Quelques milliers de mots sur Versare Corporation d’Albany, New York, et le monstre de la rue Atwater / bête de Montréal, l’hénaurme autobus essence-électrique à 8 roues exploité par la Compagnie des tramways de Montréal, partie 1
Bonjour, ami(e) lectrice ou lecteur, et bonne année! Votre humble serviteur peut-il vous souhaiter la bienvenue au premier numéro de 2025 de notre étonnant blogue / bulletin / machin?
Vu la période de l’année, j’ai décidé de rompre avec notre tradition anniversairiale pour la 4ème fois consécutive, et ce afin de vous amener un sujet qui est passé à la trappe quand j’ai mal calculé la longueur d’un article de décembre 2024 (2 parties au lieu de 1). Oups.
Votre humble serviteur s’efforcera d’être plus prudent à l’avenir, afin que nous ne soyons pas obligé(e)s de rompre avec notre sacro-sainte tradition anniversairiale.
J’ai quand même voulu pontifier sur le transport en commun, un mode de transport que j’apprécie beaucoup, même lorsque des individus grassement payés de la Ottawa-Carleton Regional Transit Commission décident, vers la mi-novembre 2024, d’augmenter le coût d’un laissez-passer mensuel pour aîné(e)s de 49 $ à 108 $, et ce sans même l’ombre d’une consultation.
Incidemment, un peu avant la mi-décembre, sentant la fureur d’un grand nombre de leurs électrices et électeurs aîné(e)s, dont votre humble serviteur, les membres du Ottawa City Council votent à l’unanimité pour augmenter le coût d’un laissez-passer mensuel pour aîné(e)s de 49 $ à… 58.25 $, mais revenons à notre récit.
Vous aurez bien sûr remarqué l’inintelligibilité du titre de l’article de magazine au cœur du présent article. Incidemment, encore, traduit grossièrement de son russe original, le dit titre se lit comme suit : Écran de la route – Autobus américains à quatre essieux, le mot écran étant utilisé ici comme il le serait dans l’expression écran de cinéma.
Et oui, une photographie d’un hénaurme autobus exploité entre mai 1927 et mai 1934, je pense, par la Compagnie des tramways de Montréal de… Montréal, Québec, s’est retrouvée dans l’enfer du prolétariat connu sous le nom d’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS), et…
Vous avez une question, n’est-ce pas, ami(e) lectrice ou lecteur qui refuse de se laisser embobiner par de fausses informations? Tant mieux pour vous. Comment votre humble serviteur peut-il être sûr que l’hénaurme véhicule sur la photographie en question est l’autobus essence-électrique à 8 roues Versare exploité par la Compagnie des tramways de Montréal? Une bonne question.
Maintenant, revenez à la photographie et regardez la porte près de l’avant de l’autobus. Voyez-vous un numéro? 800? Vermouilleux. Ceci, ami(e) lectrice ou lecteur, est le numéro de flotte de l’autobus essence-électrique à 8 roues Versare exploité par la Compagnie des tramways de Montréal.
Incidemment, Za Rulem est le premier magazine automobile publié en URSS. De fait, jusqu’en 1989, il semble être le seul magazine automobile publié en URSS.
Le premier numéro de Za Rulem sort en avril 1928. En 1929, cette publication mensuelle devient un magazine bimestriel. Elle disparaît des kiosques en 1941 suite à l’invasion de l’URSS par l’Allemagne national-socialiste et ne revient à ses lectrices et lecteurs qu’en 1956, sous forme de magazine mensuel. Za Rulem devient une publication privée à la suite de la disparition de l’URSS, en décembre 1991. Ce magazine est toujours publié à la fin de 2024.
Le début d’une histoire étant un bon point de départ pour une pontification, remontons dans le temps, jusqu’en novembre 1886 et la naissance, à Davenport, Iowa, d’Oliver F. Warhus.
Machiniste de métier, Warhus accepte néanmoins, en 1907, de rejoindre un de ses frères, Robert M. Warhus, lui aussi machiniste, dans un secteur d’activité quelque peu différent, Warhus Brothers Undertakers d’Alleghany City, Pennsylvanie.
Pour une raison ou une autre, Warhus abandonne ce travail de croque-morts et retourne à son ancien métier en 1910, lorsqu’il s’installe à Jackson, Michigan, où il occupe le poste de surintendant général chez Fox Machine Company, une firme qui produit des fraiseuses et perceuses à colonne pour l’industrie automobile en plein essor des États-Unis.
Plus tard, Warhus rejoint le personnel d’American Cement Machine Company de Keokuk, Iowa.
Au plus tard en 1921, il est à Philadelphie, Pennsylvanie, travaillant pour une firme que votre humble serviteur n’a pas encore identifiée.
En 1924, cependant, Warhus est à Albany, New York, où il peut, je répète peut, avoir travaillé pour Consolidated Car Heating Company, une firme impliquée, entre autres, dans la production d’équipements de chauffage, éclairage et ventilation pour wagons.
C’est au cours de cette année-là que Warhus commence à travailler sur une idée. Un banquier d’Albany et cadre de Consolidated Car Heating aime ce qu’il voit. De fait, Frederick S. Pruyn décide d’investir dans l’idée de Warhus, un trolleybus dont les 8 roues sont montées en 2 groupes de 4 roues, ou bogies.
D’après ce que votre humble serviteur peut comprendre, ces deux bogies doivent être utilisés pour diriger les nouveaux trolleybus. Voyez-vous, ils peuvent tourner à droite ou gauche. Mieux encore, les roues avant de chaque bogie peuvent également tourner à droite ou gauche. Cette configuration inhabituelle et innovante permet aux trolleybus de Warhus d’effectuer des virages étonnamment serrés et, par conséquent, de négocier des virages et obstacles à la circulation qui auraient laissé à sec les trolleybus ordinaires de l’époque.
Incidemment, un trolleybus / trolley est un autobus électrique qui tire son énergie d’une paire de fils aériens.
Versare Corporation d’Albany est incorporée en juillet 1925. Warhus est apparemment le vice-président et ingénieur en chef de la firme.
Une brève digression si vous me le permettez. Que signifie selon vous le mot versare, ami(e) lectrice ou lecteur polyglotte? En latin, ce mot signifie tourner ou tordre, dites-vous? Très bien, mais revenons à notre histoire.
Warhus, Pruyn et leurs associés espèrent que leur nouveau concept répondrait aux besoins de la filiale d’exploitation d’autobus ou trolleybus d’une société d’exploitation de tramways basée à Albany, United Traction Company. Malheureusement, Capital District Transportation Company d’Albany choisit d’acquérir un modèle existant de trolleybus produit par une autre firme.
Au milieu de l’année 1925, cependant, Versare veut produire des autobus, mais pas n’importe quel type d’autobus. Nenni. Elle veut produire des hénaurmes autobus essence-électriques à 8 roues capables d’accueillir jusqu’à 44 passagères et passagers assis(e)s avec de la place pour 52 autres debout.
Les 8 roues de ces mastodontes innovants, voire carrément révolutionnaires, doivent être montées sur deux bogies à 4 roues. Et oui, ces deux bogies doivent être utilisés pour diriger les nouveaux autobus. Voyez-vous, ils peuvent tourner à droite ou gauche. Mieux encore, les roues avant de chaque bogie peuvent également tourner à droite ou gauche. Cette configuration permettrait aux autobus de Warhus d’effectuer des virages étonnamment serrés et, par conséquent, de négocier des virages et obstacles à la circulation qui auraient laissé à sec les autobus ordinaires de l’époque.
Bien que lourd, le nouvel autobus ne dépasserait pas la charge maximale autorisée sur les routes, et ce grâce à son grand nombre de roues.
Et oui, ami(e) lectrice ou lecteur observatrice et observateur, les nouveaux autobus ressembleraient beaucoup à des tramways / trolleybus ou wagons de passagères et passagers de chemin de fer standards. De fait, ces véhicules sont l’inspiration de Warhus dans son effort.
Versare peut compter sur un partenaire puissant dans son effort. Ce partenaire est en fait un géant industriel américain, Westinghouse Electric and Manufacturing Company de Pittsburgh, Pennsylvanie, mentionné dans quelques numéros de notre électrisant blogue / bulletin / machin, et ce depuis juillet 2018.
Le personnel de Versare réalise un prototype de validation de principe de son véhicule géant au plus tard en avril 1925.
En juillet, il travaille sur le prototype d’un camion à 8 roues capable de transporter une charge utile d’environ 13 600 kilogrammes (environ 30 000 livres). Deux exemplaires de ce mastodonte sont apparemment réalisés.
L’un d’entre eux peut, je répète peut, finir avec le service des travaux publics de Bloomington, Illinois. Voyez-vous, un véhicule décrit, en traduction, comme son « gros camion de 10 tonnes Versare, » est utilisé pour transporter 8 bateaux à Vienna, Illinois, fin janvier 1937. Ces bateaux sont immédiatement utilisés pour des opérations de sauvetage lors du Great Flood of 1937, en français la grande inondation de 1937. Début février, ce même véhicule transporte plusieurs tonnes de vêtements dans la zone dévastée.
A ce qu’il semble, le camion de Bloomington est réquisitionné par les autorités fédérales fin janvier. Il est vraisemblable qu’il revient à Bloomington à un moment donné en février ou mars 1937.
Centrée sur la rivière Ohio, la grande inondation de 1937 tue environ 350 personnes en janvier et février 1937, et laisse environ un million de personnes sans abri, et ce dans une demi-douzaine d’états.
Avant que je ne l’oublie, Versare approche la United States Army au plus tard en 1927 pour voir si elle peut être intéressée par un camion à 8 roues.
Un véhicule de ce type est exposé et démontré aux assemblée annuelle et démonstration de l’Army Ordnance Association, tenues au Aberdeen Proving Ground de la United States Army, près d’Aberdeen, Maryland, en octobre 1927. Un autre camion, le même véhicule peut-être, est exposé et démontré en juin 1929, aux Military Transportation Pageant and Exposition qui se déroulent au Holabird Quartermaster Depot, à Fort Holabird, une base de la United States Army située près de Baltimore, Maryland.
De ce qu’il en semble, la réponse des militaires américains est un non poli.
Le premier autobus à 8 roues Versare. Anon., « Les autobus pétroléo-électriques, à 8 roues, d’Albany (E.-U.). » Le Génie civil, 22 août 1925, 176.
Quoi qu’il en soit, les tests effectués avec le prototype de validation de principe du susmentionné autobus sont si satisfaisants que la firme décide de fabriquer un véritable autobus. Le maire de New York, New York, l’avocat américain John Francis Hylan, ainsi qu’un certain nombre de fonctionnaires municipaux et hommes d’affaires voient ce véhicule en septembre 1925. Ils sont fortement impressionnés.
Ce véhicule est apparemment exposé aux convention et exposition de l’American Electric Railway Association qui se tiennent à Atlantic City, New Jersey, au début d’octobre 1925. Les gens qui le voient sont vraisemblablement impressionnés eux aussi.
Westinghouse Electric and Manufacturing fournit les deux moteurs électriques, un par bogie, qui transmettent leur puissance aux roues du nouvel autobus. Cette puissance provient d’un générateur électrique, également fourni par Westinghouse Electric and Manufacturing, qui est activé par un moteur à essence.
Les générateur et moteur à essence du véhicule forment une unité facilement amovible, à l’avant. Cette unité peut être retirée et remplacée en 60 minutes environ, voire moins.
Le géant de Versare peut, je répète peut, être un consommateur d’essence hors pair. Croiriez-vous qu’une source suggère que sa consommation de carburant est d’environ 118 litres aux 100 kilomètres (environ 2.4 milles par gallon impérial / environ 2 milles par gallon américain)? Wah!
La structure même de la section passagères et passagers du nouvel autobus est aussi innovante que son système de puissance. Voyez-vous, le véhicule n’a pas vraiment de châssis. Sa structure principale est une charpente en treillis très solide, semblable à celle d’un pont. Cette charpente est constituée d’une série de caissons monocoques interchangeables en alliage d’aluminium, également recouverts d’alliage d’aluminium, qui sont soudés ensemble. Le nombre de caissons peut être réduit ou augmenté en fonction des besoins d’un opérateur. Plutôt astucieux, non?
Cette charpente est fixée au plancher de l’autobus, qui est constitué de plaques de charpente en acier.
Les deux bogies et leurs 8 roues, ainsi que le compartiment moteur et le compartiment du conducteur et de la porte avant, sont fixés à la structure principale de l’autobus.
Chaque autobus peut transporter jusqu’à 99 passagères et passagers, dont 39 sont assis(e)s sur des sièges transversaux standard et un siège en rotonde s’étendant le long des côtés et de l’arrière de la cabine. Chaque autobus transporte également un chauffeur et un conducteur / contrôleur.
Aussi innovant que soit sans aucun doute le mastodonte de Versare, on peut soutenir qu’il est plus complexe et plus cher qu’un véhicule plus conventionnel. Il est également très gros. Ceci étant dit (tapé?), l’élimination de la boîte de vitesses et de l’embrayage devrait, espère-t-on, diminuer les coûts d’entretien et réparation du véhicule. De plus, ce véhicule est plus silencieux et plus fluide qu’un autobus à essence de taille similaire, si un tel véhicule existait – et aucun n’existe à l’époque.
Quoi qu’il en soit, et comme on peut s’y attendre, la taille énorme, la transmission innovante et la silhouette inhabituelle du véhicule à 8 roues de Versare ne passent pas inaperçues.
De fait, il fait l’objet d’une couverture de presse détaillée dans des revues spécialisées, et ce tant aux États-Unis qu’à l’étranger. Il suffit de citer les articles parus en 1925 dans Automotive Industries, Bus Transportation, Electric Railway Journal, Electric Traction, Railway Age et The Commercial Motor, une publication britannique.
Des firmes qui produisent des éléments du nouveau véhicule publient des publicités dans divers magazines américains.
Croiriez-vous qu’Aluminum Company of America de Pittsburgh publie une brochure intitulée A Revolution in Transportation en juin 1926 afin de souligner sa contribution au développement du géant de Versare?
La direction de Versare indique qu’elle n’envisage pas de vendre ses géants à des firmes concurrentes des chemins de fer. Nenni. Ses clients seraient ces mêmes chemins de fer, ou leurs filiales d’exploitation d’autobus / autocars. Remarquez, la direction espère aussi vendre quelques véhicules à des sociétés de transport en commun.
Agile, confortable, d’accès facile et capable de maintenir une vitesse de près de 50, voire 55 km/h (30, voire 35 mi/h), le géant de Versare a beaucoup à offrir.
Sur une durée de vie prévue de 10 ans, il est prévu qu’il puisse parcourir environ 675 000 kilomètres (environ 420 000 milles) en zone urbaine ou environ 965 000 kilomètres (environ 600 000 milles) en zone interurbaine.
Soit dit en passant, la distance moyenne entre la Terre et la Lune est d’environ 385 000 kilomètres (environ 240 000 milles).
Désireuse de vendre ses produits, Versare envoie un de ses géants à 8 roues, son premier autobus de ce type en fait, aux congrès et exposition de l’American Electric Railway Association qui se tiennent à Cleveland, Ohio, en octobre 1926.
Un des deux autocars à 8 roues Versare livrés à Alton Transportation Company d’Alton, Illinois, tel qu’il apparaît dans une publicité publiée par Waukesha Motor Company de Waukesha, Wisconsin. Anon., « Waukesha Motor Company. » Electric Railway Journal, 25 septembre 1926, 129.
Un des deux autocars à 8 roues Versare livrés à Alton Transportation Company d’Alton, Illinois. Anon., « Bus Operation by Steam Railroads. » Bus Transportation, July 1926, 401.
Deux autocars Versare livrées en mai 1926 à Alton Transportation Company de… Alton, Illinois, une filiale de Chicago & Alton Railroad Company de… Chicago, Illinois, entrent en service en octobre de cette année-là.
Incidemment, ces véhicules se déplacent par la route d’Albany à Alton, et ce avec 4 arrêts dans jusqu’à 5 états le long du chemin. Voyez-vous, Versare est très désireuse de démontrer ses nouveaux mastodontes à diverses firmes ferroviaires et de transport en commun.
Une fois en service, ces véhicules, selon toute vraisemblance les premiers autocars essence-électriques exploités, bien qu’indirectement, par un chemin de fer sur la planète Terre, prennent et déposent des passagères et passagers dans des gares ainsi que de grands hôtels et centres d’affaires situés entre St. Louis, Missouri, et Jacksonville, Illinois. La distance parcourue dans un sens est d’environ 150 kilomètres (environ 95 milles). Alton Transportation propose deux départs par jour, dimanche inclus ou non, je ne saurais dire.
Alton Transportation commande deux véhicules supplémentaires en janvier 1927. Ils sont livrés en cours d’année, une affirmation apparemment appuyée par le vice-président / directeur général de cette firme. Mieux encore, Versare affirme également avoir livré un véhicule à Cleveland Railway Company de… Cleveland, la société de transport en commun de la ville, ce qui pourrait signifier que Versare a construit jusqu’à 6 de ses mastodontes à 8 roues.
Et oui, Chicago & Alton Railroad crée Alton Transportation en février ou mars 1926 pour concurrencer les exploitants d’autocars qui lui avaient récemment fourni une concurrence acharnée. Cette firme ferroviaire est en effet dans une situation désespérée. Voyez-vous, elle est en redressement judiciaire depuis août 1922.
Il s’avère qu’Alton Transportation ne fonctionne pas trop bien. Voyez-vous, Jacksonville Bus Line Company de… Jacksonville, Illinois, obtient son permis d’exploitation en octobre ou novembre 1928, une mesure temporaire selon Chicago & Alton Railroad. Il s’avère, encore une fois, que Jacksonville Bus Line acquiert Alton Transportation en mai 1930. Chicago & Alton Railroad, quant à lui, est vendu aux enchères publiques en décembre 1930.
Que dire des géants Versare de la firme, demandez-vous, ami(e) lectrice ou lecteur? Eh bien, Cleveland Railway en acquiert au moins deux, en 1928, je pense. Rapidement jugés trop encombrants, ils sont envoyés à la ferraille.
Incidemment, le prototype du géant de Versare est acquis à un moment donné par Capital District Transportation. Il est lui aussi envoyé à la ferraille, à une date indéterminée, et…
Vous avez une question, ami(e) lectrice ou lecteur? Et le monstre de la rue Atwater et bête de Montréal mentionné(e) dans le titre de cet article, me demandez-vous? Comme d’habitude, une bonne question.
Votre humble serviteur y répondra dans quelques jours. En attendant, carpe diem, ami(e) lectrice ou lecteur impatient(e). Patientia semper est summa virtus Homo sapiens.