Aventures avec le G-AKDN - Chapitre 4
Je travaillais dans mon hangar un soir d’hiver, il y a quatorze ans de cela, lorsque mon ami James Brooke est passé me voir. J’avais fait la connaissance de James il y a quelques années lorsqu’il s’était porté volontaire pour piloter l’un des Aircoupe de notre flotte que nous offrions au programme de vol Young Eagles de l’Experimental Aircraft Association (EEA). James était professeur de mathématiques à l’Université de la Saskatchewan. Il avait travaillé un certain temps au Royaume-Uni et avait un faible pour les aéronefs britanniques. Ce soir-là, il avait apporté une liste d’appareils Bulldog utilisés pour la formation dans la Royal Air Force qui étaient offerts à l’encan au Royaume-Uni. Passant en revue la liste des appareils, nous avons découvert, tout au bas de la page, cette simple inscription : de Havilland Chipmunk no 11 G-AKDN.
Wow! De tous les Chipmunk au monde que l’on voudrait acquérir, ce serait bien celui-là! La passion de James pour les Chipmunk égalait à la mienne. J’étais vraiment emballé à l’idée de faire une offre pour le G-AKDN. Puis, James m’a signalé que cette inscription datait d’il y a deux ans! Quoi! Quelle n’a pas été ma déception! C’était le Chipmunk dont je rêvais. Je le considérais comme un autre trésor national du Canada. Je me demandais où il se trouvait à ce moment.
James est rentré chez lui pour effectuer des recherches. Il a rapidement découvert que l’appareil avait été retiré des enchères et vendu à titre privé à Phil Derry, un résident du Yorkshire, au R.-U. James s’apprêtait justement à partir pour le R.-U. à l’occasion du congé de Pâques et a retracé M. Derry. Il lui a demandé s’il était apparenté d’une manière ou d’une autre au renommé pilote d’essai sur appareils de Havilland, John Derry. Phil a répondu qu’il était le cousin au deuxième degré de John. James lui a ensuite demandé comment il est devenu propriétaire du KDN. Phil lui a indiqué qu’il avait entendu dire, alors qu’il prenait une bière, que l’avion de John Derry allait être vendu aux enchères. Il a donc communiqué avec le propriétaire, et l’a convaincu de retirer l’appareil des enchères et de le lui vendre. Phil n’avait pas informé sa femme, Jackie, mais, plus tard dans une soirée, quelqu’un lui a posé une question au sujet de son achat d’un Chipmunk. Jackie croyait qu’il avait acheté un animal de compagnie (le chipmunk est un petit écureuil, un tamia ou un suisse)! Par chance, elle est une personne généreuse, et Phil a conservé l’avion à bord duquel il s’est exercé au pilotage de base avec ses deux fils. James a organisé un rendez-vous avec Phil pour voir le KDN qui était remisé dans un coin obscur d’un hangar de l’aérodrome Bagby, dans le Yorkshire. Il était peint de tons de blanc, jaune et noir éclatants des années 1970. C’était une finition d’une grande visibilité, excellente pour voler dans l’espace aérien achalandé du R.-U., mais qui masquait certainement son origine et son magnifique fuselage. Lorsqu’il a appris notre enthousiasme pour l’histoire du KDN et notre désir d’acquérir et de faire voler cet appareil, Phil a décidé de s’en séparer.
De retour à Saskatoon, nous avons consulté un expert local du Chipmunk, Tom Coates, sur la façon de démanteler un de ces appareils pour le ranger de façon sécuritaire dans un conteneur d’expédition. Rappelez-vous que je n’avais effectué qu’un bref vol à bord d’un Chipmunk bien des années auparavant, et que James et Karen ne n’en avaient jamais pris les commandes. Sa mécanique et son fonctionnement nous étaient pratiquement inconnus. Tom nous a prêté des supports de fixation et, munis de valises remplies de sangles à cliquet et d’outils, James, Karen et moi-même nous sommes envolés vers le R.-U. Phil est venu nous prendre à York et nous a emmenés à sa belle maison de campagne située sur une colline dominant un petit village. Le lendemain, nous nous sommes rendus à l’aérodrome de Bagby, une petite installation située sur un coteau dans le Yorkshire. La petite piste s’étendait entre des hangars de métal et de bois. Un pavillon non conventionnel surmonté d’une tour faisait office de bureau, de salle pour les pilotes et de cuisine pour le thé. Il ne ressemblait en rien aux aéroports que nous avions vus au Canada. C’était comme se trouver sur les lieux d’un tournage d’un film de hobbits. Heureusement pour nous, la société Graham Fox Aircraft Engineering avait son siège dans un complexe de hangars derrière la tour. Graham a été pour nous un sauveur. Il connaissait bien les Chipmunk et le KDN en particulier. Il s’est montré très discret au début. Je crois qu’il nous jaugeait. Qui étaient ces Canadiens fous arrivés de nulle part qui s’attendaient à démanteler un KDN pour le mettre dans le grand conteneur d’expédition brun qui avait été livré quelques jours auparavant?
Accompagné de Karen et de James, je me suis rendu au grand hangar de métal obscur qui abritait toujours le KDN dans le fond. C’était la première fois que Karen et moi voyions le KDN. Quelques pas rapides autour de l’appareil ont soulevé mon enthousiasme. Je pouvais discerner le diamant brut sous la couche de poussière et de mauvaise peinture. Lorsque je me suis assis dans le siège du pilote et pris les commandes, j’ai cru que celles-ci avaient été débranchées! Le manche, le gouvernail de direction et le gouvernail de profondeur n’avaient aucune tension et pendouillaient tout simplement. Ce n’est que lorsque j’ai regardé les ailes et vu que les ailerons suivaient mes moindres mouvements que j’ai compris à quel point les commandes du Chipmunk étaient légères et précises. J’ai découvert par la suite que ces appareils sont aussi agréables à manœuvrer en vol qu’au sol. Wow. Je suis assis dans un Chipmunk, et il est à nous! Certains rêves se réalisent.
À suivre...