Le protecteur de la forêt
Cet article a initialement été rédigé et soumis pour faire partie du recueil de récits d’innovation du projet Canada 150 visant à réunir des témoignages sur l’innovation canadienne en collaboration avec des partenaires de partout au pays. Il a maintenant été intégré au Réseau Ingenium, un portail numérique qui met en vedette du contenu en lien avec les sciences, la technologie et l’innovation.
Jörg Bohlmann, The University of British Columbia, a participé au séquençage du génome de l’arbre de la plus grande importance économique au Canada. Sa recherche freinerait la lourde menace du dendroctone du pin ponderosa pour la forêt boréale
Par Christopher Pollon
En 1995, au premier jour d’un stage postdoctoral à la Washington State University, Jörg Bohlmann a reçu une demande de son superviseur : mettre de côté ses recherches sur la génétique d’un menthol antimicrobien présent dans la menthe poivrée pour consacrer quelques mois à l’identification des gènes associés à la défense chimique des conifères? Il a accepté à contrecœur.
« Vingt ans plus tard, la recherche sur les conifères me fascine toujours », rigole M. Bohlmann, chercheur d’origine allemande qui s’est joint à The University of British Columbia en 2000. Grâce à ses travaux aux Laboratoires Michael Smith financés par la FCI sur le campus de l’établissement à Vancouver et au Centre des sciences génomiques Michael Smith du Canada, également financé par la FCI, M. Bohlmann a contribué de façon importante à la génomique forestière. En mai 2013, il faisait partie de la première équipe au monde à séquencer le génome de l’épinette blanche, l’arbre qui a la plus grande importance économique pour le secteur forestier canadien. Cette percée accélère et améliore des arbres, tout en optimisant certains aspects recherchés par l’industrie forestière, comme la résistance aux insectes et un bois de grande qualité.
Ses travaux ont résolu deux mystères fondamentaux de l’infestation du dendroctone du pin ponderosa en Colombie-Britannique. Depuis le début des années 1990, le dendroctone du pin ponderosa, une espèce indigène de la Colombie-Britannique, a proliféré en partie en raison d’une suite d’hivers doux. Il a ravagé plus de 18 millions d’hectares ‒ un territoire représentant cinq fois la dimension de l’île de Vancouver ‒ recouverts de pins tordus de première qualité, la variété de pin la plus répandue à l’intérieur des terres de la province.
M. Bohlmann et ses partenaires ont été les premiers à aligner des séquences génomiques bien définies du dendroctone et du champignon du bleuissement. Ce dernier travaille en symbiose avec l’insecte qui le transporte sur sa tête d’un arbre à un autre pour vaincre les mécanismes de défense naturelle du conifère, ce qui permet ensuite au coléoptère de le dévorer. L’équipe de M. Bohlmann a ciblé certains gènes précis par lesquels le dendroctone et le champignon pénétre dans un arbre vivant pour court-circuiter ses mécanismes de défense naturelle.
Après avoir épuisé ses réserves alimentaires, l’insecte poursuivra-t-il sa route vers l’Alberta et encore plus loin, en s’adaptant au pin de Banks ‒ l’espèce de pin dominante des forêts boréales canadiennes ‒ dévorant tout sur son passage en direction de la côte de l’Atlantique. L’équipe de chercheurs a participé à l’établissement de marqueurs génomiques pour conclure, en 2011, que certains arbres décimés par l’insecte ravageur en Alberta étaient, en fait, des hybrides de pins tordus et de pins de Banks, ce qui confirme la menace contre cette essence et la forêt boréale. Selon M. Bohlmann, « les résultats de recherche ont convaincu les gouvernements de l’Alberta et de la Saskatchewan d’élaborer un plan d’action conjoint. »
Transcription
L'équipe de Jean Bousquet, professeur titulaire au Département des sciences du bois et de la forêt à l'Université Laval, étudie la diversité génétique des arbres forestiers du Canada. Il donne aux sélecteurs et aux améliorateurs d’arbres des outils de diagnostic génomique pour accélérer les variétés améliorées et adaptées.