Les batteries au lithium-ion au Canada : documenter une révolution technologique
Ceux d’entre nous qui sont assez âgés pour se souvenir du monde d’il y a vingt ou trente ans ont été témoins des changements qui ont découlé de l’amélioration constante des batteries au lithium ion (Li ion). Les petites piles qui alimentaient autrefois les ordinateurs portables et les téléphones cellulaires remettent aujourd’hui en question partout dans le monde la dépendance des transports à l’égard des combustibles fossiles. Le Musée des sciences et de la technologie du Canada s’intéresse à ce processus en recueillant et en documentant des artefacts qui représentent la contribution du Canada à cette technologie en constante évolution.
Alors que l’adoption des véhicules électriques (VE) fait grimper en flèche la demande de piles Li ion, les pays du monde entier se livrent actuellement à une course à l’extraction de minéraux servant à la fabrication des batteries, au raffinage et à la transformation de ces minéraux pour en faire des matériaux destinés aux batteries, à la fabrication d’éléments de batteries et à l’incorporation de ces éléments dans des produits finis. Les chercheurs s’emploient à améliorer les technologies actuelles et à mettre au point la prochaine génération de batteries.
Le Canada dispose d’avantages importants dans cette transition mondiale : son économie axée sur l’extraction et la transformation des ressources a donné naissance à des dizaines de projets de matériaux pour batteries. Notre pays compte de nombreuses entreprises technologiques qui fabriquent des blocs batteries et des véhicules électriques. Les fournisseurs canadiens de pièces automobiles organisent et encouragent la production de batteries à mesure que ce secteur se tourne vers les véhicules électriques. L’abondance de l’électricité d’origine nucléaire et hydraulique attire chez nous des entreprises qui s’efforcent d’atteindre la neutralité carbone. Bien qu’on ne le reconnaisse pas souvent, les bases de ce changement ont été posées par l’histoire canadienne de la production de batteries et de la recherche dans ce domaine.
Avant l’invention de la génération actuelle de piles Li-ion, Moli Energy, basée à Maple Ridge, en Colombie-Britannique, a réalisé une première mondiale au milieu des années 80 : elle a mis au point et fabriqué la toute première pile rechargeable au lithium-métal fabriquée en série, la « molicel ». Cette entreprise est née d’un partenariat entre l’ingénieur minier et entrepreneur Norman Keevil, qui cherchait un marché pour le molybdène produit dans les mines de cuivre de la Colombie Britannique, et le physicien Rudolph (« Rudi ») Heering, de l’Université de la Colombie-Britannique, dont le groupe de recherche a mis au point une méthode pour utiliser le molybdène comme matériau de cathode dans une batterie rechargeable.
Moli Energy a ouvert son usine dès 1987, ce qui constitue une remarquable réussite puisque l’entreprise a essentiellement dû partir de zéro pour mettre au point ses techniques de production. Finalement, elle a été victime d’un défaut qui était courant dans les premières batteries lithium-métal : dans de rares circonstances, elles avaient tendance à présenter un risque de court-circuit et à prendre feu. L’entreprise a dû procéder à un rappel de batteries en 1992; par la suite, elle s’est donc tournée vers les cellules Li ion. Le laboratoire de recherche est toujours en activité à Maple Ridge et fait maintenant partie de la société taïwanaise Moli E-One Energy Corp.
Appartenant à un important héritage de recherche et développement sur les véhicules électriques, l’Institut de recherche d’Hydro-Québec constitue un deuxième centre de mise au point des batteries au Canada. Au début des années 90, l’Institut a commercialisé et fabriqué la pile lithium-métal-polymère (LMP), une batterie rechargeable au lithium à l’état solide, conçue par le chimiste français Michel Armand. Les batteries à l’état solide permettent de résoudre le problème de court-circuit de la pile au lithium métal.
En 2002, Avestor, une filiale dont Hydro-Québec est partiellement propriétaire, a mis en service la première usine au monde à fabriquer en série des batteries LMP. Le développement commercial de cette technologie a été difficile, mais se poursuit encore aujourd’hui. La génération actuelle de batteries LMP est fabriquée au Québec et en France par Blue Solutions, une filiale du conglomérat français Groupe Bolloré. La recherche de pointe sur les technologies de batterie à électrolyte solide se poursuit encore aujourd’hui au Centre d’excellence d’Hydro-Québec, situé en banlieue de Montréal.
Alors que le Canada cherche à mettre sur pied sa chaîne d’approvisionnement en batteries, bon nombre d’experts, qui sont des chefs de file dans le domaine, ont travaillé chez Moli Energy ou à l’Institut de recherche d’Hydro-Québec ou dans ses filiales qui produisent des batteries. Par exemple, Jeff Dahn, l’ancien directeur de la recherche chez Moli Energy, a mis sur pied le célèbre laboratoire de l’Université Dalhousie, qui collabore étroitement avec Tesla pour la mise au point de batteries. Au cours des prochains mois, les conservateurs d’Ingenium chercheront à recueillir et à préserver les preuves matérielles de ces travaux afin que les futurs chercheurs puissent étudier ce moment de l’histoire technologique du Canada.
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