L’anniversaire d’une excursion : les Canadiens à l’exposition sur la pêche, à Londres en 1883
La journée d’aujourd’hui marque les 136 ans de cette photo, une image panoramique prise le 31 août 1883 sur les berges de la rivière Thames à Cliveden, à l’ouest de Londres. Les 43 hommes figurant sur ce portrait de groupe constituent le gratin du monde de la pêche internationale de la fin du 19e siècle. Ils sont tous réunis à Londres où ils prennent part à la grande exposition internationale de la pêche qui avait été lancée au printemps de la même année. En ce jour d’août, ces hommes ont profité d’une excursion sur la rivière qui leur a permis de s’éloigner de Londres et de son exposition.
La cour canadienne à l’exposition sur la pêche de Londres, 1883. Le pisciculteur du Dominion Samuel Wilmot a organisé cette présentation, laquelle faisait 929 m2 (10 000 pi2).
L’exposition de 1883 consacrée à la pêche a probablement été la plus grandiose de toute la série d’expositions de pêche tenue en Europe pendant la dernière moitié du 19e siècle. Elle portait sur tout ce qui touche les poissons, de la classification à la culture des créatures en passant par la pêche et la dégustation.
Cette exposition, qui constituait tant un salon commercial et un congrès académique qu’un divertissement spectaculaire, a su attirer scientifiques, conservateurs, pisciculteurs, administrateurs, politiciens et autres visiteurs. Le Canada était bien représenté grâce à une présentation imposante qui démontrait les réalisations nationales du pays, particulièrement dans le domaine de la pisciculture.
Tim Fedak, conservateur de géologie du Nova Scotia Museum, a récemment affiché cette image sur le site Web du musée. Il mène des recherches et rédige des textes au sujet de la vie et de l’époque de David Honeyman, titulaire d’un doctorat et premier conservateur de ce musée de la Nouvelle-Écosse.(Voir https://museum.novascotia.ca/blog/historic-photographs-1883)
David Honeyman a visité l’exposition et a dressé un compte rendu élaboré de son expérience sur place et de l’excursion dans son livre Giants and Pigmies. Il est visible sur la photo : deuxième à partir de la droite, le conservateur spécialiste de la géologie est assis dans la deuxième rangée et tient une canne de marche. À sa droite se tient Samuel Wilmot, le commissaire à la pisciculture du Canada et l’organisateur de la présentation canadienne à Londres.
Présentation sur la technologie de la pisciculture canadienne par Samuel Wilmot dans le cadre de l’exposition de la pêche de Londres tenue en 1883.
M. Fedak a découvert ce portrait de groupe sur le site des archives nationales du Royaume-Uni pendant qu’il menait ses recherches sur David Honeyman. Intrigué par l’identité des autres hommes, il a publié la photographie, accompagnée d’une version de celle-ci dessinée à la main et sur laquelle il a numéroté la silhouette de chaque homme photographié. Il a ensuite demandé de l’aide pour identifier les personnes inconnues.
M. Fedak m’a mis au courant de ce projet par gazouillis. J’étais heureux de voir Samuel Wilmot et Edward Ernest Prince, deux figures importantes du monde de la pêche au Canada, prenant la pose en compagnie d’autres notables tels que l’ichtyologiste et conservateur du Smithsonian George Brown Goode, le biologiste britannique Edwin Ray Lankester et le biologiste écossais William Carmichael M’Intosh, également mentor intellectuel de Edward Prince. Je me suis empressé d’offrir mon aide et j’ai pu identifier plusieurs autres personnes figurant sur la photo.
La photographie démontre clairement la fonction de l’exposition en tant que carrefour intellectuel, tout en révélant sa composition exclusivement masculine et sa nature transnationale. Comme M. Honeyman l’a noté dans son compte rendu de l’excursion, les hommes se laissant immortaliser par le photographe étaient « d’origine anglaise, écossaise, irlandaise, russe, autrichienne, française, allemande, néerlandaise, américaine, australienne, canadienne, suédoise, norvégienne, chinoise et japonaise, entre autres ».
Parmi ces hommes, bon nombre se connaissaient déjà, indirectement par des publications, ou encore directement par correspondance et d’autres formes de communication. MM. Wilmot et Goode, par exemple, se sont échangé des lettres pendant les années 1880, le deuxième fournissant ultérieurement au premier de la carpe importée afin de l’introduire au Canada.
La photo montre également que l’exposition a donné lieu à des moments cordiaux, le cliché illustrant les participants qui mettent de côté les activités de l'exposition. Comme le note M. Fedak, David Honeyman a décrit le moment où les photographes sont arrivés pour créer, selon ses propres mots, « de précieux souvenirs de notre agréable excursion, et de notre communication et de notre camaraderie internationales ».
Pour moi, 136 ans plus tard, ce souvenir rappelle un moment de l’histoire moderne de la pêche où ceux qui ont étudié ce domaine ont détourné leur attention du caractère apparemment inépuisable de la pêche océanique pour passer un après-midi paisible ensemble. Grâce au travail de M. Fedak, j’ai aussi pu découvrir David Honeyman et son livre Giants and Pigmies, une nouvelle source intéressante de l’histoire de la pêche et de ses expositions. Ensemble, cette photographie et le compte rendu qu’en fait M. Honeyman rappellent la nature sociale de la science.
Plus en profondeur
Catalogue officiel de la grande exposition internationale de la pêche, 1883.
HONEYMAN, David. Giants and pigmies: earth’s order of formation and life and harmony of the two records, 1887, p. 57-58.
Identiqueté : #Finding Honeyman.
DEL VECCHIO, Michael. « Cosmopolitan Trout: The 1883 Fisheries Exhibition and the Global Expansion of Fish Culture ». Environment & Society Portal, Arcadia (2013), no 21. Rachel Carson Center for Environment and Society.
KNIGHT, William. “Canada at the London Fisheries Exhibition.”