Était-ce un oiseau? Un avion? Un immense dirigeable appelé le R-100!
Pour souligner la Semaine de sensibilisation aux archives, édition 2021, cet article donne un aperçu de la collection d’Ingenium comportant 120 photographies liées au voyage transatlantique du R-100. Cet immense dirigeable rigide construit au Royaume-Uni a volé jusqu’au Canada en 1930.
Le R-100 survole Saint-Hubert, au Québec, en 1930.
Le 1er août 1930, des milliers de curieux convergent vers le tout nouvel aéroport de Saint-Hubert, au Québec, pour voir de leurs yeux quelque chose de spectaculaire : un immense dirigeable rigide construit en Grande-Bretagne appelé le R-100.
Après 79 heures de vol au-dessus de l’Atlantique et de l’Est du Canada, l’immense aérostat est finalement fixé au mât d’amarrage, qui s’élève à 60 m au-dessus du sol. Long de 219 m, ce dirigeable fait sensation dans les médias, et on lui consacre des articles de journaux, des émissions de radio et des célébrations, tant à Montréal qu’à Toronto.
Pour beaucoup de gens, le dirigeable évoque immédiatement la fin tragique du Hindenburg en 1937. Pourtant, avant ce drame, on reconnaît l’important potentiel de la technologie que représentent les appareils plus légers que l’air, tant à des fins civiles qu’à des fins militaires.
Un avion postal en partance de Saint-Hubert, au Québec, survole le R-100 amarré, en 1930.
Histoire
Le premier dirigeable rigide véritablement pratique est conçu entre 1898 et 1900 par le comte Ferdinand von Zeppelin, officier allemand à la retraite. Pendant la première moitié de la Première Guerre mondiale, l’Allemagne construit quelque 90 de ces Zeppelins en forme de cigare destinés à des missions de reconnaissance et de bombardement. Vulnérables aux attaques, ces dirigeables rigides sont de piètres bombardiers, mais ils ont tout de même la cote pour le transport aérien de passagers.
Le dirigeable R-100 s’approche du mât d’amarrage à l’aéroport de Cardington, à Bedfordshire au R. U., en 1929.
Après la guerre, les accords de désarmement interdisent à l’Allemagne de posséder des dirigeables rigides, mais le potentiel qu’ils offrent pour des vols intercontinentaux intrigue un certain nombre de personnes en Europe et aux États-Unis. Le Royaume-Unis lance le programme impérial de transport par dirigeables en 1924. L’objectif du programme étant de produire deux immenses dirigeables, dont l’un, le R-100, doit être construit par une entreprise privée, l’Airship Guarantee Company, propriété de Vickers, et l’autre, le R-101, par la Royal Airship Works, propriété du gouvernement britannique. À partir des mêmes spécifications, les deux entreprises fabriquent des appareils très différents. Une série de choix de conception font que le R-101 manque de puissance et exige d’importantes améliorations. Entre 1929 et 1930, le R-100 se montre, lui, capable de franchir de longues distances, moyennant certains ajustements.
Cette photo prise dans les années 1920 montre la gigantesque structure du R 100 en construction à Howden, Yorkshire, au R.-U. Des ballonnets, géants, eux aussi, sont ensuite disposés dans la structure en alliage d’aluminium.
Structure
Les dirigeables rigides sont soulevés par un ensemble de ballons appelés ballonnets remplis d’un gaz plus léger que l’air. Dans la plupart des cas, on utilise l’hydrogène, faute d’hélium ou parce que ce dernier est trop cher. Les ballonnets sont disposés dans une longue structure semblable à une cage à oiseaux recouverte de lin.
Le personnel prend place dans une nacelle de commandement où se trouvent les commandes, et les nacelles moteurs contiennent la source d’alimentation.
On voit ici le ventre et la queue du R-100, ainsi que deux nacelles moteurs, à Saint-Hubert, au Québec, en 1930.
Le R-100 peut accueillir 100 passagers, des chambres à coucher et une salle à manger de 56 places.
La salle à manger du R-100, vers 1929.
Des personnages VIP regardent défiler le paysage à partir du pont d’observation du R-100, en août 1930.
Le mât d’amarrage à Saint-Hubert, au Québec, en août 1930.
Un lien avec le Canada
En 1926, le Canada signe le programme impérial de transport par dirigeables. Il accepte ainsi de construire un aéroport dans un lieu adéquat, dans l’Est du Canada. Des fonctionnaires britanniques optent pour Saint-Hubert en août 1927, et la construction du mât d’amarrage de 60 m débute. On doit y installer l’ensemble de l’équipement spécialisé nécessaire pour accueillir les dirigeables arrivant au Canada et en assurer le ravitaillement.
Le vol transatlantique
Le R-100 quitte la base de Cardington de la Royal Air Force, en Grande-Bretagne, le 20 juillet 1930. Après 79 heures de vol au-dessus de l’Atlantique et de l’Est du Canada, un défi, le dirigeable s’amarre au nouveau mât le 1er août. Une importante couverture médiatique et campagne publicitaire ayant annoncé l’événement, les curieux affluent, et on doit mettre en place des mesures spéciales pour diriger la circulation et canaliser la foule.
De nombreuses personnes se dirigent vers le R-100, amarré à Saint-Hubert, au Québec, en août 1930.
Groupe d’officiers et de dignitaires civiles du Canada, à l’aéroport de Saint-Hubert, après l’arrivée du R-100, en août 1930.
Tournée puis retour en Grande-Bretagne
Le R-100 subit des dégâts en raison du mauvais temps dans l’Est du Canada et doit être réparé. Il entreprend ensuite une tournée publicitaire, du 10 au 11 août, au cours de laquelle il survole Ottawa, le Sud de l’Ontario, la péninsule du Niagara et Toronto et cause de l’agitation ainsi que d’importants bouchons de circulation, avant de retourner à Saint-Hubert.
Malgré les dégâts subis par un moteur au moment de l’amarrage, de retour à Saint-Hubert, et même si le système électrique a été endommagé par l’eau, le dirigeable arrive sain et sauf en Angleterre après un vol de 56 heures, du 13 au 16 août. Tout le monde s’attend à ce que le R-100 revienne au Canada dans les mois à venir.
Le R-100, survolant les Mille-Îles, dans le fleuve Saint-Laurent, en Ontario, en août 1930.
Un désastre met fin au programme
Malheureusement, le R-101 ne s’en tire pas aussi bien que son cousin, le R-100. Pendant qu’il tente d’atteindre l’Inde en partance de Grande-Bretagne, en octobre 1930, il s’écorche sur le sommet d’une colline en raison du mauvais temps. L’hydrogène prend feu. Quarante-huit passagers et membres de l’équipage trouvent la mort, y compris l’ensemble des dignitaires qui se trouvent à bord.
Cette catastrophe met fin au programme britannique de dirigeables rigides. Le R-100 ne reviendra jamais au Canada, mais l’aéroport de Saint-Hubert aura été le tout premier aéroport moderne du pays. Devenu l’Aéroport Montréal Saint-Hubert Longueuil, il sert encore de nos jours.
Hangar de l’aéroport avec le R-100 amarré au mât, en arrière-plan, en août 1930.
Cet article est une adaptation de l’essai photographique Le R.100 au Canada du conservateur en aviation Renald Fortier, 1999.