Des explosifs et des bas de nylon : l’audace de l’entreprise DuPont
Quand on se penche sur l’histoire du secteur industriel canadien de la fabrication de textiles, on ne s’attend pas à retracer une histoire tissée d’innovation, d’explosions et de haute couture. C’est toutefois précisément ce que j’ai découvert dans le cadre du stage que j’ai effectué à Ingenium — Musées des sciences et de l’innovation du Canada, à Ottawa.
L’histoire colorée de notre pays a pris forme sous mes yeux au fur et à mesure que je me familiarisais avec les artefacts d’Ingenium, en particulier ceux liés à la fabrication industrielle de textiles. DuPont Canada a fait don de la majorité des artefacts de cette collection à la fin des années 1980. Afin de replacer ces artefacts dans leur contexte, j’ai dû me plonger dans l’histoire de DuPont. Cette exploration m’a offert un fascinant aperçu de l’histoire du secteur dynamique de la fabrication textile.
J’ai eu droit à ma première surprise durant mes recherches sur la société mère de DuPont, E. I. du Pont de Nemours (fondée par Éleuthère Irénée du Pont en 1802 aux États-Unis). Celle-ci produisait à l’origine de la poudre noire, qu’elle fournissait à l’armée américaine; cette poudre explosive était également utilisée dans le cadre l’exploration ou de l’expansion vers l’ouest du continent. DuPont a continué de croître et de produire des explosifs tout au long du XIXe siècle. En 1902, DuPont a commencé à prendre de l’expansion et à diversifier considérablement sa production en fabriquant, dans ses usines, divers composants chimiques, vernis et colorants. J’ai découvert avec fascination que DuPont a contribué à l’évolution du génie chimique moderne en systématisant les connaissances chimiques de l’époque et en créant, de là, une branche d’activité distincte. En fait, les contributions de DuPont à ce qui était alors une modeste faculté de génie chimique au MIT ont transformé celle-ci en un département de pointe influent.
Un prospectus publicitaire vantant des machines à tricoter industrielles et montrant des exemples de produits finis.
Tissus synthétiques
L’entreprise doit son succès dans le secteur de la fabrication textile à ses activités liées aux fibres synthétiques; DuPont a mis au point une grande partie des tissus synthétiques du XXe siècle (dans le cadre de ses travaux sur les fibres, elle a obtenu plus de 500 brevets dans ce domaine). Parmi ses innovations figurent l’Orlon (une fibre acrylique qui est utilisée comme substitut à la laine dans les tapis et les vêtements d’extérieur), le Lycra (une fibre élastique qui a remplacé le caoutchouc dans les tissus extensibles) et le Nomex (un tissu thermostable et ignifuge dont on se sert pour confectionner les uniformes des pompiers).
Le nylon est l’un des tissus les plus connus qu’ait créés et brevetés DuPont. Il a supplanté la soie dans la confection des bas, qu’il a révolutionnée, et il est encore aujourd’hui la fibre de prédilection pour les bas et les collants. Les tissus synthétiques sont devenus de plus en plus populaires après la Seconde Guerre mondiale pour plusieurs raisons. Tout d’abord, à cause des pénuries de l’après-guerre et de l’explosion démographique, la demande de tissus est devenue telle que les fabricants de tissus naturels ne pouvaient y répondre. Ensuite, le secteur nord-américain du textile voulait s’affranchir de sa dépendance à l’égard des producteurs européens. Enfin, une série de campagnes publicitaires fructueuses ont fait la promotion des tissus synthétiques comme des matières « de choix » pour les vêtements des hommes et des femmes modernes. La production de textiles synthétiques était polyvalente et permettait de disposer d’une large gamme de tissus et de mélanges de fibres, qu’on pouvait utiliser dans la confection de divers vêtements, qu’il s’agisse de lingerie, de tricots mode ou encore de vêtements d’extérieur lourds.
DuPont Canada limitée
Après avoir investi au Canada pendant un certain temps, DuPont a fondé DuPont Canada limitée en 1954. Cette entreprise canadienne a joué un rôle important dans l’industrie du textile; dans les années 1960 et 1970, DuPont Canada limitée occupait le premier rang au rayon des ventes et se classait deuxième (après Dominion Textile[HL1] [SM2] ) parmi les employeurs les plus importants du secteur. L’installation de recherche et développement de DuPont à Kingston (Ontario) disposait d’un budget de plusieurs millions de dollars et a contribué aux progrès réalisés dans le domaine du génie chimique. Au-delà des expériences qu’elle menait afin d’améliorer constamment ses fibres, DuPont Canada limitée visait également des normes de qualité afin de garder son avantage concurrentiel en cherchant à doter ses installations de l’équipement le plus moderne et le plus perfectionné.
Aujourd’hui, DuPont continue de prospérer, quoiqu’elle ait diversifié davantage ses activités en les étendant aux secteurs industriels des sciences biologiques et de la nutrition. L’entreprise met néanmoins encore au point des fibres textiles innovantes, comme le Kevlar et le Tyvek. DuPont continue de fabriquer du nylon, une découverte dont elle a récemment célébré le 80e anniversaire.