Aventures avec le G-AKDN - Chapitre 22
La pluie martèle le toit en métal du hangar tellement fort qu’on ne s’entend presque pas parler. Nous préparons le KDN pour la course qui a lieu en fin de semaine. Outre son numéro 54, il arbore un splendide décalque du Royal Aero Club. Cent-soixante kilomètres plus loin, sur le site de l’événement, les 1000 collines sont voilées par les nuages bas, balayés par les rafales. La météo n’annonce rien de bon pour samedi, jour de la Steward’s Cup. Nous devons participer à cette course si nous voulons nous qualifier pour la King’s Cup, qui doit avoir lieu dimanche. Il semble que la Steward’s Cup sera reportée à dimanche, ce qui pourrait reporter la King’s Cup à un autre jour, voire l’annuler. Quelle déception!
Tard en soirée samedi, nous apprenons que les pilotes qui sont là-bas ont pu effectuer un vol d’exercice malgré les nuages bas et les rafales. Il y avait tellement de turbulence qu’ils en perdaient leurs casques et devaient voler plus bas que les sommets des collines. On nous dit alors que les deux courses se tiendront dimanche. Nous sommes pris au dépourvu. Ce changement n’est pas dans nos plans et il pleut encore ici. Nous devons parcourir les 160 km de distance en matinée pour arriver à temps pour la réunion d’information obligatoire, puis effectuer les deux courses de 160 km l’une après l’autre, et revenir chez nous avant la tombée de la nuit. Le poil me dresse sur les bras et j’ai cette petite voix que j’ai appris à écouter en 45 ans d’expérience qui me dit de me retirer. Je ne prends pas de décision tout de suite et me laisse la nuit pour y penser.
Je repense à toutes les aventures extraordinaires que nous a fait vivre le KDN, ainsi qu’aux gens formidables que nous avons rencontrés. Nous avons eu beaucoup de chance malgré la mauvaise température que nous avons connue cet été au Royaume-Uni. Je pense au KDN et à sa longue vie : d’abord un prototype, il est devenu un avion d’essai, puis une vedette commerciale, un avion de course et un avion sportif. C’est un survivant. Heureusement, il a été piloté par des pilotes chevronnés et bienveillants, qui en ont pris soin. Beaucoup d’autres Chipmunks n’ont pas survécu en raison de mauvaises décisions. Le KDN a toujours été prêt à partir quand on le voulait, et il est encore prêt aujourd’hui à entreprendre ce qui commence à ressembler à une difficile journée de vol.
Au milieu de la nuit, je réveille Karen et lui dis que nous n’y allons pas. Le KDN n’a rien à prouver. Sa King’s Cup, il l’a déjà. À 70 ans, il peut maintenant se retirer dans la gloire après toute une vie de loyaux services. Il ne mérite pas de se faire balloter aux grands vents à basse altitude dans les collines. Je dois le livrer à son nouveau propriétaire dans quelques semaines. Je ne vais pas l’exposer à des risques inutiles et j’ai décidé de ne pas faire d’autres courses. Le KDN va demeurer au sol et nous allons le préparer pour son dernier événement spécial en fin de semaine prochaine au Goodwood Revival, alors qu’il participera au concours d’élégance Freddie March Spirit of Aviation. Ce n’est pas une course. C’est une compétition où des juges l’évalueront en fonction de son passé historique, de son état actuel, de son originalité, de la qualité de sa conservation et des efforts qui ont été déployés pour participer à l’événement. Je pense qu’il fera très bonne figure et qu’il mérite toute l’attention qu’il aura.
Pendant que je mets la touche finale au polissage, je réfléchis aux moments passés ensemble. La pluie continue de tomber sur le toit du hangar, laissant quelques larmes couler sur les ailes.
À suivre...