Une série de vidéos sur le canot autochtone s’inscrit dans un nouveau courant de revitalisation culturelle
Dans une nouvelle série de vidéos en ligne, Frank Brown met en lumière la façon dont les jeunes Autochtones redécouvrent le canot de mer traditionnel. Il est le producteur délégué de Glwa — the ocean-going canoe, une série de 13 courtes vidéos qui démontrent l’ampleur des effets de la résurgence de la pratique du canot de mer sur la culture autochtone maritime d’aujourd’hui.
« Culturellement, les Heiltsuks ont toujours été des innovateurs », déclare Frank Brown, membre de la nation Heiltsuk de la collectivité de Bella Bella, sur la côte centrale de la Colombie-Britannique. L’initiative consistant à relater dans l’espace numérique l’histoire de leur résurgence culturelle est un exemple parmi d’autres de la créativité des Heiltsuks. Quand il était jeune, Brown dit qu’il n’entretenait pas le même rapport avec le glwa que les jeunes de la collectivité autochtone côtière d’aujourd’hui, qu’il a contribué à rapprocher du canot ancestral. La nation Heiltsuk a entrepris un processus de revitalisation culturelle par le biais d’activités de sensibilisation et de voyages en glwa, qui découlent en grande partie des efforts personnels de Frank Brown.
Des participants d’un voyage en canot en 2016
Tandis que ce dernier étudiait au collège dans les années 1980, Vancouver a été l’hôte d’Expo 86, dont le thème était « Transports et communications ». Constatant que les modes de transport autochtones, à savoir les toutes premières formes de transport sur ce territoire, n’y étaient pas représentés, Frank Brown a élaboré un plan pour transporter le glwa sur la scène nationale. Avec des membres de la collectivité et de ses environs, il a creusé un arbre pour fabriquer un glwa, à bord duquel ils ont ensemble parcouru des centaines de kilomètres pour joindre Vancouver depuis Bella Bella.
« Le canot est une stratégie d’enseignement importante dans la revitalisation de nos traditions ancestrales, explique Brown. Notre peuple allait cueillir de la nourriture, il priait, jeûnait, se préparait physiquement et mentalement à accomplir un travail physiquement exigeant. Renouer avec ces traditions est une façon de favoriser l’autonomisation, la détermination et, finalement, la mobilisation. »
Des glwas accostant sur une plage durant le festival Qatuwas de 2014
En 1989, dans le sillage du voyage en canot à Vancouver, Brown et d’autres membres de la collectivité ont pagayé jusqu’à Seattle pour célébrer le 100e anniversaire de l’État de Washington avec les peuples amérindiens. L’expérience a marqué les voyageurs heiltsuks, qui ont décidé de partager ce sentiment avec d’autres.
La même année, Frank Brown a mis au défi d’autres peuples autochtones de la côte du Pacifique à venir en canot à Bella Bella pour s’y rassembler. En 1993, 23 canots se sont ainsi rendus à Bella Bella à l’occasion du festival Qatuwas, dont le nom signifie « rassemblement » et qui vise à commémorer et à célébrer l’histoire et les traditions maritimes communes des Autochtones.
En 2014, une autre édition du Qatuwas a eu lieu à Bella Bella; cette fois, les canots présents étaient deux fois plus nombreux. L’effet combiné de l’Expo 86, du voyage à Seattle en 1989 et du festival Qatuwas de 1993 a créé un précédent incroyable pour les futurs voyages tribaux en canot.
Avant ces voyages, le glwa avait presque disparu des communautés dont il était originaire. L’utilisation du glwa, que les véhicules motorisés ont éclipsé, puis remplacé, a été réprimée par des décennies marquées par le rejet des cultures autochtones et par la mise en œuvre de politiques gouvernementales d’assimilation. Cependant, la réhabilitation du glwa, une embarcation qui symbolise le travail d’équipe et l’esprit communautaire auxquels elle carbure, allait favoriser le rapprochement des individus avec leurs traditions.
Pour la bande de Bella Bella, l’impact des voyages en canot est de loin supérieur à celui qu’on avait imaginé à la première expédition en 1986. Les relations entre les individus s’approfondissent à mesure qu’ils renouent avec leur culture.
Les aînés Robert et Shirley Hall, assistant à l’arrivée des canots durant le festival Qatuwas de 2014
« Les expériences les plus marquantes que j’ai vécues dans le cadre des voyages en canot, souligne Brown, sont celles où j’ai vu des jeunes gagner en confiance en renouant avec leur histoire, leur culture et leur langue et en profitant de la transmission intergénérationnelle des connaissances de nos aînés et gardiens du savoir. » La transmission des connaissances entre les générations est un élément fondamental du succès des voyages en canot et certainement de la revitalisation culturelle. Le partage des connaissances traditionnelles a permis aux relations entre les gens — et la relation de chaque individu avec leur culture — de s’approfondir. Les Autochtones peuvent aujourd’hui faire des expéditions en canot, et l’expérience vécue par les participants continue d’influencer ceux-ci longtemps après la fin de leurs voyages.
Comme l’explique Brown, l’incidence spirituelle des voyages « contribue à la qualité de vie des participants même après qu’ils ont terminé leur voyage; ceux-ci apprennent qu’ils peuvent poursuivre sur leur lancée afin d’atteindre leur destination, leurs objectifs, du moment qu’ils continuent d’avancer de façon positive, un coup de pagaie à la fois ».
Aperçu de l’exposition Voyages sacrés
L’histoire des voyages en canot est racontée à de nouveaux auditoires grâce à la série de vidéos Glwa — the ocean-going canoe, fruit de la collaboration entre le Heiltsuk Tribal Council, Pêches et Océans Canada et Ingenium — Musées des sciences et de l’innovation du Canada. Ces vidéos font suite à une première série issue du projet Voyages sacrés et intitulée Glwa — The Documentary, sortie l’an passé et produite en partenariat avec l’Université de Winnipeg. Les deux séries enrichiront l’exposition itinérante Voyages sacrés, qui est en cours de préparation en partenariat avec Ingenium et qui racontera des histoires sur le retour du canot de mer.
« La création d’une œuvre narrative à la fine pointe de la technologie à partir de notre savoir ancestral et de nos histoires afin non seulement de les présenter de façon intéressante aux communautés autochtones, mais aussi de diffuser des connaissances essentielles et utiles pour éclairer la société sur la question de la durabilité s’est révélée une expérience très intéressante, pertinente et informative », conclut Brown.
Grâce à ces vidéos, la culture et l’histoire des Heiltsuks se retrouvent au premier plan des discussions sur l’innovation et la technologie, et à juste titre. L’histoire du glwa met en relief le rôle particulièrement important des nations autochtones dans celle de notre pays, qu’elles ont contribué à façonner.