Un enseignant de mathématiques à l’esprit novateur donne vie à l’histoire de la guerre à l’aide de concepts mathématiques
Imaginez un cours de mathématiques qui met en scène des avions télécommandés, un musée d’aéronefs d’envergure mondiale et un rapport vibrant à une mission militaire importante de la Deuxième Guerre mondiale.
C’est ce à quoi sont exposés les élèves de mathématiques de secondaire 5 du Lisgar Collegiate Institute, et ce, grâce à une collaboration inédite entre l’institut et le Musée de l’aviation et de l’espace du Canada. L’enseignant de mathématiques Robert Tang a créé le Dambuster Math Summative, une évaluation sommative de mathématiques. Ce programme novateur d’une journée relie les mathématiques à l’histoire. Kimberly Reynolds, agente à l’éducation au Musée, agit comme intermédiaire et prend les arrangements nécessaires pour assurer l’accès aux ressources du Musée en vue d’appuyer le projet.
Cette année, M. Tang et sa classe ont tenu le Dambuster Math Summative au Musée le 16 mai. Le Réseau Ingenium a demandé à M. Tang et à quelques élèves d’écrire sur leur projet et leur expérience cette journée-là.
Qu’est-ce que le Dambuster Math Summative?
Le Dambuster Math Summative de secondaire 5 est un projet basé sur l’opération Chastise, qui a été menée par la Royal Air Force Bomber Command les 16 et 17 mai 1943. Il s’agit de l’une des opérations aériennes les plus célèbres de la Deuxième Guerre mondiale. Ce projet permet aux élèves de mathématiques de M. Tang d’appliquer les concepts appris pendant le semestre d’une manière coopérative afin de déterminer comment détruire le barrage de Möhne.
Le matin, les élèves ont été divisés en divers groupes et ont eu pour tâche de résoudre différents aspects de la mission. Ils ont notamment dû décoder les messages allemands de la machine Enigma, mener des recherches sur les personnes ayant participé à la mission à l’aide de sources primaires, apprendre à voler à une altitude de 18 mètres (60 pieds) dans l’obscurité et faire rebondir une bombe sur l’eau. Toutes ces tâches ont été accomplies à l’ombre de l’avion 683 Lancaster X d’Avro du Musée.
Une fois les équipes suffisamment prêtes, la vraie mission a eu lieu. Pendant leur tentative de destruction du barrage de Möhne, les élèves n’ont pas seulement eu à affronter la pression provoquée par leur soif de réussite, mais aussi la défense aérienne ennemie.
Le projet mettait l’accent sur les mathématiques à appliquer pour détruire le barrage de Möhne et sur l’histoire de l’opération Chastise, tout en projetant les élèves dans le passé de Lisgar par l’intermédiaire d’un diplômé de l’école qui est décédé pendant l’opération, le sous-lieutenant d'aviation Lewis Burpee. Une plaque commémorative se trouve dans le hall du souvenir de l’école afin de souligner sa contribution, le service rendu et son sacrifice.
~ M. Tang, enseignant de mathématiques
Une vue aérienne du barrage de Möhne.
Décris ton rôle au sein de l’équipe. Qu’as-tu fait et pourquoi?
J'étais le pilote de l’équipe. Mon rôle m’a amené à participer à plusieurs événements tout au long de la journée. Tout d’abord, j’ai eu la chance de piloter un simulateur de vol. Quelle expérience amusante! Bien que ce moment ne représente qu’une petite partie de l’ensemble de la sortie, il a certainement été le plus mémorable pour moi. Ensuite, nous avons passé environ une heure à la bibliothèque et aux archives du Musée, où nous avons fait des recherches sur la mission originale et l’avion utilisé.
Après avoir aidé certains autres groupes à effectuer les calculs utilisés pour planifier la simulation à une échelle miniature, nous avons commencé la simulation. Nous avons piloté un bombardier télécommandé; l’appareil était attaché à deux rubans de tirage parallèles au-dessus du sol, ce qui lui permettait de voler en ligne droite dans un environnement contrôlé. Cet avion miniature pouvait larguer une petite balle qui représentait la bombe à ricochet utilisée lors de la mission originale pendant la Deuxième Guerre mondiale.
À l’aide des calculs des autres groupes, nous avons tous uni nos efforts pour savoir avec exactitude à quel moment faire voler l’avion et lâcher la balle de façon à ce qu’elle renverse les blocs en mousse faisant office de barrage. Comme j’étais le pilote, j’ai piloté l’avion et j’ai laissé tomber la balle (la bombe) lorsque le scientifique de notre équipe m’a donné le feu vert. Nous nous sommes bien amusés. Grâce à nos calculs exacts, nous avons réussi à atteindre le cœur du barrage et à en détruire une grande partie.
~ Cameron MacGillivray, élève
Les étudiants pilotent leur maquette d'avion au-dessus d'un faux barrage.
Selon toi, le fait de se dérouler au Musée de l’aviation et de l’espace du Canada a-t-il ajouté une certaine valeur à l’expérience? Quelle différence as-tu constatée?
Vivre cette expérience au Musée l’a certainement rendue plus palpitante et plus inspirante. Avoir l’occasion de découvrir les avions qui ont participé à la mission a donné au projet la dimension réelle qu’il méritait. Bien que notre école soit très intéressante, l’expérience du projet à l’école n’aurait pas semblé aussi interactive. Les conditions dans lesquelles les soldats de la mission ont dû travailler pour réussir le bombardement nous permettent de mettre les choses en perspective et m’ont amenée à apprécier leur triomphe encore davantage.
Au Musée, nous avons eu la chance de voir le type d’aéronef utilisé au cours de la vraie attaque, ainsi que les difficultés et les avantages propres à chaque avion. Nous avons appris qui faisait quoi dans chaque partie de l’avion. C’était fascinant, une chose que nous aurions assurément manquée si nous regardions le tout à l’écran, assis à nos bureaux. De nos jours, nous consacrons tellement de temps à l’apprentissage traditionnel dans nos cours de mathématiques que nous oublions combien cette matière est importante et comment elle s’applique dans nos gestes quotidiens.
Le Musée nous a permis de sortir des sentiers battus et de découvrir par nous-mêmes cette expérience affolante et émouvante qu’est celle de tenter de lancer une bombe à ricochet pour frapper un barrage et contribuer à mettre fin à la guerre. De mes trois années d’études à Lisgar, ce projet sommatif a été le plus stimulant, le plus riche en événements et le plus attendu auquel j’ai eu le plaisir de participer. J’ai pu faire mon évaluation sommative entourée des souvenirs de la bataille que nous avons étudiée et, jusqu’à présent, ça a été mon expérience préférée en mathématiques à l’école secondaire. J’ai bien hâte de retourner au Musée.
~ Madeline McDermott, élève
L'avion Lancaster X exposé au Musée de l'aviation et de l'espace du Canada.
Sors-tu de cette expérience riche d’une perspective différente par rapport aux mathématiques?
Depuis cette activité, je vois les mathématiques sous un autre œil. Je mets habituellement les mathématiques et la physique dans le même panier et lorsque je le fais, c’est toujours dans un cadre théorique. Mais lorsque nous mettons à l’essai les concepts mathématiques appris et constatons qu’ils s’appliquent réellement dans la vie, c’est complètement différent. Dire que « tel objet affiche une fréquence de résonance de... » est une chose. Mais effectuer les calculs et faire les essais en est une autre. C’est très satisfaisant, comme quand on construit un appareil et qu’il fonctionne à la perfection. Tout compte fait, je crois que cette expérience a changé ma vision des mathématiques et des sciences.
~ Xavier Haziza, élève
Comment c’était de rencontrer M. Burpee fils?
La rencontre a été très intéressante et c’était génial de le savoir présent pour observer notre activité. Je me demande ce qu’il pensait lorsqu’il a nous a vus recréer l’opération Chastise. Je n’ai malheureusement pas eu la chance de lui parler après notre activité. Je ne connais donc pas ses impressions, mais j’ai entendu dire qu’il était intrigué par la profondeur et la portée de notre projet. La présence du fils de M. Burpee, qui a malheureusement perdu la vie lors de cette même mission que nous cherchions à recréer, nous a rappelé l’importance de telles opérations et leurs conséquences.
Cette mission n’a pas eu pour seul résultat la destruction d’un barrage. Elle a aussi entraîné des hommes courageux dans la mort. M. Burpee père jouait un rôle important dans cette mission, et la présence de son fils avec nous a accentué l’importance de son sacrifice. Je l’avais vu une seule fois avant cette activité. C’était lors de notre assemblée du jour du Souvenir à l’automne dernier. Au cours de cet événement, nous avons honoré la mémoire de son père en installant une plaque commémorative dans le hall du souvenir de Lisgar. J’espère que nous avons réussi à représenter avec exactitude l’importance de cette mission fatidique à laquelle M. Burpee père a pris part.
~ Neala Sinclair, élève
Sous-lieutenant d'aviation Burpee après avoir reçu ses ailes à Rideau Cottage en 1940
En général, que tires-tu de cette expérience?
Pour moi, cette journée n’a pas simplement été une sortie éducative, une journée de mathématiques ou une occasion de découvrir un chapitre intéressant de l’histoire du Canada. C’était plutôt une chance d’apprécier tous les efforts et le sacrifice qu’impose la guerre.
J’étais pilote et j’ai eu l’occasion de piloter le simulateur de vol Redbird. Je me suis beaucoup amusé à le faire. Mais ensuite, on m’a demandé de voler à une altitude de 18 mètres (60 pieds) au-dessus de l’eau; j’avais lu qu’il s’agissait de l’altitude que ces très jeunes pilotes devaient respecter. Cet exploit était difficile à réaliser, sans compter que, dans mon cas, j’étais aux commandes d’un avion virtuel qui ne présentait aucun des problèmes qui auraient pu survenir pendant la vraie attaque. Je disposais d’un équipement à la fine pointe de la technologie et un pilote qualifié me donnait un coup de main tout au long du processus. Malgré tout ça, j’ai à peine réussi à ne pas m’écraser.
Pendant tout ce temps, je pensais à ces jeunes hommes qui, seulement âgés de quelques années de plus que moi, se retrouvaient assis dans le cockpit d’un bombardier, sans aucune information sur leur mission et avec pour seule instruction de garder l’avion à 18 mètres (60 pi) au-dessus de l’eau. Pendant les essais, de nombreux avions ont été touchés par les éclaboussures d’eau provenant des bombes lancées. Cette opération était très risquée et beaucoup d’hommes ne s’en sont pas sortis vivants. Je ne peux m’imaginer ce qu’ils ressentaient le jour de l’attaque, plein cap sur le territoire allemand, ne sachant pas s’ils allaient un jour revoir leur pays. Les mathématiques sont intéressantes, il ne fait pas de doute. Cependant, l’aspect le plus fascinant et le plus impressionnant revient aux soldats qui ont risqué leur vie pour cette mission et ce pays.
~ Cayden Hall-Varty, élève
Biographies
Cameron MacGillivray
Je suis un élève de secondaire 5 au Lisgar Collegiate Institute. À l’école, j’aime beaucoup les matières scientifiques et mathématiques. La politique et les débats m’intéressent aussi. L’été, je m’amuse à conduire de petits canots pneumatiques de course, ce qui me ramène à mon intérêt pour la physique à l’école.
Madeline McDermott
Je suis née et j’ai grandi à Ottawa. J’étudie au Lisgar Collegiate Institute depuis trois ans maintenant. Je pratique le volleyball de haut niveau en-dehors de l’école. J’aime bien mon rôle d’entraîneuse et enseigner les sciences à titre de conseillère de camp. Une fois mon secondaire terminé, j’espère pouvoir étudier en génie civil. Les mathématiques ont toujours suscité un sentiment d’admiration en moi qui n’a fait que s’intensifier depuis que je suis dans la classe de mathématiques de M. Tang.
Xavier Haziza
Je suis en secondaire 5 au Lisgar Collegiate Institute. Après le secondaire, je compte étudier en génie mécanique à l’Université d’Ottawa ou à l’Université McGill.
Neala Sinclair
Je suis une élève de secondaire 5 au Lisgar Collegiate Institute et je participe à une variété d’activités parascolaires, comme le ski nordique, le soccer féminin de mon école et le comité de l’album de finissants. En ce moment, je prévois étudier en architecture ou dans un domaine connexe.
Cayden Hall-Varty
Je suis un élève de secondaire 5 au Lisgar Collegiate Institute, où j’étudie depuis trois ans. Je vis à Ottawa depuis toujours, mais je visite le Québec fréquemment. Les mathématiques et l’économie m’intéressent beaucoup. Plus tard, j’aimerais ouvrir ma propre entreprise. Je compte faire mes études universitaires en Nouvelle-Écosse.