Le Groupe interministériel fédéral sur les STIM autochtones du Canada – une force de coopération, d'autonomisation et de réconciliation
Introduction
La diversité des perspectives dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques est essentielle pour soutenir l’innovation et établir de la confiance entre la communauté de la recherche et le public. Pour ce faire, nous devons regarder à l’extérieur de nos organismes et réfléchir à la meilleure façon de soutenir le potentiel d’innovation d’autres communautés au Canada, et nous assurer que notre travail reflète des visions du monde multiples.
Les peuples autochtones, dont les Premières Nations, les Métis et les Inuits, sont des innovateurs de premier plan depuis des temps immémoriaux. Toutefois, les mesures systémiques prises par le gouvernement fédéral et d’autres institutions ont fait obstacle au transfert de leurs connaissances et au développement de ces communautés de recherche dynamiques. Le vol de connaissances, l’interdiction de pratiques culturelles, l’inaccessibilité de l’éducation et la nature exploitante de la relation de recherche entre les collectivités autochtones et le gouvernement fédéral ne sont que quelques-unes des raisons pour lesquelles nous devons faire mieux.
Or, bâtir – ou dans certains cas, rebâtir – la confiance et les relations prend du temps. Toutefois, un groupe de personnes dévouées cherchent à guider la science fédérale dans la bonne direction.
À la suite de :
1) les rapports de la Commission de vérité et réconciliation (CVR),
2) l’adoption de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, y compris son très pertinent article 31, et
3) les directives données aux ministres du gouvernement fédéral dans leurs lettres de mandat pour accélérer la réconciliation, le gouvernement fédéral a demandé aux ministres et ministères de jouer un rôle dans l’avancement de l’autodétermination, la réduction des écarts socio-économiques et l’élimination des obstacles systémiques auxquels sont confrontés les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Ces directives mettent l’accent sur la croissance propre et sur l’utilisation des meilleures connaissances scientifiques et probantes pour la suite des choses. Pour atteindre ces objectifs, il a été recommandé au niveau du sous-ministre que les ministères de domaines similaires travaillent en « grappes » pour élaborer ensemble des solutions avec des partenaires autochtones au-delà des mandats organisationnels individuels. Cela a donné lieu à la formation, en décembre 2019, du Groupe interministériel sur les STIM autochtones (STIM-A) dirigé par Emily McAuley, biologiste à Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC). STIM signifie les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques, et le groupe rallie 13 ministères et organismes fédéraux dont le travail est en lien avec les STIM. AAC est le ministère hôte du Groupe STIM-A, et Mme McAuley est la directrice par intérim du Bureau de liaison scientifique avec les Autochtones d’AAC ainsi que du Groupe STIM-A.
Pour sa part, Ingenium – Musées des sciences et de l’innovation du Canada a ouvert les bras aux appels à l’action du rapport de la CVR qui sont de son ressort. Tout d’abord, Ingenium reconnaît et admet que ses trois musées et le Centre Ingenium sont situés sur le territoire traditionnel non cédé du peuple Algonquin-Anishnabé. Le personnel d’Ingenium et les gens qui visitent nos établissements apprécient le fait de pouvoir travailler et apprendre sur ce territoire. Ingenium reconnaît également que, depuis des temps immémoriaux, la relation des peuples autochtones avec les terres, les airs et les cours d’eau de ce qui est maintenant appelé le Canada a donné lieu à des connaissances. Or, Ingenium s’engage à collaborer avec les peuples autochtones au Canada afin d’assurer une représentation authentique et respectueuse des cultures et des modes de connaissances des Premières Nations, des Inuits et des Métis, en élargissant davantage ses collections nationales d’artefacts et d’archives scientifiques et technologiques ainsi que sa programmation et ses services. Au cours des cinq prochaines années, l’équipe d’Ingenium amorcera des discussions et approfondira ses relations avec les collectivités autochtones d’un océan à l’autre et à l’autre, notamment au moyen du Groupe STIM-A, et collaborera à la cocréation de contenus qui reflètent les appels à l’action issus de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.
Ingenium a eu l’occasion de s’entretenir avec Emily McAuley au sujet de son rôle de directrice par intérim du Bureau de liaison scientifique avec les Autochtones et du Groupe interministériel sur les STIM-A.
Qui est Emily McAuley, Ph.D.?
Ingenium : Bonjour Emily. C’est un plaisir de vous rencontrer. Merci de m’accorder du temps aujourd’hui. J’avais hâte de m’entretenir avec vous et d’apprendre de vous.
Emily McAuley (EM) : Heureuse de vous rencontrer, David.
Ingenium : Allons-y. Comment en êtes-vous venue à travailler à Agriculture et Agroalimentaire Canada, puis à occuper le poste de directrice par intérim du Bureau de liaison scientifique avec les Autochtones et du Groupe interministériel sur les STIM autochtones?
EM : Ça m’a un peu surprise, pour être bien honnête. J’ai toujours été très intéressée par la biologie, et j’ai toujours voulu travailler avec les animaux. Je me suis donc orientée vers les sciences de la vie assez tôt, dès la fin du secondaire. Le chemin a été assez sinueux et j’ai maintenant un diplôme de premier cycle, une maîtrise et un doctorat en biologie. Mais je n’avais jamais vraiment considéré Agriculture et Agroalimentaire Canada comme une possibilité de carrière pour moi. En tant qu’écologiste, je ne voyais pas le lien, mais maintenant que je travaille au ministère depuis sept ans, je vois clairement cette corrélation entre la biologie et AAC.
Permettez-moi de mieux me présenter. Je suis la fille d’une survivante de la rafle des années 19601. Je suis membre de la Première Nation du lac Manitoba, tout comme ma mère, qui a toutefois été adoptée par une famille non autochtone d’ici, dans le territoire algonquin d’Ottawa. Je suis donc née ici et j’ai grandi ici, loin de mon territoire ancestral. En tant qu’étudiante autochtone diplômée, il est venu un moment dans ma vie où j’ai voulu faire la transition entre mes études et ma carrière.
Et en tant que personne née et élevée à Ottawa, j’ai commencé à chercher des emplois au gouvernement. Par le réseautage, je me suis retrouvée à parler à notre ancien sous-ministre adjoint, Brian Gray, qui, à l’époque, lançait une initiative de recrutement d’étudiants autochtones. Il avait besoin de scientifiques autochtones pour participer à cette initiative et c’est ainsi que je me suis retrouvée là où je suis.
Évolution du Groupe STIM-A
Ingenium : Comment en êtes-vous venue à diriger le groupe interministériel?
EM : J’ai continué de travailler avec Brian Gray sur l’initiative de recrutement d’étudiants autochtones, et nous avons intensifié les activités au fur et à mesure que nous les établissions. Nous avons lancé l’initiative en 2016, et elle a été très fructueuse, et en l’espace d’un an, nous avons réalisé que nous avions besoin d’une équipe pour mieux la soutenir. En 2017, nous avons donc créé un bureau de soutien et de sensibilisation pour les personnes autochtones afin de soutenir l’ensemble d’AAC en matière de recrutement d’étudiants autochtones, de maintien en poste et d’avancement des employés, et de sensibilisation culturelle pour l’ensemble du ministère. Mais en tant que ministère à vocation scientifique, nous avons ensuite réalisé que nous avions également besoin d’une fonction de liaison avec des partenaires de recherche autochtones potentiels. Nous avons donc créé un poste d’agent de liaison scientifique avec les Autochtones. Puis, en 2020, nous avons étendu ce rôle à un bureau entier. Je suis donc maintenant directrice du Bureau de liaison scientifique avec les Autochtones, soit une équipe d’agents régionaux chargés d’aider nos chercheurs à établir des collaborations avec des partenaires de recherche autochtones.
Nous le savions déjà, mais il est alors devenu très clair que les priorités de recherche autochtones sont très holistiques. On ne peut pas les classer pour ainsi dire dans un seul secteur, comme l’agriculture, la pêche ou l’environnement. Et c’est pour rassembler des personnes issues de ces différents ministères fédéraux que nous avons créé le Groupe interministériel sur les STIM-A. Évidemment, STIM signifie les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. Le Groupe STIM-A rassemble ainsi certains ministères pour traiter des priorités de recherche chevauchantes de façon plus holistique. Ce qui est peut-être encore plus important, c’est que cela réduit la « fatigue de consultation » avec les partenaires de recherche autochtones.
Pour illustrer ce phénomène, il suffit de penser aux systèmes alimentaires autochtones, où AAC est responsable de la production des plantes terrestres et des animaux domestiques. Mais Environnement Canada est responsable des animaux migrateurs et des aliments récoltés à l’état sauvage, sauf s’ils poussent en forêt, auquel cas ils peuvent alors être considérés comme des produits forestiers non ligneux et relèvent ainsi de Ressources naturelles Canada. De la même façon, Pêches et Océans Canada est responsable des poissons jusqu’à ce qu’ils soient transformés en produits alimentaires, où ils deviennent alors la responsabilité d’AAC. Il est donc plus logique de tous travailler ensemble au sein d’un même collectif, comme le Groupe STIM-A que je dirige maintenant.
Ingenium : Que souhaitez-vous le plus pour le Groupe STIM-A?
EM : Ce que j’espère le plus, ce sont des résultats aptes à donner une meilleure vue d’ensemble pour les peuples autochtones et leurs collectivités. Depuis les dernières décennies, on assiste à une augmentation de l’éducation postsecondaire, en particulier chez les femmes autochtones. Et généralement, les Autochtones (moi y compris) veulent poursuivre des études ou une carrière qui leur permettront d’avoir une réelle incidence et de redonner à leurs collectivités. C’est pourquoi de nombreux étudiants autochtones de troisième cycle s’orientent vers les sciences sociales ou le droit. Mais je pense que les Autochtones commencent à réaliser que la science, qu’elle soit occidentale ou autochtone, peut aussi être un outil qui nous permet de prendre nos propres décisions et de contribuer à notre autodétermination. C’est donc grâce à ces connaissances et à ces chercheurs autochtones capables de comprendre à la fois la science occidentale et la science autochtone que nous pourrons avoir une incidence considérable et commencer à faire progresser les droits des Autochtones en ce qui concerne l’autodétermination et la gouvernance de nos propres terres et peuples. Je pense que le fait d’inciter davantage d’Autochtones à se tourner vers la science occidentale ou à approfondir leurs connaissances traditionnelles profitera aux peuples et aux collectivités autochtones en termes de durabilité environnementale, de revitalisation culturelle et de développement socio-économique.
Ingenium : Une entente a été conclue entre le Groupe STIM-A et Ingenium. Pour qu’elle soit fructueuse, quelles sont, selon vous, les forces uniques de chacune des parties?
EM : Du point de vue du Groupe STIM-A, nous avons ici un certain nombre d’érudits et de gens du domaine des politiques autochtones et allochtones qui travaillent ensemble et qui ont beaucoup d’expérience et d’expertise. Ils peuvent fournir beaucoup de rétroaction, d’orientations et de conseils fondés sur notre expérience et formation communes. Voilà certainement quelque chose que nous avons à offrir au groupe. En ce qui concerne Ingenium et un échange équitable entre les systèmes de connaissances autochtones et la science occidentale, le groupe permettra d’inciter les gens à voir ce que les STIM peuvent apporter et à quel point elles sont passionnantes. Étant une scientifique à la fois occidentale et autochtone, la science occidentale et la science autochtone me passionnent tout autant, et je pense qu’Ingenium dispose des outils et de l’expérience nécessaires pour faire comprendre que les systèmes de connaissances autochtones et la science occidentale peuvent être diffusés équitablement de façon réellement passionnante et engageante.
J’ai mentionné plus tôt que je suis membre de la Première Nation du lac Manitoba, mais comme je suis la fille d’une survivante de la rafle des années 1960, j’ai été élevée dans le territoire algonquin de la région d’Ottawa. J’ai donc visité beaucoup de musées, et c’est là une raison importante pour laquelle je me suis lancée dans les STIM. Je pense que c’est en inspirant la prochaine génération de jeunes et de scientifiques autochtones que nous pourrons voir de grands résultats. C’est certainement ce qu’Ingenium fait dans ses trois musées, et c’est ainsi que nous tous, en tant que membres du Groupe, allons avoir la plus grande incidence.
Ingenium : Je ne sais pas si vous avez visité le Musée des sciences et de la technologie du Canada depuis qu’il a été entièrement rénové, à l’intérieur comme à l’extérieur, en 2017, mais si vous y allez, vous verrez que nous intégrons désormais plus de connaissances, d’éléments et d’artefacts autochtones dans nos expositions et notre programmation. C’est très palpitant pour nous de mettre côte à côte le savoir et la science autochtones et la science occidentale.
EM : C’est formidable! Je dois admettre – et assurez-vous d’inclure ce point dans le compte rendu de l’entrevue – que le Musée des sciences et de la technologie du Canada est mon musée préféré de tous les temps, et je suis si heureuse qu’il soit à nouveau ouvert. Mais non, je n’y suis pas encore retournée. Mais je suis ravie d’apprendre que des connaissances et technologies autochtones y sont présentées.
Synergies émergentes
Ingenium : Voyez-vous des synergies émerger de notre collaboration, qui pourraient conduire à des résultats plus importants que la simple somme des apports?
EM : Oui, absolument, et selon moi, en raison des relations qui se forment au sein du groupe. Nous, gens d’érudition autochtones ainsi que nos alliés, commençons vraiment à comprendre ce que nous pouvons faire ensemble avec nos ministères et organismes partenaires comme Ingenium. Dans le Groupe interministériel, nous allons commencer à échanger les approches et les connaissances de part et d’autre, ce qui améliorera notre capacité à faire notre travail, individuellement ou collectivement. Plus directement, ce que je dis, c’est qu’il y a des choses que nous pouvons réaliser en travaillant ensemble, ce qui serait impossible en travaillant chacun de son côté. L’établissement de relations au sein du Groupe STIM-A nous permettra de faire exactement cela.
Gérer le changement
Ingenium : Si je prends un peu de recul pour regarder le Groupe interministériel d’un point de vue plus large, ce que je vois, c’est une impressionnante initiative de gestion du changement. Vous essayez d’apporter des changements dans de nombreux ministères, y compris dans la façon dont les gens et les groupes abordent les projets et règlent les problèmes, les démarches qu’ils utilisent, et peut-être même les perspectives et les biais qui peuvent influencer le travail et les décisions. En utilisant un modèle de gestion du changement à quatre principes – compréhension, planification, mise en œuvre et communication –, lequel de ces principes a été le plus difficile, et lequel s’est révélé le plus facile?
EM : J’ai beaucoup réfléchi à cette question et, personnellement, c’est la planification du changement qui est l’étape la plus difficile. Je pense que tout le monde comprend pourquoi nous devons changer notre façon de faire. Je pense que tout le monde est d’accord là-dessus. Et vous pouvez communiquer le pourquoi et le comment de ce que nous faisons, notamment en montrant en exemple ce que font les autres. Quant à la mise en œuvre du changement, on peut adopter l’approche d’apprendre en faisant. Par exemple, on peut commencer par un projet pilote pour essayer quelque chose de nouveau ou d’expérimental, en apprenant au fur et à mesure et en diffusant les leçons tirées. Vous voyez, la mise en œuvre non plus n’est pas si difficile. Mais la planification, elle, est d’après moi la partie la plus difficile de la gestion du changement, surtout lorsque vous avez 13 services et agences qui travaillent ensemble sur des priorités communes mais en fonction de calendriers différents. C’est la partie la plus difficile : orchestrer toutes les pièces mobiles et concevoir ce qu’il est raisonnable et possible d’accomplir.
Ingenium : Avez-vous rencontré des défis inattendus? Quelque chose qui vous a fait dire, « Oh, je ne m’attendais pas à ça »?
EM : Absolument. Comme je viens de le dire, je pense que la volonté est là, et que tout le monde au Groupe interministériel comprend pourquoi nous voulons faire ce que nous faisons, et nous voulons tous travailler ensemble pour y parvenir. Ce qui a été inattendu, honnêtement, c’est le niveau d’intérêt pour le Groupe STIM-A, qui est phénoménal. Cet intérêt a augmenté si rapidement, plus vite que nous l’avions prévu. Le Groupe compte beaucoup plus de ministères, d’agences et d’organismes fédéraux qu’au début, ce qui est excellent. Au départ, nous espérions nous engager auprès des ministères et organismes de sciences naturelles terrestres – des ministères et organismes qui ont un lien évident avec la production de connaissances terrestres, comme les systèmes de connaissances autochtones. Nous pensions donc que le groupe allait comporter quatre ou cinq départements. Mais nous sommes plus d’une douzaine maintenant, ce qui est beaucoup plus que ce à quoi nous nous attendions. Mais, vous savez, c’est totalement et complètement inspirant. Bien sûr, ça nous fait un plus grand groupe à gérer, et il faut donc beaucoup plus d’efforts pour nous réunir d’une façon coordonnée, mais le potentiel est lui aussi beaucoup plus grand!
Un avenir prometteur
Ingenium : La Commission de vérité et réconciliation du Canada a publié son rapport d’appel à l’action qui contient près d’une centaine de recommandations. Emily, qu’est-ce qui vous donne le plus d’espoir en ce qui concerne la réalisation d’une partie ou de la totalité des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation? Qu’est-ce qui sera nécessaire de la part de tous?
EM : Il y a en effet 94 appels à l’action, si mon souvenir est bon. Un des premiers dont nous parlons toujours est le 57e, selon lequel tous les ordres de gouvernement doivent sensibiliser les fonctionnaires à l’histoire et à la culture des nations autochtones du Canada et à certaines des répercussions des pensionnats et autres interventions gouvernementales2. Ainsi, à Agriculture et Agroalimentaire Canada, mais aussi dans le Groupe STIM-A, une de nos grandes priorités est d’offrir non seulement une formation axée sur la science, mais aussi de la formation pour apprendre à être conscient de la vérité entourant les interventions gouvernementales et l’approche d’extraction d’information pour faire de la recherche sur le passé. Aujourd’hui, les chercheurs au fédéral doivent être conscients que les partenaires autochtones actuels ou potentiels peuvent être très méfiants à l’égard des chercheurs en raison de ces antécédents de recherche par extraction, qu’elle ait été l’affaire du gouvernement ou non. Il est également important que les équipes scientifiques sachent comment interagir avec des partenaires autochtones et comment coconcevoir des projets de recherche avec ces derniers. L’appel à l’action no 57 est donc très important. Mais nous en aborderons d’autres, je pense, comme celui au sujet de l’écart en matière d’emploi. Je veux dire par là que nous mettons l’accent sur le recrutement d’étudiants et d’employés autochtones dans le domaine des STIM. En nous concentrant explicitement sur ces deux appels à l’action dès maintenant, nous contribuerons indirectement à un grand nombre d’autres appels à agir.
Ressources pour rehausser la compréhension
Ingenium : Emily, étant donné qui vous êtes et les expériences que vous avez vécues, quelles recommandations avez-vous pour ceux et celles qui lisent cet article et cette entrevue, pour qu’ils puissent eux-mêmes participer en soutenant une des principales conclusions de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, soit celle voulant que tous les Canadiens doivent maintenant faire preuve du même niveau de courage et de détermination dans leur engagement envers la réconciliation, de manière à pouvoir établir une relation nouvelle et respectueuse entre les Canadiens autochtones et non autochtones, et restaurer ce qui doit être restauré, réparer ce qui doit être réparé et rendre ce qui doit être rendu3?
EM : C’est une merveilleuse question. Merci de l’avoir posée. Il existe tellement de ressources phénoménales, comme des livres, des livres audio, des ressources sur le Web et des cours gratuits en ligne, qui permettent aux gens d’en apprendre davantage. Je sais que ça peut être un peu accablant au début, mais nous encourageons vraiment les gens à prendre en main leur propre apprentissage. J’encourage donc vivement les gens à chercher des ressources ou même à s’impliquer dans des groupes où ils peuvent apprendre avec d’autres sur les cultures et l’histoire autochtones, et surtout sur les terres sur lesquelles ils vivent présentement. Est-ce que tous vos lecteurs savent quels territoires traditionnels ils habitent? Il est si important de savoir et de reconnaître que ces terres ont été gérées par les peuples autochtones depuis des temps immémoriaux. Je vais demander à nos lecteurs de se poser directement la question suivante : saviez-vous cela, et qu’est-ce que cela signifie pour vous, en tant que Canadiens, de pouvoir vivre et élever votre famille ou vivre votre vie grâce à ces merveilleuses ressources et à ces milieux de vie? Qu’est-ce que cela signifie pour vous?
L’autre chose que je voudrais dire, c’est que j’encourage toujours, toujours, toujours les gens à devenir des alliés actifs. Par alliés, je parle des personnes non autochtones qui améliorent leur compréhension des enjeux autochtones et qui commencent à les défendre dans leur vie de tous les jours. On entend parfois dire que les gens ne devraient pas s’étiqueter en tant qu’alliés, mais à mon avis, en tant qu’Autochtone, c’est un apprentissage comme celui-là et la défense des intérêts qui font de quelqu’un un allié. Et puis moi, en tant qu’Autochtone, je peux dire quelque chose comme « cette personne est une alliée ». Je pense qu’il existe de nombreuses façons d’amplifier ce que les voix autochtones disent déjà. Dans la société occidentale, nous avons souvent l’impression que nous devons avoir une incidence sur la population entière pour pouvoir changer les choses. Mais ce n’est pas le cas. J’encourage donc les alliés des groupes et des causes autochtones – en particulier celle de la réconciliation – à parler à d’autres alliés potentiels, et à leur dire combien la réconciliation est importante et ce qu’elle implique. Transmettez-leur des ressources afin qu’ils puissent apprendre eux aussi. Et j’encourage particulièrement les alliés à guider d’autres alliés potentiels tout au long de ce parcours, parce qu’il soulève beaucoup d’émotions. Et en tant qu’Autochtone, je n’ai aucune expérience en ce qui concerne le cheminement pour devenir un allié autochtone. J’ai essayé de guider des gens dans le passé, et de leur fournir du soutien émotionnel. Mais ce n’est pas un travail pour moi. J’encourage donc d’autres alliés à tenir ce rôle.
Ingenium : Je suis sûr qu’après avoir lu ce compte rendu d’entrevue, beaucoup de nouveaux alliés auront envie d’agir pour améliorer leur compréhension des enjeux autochtones, et de commencer à défendre les causes autochtones dans leur quotidien. Je vous remercie, Emily, de nous avoir consacré du temps pour nous parler du succès du Groupe interministériel STIM-A et du rôle d’Ingenium dans ce domaine.
EM : Je vous en prie. Merci pour cette belle occasion.
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1. On appelle la rafle des années 1960 la période au cours de laquelle une série de politiques ont été adoptées au Canada afin de permettre aux responsables de la protection de l’enfance de retirer, ou de « rafler », les enfants autochtones des familles et des collectivités pour les placer dans des foyers d’accueil pour se faire adopter par des familles blanches. Bien que son nom fasse référence aux années soixante, la rafle a commencé au milieu ou à la fin des années 1950 et a persisté jusque dans les années 1980.
On estime qu’au total, 20 000 enfants autochtones ont été enlevés à leur famille et placés dans des familles d’accueil ou adoptés, principalement par des familles blanches de classe moyenne.
Source : Wikipédia; https://fr.wikipedia.org/wiki/Rafle_des_ann%C3%A9es_60
2. Appel à l’action no 57 : Perfectionnement professionnel et formation des fonctionnaires : « Nous demandons aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de même qu’aux administrations municipales d’assurer que les fonctionnaires sont formés sur l’histoire des peuples autochtones, y compris en ce qui a trait à l’histoire et aux séquelles des pensionnats, à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, aux traités et aux droits des Autochtones », aux lois autochtones et aux relations entre les Autochtones et la Couronne. Il faudra offrir une formation axée sur les compétences pour ce qui est de l’aptitude interculturelle, du règlement de différends, des droits de la personne et de la lutte contre le racisme.
Source : Commission de vérité et réconciliation du canada; Rapports de la Commission de vérité et réconciliation du Canada : Appels à l’action, page 8; https://nctr.ca/documents/rapports/?lang=fr
3. Ce que nous avons retenu, un rapport de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada. « Tous les Canadiens doivent maintenant faire preuve du même courage et de la même détermination alors que nous nous engageons dans un processus permanent de réconciliation. En établissant une relation nouvelle et respectueuse entre les Canadiens autochtones et non autochtones, nous restaurerons ce qui doit être restauré, nous réparerons ce qui doit être réparé, et rendrons ce qui doit être rendu. »
Source : Commission de vérité et réconciliation du canada; Rapports de la Commission de vérité et réconciliation du Canada : Ce que nous avons retenu : les principes de la vérité et de la réconciliation, page 1; https://nctr.ca/documents/rapports/?lang=fr