Des étables historiques rendent l’architecture vivante pour des étudiants
Réputée pour son ingéniosité agricole et ses découvertes scientifiques, la Ferme expérimentale centrale (FEC) d’Ottawa est à la fois un lieu historique national et un espace vert en milieu urbain ainsi que le siège du Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada. En règle générale, l’architecture n’est toutefois pas la première chose qu’on associe à cette oasis agricole située à Ottawa.
En tant que nouvelle chargée de cours à l’École d’architecture de l’Université Carleton, je devais trouver une propriété qui permettrait de réaliser une étude de cas dans le cadre de mon cours intitulé « La représentation et la documentation en conservation du patrimoine ». Le cours regroupait des étudiants de quatrième année du premier cycle et de première année du deuxième cycle du programme en architecture ainsi que des étudiants diplômés inscrits au programme en conservation du patrimoine.
La FEC — et le Musée en particulier — m’a attirée parce que cette exploitation agricole unique aux belles étables patrimoniales est ceinte par l’urbanisation, ce qui en faisait un excellent site pour effectuer les travaux sur la documentation d’édifices patrimoniaux dans le cadre du cours. Le fait que j’ai rédigé mon mémoire de maîtrise sur les étables à charpente en bois en milieu urbain ou suburbain a aussi influencé mon choix!
Dessin de détail de l’étable à bovins laitiers (bâtiment 88) au Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada.
En janvier 2019, je me suis entretenue avec Kerry-Leigh Burchill, la directrice générale du Musée, afin de discuter de la façon dont mes étudiants pourraient accéder aux étables historiques du Musée afin de les documenter. Devant l’enthousiasme de Mme Burchill à l’égard du projet, une collaboration fructueuse s’est établie, par l’entremise du conservateur William Knight, entre le Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada et l’École d’architecture Azrieli.
Première ferme expérimentale fédérale au Canada, la FEC a été créée en 1886 à titre de centre de liaison d’un réseau de fermes expérimentales. Les bâtiments construits sur ce site, maintenant désigné « lieu historique national », représentaient alors la quintessence de l’architecture agricole : les meilleures méthodes de construction de l’époque avaient été combinées à des techniques, matériaux et systèmes novateurs et expérimentaux. Pour ses travaux de recherche et de documentation, notre groupe a choisi deux étables historiques du site, à savoir la grande étable à bovins laitiers (bâtiment 88) et la petite étable à bovins laitiers (bâtiment 95).
Point d’intérêt dans la région d’Ottawa, le bâtiment 88 est une grande étable qui a d’abord été bâtie à flanc de coteau en 1887-1888, puis reconstruite à la suite d’un incendie en 1913. L’étable actuelle, qui abrite un troupeau de vaches laitières et un espace d’exposition, constitue un exemple remarquable de la combinaison de pratiques de construction datant de la fin du XIXe siècle et d’innovations du XXe siècle.
Le bâtiment 95, construit en 1912 aux fins de la recherche sur la production laitière, est également digne d’intérêt. Utilisé pour la tenue d’événements spéciaux et de camps d’été, ce bâtiment présente des éléments architecturaux intéressants, tels qu’un grand grenier ouvert et une structure de toit impressionnante composée de fermettes.
Ces deux étables ont servi de cas aux étudiants, qui les ont visitées plusieurs fois, individuellement et en équipe, dans le cadre d’une série d’exercices visant à approfondir leurs connaissances techniques et à développer leurs compétences en recherche en ce qui a trait aux techniques de relevé du patrimoine.
Coupe architecturale de la grange du pré (bâtiment 95) au Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada.
Le groupe a effectué un relevé de l’ensemble du bâtiment 95 et d’une partie du bâtiment 88 au moyen d’un scanneur laser 3D Focus de Faro, qui sert à créer un nuage de points 3D (un ensemble de points de données dans un espace tridimensionnel). À partir des nuages ainsi créés, les étudiants ont pu réaliser des dessins au trait bidimensionnels à l’échelle des étables. Ils ont également eu l’occasion d’explorer d’autres moyens de documentation et de représentation, notamment la photographie de documents, la photogrammétrie (technique permettant la création de modèles numériques tridimensionnels à partir d’une série de photographies) et la photographie panoramique.
Tous les étudiants ont produit un lot de dessins techniques minutieux, à savoir des plans, des coupes, des élévations et des dessins de détail des étables historiques. De plus, ils ont été incités à faire connaître leurs travaux de manière créative en fonction du site concerné. Certains étudiants ont réalisé une vidéo informative, tandis que d’autres ont créé une visite panoramique accessible en ligne ou produit un rapport de recherche.
Ce cours a fourni aux étudiants une excellente occasion d’acquérir et de mettre en pratique un savoir-faire en matière de conservation du patrimoine. Pierre angulaire de l’entretien préventif, du contrôle et de la conservation, la documentation des caractéristiques physiques des structures et des paysages historiques guide les propriétaires fonciers, les gestionnaires de sites, les fonctionnaires et les conservateurs dans leurs décisions. Une documentation minutieuse permet aussi répondre à un objectif plus général : au fil du temps, elle devient le principal moyen dont disposent les spécialistes et le public pour appréhender un lieu qui a changé radicalement, voire disparu.
En plus de développer des compétences professionnelles, le projet réalisé sur le site du Musée a permis aux étudiants d’analyser et d’apprécier un nouveau type d’architecture, tout en découvrant les joies et les difficultés inhérentes à ce travail. La réaction des étudiants n’a été que positive. Chacun d’eux a éprouvé un attrait particulier pour les bâtiments : la beauté et la complexité de la menuiserie, les éléments fonctionnels des étables ou encore l’évolution des bâtiments et les preuves matérielles des changements apportés au fil du temps. En ce qui me concerne, l’étude du site a attisé l’intérêt que je porte depuis toujours pour l’architecture agricole.
Cette collaboration a également profité au Musée, puisqu’elle a fourni au conservateur William Knight des données et des dessins définitifs qu’il peut maintenant intégrer à la programmation et aux expositions. En mon nom personnel et au nom de mes étudiants, je remercie chaleureusement M. Knight et Mme Burchill. Ce cours a été rendu possible grâce à leur soutien enthousiaste et à la flexibilité dont ils ont fait preuve devant notre horaire sans cesse changeant. Nous espérons que ces travaux marquent le début d’une collaboration durable entre l’Université Carleton et le Musée afin de documenter ce lieu historique.
Dessin et photographie de l’étable à bovins laitiers (bâtiment 88) au Musée de l’agriculture et de l’alimentation du Canada.