La grippe espagnole : des récits numériques honorent des Canadiennes et Canadiens disparus
« Coordination, renforcement des capacités et communication »
Ces mots font écho au titre du récit numérique qui a valu aux élèves de l’école Northview Heights un prix au concours Rétablir le Canada portant sur la grippe espagnole : Coordination, Capacity-Building, and Communication. Leur choix de mots fait aussi référence à la façon dont notre classe a fait corps pour réaliser ce projet du début à la fin.
La démarche éducative
Située à North York, en Ontario, l’école secondaire Northview Heights jouit d’une grande diversité culturelle et ethnique. De nombreux élèves y suivent des programmes spécialisés, en mathématiques, sciences et technologie ou en arts informatiques, par exemple. Je connaissais l’intérêt de mes élèves pour la science et leur créativité artistique. Un projet intéressant, pertinent, en lien avec leurs intérêts et qui mettait l’accent sur le récit et sur divers points de vue sur la pandémie de la grippe espagnole ne pouvait que les éveiller tous au travail de recherche. Le concours national, organisé par Moments Déterminants Canada, les encouragerait à collaborer pour faire connaître les efforts déployés par les Torontois en réponse à cette grippe.
Lorsque j’ai envisagé ce captivant projet collectif de récit numérique et que je l’ai proposé à mes élèves, je cherchais un angle et un cadre créatifs dont pourrait profiter leur recherche. Je voulais que leur travail soit emballant, qu’il prenne appui sur une réflexion historique et qu’il comporte de solides efforts de recherche. En plus, je voulais leur donner l’occasion de travailler avec des objets et des sources primaires pour qu’ils arrivent à raconter une histoire comme ils ne l’avaient jamais fait auparavant.
L’objectif était que mes élèves apprennent à connaître les décisions, mesures et réactions des politiciens, des scientifiques et des fournisseurs de soins de santé (médecins et infirmières), des personnes qui faisaient de l’éducation en matière de santé publique et des volontaires de la communauté en réponse à la grippe espagnole qui a frappé Toronto entre 1918 et 1920.
Le travail des élèves
Une fois leurs recherches terminées, les élèves ont usé de créativité pour raconter l’histoire de ces gens : au moyen de croquis-notes (combinant notes manuscrites, dessins, symboles ou autres éléments créatifs), ils ont présenté les résultats de leurs recherches. Les croquis-notes étaient placés sur des objets qui auraient pu appartenir à ces gens. Les élèves ont aussi composé des biopoèmes (poèmes qui décrivent une personne) pour raconter les histoires extraordinaires qu’ils ont découvertes, et ils ont enregistré leur voix en train de les lire. Les croquis-notes et les biopoèmes ont été versés à un site web (en anglais).
Avec ses différents aspects, ce projet permettait à chacun de participer selon ses forces et ses capacités. Voici le commentaire d’une de mes élèves, Agibail Mathi-Amorim :
« Beaucoup d’élèves sont visuels, et je pense que les croquis-notes leur sont utiles. Quant au biopoème, il donnait vie à l’objet, selon moi. Il ne faisait pas que raconter les faits sur l’événement, mais il associait aussi des pensées, des émotions et un point de vue à l’objet. Ça rendait le projet encore plus intéressant. »
~ Abigail Mathi-Amorim, élève
Raconter au moyen d’objets personnels
Chaque récit présentait un nouveau point de vue et partait d’un objet différent qui aurait pu appartenir à la personne dont on racontait l’histoire. Celle du Dr Charles Hastings, médecin hygiéniste de Toronto, partait des nombreux dossiers que contenait sa mallette. Pour la Dre Margaret Patterson, agente d’éducation sanitaire des Sisters of Service (S.O.S.), en Ontario, le récit s’inspirait du tableau noir qui lui servait à enseigner. Une caisse de nourriture et de fournitures relatait les efforts de M. Frank Stapleford, fondateur et directeur d’une association de travailleurs de rue, et un sarrau racontait l’histoire du Dr Robert D. Defries, chef du laboratoire antitoxine des laboratoires Connaught, de l’Université de Toronto. L’histoire d’Edward G. R. Ardagh, professeur de chimie appliquée à l’Université de Toronto partait d’un modèle 3D du virus même de la grippe. Finalement le travail de la « Torontoise d’honneur » Amelia Earhart, infirmière volontaire à la base hospitalière de Spadina, était raconté du point de vue de son uniforme.
Selon un de mes élèves, Ethan McFarland, dont l’équipe travaillait à l’histoire d’Amelia Earhart :
« Passer par un objet personnel pour raconter l’histoire de quelqu’un est une façon très efficace de parler de la grippe, parce que le projet rejoint tout le monde comme ça. Quand les élèves sentent cette connexion, ils aiment ce qu’il font et y prennent plaisir. En plus, le cadre créatif aide tout le monde à se sentir interpellé par l’histoire d’Amelia Earhart. »
~ Ethan McFarland, élève
Une compréhension collective
Comme enseignante, ce que j’ai trouvé le plus extraordinaire dans ce projet, c’était de voir chaque élève s’impliquer dans un travail narratif interdisciplinaire et multimodal et puiser à même ses propres intérêts et compétences. Je suis ravie que mes élèves aient donné vie à l’histoire d’importants personnages de Toronto. En diffusant leurs récits, on contribue à la compréhension que nous avons, collectivement, du sens et de l’héritage historiques de leurs décisions et de leurs actions, qui se répercutent encore sur nos vies et sur notre système de santé au jour le jour.
Pendant leurs recherches, mes élèves ont peu à peu compris le travail préparatoire visant la rédaction de politiques en matière de santé et de soins. Ils ont peu à peu compris comment la préparation aux urgences et les protocoles d’intervention nous ont servi de modèles en matière de coordination, de renforcement des capacités et de communication, et le font encore aujourd’hui. Les élèves ont aussi appris que ces importantes décisions, prises en 1918, ont établi un précédent quant à la nécessité de défendre les valeurs qui font des villes des endroits où chacun peut vivre, aujourd’hui et demain.
L’équipe d’Abigail racontait l’histoire de Frank Stapleford. Voici la réflexion que lui a inspirée sa collaboration au projet :
« Ce que j’ai appris de plus important sur Toronto, c’est la complexité de l’effort déployé pour combattre la grippe. Je ne m’étais jamais rendu compte du nombre d’organisations et de personnes qui y ont contribué ou du nombre de personnes touchées. Chaque organisation contribuait à sa façon et parvenait à coordonner ses efforts avec les autres pour éviter la surabondance d’une chose ou la pénurie d’une autre. Maintenant, je comprends mieux l’ampleur du combat mené contre la grippe. »
~ Abigail Mathi-Amorim, élève
Je suis très fière du travail des élèves en histoire de Northview Heights, qui se sont investis avec tant d’enthousiasme dans tous les aspects de la recherche, de l’organisation et de la création de leurs récits numériques, ce qui leur a valu de remporter le prix du concours Rétablir le Canada, catégorie école secondaire, décerné par Moments Déterminants Canada. Leurs remarquables projets collaboratifs ont été conçus avec une grande créativité et beaucoup d’éloquence. Comme l’a exprimé l’un de mes élèves, Vandan Patel, ils montrent clairement que :
« Dans ce projet d’histoire, nous avons travaillé fort et nous nous sommes montrés capables de pensée critique, de créativité et d’accomplissement lorsque nous avons la volonté de le faire. »
~ Vandan Patel, élève
En effet, cet exceptionnel travail par des élèves a nécessité une dose égale de coordination, de renforcement des capacités et de communication!