Hommage au commodore de l’air Leonard Joseph Birchall : un leader, un gentleman et un sauveur
Cette année marque le 75e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Il semblerait que la COVID-19 et l’isolement qu’elle impose arrivent à un bien mauvais moment, car très peu d’anciens combattants de cette génération héroïque sont encore avec nous aujourd’hui. Le temps devrait être à la commémoration... à la réflexion pour considérer le fait que le monde a failli perdre sa liberté.
Toutefois, lorsqu’on demande aux gens s’ils savent qui étaient les récipiendaires canadiens de la Croix de Victoria Andrew Charles Mynarski ou Robert Hampton Gray, la plupart ne font que hausser les épaules.
J’ai donc décidé de partager l’histoire d’un homme qui est l’incarnation même du courage, de la galanterie, de l’éthique la plus élevée, du sens du devoir et de la compassion. Bien qu’il ait été un homme très décoré, il a reçu l’Ordre du Canada, la Croix du service distingué dans l'Aviation, l’Ordre de l’Ontario et la Décoration des Forces canadiennes (cinquième barrette), c’est l’Ordre de l'Empire britannique pour sa galanterie exceptionnelle envers ses hommes qui le distingue le plus.
La création d’un héros
Né à St Catharines, en Ontario, le commodore de l’air Leonard Birchall a reçu son diplôme du Collège militaire royal du Canada en 1937. Il a reçu sa commission de l’ARC et a été chargé du 5e Escadron de l’Aviation royale du Canada (ARC). M. Birchall a été envoyé au Royaume-Uni en décembre 1941 et s’est joint au 413e Escadron de l’ARC, qui était basé aux îles Shetland. En tant que chef et commandant adjoint du 413e Escadron, un escadron d’hydravions à coque, il pilotait un appareil qui a été transféré à Ceylan (Sri Lanka) au début de 1942. Après la chute de Singapour, Ceylan est devenu une base britannique de première ligne importante pour cette région du monde.
Le 4 avril 1942, M. Birchall se trouvait dans la neuvième heure d’une patrouille de 24 heures au large des côtes sud-est de Ceylan à la recherche de sous-marins et d’activités maritimes. Il a repéré une flotte de la marine impériale japonaise qui se ruait vers Ceylan, se préparant à lancer une attaque aérienne surprise sur Colombo, semblablement à celle de Pearl Harbor qui avait eu lieu le 7 décembre 1941.
La flotte qui s’approchait comptait cinq porte-avions et les navires qui les accompagnaient. L’hydravion à coque Consolidated Catalina de M. Birchall a été abattu par six avions-chasseurs japonais « Zéro » du porte-avions Hiryū. Son opérateur radio a toutefois réussi à alerter Colombo pour signaler la position et la direction estimée de la flotte ennemie qui s’approchait rapidement.
Après l’écrasement de l’aéronef dans l’océan Indien, M. Birchall et cinq autres membres de l’équipage ayant survécu ont été capturés par l’ennemi, battus sans pitié, puis ensuite envoyés au Japon comme prisonniers de guerre (PG).
Le 5 avril 1942, le raid du dimanche de Pâques — une attaque aérienne de l’avion embarqué de la marine impériale japonaise contre Colombo — a finalement été une déception pour les Japonais. Heureusement, la plupart des navires de guerre britanniques n’étaient pas à Colombo. C’est cette chance qui a sauvé la flotte de l’Est.
M. Birchall, après avoir averti les forces alliées de l’offensive surprise japonaise à Colombo, leur permettant ainsi de se préparer et d’empêcher une attaque fatale, a été affectueusement baptisé « le sauveur de Ceylan ». On lui a plus tard décerné la Croix du service distingué dans l’aviation.
Version fabriquée au Canada du Consolidated PBY Catalina, bimoteur de patrouille maritime américain conçu par Consolidated Aircraft Corporation et produit de 1935 à 1945.
« Il n’y a rien de gratuit dans la vie, rien ne vous est servi sur un plateau d’argent. Le travail assidu, l’effort complet et l’abnégation sont le prix à payer. »
- Commodore de l’air Leonard Joseph Birchall, ARC
Les épreuves des camps de prisonniers
Pendant sa captivité dans les camps japonais, la détermination de M. Birchall a été cruellement éprouvée. Durant trois ans et quatre mois, il a été l’officier le plus haut gradé dans chacun des quatre camps où il a été détenu. Au cours de cette période, la malnutrition, l’affamement, la torture, le travail forcé, les maladies et la violence routinière régnaient. Dans le premier camp, les autres prisonniers étaient très hostiles, chacun ayant vécu leur propre enfer. Le titre d’officier supérieur n’était qu’un nom. La confiance devait être gagnée. L’autorité qu’il avait n’était que celle que les hommes souhaitent reconnaître, quand bon leur semblait.
Les compétences de leadership de M. Birchall et son acharnement implacable à agir de façon éthique lui ont permis de gagner le respect. Il a organisé et élaboré des stratégies afin de survivre, et pour réduire le nombre de décès parmi les prisonniers. Il a tenu des journaux et des registres étoffés de tous les événements. M. Birchall encourageait les hommes à cesser de fumer, car les cigarettes étaient la seule monnaie d’échange qu’ils avaient pour obtenir la nourriture et les médicaments dont ils avaient grandement besoin. Lorsque les hommes trop malades et faibles pour travailler étaient battus, M. Birchall disait aux gardes de prison japonais qu’il leur avait ordonné de ne pas travailler. M. Birchall subissait alors les châtiments brutaux. Même si ses actions étaient épouvantablement difficiles, elles ont permis de sauver la vie d’autres prisonniers à plusieurs occasions.
Cette force de caractère et son dévouement incessant ont fait de M. Birchall un leader respecté dans un environnement qui était autrement une jungle sans foi ni loi.
Selon les propres mots de M. Birchall :
« Une fois accepté en tant que leader, vos hommes ne feront pas que vous suivre, mais ils vous imiteront du mieux qu’ils peuvent, votre caractère et votre comportement. Voilà pourquoi, en tant que leader, vous devez en tout temps et n’importe où établir et observer les normes les plus élevées. »
Le lieutenant-colonel d’aviation Len Birchall et Mme Birchall à l’aéroport de Rockcliffe, près d’Ottawa, le 9 octobre 1945.
Goût de liberté
Lorsque les Japonais ont capitulé, M. Birchall et les autres prisonniers ont finalement été libérés par les Américains. Ses journaux bien documentés ont été remis aux officiers chargés d’enquêter les crimes de guerre. Durant sa captivité, ses actions ont gonflé le moral et amélioré le traitement des prisonniers, et diminué le taux de mortalité des PG de 30 % à moins de 3 %.
Au cours de sa vie, la compassion de M. Birchall a été démontrée dans son service communautaire et ses dons importants. Avec la regrettée Reine Mère, il est la seule personne à avoir porté cinq barrettes sur sa Décoration des Forces canadiennes (CD), en reconnaissance de ses 62 années de service.
Le 10 septembre 2004, M. Birchall est décédé à Kingston, en Ontario. Il avait 89 ans. Sur sa tombe sont inscrits les mots suivants : Aviator, Saviour of Ceylon, Protector of POWs, University Administrator, Humanitairan (aviateur, sauveur de Ceylan, protecteur des PG, administrateur d’université, humanitaire). Sa veuve, Mme Kathleen Birchall, a maintenu le soutien communautaire du couple en faisant des dons à la Ligue des cadets de l’air du Canada, mettant en place une bourse annuelle en son nom. En 2011, la formation du 883e Escadron Air Commodore Leonard Birchall de la Ligue des cadets de l’air du Canada a été créée à Markham, en Ontario.
Un véritable trésor national, un modèle pour tous les Canadiens, l’histoire peu connue de M. Birchall met l’accent sur l’importance de l’éthique, de l’intégrité, du leadership, du caractère et du courage. Nous ne l’oublierons pas!
Aller plus loin
- Vidéo : Leadership; Air Commodore L Birchall as a POW (sous-titrage français disponible)
- Transcription de la vidéo : Leadership
- Article: Continuing a legacy of leadership (article en anglais seulement)