Pour une meilleure représentation de l’accessibilité dans la collection d’Ingenium
L’historienne Anna Whitelock a dit un jour que « l’étude de l’histoire est le passeport suprême vers l’avenir » [traduction]. Cette citation nous rappelle que dans de nombreux contextes, l’histoire nous apprend à aller de l’avant, à reconnaître les erreurs commises et à en tirer les leçons.
Cette sage parole constitue un cadre de référence pour examiner la façon dont l’accessibilité est présentée par la collection d’Ingenium — Musées des sciences et de l’innovation du Canada. Il convient de noter qu’historiquement, la présentation de collections sur l’accessibilité dans un cadre muséal se fait souvent du point de vue des établissements médicaux.
En premier lieu, je pense que nous devons élargir notre conception globale de l’accessibilité. Plusieurs expositions du Musée des sciences et de la technologie du Canada présentent les récits de personnes devenues handicapées (à la suite d’une maladie ou d’un accident) qui ont utilisé la technologie pour vaincre les nouveaux obstacles dans leur vie. Bien que je comprenne l’importance de mettre en lumière ces barrières et des solutions pour les surmonter, je pense que ces récits tendent parfois à présenter la situation de handicap comme un problème à « régler ». En tant que membre de la communauté des personnes handicapées, je pense que la conception de l’accessibilité comme une victoire sur un handicap est restreinte ou, au mieux, restrictive.
L’intégration de nouveaux récits qui racontent l’histoire de personnes nées avec un handicap — et douées de capacités et de talents particuliers — permettrait de renverser les stéréotypes entourant le handicap, tout en répondant aux besoins de la communauté des personnes handicapées et la valorisant.
En second lieu, on pourrait enrichir la collection en améliorant la représentation des artefacts liés à l’accessibilité. À l’heure actuelle, la collection d’artefacts liés à l’accessibilité et exposés au Musée est en grande partie centrée sur la mobilité (par exemple des prothèses et des véhicules adaptés) et l’âge. Les technologies mises au point pour les personnes sourdes et aveugles (comme le braille) y sont également représentées. Toutefois, la collection ne représente pas les handicaps liés à la neurodiversité, comme l’autisme, les troubles de l’attention et la dyslexie, pour n’en nommer que quelques-uns. Même si on considère souvent ces handicaps comme « invisibles », on pourrait leur faire une place concrète dans la collection. À titre d’exemple, pour représenter la dyslexie, on pourrait ajouter à la collection un logiciel, comme l’application de synthèse vocale de texte HelperBird. La présentation de technologies utilisées au quotidien par des personnes dyslexiques enrichirait la collection.
En dernier lieu, le Musée doit poursuivre ses efforts visant à présenter l’accessibilité dans une perspective humaine. Pour cela, il doit acquérir des artefacts qui présentent l’expérience particulière des personnes vivant avec un handicap. Par exemple, le conservateur du Musée Tom Everrett a amassé plusieurs couvre-prothèse esthétiques. Conçus à partir de divers tissus à motifs aux couleurs vives, ces revêtements n’ont aucune utilité médicale. Ils permettent plutôt aux personnes handicapées de révéler leur personnalité en décorant leur prothèse en métal et en plastique.
Alors que nous nous penchons sur l’avenir de la collection d’artefacts scientifiques et technologiques du Canada, je suis persuadée que nous avons amorcé un virage important en ce qui concerne notre façon de représenter l’accessibilité. Ce n’est qu’en allant au-delà de la représentation du handicap comme un problème médical que nous parviendrons à valoriser les personnes extraordinaires qui composent la trame de notre culture. En offrant une représentation plus globale et plus exacte de l’accessibilité, nous pourrons tendre vers une société plus progressiste, plus inclusive et mieux informée.