Un porte-avions polaire
Cet article a initialement été rédigé et soumis pour faire partie du recueil de récits d’innovation du projet Canada 150 visant à réunir des témoignages sur l’innovation canadienne en collaboration avec des partenaires de partout au pays. Il a maintenant été intégré au Réseau Ingenium, un portail numérique qui met en vedette du contenu en lien avec les sciences, la technologie et l’innovation.
Imaginez un porte-avions insubmersible qui se réparerait tout seul et serait pratiquement invisible aux yeux de l’ennemi. En pleine Deuxième Guerre mondiale, Winston Churchill pria le Canada de lui construire un tel bâtiment... avec de la glace.
En 1943, le Conseil national de recherches Canada fit équipe avec le gouvernement britannique dans le cadre du projet secret ayant pour nom de code « Habakkuk » (du prophète juif de l’Ancien Testament Habacuc). L’idée était de découper des terrains d’aviation flottants dans d’épaisses plaques de glace. Ces terrains serviraient de pistes d’atterrissage mobiles aux avions de chasse en vue de raids aériens vers les régions lointaines d’Europe, peu protégées. Non seulement de telles structures flotteraient-elles, mais les dommages qu’elles pourraient subir seraient réparés par simple addition d’eau.
L’érection d’une maquette massive débuta au lac Patricia, dans le nord de l’Alberta. Les scientifiques se rendirent néanmoins vite compte que la glace fendait trop facilement pour être un matériau de construction fiable. Ils décidèrent donc de la renforcer avec de la pâte de bois et baptisèrent le nouveau matériau « pykrète ».
Le projet Habakkuk finit éventuellement par sombrer dans l’oubli quand le gouvernement britannique comprit qu’il était trop onéreux et peu pratique. Le CNRC laissa la maquette couler au fond du lac. Si le porte-avions de glace ne s’est jamais concrétisé, les importantes recherches sur les propriétés de la glace et le développement du pykrète gardent encore leur tilité aujourd’hui.