Qu’est-ce qu’on considère de l’histoire? Du haut vers le bas ou du bas vers le haut?
La compréhension courante veut que l’histoire repose sur les réalisations de « grands hommes ». Les récits tendent à s’articuler autour de personnes particulièrement éminentes ou de moments politiques ou culturels décisifs. Certes, cette approche peut permettre de révéler les éléments de base d’un épisode historique important – les noms, les dates et les lieux, par exemple –, mais elle tend à occulter les efforts individuels et collectifs des gens dans leur quotidien. En effet, la méthodologie des « grands hommes » suppose généralement que ces efforts découlent de décisions prises par les personnes en position de pouvoir ou sont secondaires par rapport à celles-ci. Il n’est donc pas surprenant que, lorsqu’on les examine de bas en haut plutôt que de haut en bas, des faits historiques prennent une teinte bien différente. Edward P. Thompson, un des principaux praticiens de ce regard social sur l’histoire, explique dans son livre La formation de la classe ouvrière anglaise comment la population ne bénéficie pas d’une considération scientifique appropriée dans l’histoire. Il prend plutôt soin de souligner l’action des travailleurs et la mesure dans laquelle ils ont contribué, par des efforts conscients, à la construction de l’histoire.
Dans le cadre de nos recherches sur la vie et le travail à l’usine General Motors d’Oshawa, ces considérations méthodologiques ont été au cœur de nos préoccupations. Un de nos objectifs de recherche était de veiller à ce que notre travail prenne en compte et saisisse le patrimoine industriel de la ville dans sa totalité. Il aurait été simple d’explorer la désindustrialisation de la ville en se référant à des concepts comme le néolibéralisme et la mondialisation. Des systèmes et des processus de haut niveau comme ceux-ci ont certainement eu une incidence sur l’industrie automobile à Oshawa. Mais le fait d’ancrer de tels concepts dans des expériences individuelles et collectives permet d’avoir une appréciation plus nuancée des événements. C’est ce qui a guidé notre approche de recherche : nous avons recueilli des artefacts médiatiques et matériels afin de nous faire une idée de la vie quotidienne dans l’atelier et au syndicat, et nous avons mené des entrevues (histoire orale) afin de préserver des souvenirs particuliers liés au travail à l’usine, au mouvement syndical à Oshawa et aux réalités locales de la désindustrialisation. Nous espérons qu’une approche ascendante comme celle-ci permettra aux gens – aux travailleurs de GM, aux personnalités communautaires et aux jeunes générations – de se situer dans des récits plus larges et de comprendre qu’ils sont, tout autant que les politiciens, les chefs d’entreprise et les dirigeants syndicaux, des agents significatifs de l’histoire.
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