Du Poêle à la cuisinière électrique. La collection de cuisinières
La collection de cuisinières d’Ingenium comprend une diversité d’appareils – boîtes à feu, poêles de table, plaques de cuisson, poêles-buffets – et témoigne des principales innovations apportées entre 1900 et 1970 à ces électroménagers servant à la cuisson.
Un poêle fabriqué par Fawcett, 1919
Définie au XVIIIe siècle dans le Dictionnaire de l’Académie française comme un ustensile employé pour faire rôtir la viande, la « cuisinière » y est décrite en 1792 comme un « fourneau de cuisine servant à chauffer et à cuire les aliments ».
Toutefois, l’appellation « poêle électrique » va persister dans les publications commerciales canadiennes jusque vers les années 1950, époque où celle de « cuisinière électrique » sera progressivement adoptée.
La fabrication des appareils de cuisson à l’électricité s’affirme au Canada à partir des années 1920 avec la stabilisation du système de production, de transformation et de distribution de l’électricité. De fait, l’électrification en facilite d’abord l’usage en ville, chez les ménages à l’aise, et progressivement dans les régions rurales.
Après la Seconde Guerre mondiale, l’augmentation de la population, l’urbanisation, les modifications de l’habitat et la promotion faite par les fabricants sont autant de facteurs qui entraînent l’expansion de la production et la distribution des cuisinières électriques au Canada. Simultanément, la publicité se conjugue au design industriel pour convaincre les Canadiens et Canadiennes de devenir d’ardents consommateurs de ces nouveaux accessoires qui vont littéralement changer leur mode de vie.
The Hall, Zryd Foundry Co. Ltd, Hespeler, Ontario
Les cuisinières sont d’abord fabriquées dans des fonderies selon des procédés traditionnels. Plus tard, elles prendront forme sur des chaînes de production. Composées d’une diversité de matériaux, elles évoquent l’un des meilleurs exemples de la formation de grappes industrielles. Ainsi, la croissance de l’industrie canadienne dans les secteurs de l’électrochimie, de l’électrométallurgie et de la sidérurgie à partir des années 1920, puis de la pétrochimie après 1947, amènera la production de polymères, d’acryliques et de plastiques ainsi que de composés de céramique et d’aluminium, tous utilisés dans la fabrication d’électroménagers. Malgré la pénétration des technologies américaines, le développement d’une industrie canadienne des cuisinières, était très vivace dès les années 1930.
Préparer un dîner sur un poêle à bois, St Jean-Baptiste (Manitoba)
Au XIXe siècle, les poêles de cuisine sont généralement alimentés au bois, surtout dans le milieu rural pourvu d’une végétation abondante. Dans des grandes villes le charbon et le gaz de houille sont disponibles dès les années 1830. Ceci facilitera l’emploi de poêles alimentés au gaz de houille, en particulier chez les ménages à l’aise.
Enterprise Foundry Company, 1890 poêle au charbon
Pour que la cuisson au poêle à bois ou au charbon soit efficace, il faut sélectionner les essences forestières et les matières carbonifères qui assurent une bonne combustion et en alimenter continuellement le four afin d’éviter les fluctuations de température. En plus de propager de la poussière et des débris, les appareils de l’époque sont difficiles à entretenir, car ils diffusent une chaleur intense et exigent que la cuisine soit ordonnée essentiellement en fonction de la cheminée. Même si le poêle à gaz contrôle mieux la chaleur, il libère de la fumée qui envahit toute la maison aménagée en fonction des becs de gaz rattachés au plafond ou aux murs.
Publicité de la cuisinière Corona, 1920
Vers les années 1920, la publicité des poêles électriques met en évidence leur facilité d’entretien : ils ne dégagent ni fumée ni odeurs nauséabondes et empêchent les mets d’adhérer aux contenants. Jugés plus économiques et plus fiables que les domestiques, ces poêles permettent à l’hôtesse d’apprécier davantage la compagnie de sa famille ou de ses invités. La prévention des bactéries et la conservation des valeurs alimentaires font aussi partie des vertus de la cuisson à l’électricité. Indubitablement, ces préoccupations pour la propreté et l’hygiène résultent de l’insalubrité des habitations suite à l’industrialisation massive et sont peut-être inspirées des recommandations de l’architecte Le Corbusier de « placer la cuisine à l’étage supérieur de la maison en vue d’éviter les odeurs ».
Au XIXe siècle, des fondeurs, tels Joseph Van Norman, de la Normandale Iron Works de Long Point (Ontario), James Rogers Armstrong, de la Toronto City Foundry, Henri Bernier, de la fonderie Bernier de Lotbinière, obtiennent des brevets pour la fabrication de poêles de cuisine. Les poêles qui proviennent de la Montreal Foundry and City Works, de la Fonderie A. Bélanger de Montmagny, de la Gurney Foundry Company Limited de Hamilton et de la McClary Manufacturing de London sont très vantés.
Guelph Stove Company, 1909
La conception traditionnelle d’un poêle à bois produit par la Guelph Stove Company vers 1909 permet de distinguer le chauffage de la cuisson. Ce poêle combine des compartiments pour brûler le combustible et recueillir la cendre et un four qui propage la chaleur aux plaques de cuisson. Une fois cuits, les aliments peuvent être déposés dans le réchaud de la partie supérieure.
Catalogue de Canadian Westinghouse Company Limited, 1919
Dans les années 1920, l’électrification qui se réalise progressivement au Canada favorise l’expansion d’industries spécialisées dans la production d’équipement pour les installations hydroélectriques et l’éclairage. Le secteur des électroménagers suit le mouvement : des poêles électriques seront produits par la Canadian Westinghouse Company Limited et la Canadian General Electric Company Limited, filiales de sociétés américaines.
Logo de General Steel Wares Limited
Se constituant à Toronto en 1927, la General Steel Wares Limited réunit de petits ateliers de l’Ontario et du Québec qui, depuis le XIXe siècle, sont réputés dans la fabrication de poêles et d’ustensiles de cuisine : McClary Manufacturing Company (London), Happy Thought Foundry Company (Brantford), Thomas Davidson Manufacturing Company Limited (Montréal), Sheet Metal Products Company of Canada Limited (Toronto), A. Aubry et Fils Limitée (Montréal) et E. T. Wright Limited (Hamilton). Les maisons Beatty Brothers (Fergus) et Moffats Limited (Weston) vont s’ajouter au groupe respectivement en 1958 et en 1971. En 1977, la fusion de ce consortium avec la General Electric Canada Incorporated et la Westinghouse Canada Limited amènera la formation de la Canadian Appliances Manufacturing Company Limited (Camco) qui demeurera l’un des principaux manufacturiers d’appareils électroménagers au Canada.
Catalogue de Gurney-Northern Electric
De 1920 à 1940, l’entreprise de télécommunications Northern Electric se joint à la Gurney Foundry Company pour la production et la distribution de poêles électriques. Une association similaire va réunir la General Motors Corporation et la Frigidaire
Home Products entre les années 1930 et 1970.
Le brevet de Thomas Ahearn pour un four électrique, 1892
Les premiers magnats de l’industrie électrique dans la région d’Ottawa, Thomas Ahearn et Warren Y. Soper, propriétaires de la Chaudière Electric Light and Power Company depuis 1887, procèdent à une opération de charme pour promouvoir l’usage de l’électricité dans la cuisson des aliments. En 1892, ils préparent un dîner à l’hôtel Windsor d’Ottawa en utilisant un four, une bouteille chauffante et un réchaud conçus et fabriqués par Thomas Ahearn suivant les brevets qu’il a obtenus l’année même.
Cuisinière électrique Canadian Beauty, 1920
L’élaboration d’un poêle électrique a comme défi d’établir un équilibre dans la température de cuisson : elle doit être assez élevée pour rôtir la viande mais pas trop pour éviter de brûler les autres aliments. Les manufacturiers combinent donc deux unités de base : une boîte carrée, le four, pour griller et cuire les mets à haute température et, au-dessus, une plaque intégrant des surfaces chauffantes où sont déposées les casseroles pour les petits mijotés cuisant à une température plus basse.
L’élément Calrod de Hotpoint, 1960
Au cours des ans, la forme et la composition des plaques de cuisson évolueront alors qu’elles seront ouvertes ou fermées et formatées de 15 à 20 cm de diamètre environ. À l’origine, les plaques de cuisson ouvertes comprennent des fils électriques disposés dans un moule en forme de serpentin à l’intérieur d’un disque en céramique dont la température peut être réglée à trois niveaux : basse, moyenne et haute. Mais l’inégalité de la chaleur de la plaque et du format des récipients ainsi que les éclaboussures de graisse et de liquide provoquent régulièrement le bris des éléments. Adoptée largement dès les années 1930, la cuvette logée au-dessous de la plaque ouverte pourra recueillir les corps gras et liquides se déversant sur la surface de cuisson. Mis en marché par la société Hotpoint à la même époque et formé d’un alliage d’aluminium et d’acier le rendant plus résistant à haute température, l’élément Calrod pourra contrer les dommages causés par l’humidité et l’oxydation.
Plaque de cuisson des fils de nichrome
À l’origine, les plaques de cuisson fermées comportent des fils de nichrome logés à l’intérieur d’un disque de fer ou embobinés entre des feuilles isolantes de mica. Mais l’instabilité des fils et l’effritement des matériaux occasionnent des pannes de courant. Un procédé visant à consolider les fils en les emboîtant dans un moulage recouvert d’une gaine protectrice en acier pressé, isolée à l’oxyde de magnésium, est mis au point par la société General Electric vers 1913.
Plaque de cuisson, Simplex Electric Company, vers 1908
La plaque de cuisson Simplex à disque en fonte de 10 cm de diamètre, produite vers 1908, est montée sur un support en pierre à savon servant d’élément non conducteur. Une manette en céramique contrôle trois niveaux de chaleur. L’attache de fixation est caractéristique de cette époque où les prises de courant au mur sont rares dans les maisons. Leurs fonctions limitées, la fragilité des éléments et leur faible rendement en électricité susciteront leur disparition du marché vers 1917.
Poêle, Simplex Electric Company, vers 1910
Probablement né de diverses composantes aux fonctions autonomes, le petit poêle électrique Simplex manufacturé vers 1910 illustre les modèles produits dans les fonderies au XIXe siècle, avec sa boîte en fonte logeant le four. Toutefois, la construction de l’ensemble annonce des éléments modernes, incluant le four aux parois doubles isolées à l’amiante et une surface chauffante dotée de boutons de contrôle en porcelaine, qui supporte, à une hauteur d’environ 8 cm, des plaques de cuisson à disque en cuivre plaqué de nickel – galettière, gril pour la viande ou le pain – auxquelles sont fixées des attaches pour consolider les récipients. Cet aménagement surélevé facilite le nettoyage et contribue probablement à la popularité de l’appareil.
Poêle-buffet, Copeman Electric Stove Company, vers 1912
Revêtu d’amiante et de métal laminé, le poêle-buffet en bois Copeman produit vers 1912 est surmonté de plaques chauffantes fermées en céramique contenant un élément de nichrome. Les panneaux d’aluminium servant d’isolant au four et les thermomètres mesurant exactement la chaleur produite sont des innovations.
Au cours des années 1920, 1930 et 1940, alors que l’électrification se répand progressivement dans les centres urbains et les régions rurales, on estime à de 700 000 à plus d’un million le nombre de foyers qui bénéficient de l’électricité au Canada. La population du pays est seulement de huit millions d’habitants.
Poêle de table, Armstrong Electric Manufacturing Company, 1922
L’électrification de la cuisine des « années folles » sera souvent dépeinte par le petit déjeuner tout-à-l’électricité, où un percolateur, un grille-pain, une plaque chauffante et un poêle portatif se voisinent sur la table. En acier pressé, nickel, aluminium et porcelaine, le poêle de table Armstrong sert à pocher des œufs et à griller de la viande, du pain ou des gaufres. Pouvant dispenser de la chaleur et ainsi compléter les fonctions du poêle à bois ou au charbon, il sera populaire dans nombre de foyers jusque vers la fin des années 1940.
Plaque chauffante, Triplex Electric Manufacturing Company, 1922
Servant aussi bien au chauffage qu’à la cuisson, une plaque chauffante de 1922, tissée en forme de panier, réunit deux parties en fonte rattachées en leur milieu par des charnières. Disposées horizontalement, elles font apparaître deux plaques de cuisson contrôlées par des boutons. Repliées à la verticale, elles forment un radiateur reposant sur des pattes.
Poêle-buffet électrique, Beach Foundry Limited, vers 1937
La disposition horizontale des fours et réchauds, qui cohabitent harmonieusement avec les manettes de contrôle verticales, annonce le style classique du poêle-buffet de la Beach Foundry. La construction en porcelaine vert marbré et ivoire du nouvel électroménager, la dissimulation des boulons et le couvercle amovible de la partie supérieure, pouvant s’ouvrir pour échafauder un dosseret, constituent des signes de modernité, tandis que les courtes pattes en fonte rappellent les anciens poêles à bois. Une cuisson uniforme est assurée par des plaques fermées en fonte émaillée recouvrant des éléments en nichrome.
Poêle électrique, Findlay Brothers Company Limited, vers 1930
En vogue dans les années 1930, les poêles combinant les sources énergétiques sont fort massifs. Muni de boulons, celui de marque Findlay rassemble, en bas à gauche, deux boîtes à feu superposées ainsi qu’un four alimenté au bois ou au charbon et servant d’abord au chauffage. La section de droite est électrifiée et regroupe un four en porcelaine émaillée et un réchaud. Elle innove avec ses plaques de cuisson ouvertes en nichrome et reposant sur des assiettes. Les manufacturiers soulignent sa capacité d’utiliser divers combustibles, ce qui lui permet de continuer de fonctionner lors des pannes d’électricité.
Cuisinière électrique conçue par Raymond Loewy, Frigidaire Home Products of Canada Limited, vers la fin des années 1940
Le designer franco-américain Raymond Loewy (1893-1986) est reconnu pour sa réalisation du réfrigérateur Coldspot vers 1935. De 1939 à 1955, il œuvre pour la Frigidaire Home Products, à l’époque succursale de la General Motors Corporation. De concert avec les ingénieurs de l’entreprise, il se sert de matrices de l’industrie automobile pour concevoir des cuisinières aux formes plus allégées, donc plus faciles à manipuler et à entretenir. Une pièce de collection dont les structures en métal émaillé blanc sont agencées aux poignées, aux éléments chauffants et à l’enveloppe de la lampe en chrome en témoigne. La standardisation de la largeur à 40 po (environ 1 m) et le réglage des boutons de contrôle à 5 degrés Fahrenheit de chaleur représentent les principales innovations techniques de ce modèle produit vers la fin des années 1940.
Cuisinière électrique conçue par J. M. Little, Canadian Westinghouse Company Limited, vers 1950
Une cuisinière Westinghouse conçue par J. M. Little illustre l’harmonie entre les matériaux, la disposition des composantes et les accessoires. Les coins recourbés et le réchaud évoquent les décennies antérieures mais la modernité s’affirme dans la hauteur du dosseret, le regroupement à droite des boutons de contrôle et les prises de courant à minuterie. Tout comme dans le modèle Frigidaire de Loewy, l’espace de rangement à droite de la surface de cuisson préfigure les comptoirs qui vont bientôt meubler les cuisines.
La construction massive d’immeubles d’appartements, qui est associée à l’accroissement de la population urbaine au Canada dans les années 1960, impose un agencement homogène de l’habitat, où la fonction l’emporte sur l’espace. La cuisine occupe un espace restreint, regroupant des modules d’armoires, de comptoirs et d’électroménagers, et sert exclusivement à la préparation des aliments, tandis que leur consommation a lieu dans une salle à manger plus vaste. Ces deux pièces sont attenantes, ce qui favorise la communication entre les hôtes et les invités.
Cuisinière, Canadian General Electric Company, vers 1960
Témoin de l’époque, une cuisinière General Electric se distingue par sa couleur éclatante, ses dimensions limitées à 30 po (76 cm) de largeur, son unique four et ses accessoires – boutons-poussoirs, lampe extérieure, horloge et programme de cuisson.
Cuisinière, Tappan-Gurney Company, vers 1964
L’automation des composantes et accessoires marque aussi cette période, comme en témoigne la cuisinière « Deluxe » Tappan-Gurney. Cet électroménager comporte des éléments chauffants rétractables contrôlés par des boutons à sept niveaux de chaleur et un tableau de bord commandant la rôtisserie, la lampe et le gril logés dans le four de la partie supérieure. L’espace de rangement giratoire de la partie inférieure complète ses attributs.
Cuisinière, Whirlpool Corporation, 2003
Ranges available at the end of the twentieth century had the same shape, size and voltage standardized in the 1960s, but heralded innovative materials. Equipped with a glass cooking surface, marked with circles to indicate the location of the elements beneath, a 2003 Whirlpool model is distinguished by the electronic control of both cooking and self-cleaning functions, built-in oven grills and utensils, an anti-tip bracket, and the specialized four-pronged plug to fit the outlet required for high voltage appliances.