentes en une série d’encadrés intitulés « Ici sur Terre » afin de susciter la curiosité des visiteurs envers ces thèmes en répondant à l’éternelle question : « Quel en est l’intérêt? »
6. Choisir soigneusement ses mots
À l’étape de la planification, il n’est pas trop tôt pour réfléchir au vocabulaire. La similarité et la cohérence des mots choisis peuvent contribuer à mettre en valeur des idées maîtresses en créant un effet de répétition. En considérant les thèmes principaux, ou même l’une des sous-sections du plan, peut-on trouver une phrase qui permet de présenter chacun des éléments distincts, dès lors qu’on y substitue un mot-clé à un autre? La révision du texte peut également permettre de simplifier davantage le message. Peut-on uniformiser les termes employés? Le temps des verbes? Cette façon d’aborder le contenu peut sembler trop rhétorique, mais elle permet de mettre en évidence plus facilement et plus clairement des liens entre les éléments du contenu.
J’espère que ces stratégies vous seront utiles la prochaine fois que vous essaierez d’organiser plusieurs idées en un tout cohérent. Si vous prenez le temps de définir une base solide pour votre projet, vous verrez que vos idées s’agenceront plus efficacement quand vous commencerez à créer votre document ou produit final. Rappelez-vous ceci : lorsque les gens liront votre texte ou verront votre création, ce sera probablement la première fois qu’on porte à leur attention l’information que vous présentez et qu’on les amène à établir les liens que vous indiquez. Un plan bien élaboré vous permettra non seulement de structurer votre contenu, mais aussi de rédiger un texte clair et original.